BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin Caron de)


BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin Caron de) 1732-1799

 

Biographie

Si Beaumarchais a peu de naissance, il n’en a pas moins une famille très présente et très aimée : Pierre-Augustin, fils de l’horloger Caron, qui doit le nom de Beaumarchais à une maison de sa première femme, et son anoblissement à l’argent, à la différence de tant de parvenus, revendique sa filiation roturière au même titre que sa noblesse, récente mais personnelle. Vif, ami des plaisirs et des femmes, il est aussi le bon fils des drames bourgeois, dévoué à sa famille et fort de son soutien, entouré par l’affection de ses cinq sœurs. Mais cette famille n’est pas fermée. La boutique de l’artisan est ouverte sur la ville. On y joue de la musique, on y lit des romans, on y parle d’abondance. Le travail d’horlogerie est créatif : Beaumarchais invente en juillet 1753 un nouveau système d’échappement pour le ressort des montres. Il doit défendre sa découverte contre un confrère de son père qui, abusant de sa confiance, s’en est attribué la paternité. Devant l’inertie judiciaire, il écrit au Mercure, en appelle à l’Académie des sciences et obtient gain de cause. Sa victoire lui permet d’être reçu par le roi et ses filles – à qui il donnera bientôt des leçons de musique – et d’être introduit à la cour. Il fait un premier mariage avantageux mais perd sa femme avant de pouvoir en hériter. Il se lie et s’associe avec le financier Pâris-Duverney, devient homme d’affaires, s’enrichit, et achète une charge qui l’anoblit. Il fréquente Le Normand d’Étioles, financier et mari de Mme de Pompadour ; pour divertir sa société, il écrit des Parades, courtes comédies à la mode, qui sont représentées sur la scène privée de son riche ami. Il part pour l’Espagne en 1764, où l’appellent des affaires de famille et d’argent : à Madrid, il s’emploie vainement à marier sa sœur Lisette avec son prétendu, Clavijo, qui se dérobait, et ne réussit pas plus dans les projets mirifiques qu’il agitait. Il racontera plus tard cet épisode qui devait inspirer Goethe, dans les Mémoires contre Goezman, avec un sens étonnant du drame et du roman. Pendant les années qui suivent son retour à Paris, il fait jouer un drame, Eugénie, à la Comédie-Française (1767) se remarie, puis perd sa femme en 1770 et, la même année, son ami Pâris-Duverney. Beaumarchais entre dans une période de grandes difficultés.

Sa réussite lui avait valu beaucoup d’ennemis, mais le procès qui l’oppose au comte de La Blache, l’héritier de Pâris-Duverney, va déboucher sur une véritable coalition d’obstacles placés sur son chemin. La mauvaise foi et la cupidité de son adversaire n’ont d’égales que celles du juge corrompu qui rapporte contre lui : le conseiller Goezman. Une méchante affaire de femme avec le duc de Chaulnes vient tout compliquer et le conduit en prison. Beaumarchais se débat et publie des Mémoires justificatifs où éclatent ses talents de rhéteur et son intelligence précise. Ce sont des textes travaillés à la manière de Voltaire, mais avec un humour et un sens de l’émotion qui n’appartiennent qu’à leur auteur et entraînent la conviction. Si, dans un premier temps, il n’obtient pas satisfaction devant le tribunal qui se contente de le blâmer à égalité avec son adversaire, il triomphe dans l’opinion publique. Il devient agent secret de Louis XV, puis de Louis XVI, en Angleterre et en Hollande, avec pour mission de faire disparaître des libelles injurieux contre la monarchie. Il convainc son maître de venir en aide aux insurgents d’Amérique et sert d’intermédiaire pour l’achat des armes nécessaires à cette guerre. L’intérêt personnel et l’attachement à une cause juste lui paraissent marcher de conserve.

Au milieu de toute cette agitation, Beaumarchais trouve le temps d’écrire un second drame, Les Deux Amis (1770) et une comédie, Le Barbier de Séville, qui est représentée pour la première fois le 23 février 1775. Il achève Le Mariage de Figaro en 1778. Il lance en 1780 (le prospectus paraît en janvier 1781) le projet d’une grande édition complète des Œuvres de Voltaire et va le mener à bien : c’est l’édition de Kehl dont le dernier volume paraît en 1790. Il est, dès 1776, en conflit avec la Comédie-Française et réussit à regrouper les auteurs dramatiques pour faire valoir leurs droits ; il jette ainsi les bases d’une réglementation de la propriété littéraire qui sera fixée une première fois en 1780 par le Conseil d’État puis par l’Assemblée constituante en 1791. C’est que sa vie d’homme de lettres ne constitue pas pour lui une alternative à son engagement dans la vie sociale. Le choix du théâtre est, à cet égard, significatif : l’esprit de divertissement, poussé au XVIIIe siècle jusqu’à l’ivresse, coexiste avec un sérieux didactique et moral qui le lie délibérément à la société. La campagne d’opinion menée par Beaumarchais pour faire représenter Le Mariage de Figaro en dépit des censeurs fait apparaître cette profonde unité. La pièce est reçue, dans une première version, à la Comédie-Française dès septembre 1781. L’action avait pour cadre la France et les allusions aux abus du régime étaient directes. Le roi, alerté par la rumeur, se fait lire la pièce et est scandalisé par le persiflage de Beaumarchais. Celui-ci révise son œuvre et en transporte l’action en Espagne. Elle est lue partout, dans les cercles de la grande noblesse. Le comte d’Artois en fait préparer la représentation à la cour, mais le 13 juin 1783, au moment où le rideau va se lever, l’interdiction royale est signifiée. La campagne d’opinion cristallise alors une véritable fronde aristocratique. En septembre 1783, le Mariage est joué à Gennevilliers, chez le comte de Vaudreuil, devant le comte d’Artois et l’assistance la plus brillante ; le roi s’est tu. Le 27 avril 1784, c’est la première, dans la nouvelle salle de la Comédie-Française. Le tout-Paris s’écrase dans la salle qui vibre d’enthousiasme et fait un triomphe à la représentation qui sera suivie de cent autres entre 1784 et 1787. La distribution était la meilleure qu’on pût trouver, avec Dazincourt, Molé, Mlles Contat, Saint-Val et Olivier. Cette soirée éblouissante est sans aucun doute l’événement théâtral majeur du XVIIIe siècle, à la fois par sa signification esthétique et son importance politique. La bataille qui va se poursuivre dans la presse, avec ses surprises (l’auteur est à nouveau momentanément incarcéré), prolonge le succès de la pièce. Dernière consécration : Le Barbier de Séville est repris à la cour, avec la reine dans le rôle de Rosine et le comte d’Artois dans celui de Figaro.

Mais, bientôt, l’auteur vient se jeter dans l’affaire Kornmann-Bergasse, dont l’épilogue judiciaire lui sera favorable alors que l’opinion se détachera de lui : Beaumarchais est enveloppé, piégé dans une guerre de pamphlets qui débute en 1787, et l’avocat Bergasse parvient à le faire passer, au début de la Révolution, pour l’incarnation même de la dépravation de l’Ancien Régime. Au reste, l’auteur, malgré quelques sympathies au début, ne se trouve pas en phase avec les événements. Il écrit, avec le musicien Salieri, un opéra, Tarare (1787), qui déconcerte mais connaît un vif succès et dont il modifiera certains éléments en fonction des changements politiques. Puis il donne une suite au Mariage, à La Mère coupable, achevant ainsi une véritable trilogie. Bergasse, sous le nom transparent de Bégearss, y fait figure du traître de mélodrame. Ce drame, après avoir connu un demi-échec en juin-juillet 1792 (du fait, probablement, des événements), réussit honorablement sous le Directoire. Beaumarchais entreprend une nouvelle opération politique et spéculative dans laquelle il va manquer de laisser la vie. L’Assemblée législative se prépare à la guerre et l’infatigable aventurier entreprend de fournir des armes à sa patrie : soixante mille fusils, déposés en Hollande, qu’il s’agit de faire entrer en France. Mais les affaires traînent et les événements vont vite. Il est accusé de cacher ces armes et, le 11 août, le peuple envahit la luxueuse maison qu’il s’était fait construire à côté de la Bastille. On ne trouve rien. Beaumarchais est incarcéré, libéré de justesse au milieu des massacres de septembre 1792 ; il ne renonce pas à défendre ses intérêts et, en pleine Terreur, quitte Londres où il s’était réfugié et vient à Paris où il publie un Mémoire justificatif. Sa tactique réussit : il se rétablit, quitte la France comme commissaire de la République mais se retrouve émigré. Il revient en 1796 et meurt le 17 mai 1799.

Oeuvres

Théâtre

Autres

  • 1773 : Mémoires contre Goezman
  • Mémoires