Changement d'uniforme (Adolphe D'ENNERY)
Comédie-vaudeville en un acte.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 2 juin 1835.
Personnages
LE COMMANDEUR
SÉRAPHIN, séminariste, neveu du commandeur
ANGÉLO, séminariste, neveu du commandeur
AMÉLIE, nièce du commandeur
LISE, femme de chambre d’Amélie
JASMIN, domestique
La scène se passe sous Louis XV.
Le théâtre représente un petit salon ; portes au fond ; fenêtres et portes latérales. Au-dessus des portes, au premier plan, un œil-de-bœuf.
Scène première
AMÉLIE, LISE, ensuite JASMIN
Au lever du rideau, Amélie, placée devant une toilette, achève de se parer. De l’autre côté du théâtre, se trouve sur un fauteuil un habit militaire ; et tout auprès, appuyé au dos du fauteuil, un fusil ; un fouet entoure le fusil. Près du mur un table, sur laquelle est une épée.
AMÉLIE.
Lise, avez-vous sonné ?
LISE.
Oui, mademoiselle, et voici Jasmin.
Jasmin est entré.
AMÉLIE.
Jasmin, prenez mon fouet, mon chapeau, et soignez bien mon cheval ; mon fusil surtout ! enlevez les capucines, dégagez la lumière, et que la batterie soit en bon état... Allez.
Jasmin sort.
LISE.
Mademoiselle, si vous remuez toujours, je n’en finirai pas de vous coiffer.
AMÉLIE.
Ah ! quelle course nous avons faite, mais aussi quel plaisir, quelle gloire !
LISE.
Mon Dieu ! mademoiselle, vous êtes donc bien contente de votre chasse ?...
AMÉLIE, se levant.
Je t’en réponds... deux chevreuils et dix perdreaux abattus en moins d’une heure !
Air d’Aristippe.
J’étais vraiment infatigable ;
Je portais partout la terreur.µ
J’avais un coup d’œil admirable,
Le sang-froid du meilleur chasseur,
Et toujours je frappais au cœur.
Pour bien juger, messieurs, ce que nous sommes,
Que n’étiez-vous présents à mes succès !
J’aurais défié tous les hommes,
J’attrapais tout ce que je voulais. (bis.)
LISE.
Très bien, mademoiselle... Mais permettez-moi de vous faire observer que vous avez eu tort de monter à cheval aujourd’hui ; vous fatiguer ainsi, un jour où vous attendez le retour de monsieur votre oncle le commandeur, qui sans doute amènera de la compagnie !
AMÉLIE.
Oh ! je ne le crois pas ; mon oncle est à Versailles, et il en reviendra seul : il craint trop de m’exposer aux regards de la cour.
Se levant.
Maintenant achevez ma toilette.
Elle retourne à la toilette.
LISE.
M’y voici, mademoiselle.
AMÉLIE.
Et d’ailleurs ne suis-je pas habituée à tous ces exercices violents ; et ne m’avez-vous pas vue déjà faire le matin six lieues à cheval, et le soir, quand par hasard mon oncle réunit ses nobles voisins, danser toute la nuit, comme si ma journée entière s’était écoulée dans un boudoir ?
LISE.
C’est vrai... j’sais qu’il y a en vous deux êtres bien distincts, tellement qu’vos gens s’en plaignent tout haut.
AMÉLIE.
Comment ?
LISE.
Ils disent qu’en vous seule ils ont deux personnes à servir...
AMÉLIE.
Vraiment ?
LISE.
T’nez !... v’là c’ qu’ils répètent tous les jours.
Air du Premier Prix.
C’matin que faut-il qu’on apprête ?
Est-ce un habit, ou des jupons ?...
Des bott’s ou bien un’ collerette ?...
Des paniers ou des éperons ?
Enfin, quand l’ soleil étincelle,
Chacun d’eux fronçant le sourcil,
Se demande : Aujourd’hui prend-elle
Ou son ombrelle ou son fusil ?
AMÉLIE.
Il faut qu’ils se persuadent que je suis mariée, et qu’ils servent mon époux et moi...
LISE.
Ce n’est pas tout... ils vont jusqu’à dire qu’il en est au moral comme au physique ; que vous avez le matin toute la colère, toute la brusquerie d’un homme, et le soir les caprices et la taquinerie d’une...
AMÉLIE.
Assez !... il me semble, à vous entendre, que je réunis en moi seule tous les défauts des deux sexes... C’est déjà bien assez de ceux du nôtre...
LISE.
Oui, c’est déjà gentil...
AMÉLIE.
Et pourtant, je l’avoue, je regrette parfois d’être femme, surtout en songeant à la part que ces messieurs nous ont faite ; pour eux, le pouvoir, le courage, les pensées nobles et généreuses ; pour nous, au contraire, rien que la toilette, les chiffons... Ah ! prenez donc garde... vous placez ce nœud de travers.
LISE.
Le v’là droit...
AMÉLIE.
Et puis il me semble que, si j’eusse été homme, j’aurais aimé à affronter les dangers, à braver les grandes douleurs. Aïe, aïe, aïe, vous me piquez... maladroite... vous m’avez fait un mal affreux ! Ouf !... j’ai cru que j’allais me trouver mal...
LISE.
C’est que j’vous écoutais, mademoiselle... vous disiez d’ si belles choses sur vot’ courage dans les grandes douleurs...
AMÉLIE.
C’est bon, taisez-vous... Mais je ne me trompe pas, une voiture s’arrête à la porte...
Allant voir.
Mon oncle en descend ; vite, emportez cet habit... allons donc...
S’arrangeant.
Mon Dieu ! que je suis mal habillée... que vous êtes maladroite aujourd’hui !
LISE, s’en allant, emportant l’habit.
Bon ! bon ! la v’là en femme ! les caprices et la taquinerie ! comme c’est ça !
Elle sort par la droite, le commandeur entre par le fond.
Scène II
AMÉLIE, LE COMANDEUR
AMÉLIE.
Ah ! mon bon oncle, que je suis aise de vous voir !...
LE COMANDEUR.
Et moi aussi ; j’arrive en toute hâte pour...
AMÉLIE.
Pour me retrouver plus tôt... m’embrasser...
LE COMANDEUR.
Oui... vous retrouver... vous embrasser... et vous gronder, bien fort même, si ça m’est possible...
AMÉLIE.
Que dites-vous ?
LE COMANDEUR.
Je dis que vos extravagances, vos folies, me mettent dans le plus grand embarras...
AMÉLIE.
Mes extravagances, mes folies ?... C’est donc à votre neveu que vous en avez ?... en ce cas, il faut que je passe un habit.
LE COMANDEUR.
Du tout ; c’est vous, ma nièce, que je veux gronder.
AMÉLIE, baissant les yeux.
Alors je vous écoute, mon bon oncle...
LE COMANDEUR.
Eh bien ! mademoiselle, ce sont vos travestissements que je blâme.
AMÉLIE.
Mais, mon oncle, n’est-ce pas vous qui m’avez donné ce goût-là ?... Il me semble même que c’était le résultat d’un plan bien calculé, bien arrêté d’avance...
LE COMANDEUR.
Sans doute, et voilà quel était mon raisonnement... je me disais : J’ai quarante-cinq ans passés...
AMÉLIE.
Cinquante-cinq ans, mon oncle...
LE COMANDEUR.
Du tout, quarante-cinq...
AMÉLIE.
Mais, mon bon oncle, j’ai trouvé hier votre extrait de naissance...
LE COMMANDEUR.
Enfin, soit... comme tu voudras ! Je me disais donc : J’ai quarante-cinq ans passés.
AMÉLIE.
Il y tient...
LE COMMANDEUR.
Et en me mariant maintenant...
AMÉLIE.
Vous vous mariez ?...
LE COMMANDEUR.
Oui !... oui... je vais revenir là-dessus. Je me disais donc : Il faudra attendre bien du temps encore, pour que mon fils aîné puisse m’accompagner à la chasse ; et ce raisonnement était d’autant plus juste, que mon fils aîné pourrait bien être une fille...
AMÉLIE.
C’est encore possible...
LE COMMANDEUR.
Aussi, en vous voyant du goût pour ces exercices, je ne m’y suis pas opposé ; je me disais : Dans trois mois j’épouse ma nièce.
AMÉLIE.
Vous m’épousez ?...
LE COMMANDEUR.
Oui ; j’ai obtenu des dispenses de sa Sainteté...
AMÉLIE.
Ah ! vous avez des dispenses ?
LE COMMANDEUR.
Et comme j’ai promis à ton père mourant de faire ton bonheur, je me décide à ce mariage...
AMÉLIE.
Comment ! vous vous sacrifiez à ce point-là ?...
LE COMMANDEUR.
Ma parole est sacrée !...
AMÉLIE.
Ah ! mon Dieu ! que de choses vous faites pour moi !
LE COMMANDEUR, lui prenant la main.
Je vois que j’en serai bien payé. Je me disais donc : Jusqu’à ce que mon fils soit assez grand, ma femme continuera de m’accompagner, et ensuite elle retournera aux affaires du ménage.
AMÉLIE.
Bien obligée... Mais, en tout cas, je ne vois pas en quoi tout cela peut vous rendre de si mauvaise humeur ?...
LE COMMANDEUR.
M’y voici... Il paraît que, dans une de nos courses dans la forêt de Fontainebleau, vous avez été aperçue par quelque personne de la cour ; car il y a huit jours, à Versailles, le roi s’approcha de moi : « Monsieur le commandeur, me dit-il, vous avez avec vous, dans votre château, un jeune parent de bonne mine dont on m’a parlé. Pour reconnaître vos bons et loyaux services, je veux m’occuper de sa fortune... Voyez mon premier ministre, il vous fera connaître ma volonté. »
AMÉLIE.
Et que veut-on faire de moi ?
LE COMMANDEUR.
Voici maintenant ce que m’a dit le ministre : « Monsieur le commandeur, vous sollicitez un gouvernement... je vous l’accorderai... mais à une condition, c’est que vous nous donnerez votre neveu pour en faire un lieutenant des gardes de Sa Majesté, et qu’il me sera entièrement dévoué. »
AMÉLIE.
Eh bien ! bénissez donc, au contraire, cette idée de me mettre en cavalier.
Vous me devrez votre gouvernement.
LE COMMANDEUR.
Comment ? vous faire lieutenant, vous ?
AMÉLIE.
Pourquoi pas ?
LE COMMANDEUR.
Parce que... et d’ailleurs j’ai parlé au roi de mon futur mariage... Et, quand il signera au contrat, irai-je lui dire : Sire, j’épouse mon neveu, le lieutenant de vos gardes ?... Vous voyez bien que c’est impossible.
AMÉLIE.
Il fallait dire quel était mon sexe.
LE COMMANDEUR.
Pour qu’on vous fit dame d’honneur... Il faudrait aller à la cour...
AMÉLIE.
Tant mieux.
LE COMMANDEUR, sans l’écouter.
Renoncer à ta main... et moi qui ai promis à ton père...
AMÉLIE.
De faire mon bonheur... ah ! c’est vrai !... je n’y pensais plus.
LE COMMANDEUR.
Or, écoutez-moi... En homme de tête, je lui demandai à faire mes réflexions, et tout-à-coup je me rappelai que j’avais dans le séminaire d’Angoulême, chez les révérends pères jésuites, deux jeunes parents, et...
AMÉLIE.
Vous voulez ?...
LE COMMANDEUR.
Choisir l’un des deux... le dégrossir à la hâte pendant les huit jours qu’on m’a donnés pour le présenter...
AMÉLIE.
Et d’un abbé faire un lieutenant ?...
LE COMMANDEUR.
Tout juste : j’ai écrit qu’on me les expédiât poste pour poste !... mais il faut que vous m’aidiez à le former, et surtout à distinguer aujourd’hui même celui qui a le plus de vocation ; car, ce soir, l’autre doit retourner au séminaire.
AMÉLIE.
Et nous n’avons que huit jour pour faire un lieutenant de celui qui restera ?
LE COMMANDEUR.
Air du Baiser au Porteur.
Je veux qu’au bout de la huitaine
Il sache se battre déjà.
AMÉLIE.
De m’écouter s’il prend la peine,
Bientôt, je l’espère, il saura
Quelque chose encore avec ça !...
Notre tâche à tous deux est grande...
LE COMMANDEUR.
Je veux, pour le mettre en crédit,
Lui montrer comme l’on commande.
AMÉLIE, à part.
Et moi, comme l’on obéit.
LE COMMANDEUR.
Il y en a un que tu dois te rappeler, avec lequel tu as passé ta première enfance, Séraphin ?
AMÉLIE.
Séraphin ?... un démon... avec des yeux noirs, des cheveux bouclés, et un goût très prononcé pour les confitures.
LE COMMANDEUR.
Oh !... le séminaire a dû en faire un petit saint...
AMÉLIE.
Tenez, de tout cela je crains bien que ce ne soit moi qui aie le plus de disposition pour la lieutenance.
Scène III
AMÉLIE, LE COMANDEUR, LISE
LISE.
Y a là deux jeunes séminaristes pour monsieur le commandeur !
LE COMMANDEUR.
Ah ! ce sont eux... Dis-moi, ont-ils de la taille... de la figure ?...
LISE.
En fait d’ ça... je ne sais pas trop ce qu’ils ont... parc’qu’ils tiennent la tête baissée... c’est à peine s’ils osent avancer... On dirait qu’ils marchent sur les orties ! Faut-il les faire entrer ?
AMÉLIE.
Sans doute.
LISE, à la cantonade.
Entrez.
Elle sort.
Scène IV
LE COMANDEUR, AMÉLIE, ANGÉLO, SÉRAPHIN
Ils paraissent, se tenant l’un à côté de l’autre, et s’avancent avec timidité.
Ensemble.
Air de la dame Blanche.
LE COMMANDEUR, AMÉLIE, les regardant.
Ils tremblent bien, je pense ;
Pour leur air d’innocence
Il faut de l’indulgence.
Dieu ! quelle contenance !
C’est un des deux pourtant
Dont il faut faire un lieutenant.
ANGÉLO et SÉRAPHIN, à part.
Ah ! je suis tout en transe !...
Que faire ?... je balance !...
Et quelle contenance
Avoir en leur présence ?...
Mon Dieu !... dans ce moment,
Que je regrette mon couvent !
LE COMMANDEUR, brusquement.
Approchez, approchez, messieurs.
AMÉLIE.
N’ayez pas peur.
LE COMMANDEUR, allant à Séraphin, qu’il saisit par la main et qu’il force à descendre la scène avec Angélo.
Il paraît qu’il faut vous faire marcher...
AMÉLIE, à part.
Voilà deux beaux militaires !...
LE COMMANDEUR.
Maintenant causons... votre supérieur vous a dit sans doute pourquoi je vous faisais venir ici ?...
SÉRAPHIN.
Il nous a dit, mon oncle, que vous daigniez vous intéresser à nous, que vous étiez bien avec le roi.
ANGÉLO.
Qui lui-même connaît particulièrement notre Saint-Père le pape ; en sorte que vous pourriez peut-être nous faire obtenir...
LE COMMANDEUR.
Quoi donc ?
SÉRAPHIN.
Des indulgences pour nos fautes...
ANGÉLO.
Et l’autorisation de ne pas faire maigre aussi souvent.
LE COMMANDEUR.
Eh ! mille tonnerres ! ça n’est pas de cela qu’il s’agit... Des indulgences, ne pas faire maigre !... Voyons d’abord... vous vous appelez ?...
SÉRAPHIN.
Séraphin.
ANGÉLO.
Et moi, Angélo.
AMÉLIE.
Voilà qui est très important...
À part.
Le lieutenant Séraphin, ou le capitaine Angélo...
Elle rit.
Ah ! ah ! ah !
LE COMMANDEUR.
Écoutez : j’ai de grands projets sur l’un de vous.
SÉRAPHIN.
De grands projets !... De quoi s’agit-il donc, monsieur le commandeur ?...
LE COMMANDEUR.
Il s’agit de choisir l’un de vous deux pour en faire un lieutenant des gardes.
ANGÉLO et SÉRAPHIN, avec effroi.
Un lieutenant des gardes ! miséricorde !
ANGÉLO.
Ce n’est plus de la compétence de notre Saint-Père le pape.
SÉRAPHIN.
Lieutenant des gardes !... Mais, monsieur, ça boit... ça jure, ça se bat.
LE COMMANDEUR.
Eh bien !... vous boirez, vous jurerez, et vous vous battrez.
ANGÉLO, à part.
Si du moins ça ne se battait pas... on pourrait peut-être se faire au reste...
LE COMMANDEUR, les observant tous les deux et montrant Angélo.
En voici un qui m’a l’air moins effrayé que l’autre.
Haut.
Allons, consultez-vous !... voyez lequel se sent le plus disposé...
SÉRAPHIN et ANGÉLO.
Oh !... ce n’est pas moi...
LE COMMANDEUR.
Je reviendrai tout à l’heure vous interroger... Ma nièce, suivez-moi.
AMÉLIE.
Eh bien ! mon oncle, que vous disais-je ?... De nous trois, je ferais encore le meilleur officier.
Elle sort avec son oncle, en reprenant.
Ensemble.
LE COMANDEUR et AMÉLIE.
Laissons-les en présence ;
Pour leur air d’innocence, etc., etc.
ANGÉLO et SÉRAPHIN.
Ah ! je suis tout en transe...
Que faire ? je balance !...
Contre une lieutenance
Changer mon innocence !...
Mon Dieu !... dans ce moment,
Que je regrette mon couvent !
Scène V
ANGÉLO, SÉRAPHIN
SÉRAPHIN.
Eh bien, Angélo ?...
ANGÉLO.
Eh bien, Séraphin ?...
SÉRAPHIN.
Quelle horrible proposition !...
ANGÉLO.
C’est selon.
SÉRAPHIN.
C’est selon.
À part.
Si je pouvais le décider à accepter...
ANGÉLO.
S’il ne s’agissait que de sortir du couvent...
SÉRAPHIN.
Au fait, ça dépend de la manière de voir !... J’ai toujours remarqué que tu étais plutôt né pour le monde, pour les plaisirs... les fêtes.
ANGÉLO.
Tu crois que j’étais né pour tout ça ?
SÉRAPHIN.
Oui, avec ton caractère, tes goûts, ton esprit surtout, car tu as de l’esprit...
ANGÉLO.
J’ai de l’esprit !... Eh bien ! je l’avais soupçonné.
SÉRAPHIN.
Et si tu restes au couvent, ça ne te servira pas à grand’chose, tandis qu’étant lieutenant...
ANGÉLO.
Étant lieutenant, il faut aller à la guerre... se battre...
SÉRAPHIN.
Oh ! ce n’est pas là le plus effrayant ; mais être exposé cent fois par jour à pécher, être entouré d’objets de tentation... voilà le plus dangereux.
ANGÉLO.
Au contraire, les tentations... moi, ça m’est égal... on y cède, et voilà tout...
SÉRAPHIN.
Comment ?
ANGÉLO.
Sans doute, puisqu’une fois lieutenant on ne s’accuse plus de ses péchés ; car je ne crois pas que les lieutenants aillent à confesse.
SÉRAPHIN.
Certainement.
ANGÉLO.
Or, s’ils ne se confessent pas, personne ne leur inflige de punitions ; alors c’est juste comme s’ils n’avaient pas péché.
SÉRAPHIN.
Voilà un beau raisonnement ! et si nos révérends pères t’entendaient...
ANGÉLO.
Tandis qu’aller à la guerre, on peut être blessé, tué... et...
SÉRAPHIN.
Et c’est ce que tu redoutes ?...
ANGÉLO.
Celui qui se servira du glaive périra par...
SÉRAPHIN.
Mon Dieu !... faut-il que les hommes soient cruels pour se faire si souvent la guerre !
Air : Un homme pour faire un tableau.
N’est-ce pas offenser le ciel
Que de combattre avec furie !...
ANGÉLO.
N’est-ce pas un péché mortel
Que de risquer ainsi sa vie !
SÉRAPHIN.
Tuer son semblable, grands dieux !
Est-il rien de plus effroyable !...
ANGÉLO.
Oui... c’est encor bien plus affreux
D’être tué par son semblable. (bis.)
SÉRAPHIN.
Et les mousquets... les canons... quelles horribles inventions !
ANGÉLO.
Oh ! certes, ça n’est pas moi qui aurais jamais trouvé tout cela ! je n’aurais pas inventé la poudre, par exemple.
SÉRAPHIN.
Aussi, comme j’ai frémi quand j’ai entendu la proposition qu’on nous a faite d’entrer dans le monde !
ANGÉLO.
Eh bien ! pas moi. Je me disais d’abord : Je vais quitter le séminaire, et par conséquent l’édredon et la plume vont remplacer nos oreillers et nos matelas, doucement rembourrés de paille ; et puis je suis d’une complexion délicate, et à la table du commandeur je trouverai, pour me refaire, des mets plus succulents que de la chicorée ou des radis noirs...
SÉRAPHIN.
Eh bien ! mais, arrangeons-nous... accepte la lieutenance.
ANGÉLO.
J’y étais tout disposé... lorsque le dernier chapitre est venu me désenchanter... la guerre !
SÉRAPHIN.
Mais on ne se bat que très rarement.
ANGÉLO.
C’est encore trop.
SÉRAPHIN.
Quelquefois même pas du tout...
ANGÉLO.
Pas du tout... alors ça ferait juste mon compte, et j’accepterais...
SÉRAPHIN.
Allons donc... je te disais bien que tu avais beaucoup de vocation pour l’état militaire.
ANGÉLO.
Oui, en temps de paix... Au fait, tu as raison... je me suis pas fait pour végéter ; il me faut, à moi, des plaisirs, des réunions, du monde, des domestiques, et une bonne table où je puisse m’arrondir.
SÉRAPHIN.
Chut !... voilà le commandeur.
À part.
J’ai réussi, je suis sauvé.
Scène VI
ANGÉLO, SÉRAPHIN, LE COMMANDEUR
LE COMMANDEUR.
Eh bien ! avez-vous réfléchi, vous êtes-vous consultés ?
SÉRAPHIN.
Oui, monsieur le commandeur.
ANGÉLO, à part.
Voilà la peur qui me reprend.
LE COMMANDEUR.
Et quel est celui qui accepte ?...
ANGÉLO.
Ni l’un ni l’autre...
LE COMMANDEUR.
Ni l’un ni l’autre !...
SÉRAPHIN.
Pourtant, mon cousin, tu disais tout à l’heure que tu étais décidé ?
ANGÉLO.
Décidé !... moi...
Bas.
Mais il reste toujours le chapitre de la guerre.
SÉRAPHIN, bas.
Sois tranquille...
Haut.
Seulement une chose l’arrête encore.
ANGÉLO.
Oui, la guerre.
LE COMMANDEUR.
En vérité !... le beau militaire que cela ferait !... un soldat qui aime tout ce qui touche à son état, tout... excepté la guerre.
ANGÉLO.
Oh ! il n’y a absolument que cela...
LE COMMANDEUR.
Il est donc poltron ?...
ANGÉLO, à mi-voix.
Mais...
SÉRAPHIN.
Non... ce n’est pas tout-à-fait ça... Mais c’est un si grand crime que de tuer son prochain !...
LE COM1MANDEUR.
Et c’est le seul motif ?...
ANGÉLO.
Le seul... pourvu que je ne tue pas,
À part.
et que je ne sois pas tué...
LE COMMANDEUR.
Tu consens à quitter la soutane ?...
ANGÉLO.
Et de grand cœur... Je renonce à ma cellule, aux sermons, aux jeûnes et aux radis noirs. D’ailleurs, je vous l’avouerai, je n’avais pas de vocation pour le cloître.
LE COMMANDEUR.
Très bien, mon garçon... tu feras un franc militaire !
SÉRAPHIN.
Il est vrai que souvent j’ai remarqué qu’il ne s’infligeait que la moitié des châtiments qu’on lui ordonnait.
LE COMMANDEUR.
Parbleu !... il avait bien raison...
ANGÉLO, se laissant aller.
Tiens ! avec ça que c’est amusant de se caresser les côtes à grands coups de martinet !... Tandis que, dans le monde, je serai bien soigné, bien nourri, j’aurai un domestique, n’est-ce pas ?
LE COMMANDEUR.
Certainement...
ANGÉLO.
Eh bien ! si on m’ordonne encore quelque pénitence, je le paierai pour qu’il se l’administre à ma place.
LE COMMANDEUR.
Sans doute... j’avais vu tout de suite que ce gaillard-là était mon affaire.
SÉRAPHIN.
Ainsi, voilà qui est décidé.
LE COMMANDEUR.
Et quant au scrupule qui te retient, la crainte de tuer !...
ANGÉLO, à mi-voix.
Et d’être tué !
LE COMMANDEUR.
Nous obtiendrons une dispense de monseigneur l’archevêque.
ANGÉLO.
Une dispense, pour n’être pas tué ?
LE COMMANDEUR.
Allons donc !... pour servir l’état, au lieu de l’église...
ANGÉLO.
Mais entendons-nous...
LE COMMANDEUR.
Encore... Mais je suis tranquille... l’exemple vous fortifiera.
Air : On dit que je suis sans malice.
Quand vous verrez le roi lui-même
Vouloir, dans son ardeur extrême,
La première place aux combats...
Non, vous ne reculerez pas !...
ANGÉLO, vivement.
Quoi ! lorsque le danger menace,
Le roi veut la première place ?
En ce cas, je la retiens, moi.
LE COMMANDEUR, s’applaudissant.
J’en étais sûr...
ANGÉLO, à part.
Afin de la céder au roi. (bis)
LE COMMANDEUR.
Allons, allons, mon neveu, suivez-moi... je vous donnerai vos dernières instructions. Vous, Séraphin, ce soir, vous retournerez au cloître.
ANGÉLO.
Mon pauvre cousin... ne plus le revoir !... Adieu, Séraphin.
SÉRAPHIN.
Adieu !... je prierai pour le succès de tes armes et de ta gloire.
ANGÉLO.
Oui, oui... et surtout ne m’oublie pas auprès de nos bons petits frères...
Air : Une robe légère. (Marie).
Dis-leur bien, je t’en prie,
Que je les trouve heureux,
Et que ma seule envie
Fut de vivre auprès d’eux !
Dis que du séminaire
Il fallut m’entraîner...
Et dis-leur que j’espère }
N’y jamais retourner. } bis.
À Séraphin, en s’en allant.
Adieu !...
LE COMMANDEUR.
Il est charmant !...
Il sort avec Angélo.
Scène VII
SÉRAPHIN, puis AMÉLIE
SÉRAPHIN, seul.
Ah ! je l’ai échappé belle !... Ce soir, moi, je retourne au couvent ! quel bonheur !... je vais reprendre ma vie paisible, loin de la méchanceté des hommes, loin des séductions surtout... Pauvre cousin, que je le plains !... Ciel !... ma cousine !...
AMÉLIE, à part, en entrant.
Voilà qui est étrange ; comment ! c’est Angélo qui veut être lieutenant ! Il m’avait pourtant semblé que Séraphin...il était si gentil, si espiègle autrefois !...
SÉRAPHIN, à part.
Mon Dieu ! me voilà seul avec elle... ça me fait peur...
AMÉLIE, à part.
Mon oncle a décidé que ce serait l’autre... j’ai bien envie, moi, de décider que ce sera celui-ci...
Haut.
Eh bien ! mon cousin... est-ce que vous ne me reconnaissez pas ?
SÉRAPHIN.
Pardonnez-moi, ma cousine... Je vois bien que c’est vous avec qui je jouais quand j’étais tout petit... je m’en souviens.
AMÉLIE.
Ah !vous vous en souvenez...
À part.
C’est bon signe...
Haut.
Mais alors vous n’étiez pas tremblant auprès de moi...
SÉRAPHIN.
Je crois bien, une petite fille de cinq ans...
Air d’Une Mère.
En se reportant à cet âge,
À peine l’on vous reconnaît ;
Votre taille, votre visage,
C’est bien autrement que c’était.
AMÉLIE.
Cela vous déplaît, j’imagine ?...
SÉRAPHIN, naïvement.
Ah ! jugez de mon embarras...
Cela me fait peur, ma cousine,
Mais cela ne me déplaît pas.
AMÉLIE, à part.
Cela ne lui déplaît pas... c’est encore bon signe...
Haut.
Vous avez donc résolu de repartir pour le séminaire ?
SÉRAPHIN.
Résolu... oui, ma cousine...
AMÉLIE.
Eh ! quel motif si puissant vous empêche d’entrer dans le monde ?
SÉRAPHIN.
Son orgueil, sa méchanceté, sa corruption !... Peut-on y faire un pas sans rencontrer partout la perfidie, la fausseté, l’égoïsme ?
AMÉLIE.
Eh ! mon Dieu ! l’effrayante peinture !... Il est vrai que dans le monde on peut rencontrer tous ces vices... mais n’y voit-on pas de vertus ?
SÉRAPHIN.
Mais, ma cousine... dans ce monde où vous avez le malheur de vivre.
AMÉLIE.
Le malheur !...
SÉRAPHIN.
Il faut être bien fort, pour résister sans cesse à tant d’objets de tentation.
AMÉLIE.
Eh ! qui vous a dit qu’on y résiste toujours ? On y succombe bien quelquefois ; mais au moins, dans ce monde, on peut racheter ses fautes par le bien que l’on fait ou le bonheur que l’on donne...
SÉRAPHIN.
On donne du bonheur !... Mais cette morale-là est moins sévère que la nôtre.
AMÉLIE.
Voyons... examinez-vous... La vie que vous menez est-elle bien faite pour vous ?
SÉRAPHIN.
Je ne connais pas l’autre.
AMÉLIE.
Rien de plus beau, sans doute, de plus sublime, que cette mission de servir de modèle aux autres ; mais il ne faut prendre qu’un fardeau que l’on puisse porter...
SÉRAPHIN.
Que dites-vous, ma cousine ?...
AMÉLIE.
Il est d’autres états qu’on peut embrasser... le barreau, par exemple... Être avocat, arracher un innocent au glaive de la loi, entendre bénir son nom par des malheureux !... est-ce que cela ne vous plairait pas ?
SÉRAPHIN.
Si fait, ma cousine.
AMÉLIE.
Il y a peut-être une autre profession qui vous plairait encore, celle des armes ? Le soldat sacrifie sa vie pour protéger ses concitoyens, pour défendre son pays contre l’oppression... croyez-vous que ce ne soit pas un bel état ?
SÉRAPHIN, ému.
Oh ! si, ma cousine... je le crois... je commence à le croire...
À part.
Avec ça qu’elle parle avec un air de conviction.
AMÉLIE, à part.
Voilà qu’il y vient.
Haut.
D’ailleurs l’habit militaire vous irait cent fois mieux que ce costume...
SÉRAPHIN.
Vous pensez ?...
AMÉLIE, avec feu.
Oh ! il me semble vous voir sur un beau cheval caracolant près de notre voiture ; vous êtes revêtu de votre uniforme... Et quand on me demande quel est ce jeune officier, moi, je réponds : C’est mon cousin le lieutenant ; que dis-je ? capitaine, colonel ! car vous serez tout cela...
SÉRAPHIN.
Oh !... assez, assez, mademoiselle.
AMÉLIE, s’animant.
Et votre nom, au retour d’une bataille, tout le monde le prononce avec admiration, car vous l’avez couvert de gloire.
SÉRAPHIN.
Oh ! par pitié... arrêtez, arrêtez... ma cousine... quelles pensées venez-vous réveiller dans mon cœur !
AMÉLIE.
Les réveiller ? vous les avez donc déjà eues...
SÉRAPHIN, avec chaleur.
Eh bien ! oui, oui ; je vous dirai tout... à vous, à vous seule. Quelquefois, au milieu de ma vie paisible, d’étranges tableaux venaient s’emparer de mon esprit... Je me voyais, comme vous le disiez à l’instant, couvert d’un brillant uniforme, à la tête d’un grand nombre d’hommes, en face de l’ennemi. Alors je ne tremblais pas ; mon cœur bondissait, je ne sais pourquoi... mais ce n’était pas de frayeur ; puis un cri s’échappait de ma bouche... En avant, disais-je, en avant, et nous courions sur l’ennemi, qui bientôt était en fuite... Puis, au retour, mon nom était dans toutes les bouches, l’admiration sur tous les visages... Oh ! n’est-ce pas... n’est-ce pas, ma cousine... que c’est la gloire que j’avais devinée ?
AMÉLIE.
N’aviez-vous pas encore deviné autre chose ?...
SÉRAPHIN.
Autre chose ?...
AMÉLIE.
Au milieu de ces pensées, ne cherchiez-vous pas quelqu’un qui partageât vos transports, qui applaudît à votre gloire... une femme ?...
SÉRAPHIN, avec effroi.
Une femme !...
AMÉLIE.
Oui, une femme qui vous consolât de vos chagrins, qui fût fière de vos succès et heureuse de votre bonheur ?...
SÉRAPHIN.
Ô mon Dieu !... voilà ma peur qui me reprend.
AMÉLIE.
Enfin, mon cousin, après la gloire, aviez-vous aussi deviné l’amour ?...
SÉRAPHIN.
L’amour !... qu’est-ce que c’est ?
AMÉLIE.
Un sentiment tendre, délicieux, qui rend tout ému à la vue de l’objet qui nous fait battre le cœur...
SÉRAPHIN, mettant la main sur son cœur.
Ô mon Dieu !... qu’est-ce que je sens là ?
AMÉLIE.
Qui nous fait trembler en touchant sa main...
SÉRAPHIN, lui prenant la main.
Voyons donc !... oui, je suis tout ému... ma main tremble en tenant la sienne.
AMÉLIE, tremblant.
Mon cousin... que dites-vous ?
SÉRAPHIN.
Je dis... je dis, ma cousine... que tout cela me rend fou... la reconnaissance... l’honneur, la gloire et l’amour... l’amour surtout.je ne sais pas encore bien ce que c’est, mais il me semble que ça doit être bien bon... bien gentil... et si je m’écoutais.
AMÉLIE, tremblant.
Eh bien ?...
SÉRAPHIN.
Je me croirais tout prêt à en ressentir déjà.
AMÉLIE.
Vraiment ? et pour qui ?
SÉRAPHIN.
Pour... pour vous, ma cousine.
AMÉLIE.
Pour moi !...
SÉRAPHIN, à part et marchant à grands pas.
Oui, maintenant je la trouve si bien... et puis, je ne croyais pas qu’une femme fût aussi jolie... moi, qui n’avais vu que la vieille Gertrude, notre infirmière... mais il paraît que ça perd beaucoup en vieillissant.
AMÉLIE, à part.
Ah ! mon oncle !... voilà qui renversera vos projets.
Haut.
Il faudra pourtant vous résigner à ne plus voir que cette Gertrude, puisque vous avez cédé la place...
SÉRAPHIN.
À Angélo... c’est vrai... Oh ! que me rappelez-vous !... mais n’importe... je ne veux plus être abbé...
AMÉLIE.
Très bien.
SÉRAPHIN.
Je veux élever une barrière insurmontable entre le cloître et moi ; je veux me damner tout-à-fait... et pour cela, ma cousine, il faut que je vous embrasse...
AMÉLIE.
Par exemple !... et la discipline du couvent ?...
SÉRAPHIN.
En fait de discipline, je ne connais plus que celle de mon régiment... et celle-là sans doute n’envoie pas en enfer pour avoir embrassé un jolie femme.
AMÉLIE.
Quel démon !
SÉRAPHIN.
Air du vaudeville de Turenne.
Au diable à présent la soutane,
Les pénitences, le couvent !...
Pour un baiser, s’il le faut, je me damne ;
Je suis tout autre... et seule, en me parlant,
Vous avez fait ce changement.
Il veut l’embrasser.
AMÉLIE, le retenant.
Ah ! si c’est moi, par mon langage,
Qui viens de vous changer, hélas !...
Mon cousin, ne me faites pas
Rougir déjà de mon ouvrage !...
SÉRAPHIN.
Eh quoi !... vous ne voulez pas me permettre ?...
AMÉLIE.
On vous le permettrait tout au plus si vous étiez lieutenant... mais jusque-là, monsieur l’abbé.
SÉRAPHIN.
Monsieur l’abbé. encore ?...
AMÉLIE, faisant la révérence.
Je suis votre servante.
À part.
Le saint homme !... il ne fallait qu’une étincelle pour tout brûler.
Elle sort.
Scène VIII
SÉRAPHIN, seul
Il marche à grands pas.
Oh ! non... non, certes, je ne retournerai plus à Angoulême ; je ne passerai pas loin du monde ma vie, que je puis consacrer à la gloire, à l’amour ; mais comment faire ? déjà leur parti est pris... Oh ! n’importe, je ne consentirai pas à ce que ce soit Angélo qui demeure ici... près d’Amélie... lui... Ah ! mon oncle, vous voulez le conduire à la cour... en faire un brave... à votre aise, si cela est possible ; qu’on le mène à Versailles, qu’on le présente au roi, je le veux bien ; mais le laisser toujours près de ma cousine... libre de l’admirer, de l’aimer... tandis que moi... Oh ! jamais, jamais...
Scène IX
SÉRAPHIN, ANGÉLO entre, portant l’habit d’uniforme sous son bras, et une épée à la main comme un cierge ; il le place sur la table auprès de celui qui s’y trouve déjà
SÉRAPHIN.
Le voici... Si je pouvais...
ANGÉLO.
Ah ! bonjour... bonjour... l’abbé !...
SÉRAPHIN.
L’abbé !... monsieur le lieutenant...
ANGÉLO.
Oui, lieutenant... je veux l’être à présent ; voici mon habit, plus vingt louis que mon oncle m’a donnés pour mes premières folies.
SÉRAPHIN.
Ses premières folies !
ANGÉLO.
Ô mon cher !... si tu savais tout ce que j’ai appris depuis un instant !...
SÉRAPHIN.
Ce que tu as appris ?
ANGÉLO.
Oui, du commandeur ; il m’a emmené, parce qu’il est des choses qu’on ne pouvait pas dire devant toi, un innocent abbé...
SÉRAPHIN.
Et de quoi donc vous a-t-on parlé, monsieur l’officier ?...
ANGÉLO.
Oh ! de mille choses bien ravissantes... des femmes, par exemple... Ah ! mon cher, les femmes !...
SÉRAPHIN.
Eh bien, les femmes ?
ANGÉLO.
Tu pensais aussi qu’elles n’étaient bonnes, comme dame Gertrude, qu’à raccommoder le linge, et gronder les novices du couvent...
SÉRAPHIN.
Eh bien ?...
ANGÉLO.
Eh bien ! pas du tout...
SÉRAPHIN.
Et qu’as-tu donc appris ?
ANGÉLO.
D’abord, une femme... surveille les gens, le maître d’hôtel, par exemple !... il y en a même qui font parfaitement la cuisine... en sorte qu’un pauvre jeune homme qui n’aurait été nourri que de chicorée et de...
SÉRAPHIN.
Après ?...
ANGÉLO.
Après... quand vous avez des rhumatismes attrapés à la guerre, ou dans des antichambres... c’est elle qui cous soigne... qui vous...
SÉRAPHIN.
Après ?...
ANGÉLO.
Après... ah dame ! après... mon oncle ne m’en a pas dit davantage... mais il m’apprendra...
SÉRAPHIN.
Alors je suis plus instruit que toi.
ANGÉLO.
Bah !...
SÉRAPHIN.
D’abord, une femme... c’est elle qui partage vos peines... vos plaisirs...
ANGÉLO.
Après ?...
SÉRAPHIN.
Après... ah dame ! après... je ne sais plus... c’est là que s’est arrêtée ma leçon...
ANGÉLO.
Et qui donc t’a instruit de ton côté ?
SÉRAPHIN.
Une personne que j’aime... que j’adore...
ANGÉLO.
Toi !...
SÉRAPHIN.
Et c’est pour cela que je viens te demander de retourner au couvent et de me céder ta place ici.
ANGÉLO.
Allons donc ! du tout...
SÉRAPHIN.
Mon petit Angélo !...
ANGÉLO.
Impossible... D’ailleurs tu ne sais pas... si je retournais là bas, j’aurais à m’accuser de trop grandes fautes...
SÉRAPHIN.
Et moi donc !...
ANGÉLO.
D’intempérance, par exemple.
SÉRAPHIN.
Et moi qui ai juré, blasphémé, médit de nos révérends pères !...
ANGÉLO.
Toi, miséricorde !
SÉRAPHIN, à mi-voix.
Et qui, par-dessus tout, suis devenu amoureux.
ANGÉLO.
Amoureux !... amoureux !... ne m’approche pas, malheureux !...
SÉRAPHIN.
Allons, tu le vois, il faut me céder cet habit de bonne volonté... ou sinon...
ANGÉLO.
Sinon ?...
SÉRAPHIN.
Je me verrai contraint de te l’enlever de force...
ANGÉLO.
De force !... jamais !... mais il est possédé du démon !
SÉRAPHIN.
Tu refuses ?...
ANGÉLO.
Complètement ; et je te conseille de te faire exorciser.
SÉRAPHIN.
Eh bien donc, je te disputerai cet habit les armes à la main.
ANGÉLO.
Les armes à la main !...
SÉRAPHIN, prenant les épées sur la table. Il le force à en prendre une dont il lui tire le fourreau.
Justement, en voici... Défends-toi...
ANGÉLO.
Eh bien !... il y touche sans trembler !
SÉRAPHIN.
Allons, en garde !...
ANGÉLO.
Sé... Sé... Sé... raphin... mais nous pouvons nous blesser ?
SÉRAPHIN.
Ça ne serait pas encore assez... En garde !
ANGÉLO.
Du tout... Moi... faire comme Caïn... donner la mort à mon cousin !... jamais...
SÉRAPHIN.
Défends-toi, te dis-je... ou sans cela...
Scène X
SÉRAPHIN, ANGÉLO, LE COMANDEUR
À sa vue, Séraphin laisse tomber son épée, tandis qu’Angélo garde la sienne.
LE COMANDEUR.
Que vois-je ?... comment ! Angélo, une épée à la main ! vous battre contre un abbé, votre cousin !... Vous avez donc le diable au corps, monsieur le lieutenant ?
ANGÉLO, interdit.
Hum...
SÉRAPHIN.
Mon oncle, c’était une leçon d’escrime qu’il me donnait...
LE COMANDEUR, à Angélo.
Eh ! que voulez-vous qu’il en fasse au couvent ?...
SÉRAPHIN.
Au couvent !...
LE COMANDEUR.
Dans une heure vous y retrouverez... Quant à vous, Angélo, qui avez le goût si martial... attendez-moi... je vais écrire une lettre pour Paris ; vous y accompagnerez Amélie...
SÉRAPHIN.
Amélie !...
LE COMMANDEUR.
Je vous suivrai de près... jusque-là, plus de leçon d’escrime, je vous en prie.
ANGÉLO.
Mais, mon oncle, ça ne dépend pas de moi... Séraphin est taquin, allez...
LE COMMANDEUR.
Fi donc, monsieur !... C’est bien d’être brave... mais il ne faut pas être querelleur...
ANGÉLO.
Moi, querelleur !...
LE COMMANDEUR.
Air : J’en guette un petit de mon âge.
Allons, je veux qu’on le ménage,
Vois donc ses membres délicats !
N’abuse pas de ton courage.
ANGÉLO.
Oh ! je n’en abuserai pas !...
LE COMMANDEUR.
Pour prévenir une pareille affaire,
Que l’on s’embrasse sans regrets.
ANGÉLO.
Bien volontiers !...
SÉRAPHIN.
De tout mon cœur.
LE COMMANDEUR.
Fort bien...
Ils s’embrassent.
Il entre dans la chambre à droite. Séraphin s’approche, l’enferme à double tour, puis reprend son épée.
Scène XI
ANGÉLO, SÉRAPHIN
SÉRAPHIN, achevant l’air.
Maintenant qu’il nous laisse en paix,
Cousin, recommençons la guerre. (bis)
ANGÉLO.
Allons, voilà qu’il va recommencer ! comment ! la guerre !...
SÉRAPHIN.
Oui !... oui !... je viens de fermer la porte à double tour, pour qu’on ne nous dérange plus... Nous ne risquons plus rien.
ANGÉLO.
Au contraire... je trouve que nous risquons bien davantage... Écoute-moi donc... comprends donc...
SÉRAPHIN.
Je n’écoute rien... je ne comprends qu’une chose... Dans un instant, il faut que l’un de nous accompagne Amélie... c’est toi qu’on a choisi... or, si je te tue, je serai seul, et il faudra bien qu’on me choisisse à mon tour... Allons, encore une fois, en garde !
ANGÉLO, avec résolution.
Eh bien ! je me décide...
SÉRAPHIN.
Ah !
ANGÉLO.
Oui, je me décide.
SÉRAPHIN.
Tu te battras donc ?...
ANGÉLO.
Du tout ; je me décide à te céder la place... l’habit, les vingt louis... tout ce que tu voudras...
SÉRAPHIN.
Enfin... donne et entre là...
ANGÉLO.
Pourquoi là ?...
SÉRAPHIN.
Parce que c’est ma volonté...
ANGÉLO, vivement.
Je n’en veux pas savoir davantage...
SÉRAPHIN.
Bon Angélo !... allons vite...
Il fait entrer Angélo à gauche, et ferme aussi la porte à double tour.
Et de deux ; maintenant je suis le maître ici.
Scène XII
SÉRAPHIN, LISE
LISE.
Je viens vous prévenir, monsieur, que la voiture est prête ; mademoiselle vous attend.
SÉRAPHIN.
Me voici.
LISE, le regardant.
Du tout... c’était l’autre qui d’vait...
SÉRAPHIN, vivement.
Non pas, c’est moi !... bien moi !...
LISE.
Oui, c’est vous qui restez abbé...
SÉRAPHIN.
Moi, abbé !... allons donc !... tu plaisantes... militaire... ma petite... militaire... Comment ! tu ne vois pas cela tout de suite à mes yeux... à mes manières...
Il lui prend la main et la taille.
Un abbé aurait-il cette vivacité... cette chaleur ?...
LISE, repoussant ses mains.
C’est vrai qu’il est bien dégourdi.
SÉRAPHIN.
Air : De tous ces défauts-là, etc.
Pour être lieutenant, ma chère,
Sur moi seul le choix est tombé.
Je serai bien en militaire !...
LISE.
Mais vous n’êt’s pas mal en abbé...
SÉRAPHIN, vivement.
Tout haut, un abbé, je t’en prie,
Dirait-il, voyant tes appas...
Qu’elle est jolie !...
LISE.
Tout haut !... je n’ le crois pas... }
Mais p’t-être il le dirait tout bas. } (bis)
SÉRAPHIN.
Tu n’as plus de doute à présent ?...
ANGÉLO, frappant à la porte.
Séraphin ?... Séraphin ?...
LISE.
Qu’est-ce donc ?
SÉRAPHIN.
Rien... rien... un enfant en pénitence.
LISE.
Tout ça, c’est bel et bon... mais je me souviens bien que ce n’est pas vous qui deviez partir.
SÉRAPHIN.
Eh bien ! pour te le faire oublier, voici vingt louis... Ah !
LISE.
Vous en ferez tant...
SÉRAPHIN.
Et si tu veux me servir dans ce que j’entreprends... je t’en promets quarante autres...
LISE.
Quarante, monsieur l’abbé ?
SÉRAPHIN.
Oui, quarante, à prendre sur mon traitement de lieutenant.
LISE.
Je suis tout à votre service.
SÉRAPHIN.
Eh ! vite, allons retrouver ma cousine. Ah ! monsieur le commandeur, vous apprendrez à me connaître.
Ils sortent tous les deux. La scène reste vide. On entend frapper rudement à la porte d’Angélo, puis à celle du commandeur. Chacun frappe deux fois.
Scène XIII
LE COMANDEUR, ANGÉLO
ANGÉLO, dans la chambre, et appelant.
Séraphin !...
Il frappe de nouveau.
LE COMMANDEUR, dans l’autre chambre.
Holà !... quelqu’un.
Il frappe.
ANGÉLO, paraissant à un œil-de-bœuf au-dessus de la porte.
Il paraît qu’il m’a enfermé.
LE COMMANDEUR, paraissant au-dessus de la sienne.
Personne pour m’ouvrir !... Voilà qui est étrange.
ANGÉLO.
Ah ! mon oncle !...
LE COMMANDEUR.
Angélo !... Que fais-tu à cet œil-de-bœuf ?
ANGÉLO.
Mon oncle, je prends l’air...
LE COMMANDEUR.
Descends, et viens m’ouvrir...
ANGÉLO.
Viens m’ouvrir... viens m’ouvrir... Pardon, mon oncle... c’est que j’allais vous faire la même demande.
LE COMMANDEUR.
Mais je suis enfermé...
ANGÉLO.
Et moi aussi...
LE COMMANDEUR.
Qui donc t’a emprisonné ?...
ANGÉLO.
Mon cousin !
LE COMMANDEUR.
Séraphin !... il a eu cette audace ! vis-à-vis de toi... un lieutenant !...
ANGÉLO.
Il l’a bien eue vis-à-vis de vous... un commandeur !...
LE COMMANDEUR.
Mais comment cela s’est-il fait ?... Toi, qui voulais te battre avec lui...
ANGÉLO.
Pardon, pardon, mon oncle... c’est-à-dire que c’est lui qui voulait se battre avec moi...
LE COMMANDEUR.
Lui ?... c’est impossible !... il n’y en avait qu’un de brave.
ANGÉLO.
C’est juste !... il n’y en avait qu’un... mais ce n’est pas moi.
LE COMMANDEUR, avec colère.
Ce n’est pas toi ?
Air de la Famille de l’Apothicaire.
Comment, et si fort et si grand,
Tu n’as pas eu plus de courage ?
Et dans ces lieux, comme un enfant,
Quoi ! tu t’es laissé mettre en cage !...
Tu ne rougis pas d’être là ?...
ANGÉLO.
Rougir serait vous faire outrage,
Car, mon cher oncle, nous voilà }
Logés tous deux au même étage. } (bis)
LE COMMANDEUR.
Poltron !
Scène XIV
LE COMANDEUR, ANGÉLO, LISE
LISE, à la cantonade.
C’est bon !... c’est bon !... soyez tranquille...
LE COMMANDEUR, à part.
Ah ! voici Lise !... et nous allons savoir !...
Haut.
Lise !... Lise !...
LISE.
Tiens !... monsieur le commandeur qu’a la tête dans l’œil !
LE COMMANDEUR.
Allons !... ouvre et dépêche-toi...
LISE, ouvrant au commandeur.
Voilà ! voilà !...
À part.
Maintenant à l’autre...
Elle va ouvrir à Angélo.
LE COMMANDEUR, sortant.
Enfin ?... où est-il ce petit damné de Séraphin ?...
LISE.
Monsieur Séraphin ?...
LE COMMANDEUR.
Où est-il ?...
LISE, mettant la main à sa poche.
Voilà.
LE COMMANDEUR.
Comment, voilà !...
LISE.
Voilà une lettre qu’il m’a remise pour vous...
LE COMMANDEUR.
Une lettre !... de lui ? Je suis curieux d’apprendre.
ANGÉLO.
Ne la lisez pas, mon oncle... ne la lisez pas... c’est peut-être un cartel...
LE COMMANDEUR.
Allons donc !...
LISE, à part.
V’là la crise... laissons-la passer.
Elle sort.
Scène XV
LE COMMANDEUR, ANGÉLO
LE COMMANDEUR, lisant.
« Mon cher oncle... vous vous étiez trompé dans votre choix... C’est moi qui devais être lieutenant, car je suis le plus mauvais sujet des deux... »
ANGÉLO, à part.
Je ne le lui disputerai pas !...
LE COMMANDEUR, lisant.
« Je vous en donne pour preuve une dette de quarante louis, et votre nièce que j’en lève. »
S’interrompant.
Il enlève ma nièce,
À Angélo.
et tu l’as souffert !...
ANGÉLO.
J’ai fait tout pour l’en empêcher !... mais il me répondait à grands coups d’épée...
LE COMMANDEUR.
Il fallait répliquer de même... Mais je saurai bien l’atteindre. Holà ! du monde...
Scène XVI
LE COMMANDEUR, ANGÉLO, LISE
LISE, accourant.
Monsieur le commandeur !... monsieur le commandeur !...
LE COMMANDEUR.
Eh bien ! qu’est-ce ?...
LISE.
Un officier du roi qui ramène votre nièce...
LE COMMANDEUR.
Un officier !...
ANGÉLO.
Un officier du roi !
Scène XVII
LE COMMANDEUR, ANGÉLO, LISE, AMÉLIE et SÉRAPHIN, en officier
LE COMMANDEUR.
Que vois-je ?...
ANGÉLO.
Séraphin !...
CHŒUR.
Air du Hussard de Fetsheim.
Qu’il paraît avec avantage
Sous cet uniforme élégant !...
Ah !vraiment c’eût été dommage
De n’en pas faire un lieutenant !...
LE COMMANDEUR.
Mais qui vous a autorisé, monsieur l’abbé... ?
SÉRAPHIN.
L’abbé avait eu le malheur de vous déplaire, je vous en ai débarrassé pour toujours.
LE COMMANDEUR, se radoucissant.
Tu es donc vraiment un mauvais sujet ?...
SÉRAPHIN.
Si mauvais sujet, que dès aujourd’hui vous pouvez me présenter à la cour... et me faire entrer dans les gardes.
LE COMMANDEUR.
Air : Depuis longtemps j’aimais Adèle.
Cependant pour cette carrière
Tu me disais n’être pas fait ?...
SÉRAPHIN.
Oui ; le monde, je suis sincère,
M’effrayait et m’embarrassait ;
Mais en regardant ma cousine,
J’ai senti du cœur... de l’esprit...
ANGÉLO.
Tout comme en voyant la cuisine,
Moi, j’ai senti de l’appétit. (bis)
SÉRAPHIN.
Et pour prix de la belle action que j’ai faite en vous ramenant ma cousine, je vous demande sa main...
LE COMMANDEUR.
Oh ! un instant.
LISE, à part.
V’là qui s’crie !...
LE COMMANDEUR.
C’est à moi de l’épouser... J’ai promis à son père de faire son bonheur...
AMÉLIE, baissant les yeux.
Mais, mon oncle, croyez-vous donc que ce serait manquer à votre promesse ?...
LE COMMANDEUR, étourdi.
Hein !... qu’est-ce que c’est ?
AMÉLIE.
N’est-il qu’un moyen d’arriver au bonheur ?
ANGÉLO.
Tout chemin mène à Rome...
LE COMMANDEUR.
Mais, moi qui ai obtenu des dispenses...
ANGÉLO.
Eh bien ! vous êtes dispensé de l’épouser.
SÉRAPHIN.
D’abord, si on me la refuse... je me sens capable de tout...
LE COMMANDEUR.
Oui-da ?...
ANGÉLO.
Cédez... cédez, mon oncle... sans cela, il pourrait bien vous provoquer.
LE COMMANDEUR, unissant Amélie et Séraphin.
Eh bien ! oui, je ferai ton bonheur.
SÉRAPHIN.
Vous en faites deux pour un.
ANGÉLO.
Allons... me voilà encore réduit à la chicorée et aux...
LE COMMANDEUR.
Patience !... tu deviendras chanoine.
CHOEUR.
Air :
Ah ! quel bonheur ! { le voilà militaire,
{ me
Et désormais { et je dis pour toujours :
{ il se dit
Plus de chagrin, adieu le séminaire,
Plus de chagrin, et vivent les amours !
AMÉLIE, au public.
Air de l’Angélus.
Messieurs, l’auteur, en ce moment,
Craint pour le sort de son ouvrage.
À Séraphin.
D’abbé vous voilà lieutenant :
Il compte sur votre courage
Pour le préserver de l’orage.
SÉRAPHIN.
Non, dans ces lieux plus de combat,
Et pour désarmer le parterre,
L’abbé vaut mieux que le soldat.
ANGÉLO, au public.
Messieurs, je garde mon état...
Et j’ai recours à la prière.
CHŒUR.
Ah ! quel bonheur! le voilà militaire, etc.