Le Ménage de Rigolette (Édouard BRISEBARRE - Alfred DESROZIERS)
Tableau d’intérieur en un acte, mêlé de chants.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Délassements-Comiques, le 31 janvier 1844
Personnages
CABRION
GERMAIN
RIGOLETTE
Une chambre mansarde ; une porte au fond sur la droite de l’acteur, à l’autre angle, un lit à rideaux ; à gauche, une fenêtre ; une cage d’oiseaux. Cheminée avec petit miroir, table à ouvrage, etc.
Scène première
RIGOLETTE, sortant d’un cabinet à gauche
Là ! voilà qui est terminé, voilà mon petit ménage fini.
Prélude de flûte en dehors.
Oui, je ne me trompe pas... c’est la flûte de mon voisin... le petit musicien... Germain... Il est déjà levé aussi.
Elle ouvre sa fenêtre et regarde vers la maison voisine.
Le voilà à sa croisée.
Se penchant.
Plaît-il ?... vous voulez venir me dire bonjour ? Oh ! non... je suis seule... plus tard... vous me direz bonjour ce soir... plus tard, n’est-ce pas ?
Elle referme.
Est-il obéissant ! comme une petite demoiselle... et doux, et gentil, et...
Gravement.
Eh bien !... eh bien !... Rigolette, ma fille... qu’est-ce que c’est donc que ça ?... Avisez-vous encore de penser à des petits blonds-cendrés, et vous aurez affaire à moi... Ah ! ah ! travaillez donc, paresseuse, gagnez votre vie.
Elle s’approche de la table à ouvrage.
Ah ! un pot de fleurs !... un rosier... mais ce n’est pas à moi... je n’ai pas le moyen d’acheter des arbustes... et il n’y était pas hier soir quand je me suis couchée... Ah ! mon Dieu ! quelqu’un est donc entré dans ma chambre pendant que je dormais ?... Et voilà plusieurs fois que je trouve ainsi, le matin, ce dont j’avais envie le soir... Mais qui donc a osé se permettre... J’y suis... ça ne peut être que Cabrion... mon voisin le peintre-barbouilleur, qui ne vit que de croûtes... demeurant sur le carré... Il aura profité de mon sommeil pour... mais je n’ai pourtant pas laissé ma clé sur la porte... elle est en dedans... la voilà bien.
Elle ouvre la porte et met la clé en dehors, dans sa serrure.
Comment a-t-il pu faire ? Air de Madame Favart. Oui dès ce soir à cette porte, Je fais placer deux verrous imposants. Ils viendront me prêter main forte, Pour résister à ses assauts galants. Je dois m’enfermer, et pour causes, Car il serait tenté de revenir : Si je veux bien qu’il me donne des roses, Je ne veux pas qu’il en vienne cueillir. Dieu ! les beaux boutons ! Je vais mettre mon arbre mystérieux à côté de la cage de papa Crêtu et de maman Ramonette... ça les fera chanter plus gaiement.
Elle porte le pot de fleurs à côté de la cage.
Oui, Fifi... oui, Mademoiselle... nous allons avoir tout à l’heure une belle botte de mouron et un joli colifichet.
Scène II
RIGOLETTE, CABRION
CABRION, entrant vivement et chantant.
Nous étions trois bons diables,
Qui n’avions pas le sou,
Qu’en ferions-nous ?
J’allions de bourg en ville,
Toujours bien boire et bien manger,
Jamais payer,
Et Zist, et Zest, et Zut,
Psist.
C’est un pouf, rataplan,
Pour de l’argent nous t’en donnerons,
Quand j’en aurons.
Bonjour, ma voisine, bonjour, Rigolette, Rigolinette.
RIGOLETTE, riant.
Cabrion, venez ici que je vous gronde, Rossignol...
CABRION.
Moi ? ça va...
Chantonnant.
Et zist, et zest, et zut.
Parlé.
Tiens, nous avons donc fait une emplette, Rigolette ?
RIGOLETTE.
Oui... ce rosier ?...
CABRION.
Végétal rare et hors de prix... ça doit friser les vingt-cinq solses.
RIGOLETTE.
Vous ne savez pas d’où il vient, cachottier ?
CABRION.
Attendez, je m’en doute... du Marché aux fleurs.
Examinant le rosier.
Mazette ! plus que ça de boutons. Oh ! oh ! Rigolette, Rigolette, ma petite biche, ceci a un parfum d’amoureux numéro un... Est-ce que nous aurions fait la connaissance d’un carabin qui a reçu son cuivre ?
RIGOLETTE, qui ne l’écoute pas.
Est-il possible !... moi qui croyais... Comment, ce n’est pas vous qui ?... Ah ! mon Dieu ! voilà la peur qui me galope.
CABRION.
Connu !... ces couleurs-là !... arrêtons les frais... Dites donc, la belle enfant, c’est peut-être papa Crêtu qui vous a fait cette galanterie, hein ?
RIGOLETTE, contrariée.
Êtes-vous impatientant !
CABRION.
En voilà une drôle d’idée que vous avez eue là de donner à un serin le nom d’un homme. Le contraire, je ne dis pas... ça serait logique.
Criant.
Je ne dis pas ça pour moi.
RIGOLETTE, avec émotion.
Papa Crêtu... Ramonette... ce sont les noms de ceux qui m’ont élevée... adoptée... moi... pauvre enfant trouvé... J’ai recueilli leur héritage, ces deux oiseaux... auxquels j’ai donné les noms de mes bienfaiteurs pour pouvoir les prononcer à chaque moment de la journée.
CABRION, criant et ému.
Voulez-vous finir... Rigolette, voulez-vous bien finir !... Est-ce que vous avez l’intention de me rendre le rival des lapins blancs ?...
S’essuyant les yeux.
Je tiens peu à ressembler à cette gibelotte de choix... avec votre satané sentiment... Tenez, raccommodez-moi ma blouse... hein !... ça donnera une autre direction à vos idées.
Développant la blouse trouée en plusieurs endroits.
Voilà pourquoi j’étais venu vous dire bonjour dès l’aurore... style perruque.
Passant ses doigts dans les trous de la blouse.
Sourit-elle, hein ! est-elle gaie !... Calmez son hilarité, Rigolette... ça ne vous contrarie pas ?
RIGOLETTE.
Par exemple !... est-ce qu’il ne faut pas se rendre des petits services... entre voisins !...
CABRION.
Parbleu !... tout doit être en commun... plaisirs, chagrins, vaisselle plate, bouts de chandelles...
Lui prenant la taille.
et cætera.
Lui prenant la main et voulant la baiser.
Et cætera.
RIGOLETTE, lui donnant une tape.
Halte-là ! pas de ça.
CABRION, criant.
Oh ! là ! là !
Se frottant la joue.
Plus que ça de trèfle à cinq feuilles.
Gaiement.
Passez-moi le mot.
RIGOLETTE.
Aussi... vous avez les manières d’un leste...
CABRION.
Et vous la main.
Gravement.
Princesse, vous êtes couturière, moi artiste-peintre, demeurant tous deux même rue, même maison, même numéro Vous êtes ma voisine... je suis votre voisin.
Déclamant.
Et par droit de fortune et par droit de mansarde... est-ce que toutes les convenances ne s’y trouvent pas ?... Eh bien !... alors... la place m’appartient de droit.
RIGOLETTE.
Quelle place ?
CABRION, criant.
Oh ! joli... bravo, Madame... garçon, de la fleur d’orange !
Plus sérieusement.
Rigolette, Pipelet, le portier... le plus cher de mes amis... m’en a dit long sur votre compte. Tous mes prédécesseurs... vos voisins, avant moi, ont été vos... amis.
Criant.
Passez-moi le mot.
RIGOLETTE.
Certainement, j’étais heureuse et fière d’être leur amie.
CABRION.
Eux aussi, parions.
RIGOLETTE.
Étaient-ils malades... j’étais là, moi, pour les soigner, les secourir... s’ennuyaient-ils de sortir tout seuls, j’étais encore là pour me promener avec eux... Ça leur faisait plaisir... et à moi aussi.
Air : Ermite de Saint-Avel.
Plaisirs, travail, budget, dépense,
La part était égale pour chacun,
Les regrets comme l’espérance,
Entre nous tout était commun.
CABRION.
Riche ou pauvre, joyeuse on triste,
Vous partagiez tout, je le vois.
RIGOLETTE.
Pas tout à fait, j’étais plus égoïste,
Car le chagrin je le gardais pour moi,
Le chagrin seul je le gardais pour moi.
CABRION, lui saisissant la taille.
Chouchoute, va.
RIGOLETTE, se défendant.
Cabrion, Cabrion.
CABRION.
Bavarde !... elle n’aime pas la pantomime... ça m’est égal, vous vous y habituerez.
RIGOLETTE.
Jamais !... Maintenant, vous voilà prévenu... êtes-vous content ?... Serons-nous toujours bons amis ?
CABRION.
De plus fort en plus fort, comme chez... passez-moi le mot...
Fredonnant.
Je suis content, je suis joy...
S’interrompant.
D’abord, je crois que je suis sur la bonne route. Ce n’est pas avec le petit Germain, par exemple, que vous seriez folichonne comme avec papa Cabrion.
RIGOLETTE.
C’est vrai... c’est plus fort que moi...
CABRION.
Avec lui vous êtes gênée, vous ne riez plus, vous faites votre poire...
Criant.
Passez-moi le mot... Avec moi, c’est un autre genre... nous nous entendons comme deux petits cœurs. Nous ferons des noces indignes... et nous ferons frire des pièces dix sous, les jours de Saint-Frusquin...
Il tape sur son gousset.
RIGOLETTE.
Oh !... je ne veux pas que vous dépensiez de l’argent exprès pour moi.
CABRION.
Laissez donc... nous irons à Mabille... chez Tonnelier... ou à Montesquieu... Ce n’est que là que se rend la bonne société.
RIGOLETTE, avec joie.
Et nous danserons... mais gentiment, n’est-ce pas ?
CABRION.
Rien que des avant-deux naïfs, et des balancés vertueux... Et d’là, et d’là.
RIGOLETTE.
Du tout... pas si fort... comme cela, tenez...
CABRION.
Chaud là, l’ophicléide !
Air de l’Étudiant marié.
À Mabille, au Prado,
Pinçant le fandango,
Héros
Du dos à dos
Et prévôt
Du galop,
Chaud.
Quand je vais en avant,
La beauté qui s’éprend
Chez moi, tambour battant,
Porte son cœur en plan
V’lan.
Ils dansent tous deux sur la reprise de l’air.
Scène III
RIGOLETTE, CABRION, GERMAIN
GERMAIN, entrebâillant timidement la porte.
Peut-on entrer ?
RIGOLETTE.
Certainement, monsieur Germain ; je ne suis plus seule, à présent.
CABRION.
Bonjour, vieux, je suis là, c’est convenable, tu peux venir.
GERMAIN.
Est-ce que vous n’étiez pas seule quand Cabrion est entré ?
RIGOLETTE.
Si, mais...
CABRION.
Moi, ce n’est pas la même chose, je suis le voisin... comprends-tu, mon bonhomme ?
GERMAIN, tristement.
Non...
CABRION, riant.
Tête de bois !
À Rigolette.
Ma Rigolette des Rigolinettes, ma blouse vous tend les bras... passez lui votre aiguille au travers du corps pour la remettre sur pieds...
RIGOLETTE.
C’est bon... donnez...
GERMAIN, à part, en voyant Rigolette prendre la blouse de Cabrion.
Ah !
RIGOLETTE, déployant la blouse.
Ça une blouse, c’est un peignoir.
CABRION.
Quelquefois... ça me sert à deux fins... Je vas finir ici ma pochade, en attendant le grand ravalement de ma tunique. Il sort vivement.
REPRISE.
À Mabille, etc.
GERMAIN.
Ah ! vous travaillez pour Cabrion, mademoiselle Rigolette.
RIGOLETTE.
Oui... oui... vous concevez... étant voisins...
GERMAIN, avec humeur.
Voisins... voisins... moi aussi... je suis votre voisin.
RIGOLETTE.
Oh ! mais vous... vous avez soin de vos affaires... vous ne les saccagez pas comme ce gros insouciant.
CABRION, rentrant.
Voilà !... encore trois coups de peigne à donner à mon chef d’œuvre, et je file l’offrir à un riche et généreux amateur qui m’en a promis soixante-quinze francs.
Cabrion s’établit à son chevalet qu’il a apporté ainsi que son tableau, ses couleurs, etc. Rigolette assise travaille à sa pèlerine. Germain est au milieu.
RIGOLETTE.
Moi, avant de raccommoder votre blouse, je vais terminer cette pèlerine que j’aurais dû reporter ce matin de bonne heure.
GERMAIN, tristement.
Et moi, je m’en vais...
RIGOLETTE.
Pourquoi ? si vous étiez bien aimable... pas si ours... vous resteriez, et vous nous apprendriez, pendant que nous travaillons, votre dernière romance.
CABRION.
Ah ! oui, les coquelicots, mélodie champêtre, avec accompagnement de grosse caisse ou de flûte à l’oignon, au choix des instrumentistes.
GERMAIN, tristement.
Moquez-vous de moi, allez... vous en avez le droit... Je ne suis qu’un pauvre petit organiste à la paroisse Saint-Ambroise... et j’ai la sottise de rêver compositions... fortune... triomphes...
RIGOLETTE.
Me moquer de vous !... moi, votre amie.
GERMAIN.
Oh ! non, vous n’êtes pas mon amie comme vous êtes celle de Cabrion... et pourtant il n’y a pas si longtemps que moi qu’il est dans la maison... Avec moi... toujours de la cérémonie, de la froideur... de l’aversion même.
RIGOLETTE, malgré elle.
Germain !
GERMAIN.
Avec lui, vous êtes gaie, rieuse, familière... trop familière, peut-être... parce qu’enfin...
RIGOLETTE.
Après ?
GERMAIN.
On peut croire... supposer...
CABRION.
Ça m’est égal d’être compromis.
RIGOLETTE.
Oui, je vous comprends... les oisifs... les curieux... les mauvaises langues diront que je jette mon bonnet par-dessus les moulins, parce qu’on me verra sortir bras-dessus bras-dessous avec Cabrion.
GERMAIN.
Dame !
CABRION.
Pas de danger.
RIGOLETTE.
C’est donc bien plus affreux de me promener avec lui qu’avec une amie que je n’ai pas, et qui ne me protégerait pas aussi bien ?
CABRION, montrant ses bras.
Des os et des nerfs !
RIGOLETTE.
Et puis, ma foi, je l’avoue, un homme c’est plus amusant.
CABRION, à part.
Principe élastique, caoutchouc perfectionné.
GERMAIN.
Mais votre réputation...
RIGOLETTE.
J’ai ma conscience.
CABRION, enthousiasme.
Mirabeau, Démosthène.
Montrant Rigolette.
En voilà une qui vous enfonce, mes pauvres bonshommes.
RIGOLETTE.
Je n’aurais jamais la force de travailler, si je ne m’amusais pas un petit brin...
CABRION, à Germain.
Tu le vois, le loupage est nécessaire à son existence... c’est comme à moi... faut bien qu’elle gagne ses petits vingt-cinq sols par jour.
RIGOLETTE.
Patience, bientôt peut-être ! si ce que j’espère se réalise.
GERMAIN, vivement.
Quoi donc ?
CABRION.
Un nègre qui vous demande en mariage ?
RIGOLETTE, riant.
Vous le saurez plus tard, curieux... si ça réussit... et alors.
GERMAIN.
Alors ?
CABRION, laissant son tableau.
Ouf... moi, j’ai fini mon omelette aux fines herbes.
RIGOLETTE.
Voyons.
CABRION.
Voilà le plat demandé... Il y a des enseignes de sage-femme qui ne valent pas ça, allez !... en cherchant bien. Je vais le porter à mon bourgeois.
RIGOLETTE.
À revoir, Cabrion... à revoir, Germain...
GERMAIN.
Mais...
CABRION, revenant en scène.
Ah ! j’allais faire une boulette, moi... V’là une lettre pour vous que ce cher Pipelet, mon intime, m’a donnée ce matin, comme je montais.
La donnant.
La mousse s’y mettait.
RIGOLETTE, la prenant.
Une lettre pour moi ?
CABRION.
Pipelet m’a dit que c’était de M. Petit-Jean, le propriétaire.
RIGOLETTE.
Qui veut me donner congé ?
CABRION.
Parce qu’il prétend que c’est vous qui faites déménager, tous les mois, les locataires de mon pigeonnier.
GERMAIN.
Vous voyez bien... il suppose aussi...
RIGOLETTE.
Que m’importe.
CABRION.
Mais c’est arrangé, il vous garde ; il vous l’annonce, bien sûr... J’ai dit à Pipelet que je ferai un bail dix-huit et trente-six ans... À revoir, Rigolinetta. Bonjour, Meyerbeer... chante les coquelicots.
À Rigolette.
Vous pouvez le garder, il est sans conséquence... Je vas me ficeler... et tâcher de chiper le chapeau tromblon à Pipelet.
Air de l’Étudiant marie.
Oui, je peux
Tous les deux
Vous laisser en ces lieux,
Car les feux
De ses yeux,
Toujours vertueux,
Ne sont pas dangereux.
TOUS TROIS ENSEMBLE.
Oui, je peux, etc.
Cabrion sort.
Scène IV
GERMAIN, RIGOLETTE
Rigolette prend sa chaise et la porte à l’autre bout de la chambre, à gauche.
GERMAIN.
Vous vous éloignez de moi ? j’en étais sûr... Voilà déjà que vous n’êtes plus la même, depuis que Cabrion est parti... Oh ! ce Cabrion.
RIGOLETTE, cherchant à changer la conversation.
C’est un bien bon garçon, n’est-ce pas, monsieur Germain ?
GERMAIN.
C’est... c’est...
Vivement.
Oh ! Dieu ! que je voudrais qu’il déménageât !
RIGOLETTE, riant.
Pourquoi donc ?
GERMAIN.
Pour... pour louer à sa place... cette mansarde qui, à ce qu’il paraît... fait aimer le locataire qui l’habite d’une personne...
RIGOLETTE, vivement.
Bon ! j’ai cassé mon aiguille.
GERMAIN.
Je vous importune, vous ne m’écoutez pas...
RIGOLETTE, arrangeant ses oiseaux.
Par exemple !... tenez, vous disiez, je crois, que vous vouliez donner congé... Et pourquoi donc vous en iriez-vous de la maison, Monsieur !... rue du Temple, le beau quartier... Est-ce que vous ne vous trouvez plus bien ici ?... votre fenêtre est là, en face de la mienne.
GERMAIN, vivement.
Oh ! la vue est superbe.
RIGOLETTE, continuant.
Juste au bout de la gouttière.
GERMAIN, vivement et avec joie.
Qui fait le tour...
RIGOLETTE.
Et un bon air... Ah ! un air de septième étage au-dessus de l’entresol.
GERMAIN.
Oh ! non, Rigolette, je le sens, je ne pourrai jamais quitter cette mansarde, d’où je vous vois, je vous entends...
RIGOLETTE, riant.
Ah ! par exemple ! est-ce que vous passerez votre vie sur les toits... comme les chats... Et quand vous vous marierez donc ?
GERMAIN.
Me marier...
RIGOLETTE.
Vous avez du talent, vous aurez un jour de la réputation... de la fortune...
GERMAIN.
Oh ! oui, mon nom commence à être connu, les éditeurs m’impriment déjà mes romances... gratis...
RIGOLETTE.
Vous épouserez une femme riche.
GERMAIN, vivement.
Jamais.
RIGOLETTE.
Croyez-moi, il ne faut jamais entrer en ménage avec trois francs dix sous devant soi...
GERMAIN.
Et si un pauvre garçon vous offrait...
RIGOLETTE.
Je lui répondrais : jeune homme, repassez quand vous aurez dix mille livres de rente... et du linge...
GERMAIN.
Ah !
RIGOLETTE.
Passez-moi donc la boîte de mouron pour mes oiseaux.
GERMAIN, sans voir, prend un petit pain de deux livres placé sur un buffet et le donne à Rigolette.
Tenez, mademoiselle Rigolette.
RIGOLETTE.
Ce n’est pas ça... Ah ! vous avez l’air tout chose... qu’avez-vous donc ?
GERMAIN.
Moi... rien je... je...
À part.
Coquette... légère et intéressée... Oh ! je ne la reverrai jamais !
RIGOLETTE.
Où allez-vous donc ?
GERMAIN.
Toucher de l’orgue à Saint-Ambroise.
ENSEMBLE.
Air : Je suis choriste.
Plus d’espérance,
Je dois }
Il doit } partir,
Mieux vaut l’absence,
C’est trop souffrir.
GERMAIN, à part.
Moi, qui d’un rêve enfui trop vite,
Caressais le tableau flatteur,
L’illusion, hélas ! me quitte
Et l’amour seul reste en mon cœur.
Germain sort vivement.
Scène V
RIGOLETTE
Parti !... Oh ! il a bien fait... je crois que j’allais lui sauter au cou... brave garçon !... l’épouser, moi qui n’ai rien... pour lui créer des embarras, de la misère, lui qui a déjà, ainsi que moi, tant de peine à vivoter, avec sa pauvre petite place d’organiste... Serions-nous malheureux... comme des petites pierres... ainsi que nos mioches, car je crois que j’en aurais... C’est égal, ça m’a fait de la peine de lui dire tout ça... Veux-tu bien ne pas pleurer, bête que tu es... pour te faire rougir l’œil... Ah ! cette lettre du propriétaire... qu’est-ce qu’il me roucoule encore, ce sapajou-là !
Lisant.
Ah ! bah ! une déclaration !
Elle lit.
« Vous figureriez si bien dans un joli magasin ! et celui que vous aimeriez serait si heureux de vous l’offrir.
Parlé.
Vieux drôle !... il ose me proposer... à moi !... Germain aurait-il donc raison ?... Parce que je suis gaie, franche, on me croit... mais je suis bien bonne de m’ébouriffer !... Est-ce qu’on respecte les femmes aujourd’hui !... Je baisserais les yeux et je ferais la bégueule, que ce serait la même chose... Les hommes sont si... oh ! oui... qu’ils le sont.
Elle a rejeté la lettre sur la table.
Scène VI
RIGOLETTE, CABRION
CABRION, entrant vivement et chantant gaiement. Il est un peu gris.
Quand trois poules vont aux champs,
La première va devant,
La seconde suit la première,
La troisième est la dernière.
Quand trois poules vont aux champs,
La première...
RIGOLETTE.
Ah çà, finirez-vous ? qu’est-ce qui vous prend ?
CABRION.
Il me prend que j’ai pris soixante-quinze balles... écus de France, dans mon lasting...
Il fait sonner l’argent dans sa poche.
Mon bourgeois a été enchanté... il va offrir mon plat d’épinards à un de ses amis, pour sa fête...
RIGOLETTE.
Soixante-quinze francs ? Vous voilà riche pour tout le mois...
CABRION.
Je vais aller, ce soir, me décarêmer un tantinet chez Mabille... Rigolette, une, deux, ça vous va-t-il ? ça ne vous blesse-t-il pas ? Passez-moi le mot ! Nous boirons de la bière dans les bosquets. Je vous ferai des cigarettes de caporal.
RIGOLETTE.
Eh bien !
L’imitant.
Une, deux, trois... non... ça ne va pas...
CABRION.
Vous avez dit... de quoi... – Rigolette, mon Andalouse... il est temps de finir cette pose qui commence à m’embêter... quoique artiste-peintre.
RIGOLETTE.
Ah ! bah !
CABRION.
Faut de la pose, mais pas trop n’en faut... me disais-je tout à l’heure, au café Hainsselain, où je demandais de la monnaie pour cause d’absinthe. Voilà déjà six semaines que je suis votre voisin, Rigolette, et ça ne peut pas durer toujours à cet état de cloison.
RIGOLETTE.
Pourquoi pas ?
CABRION.
Suis-je votre voisin ?
RIGOLETTE.
Oui ?
CABRION.
Eh bien ?
RIGOLETTE.
Après ?
CABRION.
Voilà
Criant.
Passez-moi le mot.
RIGOLETTE.
Je ne vous comprends pas.
CABRION.
Oh ! quelle couleur !... Le dernier voisin n’était-il pas plus... fortuné que moi ?... Chuûut !
RIGOLETTE.
Non.
CABRION.
Et l’avant-dernier ? Chuûut.
RIGOLETTE.
Non plus.
CABRION.
Allons donc... Et moi... serais-je plus... Chuûut.
RIGOLETTE, riant.
Vous ! jamais !
CABRION, stupéfait.
Ja...
Avec colère.
Nom d’un pinceau ! bouton de guêtre... cire à cacheter... c’est ce que nous verrons... après m’avoir encouragé, animé, allumé...
Air : Baiser au porteur.
Dès à présent, Madam’, c’est fini d’rire :
Sur les murs de chaque maison,
Tout de ce pas je vais aller écrire,
Entre deux cœurs, avec un trait d’union :
Viv’ Rigolette et Cabrion !
Et pour que cet hymen sortable
Frappe l’œil de chaque passant,
J’ajouterai la tête vénérable
De Pipelet nous bénissant.
RIGOLETTE.
Avisez-vous de ça ? Mais de quoi donc vous plaignez-vous !
CABRION.
Nous m’avez promis, ce matin...
RIGOLETTE.
Que nous serions amis... nous le sommes.
CABRION.
Pas comme mes prédécesseurs... Connu, les amis ! Votre réputation est trop bien établie, ma chère, pour...
RIGOLETTE.
Comment !
À part.
Lui aussi... comme Germain... comme le propriétaire...
CABRION.
Ah ! vous ne m’aimez pas ?
RIGOLETTE.
Non.
CABRION.
Cet aveuglement n’est pas naturel.
RIGOLETTE, riant.
Oh ! oh ! oh !
CABRION.
C’est que vous en aimez un autre, l’homme au rosier qui marche tout seul, par exemple.
RICOLETTE.
Que voulez-vous dire ?
CABRION.
Suffit... on aura des preuves... on en trouvera... Ah ! vous m’avez fait droguer, mon petit chat !
RIGOLETTE.
Tenez, vous m’ennuyez, laissez-moi tranquille, allez-vous-en.
CABRION, à part.
Elle me renvoie... Est-ce qu’elle l’attendrait... le jardinier-fleuriste... oh !
RIGOLETTE.
Adieu, voisin... sans rancune.
CABRION.
Fi donc, au contraire... à revoir, Rigolette...
Saluant les oiseaux.
Bien le bonjour, monsieur Crêtu, mes hommages, mame Ramonette...
Y avait quatre jeunes gens du quartier
Qu’étaient malades
Ades, ades.
On en conduit cinq à l’hôpital,
Six demandèrent du bouillon
Qu’était très bon
On, on,
C’est l’ordinaire de la maison,
On, on.
Il se dirige vers la porte et l’ouvre, puis la referme fortement, sans sortir, et se jette dans le cabinet à droite du deuxième plan... Rigolette, occupée à ranger sa pèlerine dans un carton, ne l’a pas vu.
RIGOLETTE.
Encore un qui voulait... ce que je ne veux pas... il s’est fâché... comme les autres... bah !...
Air : Patrie et honneur.
Ah ! s’il fallait se laisser attendrir
Par les voisins que cet endroit renferme ;
Mais ce serait à ne plus en finir,
Il me faudrait aimer à chaque terme !
De leur fureur, en la bravant, j’ai ri,
L’amant qui part va me rendre un ami.
Vite, reportons cette pèlerine... à ma maîtresse-lingère... Si elle allait encore me proposer... si... oui, je pourrais alors dire à Germain... Oh ! ne pensons plus à tout ça... ça me fait peur...
Fredonnant.
Et voilà, mes amis,
Voilà Paris la nuit.
Elle sort.
Scène VII
CABRION
Il sort doucement du cabinet, portant à la main un bonnet à poils, un sabre de cavalerie et une calotte grecque.
Sac à papier... j’ai mis la main sur le pot au bengale, en croyant pincer l’arbuste... le rosier en chair et en os... J’espère qu’en voilà des preuves de sa légèreté... un bonnet de voltigeur... voltigeuse... Elle a eu des voisins dans la garde nationale... Un sabre de cavalerie... et une calotte grecque... Elle a aussi eu pour ami un Turc ou un bonnetier... Et moi, jobardinos que je suis, je l’ai conduite au pestaque avec des soi-disant billets de faveur que j’achetais passage du Caire... et puis nisco... Ah ! c’est d’une fille bien peu honnête.
Air de l’Apothicaire.
On est bambocheuse, c’est bien,
Ça n’empêche pas la morale ;
Mais promettre et ne tenir rien,
Cette conduite est déloyale.
Sous le titre de son ami ;
Elle encourageait mes hommages,
Et la perfide, à l’ennemi,
Montrant les objets.
Passe avec armes et bagages.
Et je ne me vengerais pas !
Furieux.
Saperlotte ! sabre de bois ! pistolet de paille !
Il s’assied sur une chaise où à son entrée il a placé son chapeau qu’il écrase.
Ah ! c’est le chapeau tromblon de Pipelet... qu’il m’a prêté !... Je ne peux plus le lui rendre... Je mélangerai mes couleurs dedans.
Il le fourre sous le lit de Rigolette, ouvrant la fenêtre.
Oh ! les soupçons de mon ami Pipelet ne sont pas erronés... Il y a deux tuiles cassées... C’est par là qu’il s’introduit, le pot de fleurs... je le sens...
On frappe à la porte.
Scène VIII
GERMAIN, CABRION
GERMAIN, en dehors.
Mam’selle Rigolette.
CABRION, à part.
Germain !
Il va ouvrir.
GERMAIN, entrant.
Oh ! mam’selle... Cabrion !
CABRION.
En personne naturelle... Tu venais pour parler à Rigolette, toi ?
GERMAIN.
Oui, mon ami, oui... si tu savais... Je suis bien heureux... Mais voyons, Cabrion... tu ne l’aimes pas sérieusement, n’est-ce pas ?
CABRION.
Moi, fi donc.
GERMAIN.
Eh bien ! moi, mon ami, je l’adore.
CABRION.
Encore un de toisé.
GERMAIN.
Ce matin, sur le point de lui avouer mon amour, quelques paroles qu’elle m’a dites, m’avaient déterminé à ne plus la revoir... Elle voulait un époux qui fût riche, ou très à son aise... et je me rendais, tout désolé, toucher de l’orgue à Saint-Ambroise, où, en arrivant, j’ai appris que mes appointements étaient augmentés... Je peux maintenant avoir une femme et des enfants, tant que j’en voudrai, au lieu de six cents francs, j’en ai huit.
CABRION.
Tout ça de potage... légumes compris.
GERMAIN.
Et je suis venu bien vite, toujours courant, lui faire part de mon bonheur et lui offrir ma main.
CABRION.
Hein... ta main ! ta main gauche.
GERMAIN.
Comment !
CABRION, montrant les objets trouvés dans le cabinet.
Regarde... ça ne coûte rien.
GERMAIN.
Qu’est-ce que c’est que ça ?
CABRION.
Un trophée d’armes... Victoires et conquêtes de Rigolette... Encyclopédie !
GERMAIN, très ému.
Où as-tu trouvé...
CABRION.
Ce trium galant ?... Dans ce boudoir noir... avec d’autres ustensiles... En voilà des souvenirs amoroso !
GERMAIN, vivement.
Tu peux croire !...
CABRION, montrant le bonnet à poils.
Dame ! à moins que ça ne lui serve à se déguiser au carnaval... en Robinson, ou en hussard !
Courant à la cheminée.
Oh ! oh ! tiens encore, incrédule, ce petit coffret... toujours fermé à clé... je l’ai remarqué...
Le secouant.
Des papiers... des lettres sans doute... attends...
Il va pour faire sauter la serrure.
GERMAIN.
Non... j’en sais assez... Je ne veux pas... Tiens, tout cela n’est pas vrai... Rigolette !
CABRION.
Mérite beaucoup plus justement le nom de Rigoleuse, que je lui octroie... car d’après ce que Pipelet m’a dit...
GERMAIN.
Écouter un portier.
CABRION.
Air : Troupe jolie.
Mais ne connais-tu pas, mon brave,
Les mœurs et les droits du portier.
Du grenier jusques à la cave,
Tout en balayant l’escalier,
Il cancane à chaque palier.
Au premier comme à la mansarde
C’est l’ confesseur de la maison ;
Seulement jamais il ne garde
Le secret de la confession.
Vois-tu, mon vieux, pendant que nous sommes là, tous les deux, je suis certain, maintenant, qu’il y en a un troisième qui...
GERMAIN.
Encore.
Il va s’asseoir accablé.
CABRION.
Toujours... je le prouverai...
GERMAIN, s’est appuyé sur la table ; ses yeux sont tombés sur la lettre du propriétaire, laissée par Rigolette.
Ô mon Dieu ! cette lettre qu’elle n’a lue, ce matin, qu’après notre départ... Vois, vois donc...
CABRION.
Un magasin !... C’est bien ça... ça sauve les apparences... ça la chausse...
GERMAIN, accablé.
Le propriétaire !
CABRION.
Un de plus... en abat-elle, cette gaillarde-là !
RIGOLETTE, en dehors et chantant.
Pour dot j’aurai plus d’ cinq sous...
GERMAIN, avec crainte.
C’est elle !
CABRION.
Donnons-nous de l’air... chuûut...
Cabrion se jette dans le cabinet en bousculant Germain, qui se cache derrière les rideaux du lit.
Scène IX
GERMAIN, CABRION, RIGOLETTE
RIGOLETTE, ouvre sa porte et entre.
Est-ce bien possible... J’ai réussi... quel bonheur ! je suis presque riche !... Maintenant il me semble que je peux... oui, il faut qu’il le sache... tout de suite...
Elle s’assied et écrit.
« Venez vite, je serai seule. »
Germain et Cabrion qui ont écouté et qui se font à ces mots des signes, s’avancent.
CABRION, à Germain.
Tu l’entends, Jupiter...
RIGOLETTE, se levant et cachant sa lettre.
Oh ! mon Dieu ! vous m’avez fait peur.
CABRION, avec froideur.
Nous vous avons interrompu, Mademoiselle ?
RIGOLETTE, avec bonheur.
Oh ! non.
GERMAIN.
Pourtant... cette lettre...
Rigolette baisse les yeux.
CABRION, triomphant.
Elle rougit... Pour qui que c’est ?... Passez-moi le mot.
RIGOLETTE, hésitant.
Pour qui ?
À Germain.
C’était pour vous.
CABRION, criant.
Oh ! qu’elle est bonne ! oh ! qu’elle est salée !... Je vous aurai un brevet d’invention, à vous !
RIGOLETTE.
Certainement, c’était pour... mais qu’importe... faites donc comme moi, mes amis, réjouissez-vous ! Ah ! je suis bien joyeuse, allez !... Vous savez que je vous parlais, ce matin, d’une espérance... Eh bien, elle s’est réalisée...
GERMAIN.
Comment ?
RIGOLETTE.
Un établissement superbe, que l’on m’offre à moi.
CABRION.
Un magasin ?
GERMAIN, à part.
Elle l’avoue !
RIGOLETTE.
Pour lequel je travaillais... La maîtresse se retire, me le cède, et elle me donne tout le temps qu’il me faudra pour le payer.
CABRION.
Elle a de la confiance, cette dame !
RIGOLETTE.
Mais qu’avez-vous donc tous les deux ? vous ne semblez pas partager ma joie ?
CABRION.
C’est que votre fortune ne nous surprend pas, Rigolinetta.
RIGOLETTE.
N’est-ce pas que je la mérite bien ?
CABRION.
Oh ! oui, disons-le à nos amis et connaissances.
RIGOLETTE.
Depuis si longtemps que je travaille pour cette bonne dame, elle a vu mon exactitude... apprécié mes petits talents... et, comme un bonheur ne vient jamais tout seul, celui-là peut m’en donner un autre...
S’approchant de Germain.
N’est-ce pas, Germain... Germain.
GERMAIN, sortant de sa rêverie.
Mademoiselle.
RIGOLETTE.
Ce matin... ici... à cette place... vous m’avez dit...
Mouvement de Germain.
Oh ! rien du tout, c’est vrai... mais il me semble que j’avais deviné... Moi, je vous ai désespéré, n’est-ce pas, par des méchantes paroles... bien dures... bien sèches... mais je n’en pensais pas un mot.
GERMAIN, joyeux.
Est-il possible !
RIGOLETTE.
Est-ce que j’aurais jamais consenti à vous voir malheureux... en prenant une femme qui vous aurait apporté en ménage... trois mouchoirs de poche... et un pot à l’eau.
GERMAIN.
Et vous étiez si libre avec Cabrion.
RIGOLETTE, timidement.
Parce que je ne le craignais pas.
Gaiement.
Il est si cocasse !
CABRION.
Hein ! je suis si cocasse.
GERMAIN.
Et vous étiez toujours si froide avec moi.
RIGOLETTE.
Parce que...
Après un effort.
Ah ! ma foi... tant pis !
Avec entraînement.
Parce que je vous aime...
GERMAIN, ivre de joie et lui baisant les mains.
Ah ! Rigolette !
Sautant au cou de Cabrion.
Ah ! mon ami, elle m’aime.
CABRION, le repoussant violemment.
Veux-tu me laisser tranquille, toi.
RIGOLETTE, gaiement.
Et maintenant que je suis devenue un petit parti assez... rondelet...
Avec sensibilité.
Je puis vous dire, mon ami... voici ma main... la voulez-vous.
GERMAIN, enchanté.
Serait-il possible ? Quoi... Rigolette !
CABRION, saisissant le bonnet de voltigeur, et, sans être vu de Rigolette, le secouant aux yeux de Germain en toussant.
Hum ! hum !
GERMAIN, à part.
Ah ! mon Dieu !
RIGOLETTE.
Vous ne me répondez pas !
CABRION, même jeu.
Hum ! hum !
Rigolette tourne la tête, Cabrion cache le bonnet à poils derrière son dos, et, s’approchant vivement de la cage des oiseaux, dit.
fi... fi... petit... petit...
GERMAIN, après un moment de silence.
Ce matin, Mademoiselle, j’aurais accepté avec joie, avec ivresse ; mais maintenant, je refuse.
RIGOLETTE, stupéfaite.
Vous refusez ?
CABBION, à part.
Bravi... brava... comme aux Italiens.
RIGOLETTE, avec naïveté.
Et pourquoi donc, Germain ?
GERMAIN, hésitant.
Pourquoi ?
RIGOLETTE.
Vous trouvez peut-être que je ne suis pas assez riche pour vous... Je vous donne ce que j’ai, moi... je croyais pourtant que ce magasin...
GERMAIN, vivement.
Ce magasin !
CABRION, prenant la lettre du propriétaire laissée sur la table et la montrant à Rigolette.
C’est cher, ma petite, un magasin de... vieux...
Criant.
Passez-moi le mot.
RIGOLETTE.
Ah !
À Germain.
Vous pouvez croire...
CABRION.
Jamais... nous nous gênons... Que diable ! nous avons une réputation à ça... bijou !
RIGOLETTE.
Encore ! toujours...
CABRION, montrant le bonnet à poils.
Et la peau d’ours...
RIGOLETTE.
Dieu !
CABRION.
Je vas en coiffer Pipelet pour remplacer son chapeau tromblon.
Il fredonne en sortant.
Je tire sur les ennemis
De mon pays,
Et j’ tu’ mon capitaine.
Mon capitaine est mort
Et moi je vis t’encor ;
Avant qu’il soit trois jours,
Ce sera z’à mon tour.
Il sort.
Scène X
RIGOLETTE, GERMAIN
GERMAIN, lui montrant le sabre et le bonnet grec.
Et tout ceci encore... Rigolette ?
RIGOLETTE.
Ah ! vous avez vu...
GERMAIN.
Vous ne savez comment ces objets sont ici, n’est-ce pas ? Ils ne sont pas à vous... dites-moi cela ?
RIGOLETTE, avec noblesse.
Si, Monsieur, si... ils m’appartiennent, et ils me sont chers...
GERMAIN.
Ah !
RIGOLETTE, montrant le bonnet grec.
Ce bonnet... je l’avais fait pour mon filleul, le petit Morel, fils d’un pauvre lapidaire, mon voisin, et que j’ai vu mourir presque de misère...
GERMAIN.
Comment ?
RIGOLETTE, désignant le sabre.
Quant à cette arme... elle fut celle d’un pauvre officier... mon voisin aussi, Monsieur.
Avec amertume.
J’en ai eu tant... qui, malgré mes soins, mes veilles... s’éteignit en me bénissant.
GERMAIN, hésitant.
Et... ce que Cabrion tenait...
RIGOLETTE.
C’est un souvenir... de bonheur...
Très émue.
C’est le bonnet de garde nationale de mon pauvre papa Crêtu.
À Germain.
Vous pouvez rire, Monsieur, ne vous gênez pas.
GERMAIN, prenant la lettre du propriétaire et la froissant.
Maudite lettre ! c’est elle seule qui est cause...
RIGOLETTE, tirant de sa poche un papier, et le donnant à Germain.
Faute d’y avoir fait une réponse, en voici une autre que Pipelet vient de me remettre.
GERMAIN, lisant.
Que vois-je ? Un congé par huissier...
Soudainement.
Je vais couper la gorge à Cabrion... Avec ses histoires... ses mensonges... et cette boîte toujours fermée à clé... qui est là... sur votre cheminée...
Avec intention.
Et qu’il a remarquée...
RIGOLETTE.
Ah ! c’est lui qui a...
Mouvement de Germain.
Je ne vous en veux pas... Je mérite tous les soupçons... Je me suis moquée des apparences.
Gaiement.
Et, maintenant, elles se moquent de moi... c’est juste.
Lui donnant la clé.
Tenez, ouvrez ce coffret.
GERMAIN.
Non, non
L’ouvrant.
Que vois-je ?
RIGOLETTE.
Votre première romance, Monsieur, que vous m’avez dédiée... que voulez-vous, je suis originale, je ne veux pas que tout le monde puisse voir ma petite collection de souvenirs !
GERMAIN, avec bonheur.
Ah ! Rigolette !
ENSEMBLE.
Air de l’Étudiant marie.
Avec l’espérance
La gaité commence
Non, plus de souffrance
Pour mon cœur.
Quelle douce ivresse !
Par notre tendresse,
Ah ! fixons sans cesse
Le bonheur !
GERMAIN.
Quel doux mariage !
Tous deux nous n’aurons
Dans notre ménage
Jamais dé soupçons.
Reprise.
Scène XI
RIGOLETTE, GERMAIN, CABRION
CABRION, entrant.
Pipelet a disparu dessous... Il est tout seul dans sa loge... cherchant à se déprisonner d’un bonnet à poils.
RIGOLETTE et GERMAIN.
Cabrion !
RIGOLETTE.
Encore...
CABRION.
Toujours... amour !...
À Germain.
Va te ficeler... je te ferai faire la connaissance d’une figurante du théâtre des Variétés...
GERMAIN, avec feu.
Du tout, mon ami, je reste ici, près d’elle... elle est innocente...
CABRION.
Innocente.
RIGOLETTE.
Ça vous étonne ?
CABRION.
Ça me momifie !
À Germain.
Et elle t’a persuadé !
À Rigolette.
Quelle diplomatie !... Mazette, Rigolette... Je vous nomme ambassadeur aux iles Marquises, pays de la femme libre et décolletée.
GERMAIN, à Cabrion.
Tu seras de la noce, mon ami.
CABRION, bas.
Et l’autre ?
GERMAIN, bas.
Quel autre ?
CABRION.
Chuûut.
RIGOLETTE, inquiète.
Que dites-vous donc ?
CABRION.
Eh ! au bout du compte, ce que tout le monde chuchote dans la maison... que tous les soirs, pendant qu’on vous croît endormie, dans les bras de l’innocence... l’innocence... a probablement une twine et des sous-de-pieds.
Criant.
Passez-moi le mot.
Bas, à Rigolette.
Vous savez le rosier.
RIGOLETTE.
Quelle infamie !
CABRION, bas, à Germain.
Pipelet croit savoir par où vient le paroissien... Attends un peu qu’on éclaire la lune au gaz, et nous allons le pincer chez elle... Chuûut.
RIGOLETTE.
Mais vous ne dites rien, Germain, cette nouvelle calomnie ne vous indigne donc pas ?
GERMAIN, embarrassé.
Si, Rigolette... si... mais...
RIGOLETTE.
Ah ! vous doutez encore ! Je le vois !
CABRION.
Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée... Tiré de Sancho-Pença.
GERMAIN, hésitant.
Rigolette... si vous pouviez seulement me dire... m’expliquer... comment il se fait... que l’on répande le bruit...
RIGOLETTE, noblement.
Encore une justification !... Ah ! tenez, laissez-moi, Germain... Nous ne pourrions jamais vivre ensemble... Je serais aussi malheureuse que vous... de vos soupçons...
CABRION, à Germain.
Viens donc, nigaud... nous allons l’arquepincer, que je te dis... Tu vas faire le guet dans le corridor, tandis que je plante Pipelet en faction, et que moi j’irai faire ma ronde-major.
Il remonte, prend la clé de la porte d’entrée et la met dans sa poche.
GERMAIN, avec effort.
Mon Dieu !... Oh ! mais je veux savoir si tout cela est vrai !
Haut.
À revoir, Rigolette, je l’espère.
RIGOLETTE, accablée.
Ah ! vous ne faites que l’espérer !
GERMAIN, voulant se jeter à ses pieds.
Rigolette !
CABRION.
Ici, Bibi... Ô Télémaque, je t’arrache de la grotte de Calypso.
Ensemble.
Air de l’Étudiant marie.
CABRION.
Quel espoir
De pouvoir
Me venger dès ce soir !
À ses lois
Oui, je dois
Le soustraire.
Prudemment,
Doucement
Je vais dans un moment
Revenir
Éclaircir
Ce mystère...
RIGOLETTE.
Plus d’espoir
De pouvoir
Le convaincre ce soir.
À ses lois,
Oui, je dois
Me soustraire.
Quel tourment !
Quoi, vraiment !
Me prêter un amant.
Quel plaisir
D’éclaircir
Ce mystère.
GERMAIN.
Plus d’espoir
De pouvoir
Me convaincre ce soir.
À ses lois,
Oui, je dois
Me soustraire.
Quel tourment !
Quoi, vraiment !
Aurait-elle un amant ?
Quel plaisir
D’éclaircir
Ce mystère.
Cabrion entraîne Germain.
Scène XII
RIGOLETTE
Il s’en va ! et il ne m’a pas dit qu’il me croyait innocente... lui ! Oh ! il me semble cependant qu’il ne devrait pas en douter... Mon Dieu ! que pensent donc les autres de moi... si lui il me condamne... Mais j’ai eu tort d’être bonne fille, d’agir franchement... au grand soleil... de faire toujours le bien, sans m’occuper s’il avait les apparences du mal... Il paraît que ce n’est pas le tout que la vertu... il faut aussi en avoir la réputation.
S’approchant du rosier.
Maudit rosier ! qu’est-ce qui t’a prié de venir ici... pour me faire rester fille... car c’est bien fini... il ne reviendra plus, lui ! Moi, recevoir quelqu’un la nuit, ici !... dans cette chambre, où il me semble que je vois toujours papa Crêtu... maman Ramonette.
Violemment.
Et je n’ai pas arraché un œil à Cabrion, quand il a dit ça...
Souriant.
Pauvre garçon !... c’eût été dommage... il est déjà assez laid...
Allant à la cage des oiseaux.
Vous dormez déjà, vous, mes amis, mes seuls amis... vous n’avez pas le cœur gros, vous... vous n’êtes pas malheureux ! Allons, je crois que je ne pourrai pas faire grand’chose de bon ce soir.
Elle allume sa chandelle et se met à l’ouvrage.
Air de Paul Henrion.
Mais n’importe, je veux, je dois
Reprendre à l’instant mon ouvrage,
Ce serait la première fois
Que j’aurais manqué de courage.
Puisqu’il m’accuse, loin de lui,
Que mon sort tristement s’achève, (bis.)
Dans le travail cherchons l’oubli,
Adieu pour toujours mon beau rêve,
Dans le travail cherchons l’oubli.
Plus de bonheur, adieu mon rêve. (bis.)
Scène XIII
RIGOLETTE, endormie, GERMAIN
GERMAIN entre doucement par la porte.
Ils sont éloignés, on ne me verra pas.
Il s’approche du fauteuil de Rigolette.
Elle dort.
RIGOLETTE, rêvant.
Germain ! Germain !
GERMAIN.
Mon nom !... Est-ce tendresse ou remords ? Mais il n’est plus temps de songer à mon bonheur... c’est à elle seule qu’il faut penser maintenant, et après, je la fuirai.
Il s’approche d’elle.
Rigolette !
Appelant plus fort.
Rigolette !
RIGOLETTE, se réveillant.
Qui m’appelle ?
GERMAIN.
Moi.
RIGOLETTE.
Ah ! mon Dieu !
Elle se recule précipitamment et se cache derrière ses rideaux.
Que faites-vous ici ? retirez-vous.
GERMAIN.
Ne craignez rien de moi, je ne viens que pour vous sauver.
RIGOLETTE.
Comment ?
GERMAIN.
Chacun est animé contre vous, la sainte-nitouche, c’est ainsi que l’on vous nomme ; tout le monde est prévenu, les voisins sont apostés... et puisqu’il est vrai que vous aimez quelqu’un... Oh ! vous êtes libre, je n’ai aucun droit de vous le reprocher... mais, pour vous-même... Oh ! qu’il ne vienne pas maintenant !...
RIGOLETTE.
Qu’il ne vienne pas !
GERMAIN.
Vous seriez perdue !
RIGOLETTE.
Qu’il ne vienne pas ! Vous croyez cela, et vous venez pour me sauver !... Ah ! vous m’aimez bien !... Merci, mon Dieu !
GERMAIN.
Mais hâtez-vous... vous ne redoutez donc pas ?
RIGOLETTE.
Une seule chose... d’être méconnue par vous, Germain... Jamais personne n’a été reçu par moi, ici... la nuit... Je vous le jure...
GERMAIN.
Non, ne jurez pas, Rigolette, je ne sais ce qui se passe en moi, car, en dépit de Cabrion... de Pipelet même, qui prétend avoir vu... Oh ! oui, oui... Je vous crois, Rigolette, je vous crois...
RIGOLETTE.
Malgré les apparences ?
GERMAIN.
Malgré ma raison, malgré tout, peut-être... et je vous aime...
RIGOLETTE.
Autant que ce matin ?
GERMAIN.
Plus encore !
RIGOLETTE.
Et si je vous disais de nouveau : Voici ma main ?
GERMAIN.
Je vous donnerais la mienne.
RIGOLETTE.
Merci... Oh ! merci, Germain ; vous me vengez bien de toutes leurs calomnies... mais...
GERMAIN.
Eh ! bien ?
RIGOLETTE.
À mon tour, je dois vous refuser.
GERMAIN, suppliant.
Que dites-vous ?
RIGOLETTE.
Il le faut, tant que je ne serai pas justifiée aux yeux de tous... car mon honneur ne m’appartient plus à moi seule... maintenant n’est-il pas aussi le vôtre ?
GERMAIN.
Rigolette !
Bruit au dehors.
Des pas de ce côté.
Il court vers la porte, l’entrebâille, et s’arrête tout à coup.
Ah ! mon Dieu !
RIGOLETTE.
Qu’avez-vous ?
GERMAIN.
Pipelet est au bout du corridor, ainsi que quelques voisins de la maison ; si je sors, ils vont me voir.
RIGOLETTE.
Vous... ici... à cette heure... la nuit ! mais je serai encore accusée... perdue !
GERMAIN, soudainement.
Ah ! ne vous désespérez pas.
Il court à la fenêtre et l’ouvre.
RIGOLETTE.
Que voulez-vous faire ?
GERMAIN.
Vous sauver.
RIGOLETTE.
Vous aller vous tuer.
GERMAIN.
Il n’y a pas de danger.
Il s’est élancé sur le toit.
CABRION, dans le corridor.
Arrête-le, Pipelet... tape dessus, Pipelet, ou je te cogne.
RIGOLETTE.
Cabrion !
Elle referme la fenêtre.
Scène XIV
RIGOLETTE, CABRION
CABRION.
Tiens ! pas le moindre grain de Germain !
RIGOLETTE, sèchement.
Monsieur ! comment osez-vous entrer chez moi !
CABRION.
Par la porte, Mademoiselle, je ne me permettrais pas de me présenter chez vous par un autre endroit.
Cherchant.
Mais où diable est Germanicus ?... il a quitté son poste, le cœur de poule ; c’est égal, la besogne a été faite sans lui... Il est pris ou à peu près...
RIGOLETTE.
Qui donc ?
CABRION.
Lui !
RIGOLETTE.
Lui qui ?
CABRION, malignement.
Ne plaisantez donc pas avec papa... le jardinier-fleuriste... celui qui vient ici tous les soirs, et qui en sort à bride abattue.
RIGOLETTE.
Par où donc ?
CABRION.
Par cette fenêtre... Les gouttières sont bonnes à l’écoulement des eaux... et autres ustensiles... Nous l’avons vu, s’élançant comme un quadrupède à civet, comptant peut-être sur les ombres de la nuit... mais toutes les fenêtres sont éclairées, s’il fait un pas on reconnaîtra bien son facies.
RIGOLETTE, à part.
Ah ! mon Dieu ! et j’ai refermé ma croisée, il ne peut plus rentrer ici.
À ce moment la fenêtre s’ouvre et Germain saute dans la chambre.
Scène XV
RIGOLETTE, CABRION, GERMAIN
RIGOLETTE, stupéfaite.
Germain !
CABRION, ébahi.
Sac à papier !
Il est au fond, Germain ne le voit pas encore.
GERMAIN.
N’ayez pas peur, Rigolette, j’étais masqué par une cheminée, ils n’ont pu me découvrir... mais impossible de passer...
CABRION, s’avançant et le touchant.
C’est bien, Germain.
GERMAIN.
Cabrion !
RIGOLETTE, très surprise.
Mais comment avez-vous donc pu ouvrir cette croisée ?
GERMAIN, timidement.
Oh ! ce n’était pas bien difficile... il y a un jour sous le battant... et, comme je le connais...
CABRION.
Tu le connais... Ah ! bah !... Ainsi, le particulier qu’on a déjà vu plusieurs fois sur les tuiles... ce matin encore...
GERMAIN.
On l’a vu ce matin ?
CABRION.
Portant un rosier.
RIGOLETTE.
Un rosier ?
CABRION.
Que voici...
GERMAIN.
C’est le mien.
RIGOLETTE et CABRION.
Le sien !
CABRION.
Ah ! mille bombes ! ce Lovelace découvert par Pipelet.
GERMAIN.
C’était bien celui-là ?
CABRION, avec humeur.
Eh ! oui...
GERMAIN.
Ah ! mon ami ! c’était moi !
Il lui saute au cou et l’embrasse.
CABRION, le repoussant violemment.
Veux-tu bien me laisser tranquille.
GERMAIN.
Et j’étais jaloux de... moi !
À Rigolette.
Ah ! Rigolette ! Rigolette !
RIGOLETTE.
Comment, c’était vous, Monsieur ?
CABRION.
Et sans qu’elle le sût... Mais que diable faisais-tu donc la nuit... dans sa chambre ?
GERMAIN.
Je la regardais.
CABRION, sautant en l’air.
Ah ! crebleu !... le jour de vos noces, je vous offrirai, à tous deux, des bouquets de fleurs d’oranger !
ENSEMBLE.
Air : chœur final de l’Étudiant maris.
Nos } tourments aujourd’hui vont finir.
Leurs }
Un ménage,
Sans orage.
À jamais va donc { nous réunir.
{ les
Ah ! pour { nous quel charmant avenir !
{ eux
RIGOLETTE, au public.
Air de Bérat.
En ce moment, il le faut,
Je viens pour plaider ma cause.
CABRION.
Méfiez-vous de la pose,
Messieurs, passez-moi le mot.
GERMAIN.
Ce n’est que par jalousie
Que parle ainsi le voisin.
RIGOLETTE.
En mon logis de sa vie
Il ne vint que le matin ;
Mais sans être une égrillarde,
À vous tous, avec espoir,
Je demande en ma mansarde
Un rendez-vous chaque soir.
Reprise du chœur.