L’Allégresse champêtre (Jean-François CAILHAVA DE L’ESTANDOUX)
Comédie en un acte.
Représentée pour la première fois, à Toulouse, sur le Théâtre de Toulouse, le 24 août 1757.
Mémoires historiques sur mes pièces
J’habitais Toulouse, lorsqu’un Monstre osa porter sur Louis XV une main parricide. Je n’entreprendrai point de peindre les alarmes qui agitèrent mes Concitoyens. La Garonne se pique de sentir aussi vivement que la Seine, et ses bords retentirent de mille cris de joie dès que les jours d’un Monarque chéri furent en sûreté. L’ivresse devint générale ; chaque Particulier, non content de livrer son âme au plaisir, espérait le doubler en le faisant partager à ses Compatriotes, et en donnant à l’envi des fêtes, comme la tendresse toujours ingénieuse peut seule les imaginer.
J’étais bien jeune ; et dans cet âge où l’on ne possède rien, je ne pouvais disposer que de ma plume. Avec cette faible ressource, je puisai dans un cœur François la noble audace de chanter sur le Théâtre, mon Maître, sa convalescence et l’allé greffe commune.
Ma pièce fut conçue, brochée, finie, reçue en peu de jours : on l’étudiait, quand le Démon qui devait un jour lutter avec moi sur les Théâtres de Paris, me porta les premiers coups. Il dicta une Parodie de l’Orphelin de la Chine à un Comédien nommé Gasparini, qui voulut, comme on l’imagine bien, être joué avant moi, qui, comme on l’imagine bien encore, y réussit ; et le Roi jouissait depuis six mois de la plus brillante santé, quand je félicitais mes Concitoyens de ce que l’on commençait à ne plus craindre pour sa vie.
Le Lecteur ne verra pas, du moins dans cette pièce, combien j’étais au-dessous de mon sujet : j’ai perdu mon manuscrit, et je n’aurai point la coquetterie de refaire à loisir mon Impromptu ; mais je puis assurer qu’il fut traité à Toulouse, comme l’on traite à Paris les bons et les mauvais Ouvrages. La moitié des Spectateurs en dit du bien, l’autre du mal. Mes amis me régalèrent de quelques épigrammes ; on me fit même l’honneur d’aller jusqu’aux injures. Qu’aurait-on fait de mieux dans la Capitale !
(Théâtre de M. Cailhava, tome I, 1781.)
(Référence : César : calendrier électronique des spectacles sous l’ancien régime et sous la révolution)