Le Tombeau de Nostradamus (Alain-René LESAGE)

Pièce en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Foire Saint-Laurent en 1714.

 

Personnages

 

OCTAVE, mari d’Isabelle

ISABELLE

ARLEQUIN

NOSTRADAMUS

UN MAGICIEN

DEUX JEUNES GENS

UNE MEUNIÈRE

PIERROT, son garde-moulin

UNE AVENTURIÈRE, arlequin

TROUPE  DE PROVENÇAUX et DE PROVENÇALES

 

La scène est à Salon, ville de Provence.

 

Le théâtre représente la ville de Salon en Provence. On voit dans l’enfoncement le tombeau de Nostradamus.

 

 

Scène première

 

OCTAVE, ARLEQUIN

 

OCTAVE.

Air n° 24, ou Réveillez-vous, belle endormie.

C’est lui, c’est Octave lui-même
Que tu vois, mon cher Arlequin.

Il embrasse Arlequin.

ARLEQUIN, fouillant dans la poche d’Octave.

Ah ! monsieur, ma joie est extrême
De pouvoir...

OCTAVE, le surprenant.

Que fais-tu, coquin ?

ARLEQUIN.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Monsieur, excusez l’habitude...
Qu’avez-vous fait depuis deux ans ?

OCTAVE.

Je sens la peine la plus rude ;
Rien n’est égal à mes tourments.

ARLEQUIN.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Pourquoi donc ?

OCTAVE.

Tu sais qu’à Florence
Mon cœur, d’Isabelle charmé,
Dans le mystère et le silence
Goûtait le plaisir d’être aimé.

ARLEQUIN.

Même air.

Hé bien ! cette tendre maîtresse.

OCTAVE.

Depuis six mois j’en suis l’époux.
L’hymen redoubla ma tendresse ;
Mais, hélas ! je devins jaloux.

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi la foudre.

Une nuit je trouve avec elle
Un homme seul dans son jardin.
Cet objet trouble ma cervelle :
De l’homme je perce le sein.

ARLEQUIN, se laissant tomber.

Ouf !

OCTAVE.

Air n° 7, ou Tu croyais, en aimant Colette.

Il tombe à mes pieds. Isabelle
De peur sent glacer ses esprits.
D’une voix faible elle m’appelle
Mais je la quitte avec mépris.

ARLEQUIN.

Air n° 60, ou Philis, plus avare que tendre.

Elle était peut-être innocente.

OCTAVE.

C’est ce que depuis j’ai pensé.

ARLEQUIN.

Oui ; mais, dans votre humeur bouillante,
L’homme à bon compte fut percé.

Air n° 13, ou Monsieur le prévôt des marchands.

Mais enfin que devint, seigneur,
Isabelle, après ce malheur ?

OCTAVE.

J’ai su qu’elle a quitté Florence,
Et qu’elle me cherche en tous lieux.

ARLEQUIN.

La pauvre femme ! En conscience,
Les larmes m’en viennent aux yeux.

OCTAVE.

Air n° 32, ou Chantez, dansez, amusez-vous. (Rosière.)

J’en ai partout, cher Arlequin,
Fait une recherche inutile.
Pour être instruit de son destin,
Je suis venu dans cette ville.
Je prétends ouvrir le tombeau
De Nostradamus.

ARLEQUIN.

Ah ! tout beau !

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps. (d’Une Folie.)

Un funeste sort est prédit
À celui qui l’osera faire.

OCTAVE.

Cette fable n’est en crédit
Que chez le crédule vulgaire.
Je sais, moi, que qui l’ouvrira
D’un parfait bonheur jouira.

ARLEQUIN, sur le ton du dernier vers.

Oui ; mais qui diable l’osera ?

OCTAVE.

Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.

Ami, toute cette science
Consiste en une circonstance.
Pour exécuter ce projet,
Il ne faut qu’embrasser d’emblée
Fièrement le premier objet
Qui sortira du mausolée.

ARLEQUIN.

Air n° 11, ou Le fameux Diogène.

Si l’objet est aimable,
De figure agréable,
Moi, je le baiserai.

OCTAVE.

Et s’il est effroyable ?

ARLEQUIN.

Je fuirai comme un diable.

OCTAVE.

Moi je l’embrasserai.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Je vais donc faire l’ouverture
De ce tombeau mystérieux.

ARLEQUIN.

Le ciel nous préserve tous deux
De mauvaise aventure !

Octave frappe sur le mausolée, qui s’ouvre. Il en sort d’abord un monstre affreux, qui vomit des tourbillons de feu. Arlequin s’enfuit de peur ; mais l’intrépide Octave embrasse le monstre, qui s’abîme aussitôt ; et un magicien noir paraît.

 

 

Scène II

 

OCTAVE, LE MAGICIEN

 

LE MAGICIEN.

Air n° 80, ou Qu’auprès d’un jeune homme on étale.

Mortel qui dans cette retraite
Viens consulter le grand prophète,
Tu vas le voir en ce moment.
Depuis plus de deux cents années
Il écrit dans-ce monument
Ce qu’ont réglé les destinées.

Le magicien donne un coup de baguette sur le tombeau, qui s’ouvre entièrement et laisse voir tout l’intérieur. Nostradamus y paraît dans un fauteuil. Il écrit sur une petite table d’ébène. Autour de lui sont rangés plusieurs bouquins. Il a la tête couverte d’un bonnet violet à longues oreilles, une barbe blanche qui lui descend jusqu’à la ceinture, et une robe de même couleur, parsemée de caractères talismaniques.

 

 

Scène III

 

NOSTRADAMUS, OCTAVE

 

NOSTRADAMUS, s’avançant vers Octave.

Air n° 46, ou de Joconde.

Octave, ne vous plaignez plus
D’avoir le sort contraire ;
Dès aujourd’hui Nostradamus
Va vous tirer d’affaire.
Mais, s’il vous plaît, corrigez-vous
De votre violence ;
Et ne soyez pas plus jaloux
Que les maris de France.

Même air.

L’homme que vous avez percé
N’a pas perdu la vie.
Il ne vous a point offensé,
Je vous le certifier
Vous reverrez dans un moment
Votre épouse Isabelle.

OCTAVE.

Ah ! seigneur, quel ravissement !
Mais est-elle fidèle ?

NOSTRADAMUS.

Air n° 28, ou Allons, gai, d’un air gai.

N’ayez de sa sagesse
Aucun soupçon, mon fils,
Quoique votre princesse
Ait bien vu du pays.
Allons, gai,
D’un air gai,
etc.

OCTAVE.

Air n° 81, ou La liberté préside.

Seigneur, daignez la rendre
À mes ardents désirs.

NOSTRADAMUS, souriant.

C’est trop vous faire attendre ;
Hâtons donc vos plaisirs.

Air n° 82, ou Jetez les yeux sur ce portrait.

Démons, à me plaire empressés,
Farfadets, follets, qu’on m’entende ;
Tous à ma voix obéissez :
C’est maître Michel qui commande.
Hâtez-vous de m’amener ici
La femme de ce seigneur-ci.

Même air.

Cet ordre est des plus importants :
Qu’il ne rencontre point d’obstacles ;
Et publiez en même temps
Que je vais rendre mes oracles :
Qu’aujourd’hui je veux bien écouter
Ceux qui viendront me consulter.

On voit en cet endroit plusieurs démons ailés qui sortent du fond du mausolée et s’envolent. Ils reviennent à l’instant, et Isabelle paraît.

 

 

Scène IV

 

NOSTRADAMUS, OCTAVE, ISABELLE

 

NOSTRADAMUS.

Air n° 20, ou Qu’on apporte bouteille.

Voyez votre Isabelle.

OCTAVE, étonné.

Eh quoi ! dans le moment !...

NOSTRADAMUS, souriant.

Un seigneur qui veut une belle
Est-il servi plus promptement ?

ISABELLE, surprise.

Air n° 10, ou Ne m’entendez-vous pas ?

Est-ce une vision ?
En croirai-je ma vue ?
Ah ! je la crois déçue
Par une illusion !

OCTAVE.

Non, chère épouse, non.

NOSTRADAMUS.

Même air.

À des transports si doux
Livrez-vous sans contrainte ;
Bannissez toute crainte.

ISABELLE.

Je revois mon époux.

NOSTRADAMUS.

Allons, embrassez-vous.

Ils s’embrassent.

OCTAVE, à Isabelle.

Air n° 83, ou Allez vous-en, gens de la noce.

Remercions ce grand prophète
De tout ce qu’il a fait pour nous.

NOSTRADAMUS.

Une félicité parfaite
Mes enfants, vous attend chez vous.

OCTAVE et ISABELLE.

Nous vous remercions, prophète,
De toutes vos bontés pour nous.

Octave et Isabelle saluent respectueusement Nostradamus en lui baisant les mains, et se retirent. Il entre deux jeunes gens qui se donnent des airs de petits-maîtres.

 

 

Scène V

 

NOSTRADAMUS, DEUX JEUNES GENS

 

PREMIER JEUNE HOMME.

Air n° 79, ou Talalerire.

Papa Nostradamus, de grâce.
Jugez-nous en dernier ressort.
Ce marquis prétend que sa race
Vaut la mienne : il se trompe fort.
De ma maison daignez l’instruire.

DEUXIÈME JEUNE HOMME, d’un ton railleur.

Talaleri, talaleri, talalerire.

Même air.

Cet orgueilleux discours me blesse ;
Mais j’en serai bientôt vengé.

PREMIER JEUNE HOMME.

J’ai quatre cents ans de noblesse.

DEUXIÈME JEUNE HOMME.

Je date du temps de Noé.
Maître Michel va vous le dire.

PREMIER JEUNE HOMME, d’un ton moqueur.

Talaleri, talaleri, talalerire.

Nostradamus les regarde l’un après l’autre en souriant, et leur dit.

NOSTRADAMUS.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je t’ai vu naître.

Là-dessus, à moins que l’histoire,
Certes, ne vante vos aïeux,
Mes amis, voulez-vous m’en croire ?
Ne soyez point trop curieux.

DEUXIÈME JEUNE HOMME.

Air n° 63, ou Te bien aimer, ô ma chère Zélie !

Révélez-nous, seigneur, notre naissance.
Je ne crains rien.

PREMIER JEUNE HOMME.

Ni moi, sans vanité.

NOSTRADAMUS.

Le voulez-vous ?

DEUXIÈME JEUNE HOMME.

Parlez sans complaisance ?

PREMIER JEUNE HOMME.

Dites-nous tout avec sincérité.

NOSTRADAMUS.

Air n° 44, ou Tout roule aujourd’hui dans le monde.

Hé bien ! il faut vous satisfaire :
Je vais tout à l’heure à vos yeux
Faire paraître, pour vous plaire,
Les trois derniers de vos aïeux.
Leurs mânes, par mon ministère,
Vont être attirés dans ces lieux.

Nostradamus fait avec sa baguette des gestes de cabaliste. Il remue les lèvres et paraît agité de mouvements convulsifs. Ensuite il dit au premier jeune homme de regarder. Dans le moment, on voit passer un vieux gentilhomme de campagne, après lui un bailli de village, qui est suivi d’un meunier.

PREMIER JEUNE HOMME, apercevant le meunier, dit avec des marques de désespoir.

Un meunier !

NOSTRADAMUS, au second jeune homme.

À vous le dé.

Il passe l’un après l’autre un gros homme richement vêtu, un petit commis aux aides, la rouanne à la main, et enfin un cocher.

DEUXIÈME JEUNE HOMME, apercevant le cocher, et poussant un cri de douleur.

Un cocher !

Ils sortent tous deux, pleins de rage et de confusion, sans prendre congé de Nostradamus.

 

 

Scène VI

 

NOSTRADAMUS, seul

 

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

On voit bien de ces caractères,
Principalement à Paris.
Ah ! que de gens seraient surpris,
S’ils voyaient leurs grands-pères !

 

 

Scène VII

 

NOSTRADAMUS, UNE MEUNIÈRE, PIERROT, GARDE-MOULIN

 

PIERROT.

Air n° 23, ou Laire la, laire lanlaire.

Comme vous êtes grand devin,
Et que vous savez du latin,
Je venons à vous pour affaire.
Laire la, laire lan laire,
Laire la, Laire lan la.

LA MEUNIÈRE.

Même air.

Seigneur, je vis depuis six ans
Sans mari.

NOSTRADAMUS.

Peste ! c’est du temps,
Pour une si jeune meunière !

PIERROT, riant.

Laire la, etc.

LA MEUNIÈRE.

Air n°39, ou Dondaine, dondaine.

Un matin (croiriez-vous cela ?)
Sans me rien dire, il s’en alla.
Dondaine, dondaine.

PIERROT.

J’ai depuis ce temps-là
Toute la peine.

LA MEUNIÈRE.

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

Il est vrai que comme un satyre
Pierrot travaille nuit et jour.

NOSTRADAMUS, souriant d’un air malin.

Le reste, vous ne l’osez dire :
Vous sentez pour lui de l’amour.

PIERROT.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Monsieur, alle est un peu honteuse
D’avouer cela devant vous.

NOSTRADAMUS, souriant encore.

Oh ! Je sais qu’elle est amoureuse.

LA MEUNIÈRE, d’un air d’innocente.

Hé, mais...

NOSTRADAMUS.

Belle, avouez-le-nous.

PIERROT, à la meunière.

Air n° 16, ou Je reviendrai demain au soir.

Eh ! morgué ! parlez sans façon.

LA MEUNIÈRE.

Pierrot est bon garçon. (bis.)

PIERROT.

Pourquoi tourner autour du pot ?
Dites : j’aime Pierrot.
(bis.)

LA MEUNIÈRE.

Air n° 56, ou Landeriri.

Oui, j’aime mon garde-moulin :
Ce garçon va son droit chemin,
Landerirette
Il ne prend point de mauvais pli,
Landeriri.

NOSTRADAMUS.

Air n° 47, ou Lon lan la, derirette.

Vous en voulez faire un époux ?

LA MEUNIÈRE.

Pour cela je m’adresse à vous,
Lon lan-la, derirette
Dites-moi si l’autre a péri.

NOSTRADAMUS, branlant la tête.

Lon lan la, deriri.

Air n° 84, ou Nous n’avons qu’un temps à vivre.

Il est encor plein de vie.
Il s’est fait agioteur.
À Paris il vit, ma mie,
Déjà comme un grand seigneur.

Air n° 85, ou Tout le long de la rivière.

Un gros équipage ;
De l’or à foison ;
Seigneur d’un village,
Il a sa maison
Tout le long de la rivière,
Laire, Lon lan la,
Tout le long de la rivière.

LA MEUNIÈRE.

Ah ! qu’il fait bon là !

À Pierrot.

Même air.

Je vais être dame
Près de mon mari.
Cherche une autre femme ;
Va, mon favori,
Tout le long de la rivière,
Laire, Lon lan la,
Tout le long de la rivière,
Je pars.

PIERROT, l’arrêtant.

Halte-là.

Air n° 11, ou Le fameuse Diogène.

Oh ! je suis du voyage.
Chez vous je serai page,
Ou, si l’on veut, portier.
Ensuite de mon maître
J’exercerai peut-être
À mon tour le métier.

Ils sortent tous deux.

 

 

Scène VIII

 

NOSTRADAMUS, ARLEQUIN, en femme

 

ARLEQUIN.

Air n° 24, ou Réveillez-vous, belle endormie.

À partir demain je m’apprête
Pour Paris, grand Nostradamus.
D’arriver là je me fais fête.

NOSTRADAMUS.

Les tendrons y sont bien reçus.

Air n° 42, ou Jupiter, prète-moi ta foudre.

Vous vous destinez au théâtre.

ARLEQUIN.

Oui, seigneur, j’ai ce penchant-là ;
C’est un parti que j’idolâtre ;
Je suis folle de l’opéra.

NOSTRADAMUS.

Air n° 6, ou Guillot auprès de Guillemette.

(Répétez le 2e et le 4e vers.)

C’et un piédestal favorable
Pour une Iris ;
Il fait d’une fillette aimable
Hausser le prix :
Pour peu qu’un minois soit joli,
On le voit bientôt établi.

ARLEQUIN.

Air n° 86, ou Air du négligé. (de Monsieur Deschalumeaux.)

Apprenez-moi, je vous conjure,
Si mes appas
À Paris vont faire figure,
Et grand fracas.
Regardez avec quelle grâce
Je vais danser[1].

NOSTRADAMUS.

Ce talent, quand il est en place,
Peut amorcer.

Après qu’Arlequin a dansé, Nostradamus lui dit.

Air n° 52, ou Robin, turelure lure.

Vous avez des pas vainqueurs,
Une appétissante allure.
Vous allez de mille cœurs,
Turelure,
Faire à Paris la capture.

ARLEQUIN, sautant de joie.

Robin, turelure lure.

Air n° 9, ou Livrons-nous à la tendresse.

Daignez en détail me dire
Les exploits de mes beaux yeux.

NOSTRADAMUS.

Attendez, je vais les lire,
Ils sont écrits dans les cieux.

Il va chercher une longue lunette d’approche.

Je vais chercher ma lunette.
Vous saurez bientôt brunette,
Tous les doux assassinats
Que vont faire vos appas.

ARLEQUIN y faisant la femme gracieuse, sur le ton des deux derniers vers.

Oh ! sans vanité, je crois
Qu’il sera parlé de moi.

NOSTRADAMUS, après avoir observé le ciel.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

De biens et de maux quel mélange !

ARLEQUIN, inquiet.

Que voyez-vous ?

NOSTRADAMUS.

Premièrement,
Je vois un gros agent de change
Qui vous meuble un appartement.

ARLEQUIN.

Bon ! me voilà déjà dans mes meubles.

NOSTRADAMUS, continuant d’observer.

Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.

Que vois-je ? l’aventure est drôle !
C’est un garçon marchand qui vole ;
De damas il fait un paquet,
Et le vol est de conséquence.
Chez vous il le porte en secret,
Pour ébaucher la connaissance.

ARLEQUIN.

Cela va bien, courage !

NOSTRADAMUS, observant toujours.

Air n° 80, ou Qu’auprès d’un jeune homme on étale.

Mais (ô disgrâce, peu commune !...)

ARLEQUIN, d’un air fort agité.

Apprenez-moi mon infortune.

NOSTRADAMUS.

Ciel ! quel sinistre événement !
Il va chez vous deux capitaines
Qui vont briser brutalement
Vos meubles et vos porcelaines.

ARLEQUIN, se démenant.

Hoïmé ! au guet ! au guet ! au feu !

NOSTRADAMUS.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps.

Ce n’est pas tout, de l’Opéra...

ARLEQUIN.

Hé bien ?

NOSTRADAMUS.

Vous êtes écartée :
On vous trouve pour ce lieu-là,
Ma belle, un peu trop effrontée.

ARLEQUIN.

Il n’est pas possible.

NOSTRADAMUS.

Malgré cela, chacun vous suit.

ARLEQUIN.

Tant mieux, tant mieux ; je fais grand bruit.

NOSTRADAMUS.

Air n° 46, ou de Joconde.

Un magistrat bien informé
De tout votre mérite,
Par son cortège bien armé
Vous fait rendre visite.

ARLEQUIN.

Oh ! oh ! C’est trop d’honneur.

NOSTRADAMUS.

Et de sa part, honnêtement,
On vous fait la prière
D’accepter un beau logement
À la salpêtrière.

ARLEQUIN, s’en allant d’un air gai.

Fin de l’air n° 87, ou Nanon dormait.

Allons, allons,
À la salpêtrière allons.

 

 

Scène IX

 

NOSTRADAMUS, TROUPE DE PROVENÇAUX et DE PROVENÇALES, qui arrivent en dansant

 

Les Provençaux et les Provençales viennent témoigner à Nostradamus la joie qu’ils ont d’apprendre qu’il vit encore, et lui demander sa protection.

UN PROVENÇAL.

Air n° 88, ou Dans notre village.

Que chacun implore
Michel aujourd’hui ;
Cherchons son appui,
Ce grand prophète vit encore.
Chantons, dansons tous,
Réjouissons-nous.

TOUS ENSEMBLE.

Chantons, dansons tous,
Réjouissons-nous.

Ils forment une danse qui est coupée par ce vaudeville.

Vaudeville.

Air n° 89, ou Ce cher objet sommeille encore. (des Amours d’été.)

Premier couplet.

UN PROVENÇAL.

Vous connaissez nos caractères :
Nos esprits sont un peu manceaux ;
Faites que tous les Provençaux
À Paris passent pour sincères.

NOSTRADAMUS.

Pour Picards ils seront reçus.

LE PROVENÇAL, lui faisant la révérence.

Vive Michel Nostradamus !

CHŒUR des Provençaux et des Provençales.

Vive Michel Nostradamus !

Deuxième couplet.

UNE PROVENÇALE.

Je cherche à me mettre en ménage ;
Mais je crains un mari jaloux.
Je voudrais trouver un époux
Qui d’un ami n’eût point d’ombrage.

NOSTRADAMUS.

Vous en trouverez tant et plus.

LA PROVENÇALE, faisant la révérence.

Vive Michel Nostradamus !

CHŒUR.

Vive Michel Nostradamus !

Troisième couplet.

UN PAYSAN.

Je voudrais épouser Nicole,
Mais, tatigué, je sis trop fin :
Je m’aperçois qu’avec Colin
Tous les jours aile batifole.

NOSTRADAMUS.

Fais comme il fait, et rien de plus.

LE PAYSAN, en le saluant.

Vive Miché Nostradamus !

CHŒUR.

Vive Michel Nostradamus !

Quatrième couplet.

UNE PAYSANNE.

Un riche fermier du village
M’a fait l’objet de ses amours :
Mais le fripon, dans ses discours,
Ne parle point de mariage.

NOSTRADAMUS.

Contraignez-l’y par vos refus.

LA PAYSANNE.

Vive Michel Nostradamus !

CHŒUR.

Vive Michel Nostradamus !

Cinquième couplet.

UN PROVENÇAL.

Calmez le trouble de mon âme ;
Catin, dont les yeux m’ont soumis ;
D’un vieux fermier de mes amis,
Catin va devenir la femme.

NOSTRADAMUS.

Crains que ces nœuds ne soient rompus.

LE PROVENÇAL.

Vive Michel Nostradamus !

CHŒUR.

Vive Michel Nostradamus !

Sixième couplet.

NOSTRADAMUS.

Je vous promets mon assistance ;
J’aurai soin de combler vos vœux ;
Vous serez désormais heureux.
Allez avec cette assurance.
Partez ; ne m’étourdissez plut.
Laissez en paix Nostradamus.

CHŒUR, en se retirant.

Laissons en paix Nostradamus.


[1] Arlequin danse. Ce personnage fut fait par le sieur Baxter, l’arlequin anglais, qui dansa le Caprice d’une manière digne de l’admiration de tous les spectateurs. (Note de l’auteur.)

PDF