La Jolie meunière (Alfred DESROZIERS - TERNAUX)
Vaudeville en un acte.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 13 septembre 1852.
Personnages
BAPTISTE
DANIEL, son neveu, paysan
LAMBERT, brigadier
ANNETTE, meunière
MADAME MICHAUD, fermière
MARGUERITE, rosière
Une place de village à droite, l'entrée du moulin d’Annette, au-dessus, la fenêtre du grenier surmontée une poulie autour de laquelle est passée une corde qui sert à monter les sacs. Un des bouts pend sur des sacs de blé posés à terre. Le mur du jardin vient aboutir à la maison, et s’étend jusqu’au troisième plan. Du côté gauche, au tiers de la scène, un grand arbre entouré d’un banc de gazon ; au quatrième plan, à gauche, et à droite, des arbres.
Scène première
DANIEL
Il fait petit jour ; Daniel venant de l’intérieur du jardin d’Annette, et se mettant à califourchon sur le mur.
Ah ! m’y voilà ! savez-vous mon avis ? c’est que la vertu, pour nous autres coqs favorisés d’la poule est diablement endêvante ! exemple : mon oncle Baptiste qui est moral, c’est pas un homme... c’est un chien de garde... un peu plus ! v’lan ! il me happait... heureusement qu’ s’il tient du chien... moi j’ tiens du chat.
Regardant en bas.
C’est bête de faire les murs si élevés ! et c’est l’ second que j’escalade !... faut-il que l’ seul oncle dont j’ doive hériter, se soit avisé de r’luquer ma fermière... c’est y gênant de dissimuler ainsi ses amours... quand le bon motif y est ?
Regardant en bas.
Faut pourtant que j’ descende !
Air du Premier pas.
Au pied du mur
Chacun craint de paraître,
Et d’ordinaire on a raison, c’est sûr,
Mais aujourd’hui, je dois le reconnaître,
Tout mon désir à moi ce serait d’être
Au pied du mur !
Ah ! cette corde !
Il gagne l’angle de la maison et saisit la corde qui sert à monter les sacs.
Scène II
BAPTISTE, DANIEL
BAPTISTE, arrivant du fond, à droite, en suivant le mur du jardin.
J’ai un remords qui me poursuit... ma couche est rembourrée d’épines, et ça m’incommode.
Daniel se laisse glisser le long de la corde et tombe sur le dos de Baptiste.
Ah ! qu’est-ce que c’est que ça ?
DANIEL, stupéfait.
Mon oncle !
BAPTISTE.
J’ai cru que le ciel me tombait sur la tête.
Il descendent en scène.
DANIEL.
Sur le dos, vous voulez dire ?
À part.
Et moi qui voulais l’éviter... je suis bien tombé !
BAPTISTE.
D’où viens-tu par là ?
DANIEL, ne sachant que dire.
Par là, moi ?
BAPTISTE.
Oui, toi.
DANIEL.
C’est tout simple, moi ! mon oncle... je cherchais... des nids...
BAPTISTE.
Des nids ?... des nids de colombe.
DANIEL.
De colombe si vous voulez... la colombe n’est pas sans agrément.
BAPTISTE, avec gravité.
Prends garde, Daniel, quiconque se sert de la corde périra par la corde.
DANIEL.
Est-ce que quiconque est pendu pour ça ?
BAPTISTE.
Non, la question ne s’est pas encore élevée à cette hauteur, mais tu ne sais pas quels remords tu te prépares !
DANIEL.
C’est pas ma faute, mon oncle... c’est mon physique qui fait des siennes.
BAPTISTE.
Ton physique ?
DANIEL.
L’intention n’y est pour rien.
Air de Joseph.
Je n’ai qu’à me montrer pour plaire,
Est-ce ma faute, en vérité,
En naissant si j’ai de mon père
Reçu cette facilité ?
Du doux charme que sans mesure
Sur les cœurs je produis partout,
Je suis innocent, je vous jure,
C’est mon physique qui fait tout.
BAPTISTE.
Devrais-tu te laisser aller ?
DANIEL, avec naïveté.
Je suis trop bon... c’est vrai... je n’ai pas la force de refuser.
BAPTISTE.
Et c’est le jour même où l’on va couronner une rosière, que tu donnes l’exemple de la dépravation, tu vas faire des visites chez cette petite meunière !
DANIEL.
Chez la meunière ?
À part.
Tiens, il va par là.
BAPTISTE.
De chez qui, si ce n’est pas de chez elle ?...
DANIEL, à part.
Je ne peux pas lui dire que je viens de chez...
BAPTISTE.
Oserais-tu le nier ? quand tu sors de son jardin... ah ! mon Dieu ! il n’y a que le jardin de madame Michaud, la fermière, qui en soit séparé par un mur mitoyen !
DANIEL, à part.
Aïe ! aïe ! il brûle !
BAPTISTE.
Ce n’est pas, ce ne peut pas être chez madame Michaud que tu cherchais des nids... chez une femme que j’honore de mes sympathies morales... ah ! c’est que je te donnerais...
DANIEL.
Quoi donc ?
BAPTISTE.
Ma malédiction, au lieu des six mille livres que je t’ai promises pour t’établir.
DANIEL, vivement.
Sapristi ! gardez-vous bien de rien croire qui puisse m’attirer votre malédiction, et m’ôter vos six milles livres...
BAPTISTE.
À la bonne heure ! ça m’avait déjà remué la bile, je dois avoir jauni !
DANIEL.
Oui, vous étiez d’un jaune tout à fait foncé... reprenez votre air serein.
BAPTISTE.
Non, je veux savoir ton aventure.
Scène III
BAPTISTE, DANIEL, MADAME MICHAUD
MADAME MICHAUD, venant de la droite.
Une aventure, qui est-ce qui a eu une aventure ?
BAPTISTE, vivement.
C’est vous, madame Michaud !
MADAME MICHAUD.
C’est moi !
BAPTISTE.
C’est vous qui arrivez à propos pour éclaircir mes soupçons.
MADAME MICHAUD.
Vos soupçons ?
DANIEL, bas, à madame Michaud.
Il faut l’ cajoler, sans quoi il me déshériterait !
MADAME MICHAUD, à Baptiste.
Vous avez des soupçons sur moi ? ah ! monsieur Baptiste, c’est bien mal me connaître.
BAPTISTE.
C’est la faute de Daniel qui fait le discret, qui ménage Annette dont il escaladait le mur du jardin.
MADAME MICHAUD.
Du jardin qui touche au mien... ah ! monsieur Daniel, ça n’est pas délicat, me compromettre...
BAPTISTE.
Pour qui ?... pour une petite scélérate...
MADAME MICHAUD.
À qui tout le village sait qu’il fait la cour.
BAPTISTE.
Qui n’a rien à risquer.
DANIEL, riant.
Et qui a donné lieu à cette chanson :
« J’ai vu la meunière
« Du moulin à vent...
Se pavanant.
C’est vrai qu’elle est amateuse des jolis hommes.
À part.
Ça la flatterait peut-être !...
MADAME MICHAUD.
Devant M. Baptiste qu’est votre oncle. devant moi... je ne comprends pas votre discrétion.
DANIEL.
Vous ne comprenez pas ? là... vrai ! eh ! bien donc, alors soyez contents.
Il a passé au milieu.
J’avoue... tout ce que vous voudrez.
BAPTISTE.
Ah !
DANIEL.
Mais entre nous... tout à fait entre nous...
BAPTISTE.
Bonne pièce !
À part.
Il aura des remords comme son oncle...
Haut.
À présent me voilà tranquille.
DANIEL.
Tranquille, comme Baptiste.
BAPTISTE.
En l’absence de M. le comte dont je suis fermier et factotum, c’est moi qui vais poser la couronne sur le front virginal de la rosière ; mon neveu, pour la cérémonie, le repas et la danse... va te faire beau.
DANIEL.
Beau ? c’est fait... ah çà... c’est bien convenu... mon aventure... avec Annette... c’est ente nous... s’il lui était rapporté que c’est de chez elle que je revenais, elle pourrait en être surprise.
BAPTISTE.
Ne l’inquiète donc pas ?
Ensemble.
BAPTISTE et MADAME MICHAUD.
Pour Annette, bah ! qu’importe,
Elle y tient peu, vraiment !
La morale l’emporte,
C’est l’important.
DANIEL.
Avec Annette, n’importe,
Il faut être prudent,
Agir de la sorte,
Oui, c’est important.
MADAME MICHAUD, à Daniel.
Craignez-vous que dans sa colère
Elle vous arrache les yeux ?
DANIEL.
Mes yeux ! mais c’est, belle fermière,
Ce que j’ai de mieux.
Reprise de l’ensemble.
Sur la reprise de l’ensemble, elle passe à gauche.
DANIEL, sortant.
Mon oncle je vais embellir la nature.
BAPTISTE.
Oui, embellis-la beaucoup.
DANIEL.
Et n’ jasez point, m’n oncle.
Il sort par la gauche.
Scène IV
BAPTISTE, MADAME MICHAUD
BAPTISTE.
Ah ! madame Michaud, j’ai eu bien peur... j’ai cru être sacrifié à mon blanc-bec de neveu.
MADAME MICHAUD.
Vous avez cru ?...
BAPTISTE.
Les femmes sont si singulières... elles préfèrent ce qui est vert...
MADAME MICHAUD.
À ce qui est sec !
BAPTISTE.
Et pourtant, ce qui est sec brûle bien mieux !
MADAME MICHAUD, vivement.
Oui ! mais c’est un feu de paille... je n’ dis pas ça pour vous... vous êtes du chêne, vous... du bois dur ! c’est différent... ça fait bon feu.
BAPTISTE, avec résolution.
Fermière... il faut en finir... nous marier... je m’ tourmente, je désire... je veux... et quand je suis là, seul à seul, avec vous, j’ouvre de grands yeux, ma tête se monte, mon cœur s’impatiente...
MADAME MICHAUD, passant à gauche.
Mais, vraiment vous me faites l’effet d’un loup en me regardant.
BAPTISTE.
D’un loup ! vous avez raison... C’est le mot.
Air : Jadis et aujourd’hui.
Oui, comme un loup la faim me pousse,
Vous êtes un agneau pour moi.
MADAME MICHAUD.
Un agneau ? votre erreur est douce...
Mais je dois vous l’ôter, je crois,
Pour le loup qui sait s’y connaître
Et qu’affriande un bon morceau,
Je suis une brebis, peut-être,
Mais je ne suis pas un agneau !
BAPTISTE.
Agneau ou brebis, vous m’affriandez !
Ritournelle de l’air suivant.
Ah ! c’est le brigadier Lambert qui se dispute avec les villageois.
MADAME MICHAUD.
Sans doute à propos d’Annette dont il est le cousin et la dupe.
Scène V
BAPTISTE, MADAME MICHAUD, LAMBERT, PAYSANS
Ils entrent du fond, à gauche.
CHŒUR.
Vraiment, c’est charmant
Pour un cœur constant ;
Il choisit la meunière,
Vraiment, c’est charmant,
Non, ce tendre amant
N’est pas trop exigeant.
LAMBERT.
Que m’importe vos cris,
Pour elle je suis pris ;
Des cancans je me ris,
Pour vous tant pis, tant pis !
Reprise.
BAPTISTE.
Ah ! brigadier ! brigadier ! je vous plains d’avoir un faible pour cette créature !
LAMBERT.
Pour Annette, ma cousine... Vous me plaignez ?... Qu’y a-t-il donc de nouveau sous le ciel de ce village ?
BAPTISTE.
Ce qu’il y a ?...
À madame Michaud.
Il le demande.
Aux paysans qui sont au-dessus.
Si vous saviez, mes amis.
LAMBERT.
Encore des propos ?... nous nous acharnons après la beauté...
On entend chanter dans le moulin.
BAPTISTE.
C’est elle.
Scène VI
LES MÊMES, ANNETTE
ANNETTE.
Air : Encore un petit coup, fermière.
Sur moi l’on a beau médire,
Faire des fagots,
Le mieux, je crois, est de rire
De tous les propos.
Ah ! bonjour, père Baptiste.
BAPTISTE, lui tournant le dos.
Elle ose chanter, la sans-cœur.
ANNETTE.
Bonjour, madame Michaud...
Elle se détourne.
Tiens !
Se retournant vers les paysans.
Bonjour, mes amis.
Ils s’éloignent.
Tiens, tiens... il paraît que vous n’êtes pas mes amis.
LAMBERT, s’avançant en passant devant Baptiste.
Salut à la beauté.
ANNETTE.
Ah ! mon cousin, pouvez-vous me dire ce que peuvent avoir ces imbéciles ?
LAMBERT.
Ne faites pas attention, vos rayons leur ont donné dans l’œil, et ça les fait loucher.
BAPTISTE.
Loucher !
MADAME MICHAUD.
Je louche ? Baptiste,
BAPTISTE.
Où avez-vous vu que nous louchassions ?
ANNETTE.
Ont-ils l’air moutons... hein ?
BAPTISTE.
Moutons... moutons ! quand la morale se révolte !
ANNETTE.
Et à quel propos se révolte-t-elle, la morale ?
BAPTISTE.
À quel propos ? comme si la notoriété publique n’était pas là !
Air de la Meunière.
En amour je suis très savant
De plus d’une manière ;
Malgré moi, j’y rêve souvent
La journée entière.
J’en sais bien plus qu’auparavant,
Depuis qu’un jour qu’il f’sait du vent
J’ai vu la meunière
Du moulin à vent.
LAMBERT.
Ces manants chansonnent la beauté !
ANNETTE.
Laissez-les donc rire !
MADAME MICHAUD, à part.
Ah ! le beau militaire le prend comme ça ?
Deuxième couplet.
Mais c’est une tête à l’évent !
Depuis j’ai beau faire...
Passer par derrière, par devant,
La belle meunière
N’ me r’çoit plus comme auparavant ;
C’est mon voisin qui chant’ maint’nant :
J’ai vu la meunière
Du moulin à vent.
ANNETTE.
Elle est jolie, votre chanson ; mais vous ne la savez pas tout entière.
Troisième couplet.
À tout propos, en fait d’ galant,
On cit’ la meunière ;
Ell’ doit êtr’ riche assurément,
Car plus d’un’ commère,
Pour dissimuler un amant,
Le prêta généreusement
À la pauvr’ meunière
Du moulin à vent.
LAMBERT.
Bravo ! leur clou est rivé.
MADAME MICHAUD.
Qu’est-ce qui croira ça !
Rire général. Les paysans s’éloignent.
ANNETTE, à part.
Patience, je vous y forcerai bien.
BAPTISTE.
Brigadier, brigadier, j’ai pitié de votre naïveté soldatesque.
LAMBERT, à Annette.
Ils vous attaquent derechef.
ANNETTE.
Les femmes... je le comprends... vous me faites la cour...
LAMBERT.
Depuis vingt-quatre ans... j’en ai vingt-cinq, ça fait mon éloge.
ΑΝΝΕΤΤΕ.
Εt le mien !
BAPTISTE, à part.
Le vantard.
MADAME MICHAUD, à part.
Péronnelle !
ANNETTE, à part.
Ils étouffent.
Haut.
Allons, mon cousin, offrez-moi la main.
LAMBERT.
Avec volupté !...
ANNETTE.
Laissons ces bonnes gens dire de moi tout le bien qu’ils pensent, et allons nous mêler à ceux qui doivent amener ici la rosière.
BAPTISTE, lui barrant le passage.
Arrêtez ! vous ne pouvez vous mêler au cortège de la fleur d’oranger... c’est impossible.
LAMBERT.
Hein ?... Ah çà, mes agneaux, vous êtes bêtes, c’est bien... mais c’est monotone ; vos propres incohérents commencent à importuner mes oreilles : je méprise les rumeurs de la plèbe... mais ne me chatouillez pas trop !
ANNETTE.
Mon cousin est chatouilleux.
LAMBERT.
Je demande à connaître le mot du rébus... une fois !... deux fois !
BAPTISTE.
Demandez à Daniel.
LAMBERT.
Et vous, fermière, qui paraissez instruite...
MADAME MICHAUD.
Demandez à Daniel.
LAMBERT.
Daniel ! où est-il Daniel ?
Scène VII
LES MÊMES, DANIEL, venant de la gauche
DANIEL.
Me voilà, et je vous annonce que la rosière va se mettre en route.
LAMBERT.
Très bien ! en attendant tu vas nous dire le mot de la charade.
DANIEL.
De la charade ! j’en devine quequ’ fois, voyons !
LAMBERT.
Le mot de la charade sur Annette.
DANIEL, regardant toutes les figures.
Sur la meunière ?
LAMBERT.
Oui... sur la meunière... ma cousine...
DANIEL, embarrassé.
Votre cousine !
Bas, à Baptiste.
Mon oncle, vous avez parlé, c’est bête !... il va se fâcher !...
ANNETTE.
Expliquez-vous, que savez-vous sur moi ?
DANIEL, embarrassé.
Ce que je sais...
LAMBERT.
Allons, parle, imbécile... où je te fracasse.
DANIEL.
Vous me fracassez... vous me fracassez... on ne fracasse pas comme ça.
BAPTISTE.
Oh ! Daniel n’a pas peur !
DANIEL.
Non, je n’ai pas peur !
À part.
Mais je voudrais m’en aller.
BAPTISTE.
Lui, qui risque de se casser le cou pour escalader les murs des jardins...
LAMBERT.
Quels jardins ?
Baptiste remonte et passe à droite.
DANIEL, de plus en plus embarrassé.
Non... brigadier... non, je vais vous dire...
BAPTISTE.
Et je serai obligé de faire enlever cette corde.
LAMBERT.
Hein ? vous dites que cette corde ?
BAPTISTE.
Est très commode pour descendre du mur...
DANIEL.
Mon oncle, mon oncle, vous descendez à des détails...
ANNETTE, allant à Daniel.
Et Daniel a dit ?
DANIEL.
J’ai dit, j’ai dit...
À part.
Je voudrais m’en aller.
ANNETTE, à madame Michaud.
Il a dit qu’il venait de chez moi ?
LAMBERT.
De chez vous ?
DANIEL, à part.
Je l’avais prévu... elle est étonnée, très étonnée.
LAMBERT, avec énergie.
Ah ! mais, il ne s’agit plus de rire ici, voyons, Annette, démentez-le donc !...
ANNETTE, qui a réfléchi.
Pourquoi le démentir ?
TOUS.
Ah !
MADAME MICHAUD, pinçant Daniel.
Scélérat !
DANIEL
Aïe... je suis pincé !
Bas, à madame Michaud.
Elle se vante ! elle se vante !
LAMBERT.
Mais ça ne se peut pas !
BAPTISTE.
Bah ! après tous les autres accrocs...
ANNETTE, avec intention, regardant madame Michaud.
Oui, les baisers de la veillée, pendant que la lampe était éteinte, n’est-ce pas, madame Michaud ?
Madame Michaud remonte, Annette va à Baptiste.
Et puis l’aventure du petit bois où j’ai été surprise, n’est-il pas vrai, monsieur Baptiste.
BAPTISTE, à part.
Cachons bien mes remords.
Il remonte.
LAMBERT.
Annette ! Annette ! et moi qui ne voulais rien croire !
Saisissant Daniel au collet.
Je te tuerai, toi.
MADAME MICHAUD.
Et vous ferez bien !
DANIEL, se débattant.
Merci, je refuse !
Se dégageant.
Entendez-vous les cloches ?
Les cloches sonnent.
C’est la rosière qui s’avance.
BAPTISTE, au fond.
Oui, la voici qui se rend à la mairerie avec son cortège... silence ! que ses chastes oreilles ne soient pas offensées.
Scène VIII
LES MÊMES, LA ROSIÈRE, et sa suite
Ils entrent du fond à gauche.
CHŒUR.
Air de la Tarentude.
Partons, qu’à l’instant
Chacun se mettant en prière
Rende à la rosière
L’hommage éclatant
Qui l’attend !
BAPTISTE.
Douce récompense
De son innocence !
Reprise du CHŒUR.
Partons, qu’à l’instant, etc.
ANNETTE, remontant, à la rosière.
Je te fais mon compliment, Marguerite.
BAPTISTE.
Vous ne craignez pas de la profaniser en lui parlant... ô pure image de la vertu, ne restez pas plus longtemps dans ce lieu... partez, nous vous suivons... madame Michaud, allons couronner l’innocence.
Ils remontent.
DANIEL.
C’est ça, allons-nous-en.
ANNETTE.
Non, pas vous... c’est bien le moins que vous restiez près de moi... mon cousin, empêchez-le de me quitter.
DANIEL.
Permettez, j’ai affaire.
LAMBERT.
Ça te contrarie ? alors reste.
Il le fait pirouetter devant lui.
BAPTISTE, au cortège.
Allons, mes amis, en marche.
Reprise du CHŒUR.
Partons, qu’à l’instant, etc.
Ils sortent par le fond, à droite.
Scène IX
DANIEL, ANNETTE, LAMBERT
DANIEL, à part.
Satané bavard d’oncle Baptiste ! dans quelle situation il me met.
ANNETTE, gaiement.
À présent, nous voilà en famille.
DANIEL.
Comment dit-elle ? en famille !
LAMBERT.
À trois !
ANNETTE.
Oui... oui... j’ai mon plan arrange dans ma tête.
LAMBERT.
Son plan ?
ANNETTE.
Soyez tranquille, mon cousin... ça ne m’empêchera pas de vous aimer, tenez, pour preuve, embrassez-moi...
DANIEL.
C’est pour ça qu’elle me fait rester ! ne vous gênez pas.
ANNETTE.
Vous l’entendez ? Il vous dit de ne pas vous gêner... il entre bien dans mon plan... allons, allons...
LAMBERT.
Vous embrasser, après ce que j’ai entendu !
ANNETTE.
Quand je serai mariée avec Daniel, vous serez notre meilleur ami.
DANIEL.
Mariée... avec moi ?...
LAMBERT.
Je le tuerai avant.
ANNETTE.
Non... Après, ça m’est égal !... et je vous épouserai en secondes noces.
LAMBERT.
J’aurais mieux aimé en premières.
DANIEL.
Et moi donc !
LAMBERT.
Avoir la survivance d’un animal pareil.
DANIEL.
Dites donc, brigadier !
LAMBERT.
Comment avez-vous pu l’aimer ?
ANNETTE.
Je n’en sais rien !
LAMBERT.
Il n’est pas beau.
ANNETTE.
Non, il est laid !
DANIEL.
Oh ! laid... je le nie !
LAMBERT.
Il n’a pas d’esprit.
ANNETTE.
Non, il est bête.
DANIEL.
Oh ! bête ! je le nie plus fort !
LAMBERT.
Bavard et cancanier.
ANNETTE.
Comme un sot.
DANIEL.
Ah çà ! mais... ils me criblent ! je suis criblé ! percé à jour !
ANNETTE.
Faites-le donc taire, mon cousin, il me fatigue.
LAMBERT, avec autorité.
Tais-toi !
Il passe à Daniel.
ANNETTE.
C’est ça, nous nous entendrons joliment dans notre ménage ?
DANIEL.
À trois ?
ANNETTE.
Sans doute... dans un ménage, il faut l’utile et l’agréable.
DANIEL.
Je suis un homme capable, je réunirai bien les deux.
ANNETTE.
Nous organiserons ça plus tard... pour le moment, puisqu’on ne veut pas de moi à la fête, je vais travailler... et vous m’aiderez, Daniel.
DANIEL.
Non, non, merci...
ANNETTE.
Me refuser, au point où nous en sommes...
DANIEL.
Au point où nous en sommes...
ANNETTE.
Mon cousin, il refuse de m’obéir.
LAMBERT, à Daniel.
Obéis !
DANIEL.
Obéis !
ANNETTE.
Allons, j’ai là des sacs à monter au grenier... à l’ouvrage.
DANIEL.
Ça n’ se peut pas... ça n’ se peut pas !... j’ai mon habit des dimanches...
LAMBERT, lui frappant sur l’épaule en le faisant passer.
Ôte-le, imbécile... et travaille !
DANIEL.
Oui, brigadier.
ANNETTE, à Daniel.
Il est gentil, n’est-ce pas... mon cousin ? ça sera une compagnie bien agréable pour vous, allez !
DANIEL.
Oui, il est caressant... il croit toujours parler à ses chevaux.
Allant regarder les sacs.
Et vous allez me faire porter tout çà ?
LAMBERT.
Puisque tu seras son mari...
Ensemble.
ANNETTE.
Air : Mathilde.
Pour lui le tourment commence,
Et je veux, pour le punir,
Exercer sa patience
Plus encore dans l’avenir.
LAMBERT.
Pour lui le tourment commence,
Mais il faut, pour le punir, etc.
DANIEL.
Pour moi le tourment commence,
Faudra-t-il, pour me punir, etc.
Scène X
DANIEL, ANNETTE, LAMBERT, BAPTISTE
BAPTISTE, venant de la droite.
C’est fini... la vertu est couronnée.
ANNETTE.
En êtes-vous bien sûr ?
BAPTISTE.
Puisque c’est moi-même qui l’ai couronnée... je lui ai remis une dot de la part de M. le comte, et on la mariera dimanche, si on lui trouve un mari d’ici là... on fera les deux noces ensemble.
DANIEL.
Il y a une autre noce ?
BAPTISTE.
Ça va sans dire... la tienne avec Annette.
DANIEL.
Vous aussi ?... je m’en vais... j’ai des affaires en pays étranger !
BAPTISTE, le retenant.
Reste ! la morale l’exige... tu dois un nom à celle que tu as séduite.
DANIEL.
Un nom ? je lui en donnerai un, si on veut... mais pas le mien...
À part.
j’aimerais mieux mourir rosière !
BAPTISTE.
M. l’adjoint a dit que tu devais réparer ta faute... tu es bien heureux de le pouvoir.
DANIEL.
Mais, mon oncle.
BAPTISTE.
C’est bien, c’est bien... je sais ce que tu vas me dire.
DANIEL.
Mais non, vous ne le savez pas.
BAPTISTE.
Tu veux me remercier des soins que je prends pour ton bonheur... je t’en dispense ; allons, brigadier, laissons ces deux jeunes cœurs s’entretenir de leur félicité, et venez avec moi chez le notaire pour faire dresser le contrat.
LAMBERT.
Je vous suis, père Baptiste... le plus tôt sera le mieux !
DANIEL, se récriant.
Mais non... mais non... au contraire !
BAPTISTE.
Air : Allez-vous-en, gens de la noce.
Tu caches l’amour qui t’agite,
Mais il perce dans ton regard,
C’en est assez, partons bien vite,
Le bonheur vient toujours trop tard.
LAMBERT, passant, à Daniel.
Tu seras la pour l’utile ;
L’agréabl’ me r’gardera...
DANIEL, se récriant.
Mais je vous dis...
LAMBERT.
C’est inutile...
Ça doit marcher toujours comme ça.
Ensemble.
DANIEL.
Non, vraiment, l’amour qui m’agite,
Ne perce pas dans mon regard ;
J’aim’ mieux ne pas partir si vite
Et que l’ bonheur vienne plus tard.
BAPTISTE et LAMBERT.
Tu caches } l’amour qui { t’agite,
Il cache } { l’agite.
Lambert sort avec Baptiste.
Scène XI
DANIEL, ANNETTE, assise à droite sur un sac de farine
DANIEL, à part.
Vantez-vous donc de vos conquêtes !... et cette p’tiote laisse croire... quel amour-propre.
À Annette.
Fi ! fi ! Mademoiselle, ça n’a pas de nom... on ne se conduit pas comme ça.
ANNETTE.
Vous me querellez ?... vous avez tort... nous ne sommes pas encore mariés.
DANIEL.
Mariés ! n’êtes-vous pas honteuse de vouloir épouser les beaux garçons malgré eux.
ANNETTE.
Voyons... est-ce que vous serez bien à plaindre de m’épouser ?... je suis donc bien laide ?
DANIEL.
Non... ce n’est pas ça que vous êtes.
ANNETTE.
Ne faites plus la moue, et asseyez-vous là, près de moi.
DANIEL.
Je le veux bien... ça me reposera.
Il s’assied.
ANNETTE.
Là !... ainsi, près de moi... que je vous fasse comprendre toute l’étendue de votre bonheur.
DANIEL, à part.
C’est du propre.
ANNETTE.
D’abord, vous aurez une bonne femme...
DANIEL.
Une bonne femme...
ANNETTE.
Un peu vive.
DANIEL.
Trop vive.
ANNETTE.
Ah çà ! il ne faut pas qu’on me contrarie, ou je me mets en colère... et j’ai même la main un peu leste.
DANIEL.
Ah !
ANNETTE.
Et s’il m’arrive de vous donner...
DANIEL.
Un soufflet ?
ANNETTE, se levant.
Je ne vous en voudrai pas pour ça.
DANIEL.
Vraiment ? vous êtes bonne à ce point-là ? et avez-vous encore beaucoup de qualités du même genre ?
ANNETTE.
Je suis de plus un peu coquette.
DANIEL, à part.
Elle appelle ça coquette ?
ANNETTE.
J’aime que tous les hommes me courtisent... mais je ne vous en ferai pas plus mauvaise mine.
DANIEL.
Et faudra que je dise merci ? et que je paie les toilettes...
ANNETTE.
Et puis mes plaisirs... et puis mes caprices... et puis les dîners que nous donnerons à...
DANIEL.
À votre cousin ?
ANNETTE.
À mon cousin.
DANIEL.
En voilà du bonheur ! pour quelqu’un qui veut du bonheur, en voilà du bonheur.
ANNETTE.
Oh ! je n’ vous l’épargnerai pas. Je vous en donnerai plus que vous n’en pourrez porter ! Dame ! quand la volonté y est... réfléchissez-y... au revoir, mon petit Daniel, au revoir, mon futur !
Elle passe devant lui.
DANIEL.
Vot’ futur ?
ANNETTE.
Mon futur !
Ensemble.
Air du Jardin d’Hiver.
ANNETTE.
Ah ! c’est ravissant,
Mais du silence
Et de la prudence !
Ayons patience
Encore un instant !
Déjà, je pense
De son insolence
Le vantard ici se repent.
DANIEL, à part.
Ah ! c’est indécent !
Mais du silence
Et de la prudence ;
Ayons patience
Encore un instant...
Je saurai, je pense,
De son insolence,
La punir en tout divulguant.
ANNETTE.
À revoir, mon petit Daniel ! à revoir, mon futur.
Elle rentre dans le moulin.
Scène XII
DANIEL, puis MADAME MICHAUD
DANIEL, imitant Annette.
Mon petit Daniel, mon futur... elle n’est pas dégoûtée ! des toilettes... des dîners... et la suite... où diable me suis-je enfourné ? Je veux absolument sortir de là ! j’avouerai la vérité... je dirai tout... le brigadier me tuera s’il le veut, au moins je vivrai tranquille après... et quant à mon oncle... s’il apprend que madame Michaud n’aime que moi, tant pis pour lui ! il aura la jaunisse... on n’en meurt pas !... Non... mais il me déshéritera, satané oncle ! va !... il avait bien besoin de m’ faire dire ça... et la Michaud, à quoi pensait-elle de m’y pousser...
La voyant entrer de la gauche.
Ah ! la voilà !... ma bonne, ma charmante fermière... arrivez donc et tirez moi de ce guêpier.
MADAME MICHAUD.
Vous en tirer... vous y êtes trop bien.
DANIEL.
Trop bien ! j’y suis de tout mon long ! mais fort mal... Comment vous avez pensé ?... vous avez pu croire... n’est-ce pas pour vous faire plaisir quand j’ai dit que je revenais de chez elle.
MADAME MICHAUD.
Est-ce aussi pour me faire plaisir, quand, au lieu de vous démentir, elle a tout avoué ?
DANIEL.
Elle se vantait ! elle se vantait, ma parole !
MADAME MICHAUD.
Et c’est en me quittant... quand nous venions de causer de nos projets de mariage Ah ! vous êtes affreux... vous êt’s un malappris, un grossier...
DANIEL.
Un grossier ? moi que vous trouviez si mignon, si gentil ?
MADAME MICHAUD.
Ça ne m’arrivera plus.
DANIEL.
Ça ne vous arrivera plus ?
MADAME MICHAUD.
Je ne m’étonne pas... quand je vous disais de faire la cour à Annette pour donner l’échange à votre oncle et à tout l’ village... Je n’ m’étonne pas si vous m’obéissiez avec tant d’ naturel... vous l’adorez... vous la trouvez jolie... on n’ peut plus jolie, plus jolie que moi, peut-être ?
DANIEL.
Oh ça ! non, par exemple... ma parole !
MADAME MICHAUD.
Laissez-moi donc, avec votre parole... les hommes ne s’en servent que pour mentir. Soit ! n’ayez des yeux que pour cette créature ! courtisez-la... admirez-la.
DANIEL.
Mais c’est vous qui êtes la créature que je veux courtiser... admirer...
MADAME MICHAUD.
Air : En vérité.
Je vous fais bien mon compliment
D’une aussi solide conquête ;
Ainsi que le moulin, sa tête,
Tourne toujours au gré du vent.
Ell’ veut goûter du mariage,
Et qui le sait, par accident,
Peut-être qu’elle sera sage,
Elle aime tant le changement !
DANIEL.
Je ne veux pas en essayer.
MADAME MICHAUD.
Dites donc encore : ma parole ! pour que j’ vous croie.
DANIEL.
Ah ! mon Dieu ! j’ vois d’où vient votre méfiance, c’est que vous en reluquez un autre.
MADAME MICHAUD.
Un autre ?
DANIEL.
Oui... c’est qu’ vous faites l’œil... au brigadier.
MADAME MICHAUD.
Bien trouvé ! quand ça serait... il est permis de s’ venger.
DANIEL.
De s’ venger !... Ah ! vous voulez vous venger ? Eh bien, moi, je suis décidé à tout dire.
MADAME MICHAUD.
Tout dire à votre oncle ?... bon moyen pour nous raccommoder ! Croyez-vous que je voudrais d’un déshérité ?
DANIEL.
C’est vrai ! Il m’ flanquerait sa malédiction pour tout héritage... en voilà... une bonne fortune.
Scène XIII
DANIEL, BAPTISTE, MADAME MICHAUD
BAPTISTE, entrant tout joyeux de la gauche.
Réjouis-toi, Daniel, le notaire est en train de dresser le contrat.
DANIEL.
Le contrat ?... bien, bien ! ça marche... ça marche ! vous auriez dû vous presser un petit peu plus !
BAPTISTE.
Je n’ai pas pu.
DANIEL.
C’est dommage.
MADAME MICHAUD, piquée.
Sans doute, quand on s’aime.
BAPTISTE.
Et s’il fait son devoir gentiment, je lui donnerai en dot six mille livres.
MADAME MICHAUD.
Six mille livres.
DANIEL.
Pour épouser Annette ?
BAPTISTE.
Pour être moral.
MADAME MICHAUD, à part.
Le traître, il est joyeux à c’t’ heure !
BAPTISTE.
Allons, madame Michaud, je viens vous chercher... voici le moment du repas que je préside et que M. le comte paie... Allons-y prendre place tous les trois.
DANIEL.
Oh ! j’ai bien le cœur à la boustifaille, j’ai déjà une indigestion.
BAPTISTE, donnant le bras à madame Michaud.
Boustifaille... indigestion !... ce que c’est que l’amour !
Ensemble.
Air : National polonais.
BAPTISTE et MADAME MICHAUD.
Ah ! plus de chagrin,
Son heureux destin
Est vainqueur à la fin.
Nous, le verre en main,
Allons au festin
Chanter jusqu’à demain.
DANIEL.
Pour moi quel chagrin,
Mon triste destin
Est vainqueur à la fin.
Mais le verre en main,
Sans nous au festin,
Chantez jusqu’a demain.
Baptiste sort avec madame Michaud, au fond, à gauche.
Scène XIV
DANIEL, puis ANNETTE
DANIEL.
Six mille livres !... avec Annette !... six mille livres... ou déshérité ! Ah ! madame Michaud, si je n’avais pas l’habitude de vous aimer, et si Annette n’était pas si...
ANNETTE, sortant du moulin.
Ah ! c’est encore vous, Daniel ? Ce n’est pas un mot de reproche, au moins... ça me prouve que vous avez du plaisir à me voir, et j’en suis bien aise.
DANIEL.
Merci... il n’y a pas de quoi.
À part.
Tiens, mais une idée... si je pouvais lui persuader de renoncer à moi... d’elle-même... mon oncle n’aurait plus rien à dire...
ANNETTE, à part.
Voyons le venir.
DANIEL, d’un ton doucereux.
Annette.
ANNETTE, de même.
Daniel !
DANIEL, à part.
Ah ! comme elle a l’air doux !
Haut.
Voyons, Annette, parlons raison.
ANNETTE.
Volontiers... vous voulez savoir le prix du blé ?
DANIEL.
Non, parlons de nous... de notre position... elle est drôle, hein ?
ANNETTE.
Notre position ?
DANIEL.
Oui... car enfin, vous savez bien ?
ANNETTE.
Quoi donc ?
DANIEL, lui prenant la main.
Air de l’Artiste.
À part.
Mon oncl’ ne peut m’entendre...
Haut.
Vous savez bien, qu’hélas !
Jamais... vous d’vez comprendre.
ANNETTE.
Je ne vous comprends pas.
DANIEL.
Que jamais, Mad’moiselle,
Je n’eus l’heureux destin
D’ m’abriter sous votre aile...
Sous votre ail’ de moulin.
ANNETTE.
Je n’ vous comprends pas encore.
DANIEL.
Enfin, que je n’ vous suis rien du tout.
ANNETTE.
Vous ? si... vous m’êtes de quelque chose...
DANIEL.
Je vous suis ?...
ANNETTE.
Oui... oui...
DANIEL, étonné.
Quoi ! ce matin, j’étais auprès de vous ?
ANNETTE.
En doutez-vous ?
DANIEL, à part.
Ah ça ! mais... est-ce qu’elle l’aurait rêvé... ça c’est vu !
ANNETTE.
En peut-il être autrement ? puisque vous l’avez dit.
DANIEL.
Non... j’ai dit... c’est-à-dire... enfin... J’ai dit ça pour rire.
ANNETTE.
Allons donc ! on ne rit pas avec ces choses-là.
DANIEL.
Dame !... ça se dit comme ça, vous savez... entre hommes... j’ai eu tort... Eh bien ! oui, j’ai eu tort... mais, ne m’en punissez pas... renoncez à m’épouser, vous vous en repentiriez, tout de suite... j’ai tant de défauts.
ANNETTE.
Non... vous n’en avez pas.
DANIEL.
Oh ! vous l’avez dit, vous-même... Je suis laid ?
ANNETTE.
J’ai dit ça, devant mon cousin... mais vous êtes joli.
DANIEL.
Trouvez-vous ? j’ai le nez assez coquet... mais le reste... il y a bien à dire, allez... et puis... j’ suis bête.
ANNETTE.
C’est vrai, qu’ vous n’êtes pas bien fort... mais un mari n’a pas besoin d’être spirituel...
DANIEL, à part.
Décidément, elle est comme les autres... je les fascine toutes !
ANNETTE.
Il m’ semble que j’ suis assez gentille pour qu’on me l’ rende ?
DANIEL, la regardant.
Gentille ! oui... c’est vrai... physiquement, vous êtes gentille... c’est facile à voir... de beaux petits yeux... une jolie grande bouche... non. c’est le contraire... et puis, des accessoires... Oh ! là, oui, c’est vrai... vous êtes gentille, mais...
ANNETTE.
Mais...
DANIEL.
Ah dame ! vous avez des inconvénients. Voyez-vous, on jase un peu trop de vos légèretés...
ANNETTE.
Bah ! qu’importe ! ça ne rend pas malade, allez.
DANIEL.
Moi, je suis bilieux... comme mon oncle... j’ai peur de la jaunisse... et toutes ces histoires...
ANNETTE.
Un tas de menteries.
DANIEL, vivement.
De menteries ?
ANNETTE.
Vous le savez bien... au moins pour une...
DANIEL.
Oui, la mienne vraie... Je ne la crois pas vraie...
ANNETTE.
Eh bien !... si je vous prouvais que j’ suis aussi innocente que... madame Michaud ?
DANIEL.
Non... mais, que...
ANNETTE.
La resière ?
DANIEL.
C’est ça.
ANNETTE.
Vous êtes fin, vous... je vous l’ prouverai.
DANIEL.
Tout de suite ?
ANNETTE.
Ce soir.
DANIEL.
Ce soir ?
ANNETTE.
Ici !... dès que la nuit sera venue.
DANIEL.
En tête-à-tête ! à la nuit.
À part.
Elle doit avoir de bonnes raisons à me donner... et ça vexera la fermière.
ANNETTE.
À ce soir donc... quittez-moi jusque-là... et j’ vous donnerai des preuves sur lesquelles vous ne comptez pas.
DANIEL.
Je l’espère !
ENSEMBLE.
Air : La reine des valses.
Partez, } voici
Je pars, }
Déjà que l’heure avance.
Il faut ici
Agir avec prudence ;
Mais quittons-nous
Et comptez sur mon zèle,
Je s’rai fidèle.
À notre rendez-vous.
Daniel sort, à droite.
Scène XV
ANNETTE, puis LAMBERT
ANNETTE.
Tu es sûr de me le payer, maintenant... Ah ! tu ménages les autres à mes dépens ! Ah ! tu te vantes des conquêtes que tu n’as pas faites... et ça demande des preuves encore !... Eh bien ! il en aura !...
LAMBERT, entrant de la gauche, avec un énorme gourdin.
Daniel, n’est pas ici ? c’est dommage !
Il fait tourner son bâton.
ANNETTE.
Ah ! mon Dieu ! mon cousin... quel air vous avez !
LAMBERT.
Moi... j’ai un air ?
ANNETTE.
Et qu’est-ce que ce bâton ?
LAMBERT.
Ce bâton ?... oh ! rien... c’est une baguette, que j’ai cueillie, pour caresser Daniel... du haut en bas.
ANNETTE
Du haut en bas ?... Comment, vous lui en voulez ?
LAMBERT.
C’est étonnant, n’est-ce pas ?
ANNETTE.
Dame ! vous paraissiez si bien goûter nos arrangements !
LAMBERT.
Non... je ne les goûtais pas... je sais bien que vous êtes maîtresse de choisir... c’est votre affaire... j’ n’ai aucun droit. Je vous aimais, vous vous êtes moquée de moi... ça s’ voit tous les jours... Daniel, est heureux... tant mieux pour lui ! Je n’ dois pas lui en vouloir... mais, j’ veux le caresser avec un bâton... ça me fra plaisir.
ANNETTE, avec douceur.
C’est bien aimable à vous...
LAMBERT.
Aimable... c’est ça, riez... vous vous dites : celui-là, je suis sûre de lui... je peux m’amuser à ses dépens... Vous étiez riche... moi, je n’avais que mes bras... et du cœur... Je me suis dit : un jour, j’aurai du moins de l’honneur à lui offrir, je me suis fait soldat... je me suis battu comme un lion, pas pour la gloire, mais pour vous... J’ai gagné mes galons, je me disais : ça sera ma dot, elle en vaut bien une autre, et ces galons je ne les déshonorerai jamais... et quant à vos arrangements, voyez-vous, ils me déplaisent souverainement... jamais j’ n’en voudrais... pour les accepter, faudrait être le dernier des soldats... pour les proposer sérieusement, il faudrait être une effrontée... une coquette... une je n’ sais quoi.
ANNETTE.
Lambert, vous êtes gentil... vous me plaisez comme ça !... Ça me prouve que vous m’aimez bien...
LAMBERT.
Je vous aime, moi !... allons donc ! Je vous aimais, autrefois... c’est vrai... en passant... comme tous les autres... mais, en venant à la fête, je me suis promis de m’amuser... et je m’amuse.
ANNETTE.
Je le vois bien !... Vous croyez donc ce qu’a dit Daniel ?
LAMBERT, éclatant.
Eh bien ! oui, je le crois... Eh bien ! oui, je rage... Eh bien ! oui, j’ai envie de pleurer... Vous vous moquerez de moi... vous vous direz : Est-ce bête, un troupier qui pleure pour une femme ! Ça m’est égal.
Air : Tu ne vois, jeune imprudent.
Comment sans pleurs et sans regrets
Perdrais-je tout’ mon espérance ?
Plus j’ vous voyais, plus j’ vous parlais,
Et moins j’avais de défiance,
Je m’ disais, d’ plus en plus ardent,
Elle m’aime, la chose est sûre,
Ce que j’ lui donne ell’ me le rend,
Car j’ vous croyais, en vous r’gardant,
L’ cœur innocent comm’ la figure.
ANNETTE.
Mon cousin, je vous demande pardon... Je vous ai fait du chagrin... mais voilà tout ce que j’ai à me reprocher...
LAMBERT.
Annette, que dites-vous ? Voyons... ne riez pas... ne vous amusez pas à me faire souffrir... les femmes nous appellent méchants, querelleurs, parce que nous donnons facilement un coup de sabre... mais elles, pour un rien, elles nous donnent des coups d’œil à nous assassiner.
ANNETTE.
Ce qu’a dit Daniel est faux, je vous le jure.
LAMBERT.
Vous ne l’avez jamais aimé ?... vous ne l’aimiez pas ?
ANNETTE.
Non !
LAMBERT.
Ni lui, ni un autre ?
ANNETTE.
Je ne dis pas cela.
Mouvement de Lambert.
Oui ! j’aime un brave garçon, qui a bon cœur... et qui m’aimera toujours...
Lui tendant la main.
N’est-ce pas, cousin ?
LAMBERT.
Comment... est-ce que c’est ?... ce serait... ah ! vous allez me faire dire des bêtises... Annette, voulez-vous rire encore ?
ANNETTE.
Rire !
Air : Couplet final des vingt sous de Périnette.
J’ai ri de la médisance,
J’ai ri des sots, des méchants ;
Forte de ma conscience,
J’ai ri de tous les cancans ;
Pour empêcher qu’on ne m’aime,
À l’instant je riais même
De tant d’efforts superflus.
Mais si vous, sur l’apparence,
Vous doutez d’ mon innocence...
C’est fini, je ne ris plus !
LAMBERT.
Annette, je ne doute plus !... ne me dites plus rien... je vous crois... je ne sais pas si vous m’avez jeté un sort... mais je vous crois... voulez-vous m’épouser ? voici ma main, et si vous me trompez, tant pis pour vous.
ANNETTE.
Merci, mon cousin.
LAMBERT.
Et vous acceptez ?
ANNETTE.
Pas encore... mais quand j’aurai confondu un vaniteux qu’exprès je n’ai point démenti... quand je serai justifiée aux yeux de tous, je vous dirai à mon tour : « Voici ma main. »
LAMBERT.
Est-ce que ça sera long !
ANNETTE.
Il faut d’abord qu’ici, à la nuit tombante, madame Michaud vous donne un rendez-vous.
LAMBERT.
C’est donné.
ANNETTE.
C’est donné ?
LAMBERT, un peu confus.
Oui... j’étais si désolé...
ANNETTE.
Que vous vouliez vous consoler ?... Il n’y pas de mal... au contraire, ça ira plus vite. Ainsi elle vous a donné rendez-vous ?
LAMBERT.
Et je ne m’y trouverai pas.
ANNETTE.
Elle s’y trouvera, elle... c’est bon à savoir...
Scène XVI
ANNETTE, LAMBERT, BAPTISTE, entrant de la gauche, el parlant à la coulisse
BAPTISTE.
Oui, je vais dire aux musiciens de commencer la danse.
ANNETTE, à Lambert.
Le père Baptiste !
BAPTISTE, avançant en chancelant.
C’est drôle, on dirait que le bal est déjà en train... Les arbres ont l’air de valser.
LAMBERT, à Annette.
Il a une singulière manière de marcher.
BAPTISTE.
Diable de petit vin... j’ai voulu chasser mes remords...
ANNETTE.
Parlez-lui, et vous l’emmènerez.
LAMBERT, allant à Baptiste.
Eh bien ! père Baptiste, on dirait que vous étudiez la théorie du zig-zag ?
BAPTISTE.
Hein ?... Ah ! c’est vous, brigadier.
Il pleure.
LAMBERT.
Vous pleurez ?
BAPTISTE.
Oui, brave brigadier, tel que vous me voyez, je suis un grand criminel.
LAMBERT.
Vous ? un homme moral.
BAPTISTE.
Oui, moral... mais criminel... Tenez, voyez-vous ceci ? que je porte sur mon cœur, dans ma poche.
LAMBERT.
C’est une croix d’or.
BAPTISTE.
C’est tout ce qui me reste de ma grande aventure.
LAMBERT.
Hein ?
BAPTISTE.
Chut ! faut pas dire... surtout à la meunière.
LAMBERT, avec inquiétude.
Que va-t-il donc m’apprendre ?
BAPTISTE.
Vous savez l’histoire du petit bois ?
LAMBERT.
Où on a surpris Annette ?
BAPTISTE.
Chut ! faut pas dire...
LAMBERT.
Comment ?
BAPTISTE.
Vous savez, l’homme qu’on a vu s’enfuir ?... c’était moi.
LAMBERT.
Vous ?
BAPTISTE.
Il faisait nuit, comme maintenant ; j’avais dîné chez le notaire, et j’étais... un peu.
LAMBERT.
Comme maintenant... Allez donc.
BAPTISTE.
Je prenais l’air... moralement... quand j’ai rencontré une femme.
LAMBERT, vivement.
Quelle femme ?
BAPTISTE.
Je n’en sais rien... je ne l’ai pas vue ; j’ai voulu l’embrasser, elle m’a repoussé.
LAMBERT.
Après ?
BAPTISTE.
Cette croix m’est restée dans la main.
LAMBERT.
Ensuite ?
BAPTISTE.
Voilà tout... Annette...
LAMBERT.
Annette ?
BAPTISTE.
Est venue... et on a cru que c’était elle.
LAMBERT.
Ce n’était pas Annette ?
BAPTISTE.
Je n’ai pas pu connaître l’autre, ni lui rendre sa croix... et je suis resté seul avec mes remords.
LAMBERT, joyeux.
Merci, merci, père Baptiste, vous êtes un ange pour moi.
ANNETTE, à Lambert.
Emmenez-le. Au tour de Daniel, maintenant.
LAMBERT.
Daniel va venir ?
BAPTISTE.
Tiens, c’est drôle... les jambes refusent de porter leur maître ! brave brigadier, soutiens-moi.
LAMBERT, le soutenant et le traînant jusqu’au banc.
Voilà un doux fardeau ?
Il l’étend sur le banc.
Reste là, et dors tant que tu voudras.
Baptiste ronfle.
ANNETTE, vivement.
Oui, mais qu’il ne ronfle pas !
LAMBERT.
C’est le premier moment... il se tait...
Scène XVII
ANNETTE, LAMBERT, BAPTISTE, DANIEL, puis MADAME MICHAUD
DANIEL, entrant de la droite.
Psitt ! psitt ! Annette ?
LAMBERT, à Annette.
On vous appelle.
ANNETTE.
C’est Daniel !
MADAME MICHAUD, entrant de la gauche.
Oh ! comme je dois être attendue...
LAMBERT, à Annette.
On vient par là à présent.
ANNETTE.
C’est madame Michaud.
LAMBERT.
La rencontre sera plaisante.
DANIEL.
J’entends une robe !... Est-ce vous ?
MADAME MICHAUD.
C’est la voix de Daniel, je ne veux pas qu’il me voie.
Elle remonte pour sortir, elle se rencontre avec Daniel.
DANIEL, saisissant madame Michaud par la main.
Ah !
LAMBERT, à Annette.
La rencontre est faite.
DANIEL, avec amour, portant la main qu’il tient à sa bouche.
C’est vous ? je vous tiens, Annette !
MADAME MICHAUD, avec dépit.
Annette !
LAMBERT, baisant la main d’Annette.
Je t’en souhaite... Il y en a un de nous qui la tient, Annette !
MADAME MICHAUD, à part.
Et Lambert qui va venir... que Daniel ne me reconnaisse pas !
DANIEL.
Vous ne me répondez pas, Annette ? vous savez pourtant ce que vous m’avez promis ?
MADAME MICHAUD, à part.
Que lui a-t-elle promis ? Je saurai jusqu’où va leur intelligence.
DANIEL.
Votre main tremble... vous êtes émue... auprès de moi, je le comprends... quand on ne s’est jamais vu en catimini.
Tous les deux trébuchent contre un sac qui est à terre derrière eux, et attaché à la corde.
ENSEMBLE.
Aïe.
LAMBERT, à Annette.
Est-ce qu’ils se sont cassé l’ nez ?
DANIEL.
Ah ! ce n’est rien, c’est la Providence qui nous invite à nous asseoir... Venez là, près de moi.
MADAME MICHAUD, à part.
J’ai envie de la taper.
DANIEL.
Et puissiez-vous être aussi blanche que votre farine... Je vous ferai nommer rosière, l’année prochaine, après notre mariage... D’abord, vous n’avez pas à vous justifier des baisers de la veillée... j’en sais plus que personne, là-dessus.
MADAME MICHAUD, à part.
Et moi, aussi, le traître !
LAMBERT, à Annette.
Voyez-vous ça ?
DANIEL.
Parlez... sur le reste, j’écoute.
LAMBERT.
Et moi, j’entends.
Il s’élance sur la corde attachée au sac de blé et la tire avec force.
ANNETTE.
Nous les tenons...
DANIEL et MADAME MICHAUD, enlevés de terre sur le sac de blé.
Au voleur ! au voleur ! On nous enlève !
BAPTISTE, se réveillant.
Qu’est-ce que c’est ?
Scène XVIII
ANNETTE, LAMBERT, BAPTISTE, DANIEL, MADAME MICHAUD, MARGUERITE, TOUT LE VILLAGE
Plusieurs paysans portent des lumières.
DANIEL et MADAME MICHAUD.
Au secours ! au secours !
TOUS.
Madame Michaud !
CHŒUR.
Qui l’aurait cru, c’est la fermière,
Daniel était son amoureux,
Quand on soupçonnait la meunière ;
Ah ! c’est affreux,
C’est odieux !
LAMBERT.
De chez qui venais-tu, ce matin, Daniel ?...
MADAME MICHAUD, vivement.
C’est une infamie... un guet-apens ?
ANNETTE.
Tirez la corde.
DANIEL, criant.
Ne tirez pas... et descendez-nous... Je revenais de chez madame Michaud.
On les descend.
TOUS.
Madame Michaud !
DANIEL.
Madame Michaud qui m’aime... et que j’aime.
LAMBERT, à Baptiste.
Ça vous dégrise, ça ?
BAPTISTE.
Ainsi, Daniel... tu as osé m’attaquer... de front.
À madame Michaud.
Et vous me cachiez ?...
MADAME MICHAUD.
De peur de vous donner la jaunisse.
DANIEL.
Car, pour les six mille livres... du moment qu’il faut y renoncer... on s’en consolera... avec sa femme...
BAPTISTE.
Et moi, je reste avec ma croix.
ANNETTE.
Ne parlez donc plus de ça.
Allant chercher Marguerite.
Occupez-vous de la rosière... est-ce que vous, le représentant de M. le comte, vous ne lui ferez pas un petit présent !
BAPTISTE.
Moi ?
DANIEL.
Quel présent ?
ANNETTE, faisant éloigner Daniel et les autres, et rapprochant d’elle Baptiste et Marguerite.
Ceci ne regarde que nous trois.
Bas, à Baptiste.
Tenez, offrez-lui, par exemple, ceci... ce cœur d’or.
MARGUERITE, le prenant.
Ah !
BAPTISTE, les regardant toutes deux.
Que veut dire ?
ANNETTE.
Air : Le fleuve de la vie.
Allons, un peu d’intelligence !
Vous vous méfiez, je le vois,
Mais j’ai su garder le silence
Sur les secrets du petit bois.
De vous seulement, je l’atteste,
Dépend maintenant votre bonheur,
Marguerite a retrouvé son cœur
Mais vous avez le reste.
Elle va à Lambert.
BAPTISTE.
La croix d’or... c’était-elle ?
ANNETTE.
Mon cousin, voici ma main.
LAMBERT.
Accepté... J’aurai soin du moulin.
CHŒUR.
Air : Chœur final des Vingt sous de Périnette.
Enfin
J’obtiens } sa main !
Il a }
Quand l’amour, que rien n’égale,
S’unit à la morale,
On est sûr d’un beau destin.
ANNETTE, au public.
Air de La meunière.
On me calomnia souvent,
Et quoique légère,
J’en fus triste, mais à présent,
C’est une autre affaire.
J’ voudrais qu’ chacun à tout venant,
Pût dir’ bien mieux qu’auparavant :
J’ai vu la meunière
Du moulin à vent.
Reprise du chœur.