Colombine Arlequin (Alain-René LESAGE)

Sous-titre : Arlequin Colombine

Pièce en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Jeu de paume de Belair, le 25 juillet 1715.

 

Personnages

 

LE DOCTEUR

ISABELLE, sa fille, amante de Léandre

LÉANDRE

COLOMBINE, suivante d’Isabelle

SCARAMOUCHE, valet de Léandre

ARLEQUIN

TROUPE D’AMIS du docteur et de Léandre

 

La scène est à Paris.

 

Le théâtre représente une place publique, où demeurent Léandre et Isabelle.

 

 

Scène première

 

LÉANDRE, ISABELLE, COLOMBINE

 

LÉANDRE, d’un ton brusque.

Air n° 9, ou Livrons-nous à la tendresse.

Oui, vous avez, Isabelle,
Un traitre, un volage cœur.

ISABELLE, en colère.

C’est vous plutôt, infidèle,
Qui payez mal mon ardeur.
Allons, rompons notre chaîne :
Je sens déjà que la haine,
Avec un juste mépris,
Succède à mes feux trahis.

LÉANDRE.

Air n° 74, ou Jardinier, ne vois-tu pas.

Je le veux, séparons-nous,
Sans tarder davantage.
Je m’en fie à mon courroux,
Je suis détaché de vous,
Volage, volage, volage.

ISABELLE.

Même air.

Ces discours sont superflus,
Cédez à votre rage.

COLOMBINE, à part, riant.

Qu’ils sont tous deux résolus !

ISABELLE.

Partez. Ne nous voyons plus.

COLOMBINE.

Courage, courage, courage.

LÉANDRE.

Air n° 90, ou Les Feuillantines.

Oh ! n’en doutez pas, je vais
Pour jamais
M’éloigner de vous.

COLOMBINE.

Oui ; mais,
Sans pouvoir vous en défendre,
Vous restez, (bis) seigneur Léandre.

LÉANDRE.

Air n° 66, ou Dans les gardes françaises.

Non, je quitte Isabelle ;
Le dessein en est pris.
Loin de cette infidèle,
Et même de Paris,
Dans ma fureur extrême,
Je vais porter mes pas.

Il veut s’en aller.

COLOMBINE, l’arrêtant.

Qu’on est fou, quand on aime !
Ne vous en allez pas.

ISABELLE.

Air n° 67, ou Il pleut, il pleut, bergère.

Colombine !

COLOMBINE.

Madame ?

ISABELLE.

Quoi ! vous le retenez !

COLOMBINE.

Dans le fond de votre âme
Vous me le pardonnez.

ISABELLE.

Je vais prendre la fuite,
Puisqu’il demeure ici :
Sa présence m’irrite.

Elle veut s’en aller.

COLOMBINE, la retenant.

Je vous arrête aussi.

ISABELLE, à Colombine.

Air n° 28, Allons, gai, toujours gai.

Ah ! craignez ma colère !

COLOMBINE.

Je veux servir vos feux.
Çà, par mon ministère,
Faites la paix tous deux.
Allons, gai,
D’un air gai, etc.

LÉANDRE.

Air n° 32, ou Chantez, damez, amusez-vous.

Colombine arrête. Je vois
Que tu prends un soin inutile.

ISABELLE.

Il est tout détaché de moi.

COLOMBINE.

Allons, changeons vite de style ;
La main.

LÉANDRE, donnant la main à Isabelle.

La voilà.

ISABELLE, donnant la sienne à Léandre.

J’y consens.

COLOMBINE.

Vous devenez obéissants.

ISABELLE, à Léandre.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps. (d’Une Folie.)

Je suis trop prompte à revenir.

COLOMBINE.

Cela marque un bon caractère.

ISABELLE.

Et j’aurais dû, pour vous punir,
Garder plus longtemps ma colère.
Pour vous, Léandre, en fais-je assez ?

LÉANDRE.

Oui, tous mes soupçons sont passés.

COLOMBINE.

Air n° 53, ou Tout amant, comme le vent.

Soupirants,
Vos différends
Vous sont d’un grand secours ;
Ils irritent vos amours.
Souvent près d’une belle,
Une querelle
Fait le bonheur
D’un tendre cœur.

LÉANDRE.

Air n° 41, ou Sous un ciel pur et sans nuage. (Ninon chez madame de Sévigné.)

Eh ! me pardonnez-vous, madame,
Un transport injuste et jaloux.

ISABELLE.

Je le pardonne à votre flamme.
Je veux plus faire encor pour vous.

Air n° 13, ou Monsieur le prévôt des marchands.

Pour vous prouver ma bonne foi,
Je veux avoir auprès de moi
Une suivante qui m’éclaire :
Que j’en reçoive une de vous.
Je juge cela nécessaire
Au repos d’un esprit jaloux.

LÉANDRE.

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

D’un valet pour vous plein de zèle
Je veux de même être éclairé :
Qu’il vous rende un compte fidèle
De tous les pas que je ferai.

COLOMBINE, à Léandre.

Tope.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Allez donc chercher une fille,
Et surtout choisissez-la bien ;
Car nous vous donnerons un drille...

LÉANDRE.

Oh ! mon enfant, je ne crains rien.

En s’en allant, il dit.

Je vais vous l’envoyer.

COLOMBINE.

Euh ! le jaloux !

 

 

Scène II

 

ISABELLE, COLOMBINE

 

ISABELLE.

Air n° 25, ou Si vous sentez dans vos âmes.

Mais comment allons-nous faire ?
Où prendrons-nous un valet ?

COLOMBINE.

Allez, je sais un compère
Qui sera bien votre fait.

Air n° 69, ou Ta plainte me désespéré. (chanson de Collé.)

C’est un garçon discret, sage,
Qui jamais ne s’enivra ;
Il est fidèle, il fera
Prudemment ce personnage :
Bien fin qui le trompera.
Je n’en dis pas davantage.
Bien fin qui le trompera.

ISABELLE.

Voilà ce qu’il nous faudra.

COLOMBINE.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Dans le voisinage il demeure.
Madame, je vais le trouver.

ISABELLE, rentrant chez elle.

Amène-le-moi tout à l’heure.

COLOMBINE.

Vous allez le voir arriver.

 

 

Scène III

 

COLOMBINE, ARLEQUIN, SCARAMOUCHE

 

ARLEQUIN, à Colombine.

Air n° 81, ou La liberté préside.

En ! bonjour, ma charmante.

COLOMBINE, voulant s’en aller.

N’arrêtez point mes pas.

SCARAMOUCHE, lui prenant le bras.

Quelle affaire pressante.

COLOMBINE, se débarrassant.

Vous ne la saurez pas.

Elle s’en va.

 

 

Scène IV

 

ARLEQUIN, SCARAMOUCHE

 

ARLEQUIN.

Air n° 52, ou Rotin, turelure lure.

Un de nous deux lui fait peur.

SCARAMOUCHE.

Ce n’est pas moi, je t’assure ;
Je connais trop bien son cœur.

ARLEQUIN, riant.

Turelure,
Et moi, trop bien ma figure.

SCARAMOUCHE, se moquant.

Robin, turelure lure.

Air n°41, ou Sous un ciel furet sans nuage. (Ninon chez madame de Sévigné.)

Ami, laissons là Colombine ;
Allons en rivaux généreux
Vider chacun une chopine.

ARLEQUIN.

J’en boirai quatre, si tu veux.

 

 

Scène V

 

ARLEQUIN, SCARAMOUCHE, LÉANDRE

 

LÉANDRE.

Air n° 36, ou De tous tes capucins du monde.

Je cherche partout Scaramouche,
Pour une affaire qui me touche.

SCARAMOUCHE, à Léandre.

Vous le rencontrez à propos.
Seigneur, qu’avez-vous à me dire ?

LÉANDRE.

Je vais te l’apprendre en deux mots.

ARLEQUIN, voulant s’en aller.

Adieu, messieurs. Je me retire.

LÉANDRE, l’arrêtant.

Air n° 13, ou Monsieur le prévôt des marchands.

Non, Arlequin, demeure ici ;
Tu peux me servir en ceci.
Je veux mettre auprès d’Isabelle
Une suivante de ma main,
Qui puisse me répondre d’elle.

SCARAMOUCHE.

Monsieur, tout Paris en est plein.

LÉANDRE.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Oui ; mais mon esprit susceptible
D’alarmes, de soupçons jaloux,
Veut une fille incorruptible.

ARLEQUIN.

Où diable la pêcherez-vous ?

SCARAMOUCHE, rêvant.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Je pense à certaine grisette...
Mais non… il faut pour ce projet
Qu’Arlequin... Oui, c’est notre fait ;
Qu’il fasse la soubrette.

LÉANDRE.

Arlequin !

SCARAMOUCHE.

Oui, Arlequin.

Air n° 32, ou Chômiez, damez, amusez-vous. (Rosière.)

En femme il se déguisera.

LÉANDRE.

Lui !

SCARAMOUCHE.

Pourquoi non ?

LÉANDRE.

Quelle folie !

SCARAMOUCHE.

Comptez de plus qu’il passera
Pour une brunette jolie.

ARLEQUIN, minaudant.

J’ai même, je vous en réponds,
Des femmes tous les airs fripons.

LÉANDRE.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps. (d’Une Folie.)

Hé bien, j’y consens, c’en est fait ;
Mais une chose m’embarrasse ;
Arlequin d’Octave est valet,
Peut-il abandonner sa place ?

SCARAMOUCHE.

Oh ! vraiment, il n’est plus chez lui.

ARLEQUIN.

Non : j’en suis sorti d’aujourd’hui.

LÉANDRE.

Air n° 84, ou Nous n’cuvons qu’un temps à vivre.

Il faut de la diligence.
Allons donc dès ce moment
Concerter avec prudence
Tous trois ce déguisement.

 

 

Scène VI

 

ISABELLE, seule

 

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

J’attends avec impatience
De Colombine le retour.
Mais vers moi quel homme s’avance ?

 

 

Scène VII

 

ISABELLE, COLOMBINE, en habit d’Arlequin

 

COLOMBINE salue Isabelle après lui avoir fait plusieurs gestes arlequiniques, et lui dit, en achevant l’air qu’Isabelle a commencé.

Peut-on vous donner le bonjour ?

Air n° 18, ou Lanturlu.

Vous avez affaire
D’un fin surveillant,
Qui pour vous éclaire
Les pas d’un galant.
J’ai du savoir-faire...

ISABELLE.

Soyez donc le bien venu.

COLOMBINE, se démasquant.

Lanturlu, lanturlu, lanturelu.

ISABELLE.

Air n° 20, ou Qu’on apporte bouteille.

Ah ! que vois-je paraître ?
Juste ciel ! te voilà !

COLOMBINE.

Si vos yeux m’ont pu méconnaître,
J’augure fort bien de cela.

Colombine remet son masque, et, recommençant à faire des gestes arlequiniques, elle dit.

Air n° 48, ou Tout est charmant chez Aspasie.

Considérez bien mon allure,
Ces airs de tête, avec ces bras ;
Nous avons toute la figure
D’un homme pariait, n’est-ce pas ?

ISABELLE.

Air n° 7, ou Tu croyais, en aimant Colette.

On n’y voit point de différence ;
Tout le monde va s’y tromper.

COLOMBINE.

Vous voyez comme à l’apparence
On peut se laisser attraper.

ISABELLE.

Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.

Va-t’en hardiment chez Léandre ;
Pour fille on ne t’y saurait prendre.
Très facilement de ce pas
Tu vas te tirer.

COLOMBINE.

Je l’espère ;
Pourvu qu’on ne me fasse pas
Subir un examen sévère.

ISABELLE.

Air n° 15, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Va donc.

COLOMBINE, rêvant.

Mais pourtant, quand j’y pense.
Souvent, dans ces occasions,
Il en coûte un peu d’innocence.

ISABELLE.

Ne fais point de réflexions.

COLOMBINE.

Air n° 91, ou Un soir après roquille.

La démarche est gaillarde
Il faut cependant
Que pour vous je hasarde
Ce coup imprudent.

ISABELLE.

Pars.

COLOMBINE.

Allons, que le ciel me garde
De tout accident.

 

 

Scène VIII

 

ISABELLE, ARLEQUIN, en femme

 

ISABELLE, à part.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Voici sans doute la soubrette
Qui doit demeurer près de moi.
Cette fille n’est pas mal faite.

ARLEQUIN, à part.

Je vais bien remplir mon emploi.

Arlequin s’approche d’Isabelle, et lui fait plusieurs révérences d’un air précieux.

Air n° 24, ou Tu croyais, en aimant Colette.

Je viens de la part de Léandre.

ISABELLE.

Ah ! j’applaudis fort à son choix !
De sa main je veux bien vous prendre ;
Avec plaisir je vous reçois.

ARLEQUIN.

Air n° 3, on Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

J’ai déjà beaucoup de service ;
J’ai tâté de trente maisons.

ISABELLE.

Ne changez-vous point par caprice ?

ARLEQUIN.

J’ai toujours de bonnes raisons.

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

Un air de beauté, ma jeunesse,
Dans toutes mes conditions,
Suscite à ma vertu sans cesse
De vives persécutions.

ISABELLE.

La pauvre enfant !

ARLEQUIN.

Air n° 22, ou La faridondaine.

J’ai servi chez un vieux marquis,
Où je ne restai guère.
Après moi couraient père, fils,
Intendant, secrétaire ;
J’enflammai jusqu’au marmiton,
La faridondaine,
La faridondon ;
Mais mon cœur en fut attendri,
Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.

ISABELLE.

Et d’où sortez-vous présentement ?

ARLEQUIN.

Air n° 32, ou Chantez, dansez, amusez-vous.

Je sors de chez un procureur,
Où deux grands clercs pleins de malice
M’appelaient ma poule, mon cœur.
J’ai fui ; j’ai bien vu l’artifice.
Toute soubrette, en pareil cas,
Comme moi, ne déloge pas.

 

 

Scène IX

 

ISABELLE, ARLEQUIN, LE DOCTEUR, PIERROT

 

LE DOCTEUR, à Isabelle.

Air n° 46, ou de Joconde.

Ma fille, je vais de ce pas
M’informer de Léandre.
C’est un garçon dont je fais cas ;
J’en veux faire mon gendre,
Si son bien...

Apercevant Arlequin.

Mais apprenez-moi
Quelle est cette charmante.

PIERROT, à part, regardant Arlequin.

Elle est bien drôle, par ma foi.

ARLEQUIN, faisant de profondes révérences au docteur.

Je suis votre servante.

ISABELLE.

Air n° 92, ou Amis, sans regretter Paris.

C’est une fille que je prends
J’ai chassé Colombine.

LE DOCTEUR.

Pourquoi ?

ISABELLE.

Pour ses airs insolents :
C’était une coquine.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Je serai, je crois, plus contente
De celle-ci.

LE DOCTEUR.

C’est donc ton fait ?

ISABELLE.

Oui.

PIERROT.

Moi je suis fort satisfait
De sa mine innocente.

ISABELLE.

Air n° 26, ou Et zan, zon, zon, Lisette, ma Lisette.

En elle nous avons
Un trésor de sagesse.

ARLEQUIN, se rengorgeant.

Oh ! je vous en réponds !
Je suis une Lucrèce.
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lisette,
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lison.

Air n° 93, ou Gardons nos moutons.

Lorsqu’un muguet d’un tendre ton
Auprès de moi caquette,
Et met la main sous mon menton,
L’honneur me dit : Lirette,
Gardez vos moutons,
Lirette, Liron,
Liron, Lire, Lirette.

LE DOCTEUR.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Je vais donc m’éclaircir en père
Des facultés de votre amant ;
S’il a le bien qu’on dit, l’affaire
Se terminera promptement.

Il s’en va.

 

 

Scène X

 

ISABELLE, ARLEQUIN, PIERROT

 

ISABELLE.

Air n° 67, ou Il pleut, il pleut, bergère.

Moi, je vais à Léandre
Écrire sur cela.

À Arlequin.

Vous n’avez qu’à m’attendre.

Elle rentre.

 

 

Scène XI

 

ARLEQUIN, PIERROT

 

PIERROT, continuant l’air.

Moi, pendant ce temps-là,
Je vous dirai, brunette,
Que déjà vos appas
Font que... Pierrot souhaite...
Ne m’entendez-vous pas ?

ARLEQUIN.

Non.

PIERROT.

Air n° 48, ou Tout est charmant chez Aspasie.

Hé bien ! je vais, ne vous déplaise,
Parler un peu plus clairement.
Regardez : seriez-vous bien aise
D’avoir Pierrot pour votre amant ?

ARLEQUIN, avec emportement.

Air n° 4, ou Ô reguingué, ô lon lan la.

Ô ciel ! quel téméraire aveu !
Ma pudeur en est tout en feu,
Ô reguingué, ô lon lan la,
M’oser parler d’amour en face !
Quelle insolence ! quelle audace !

PIERROT.

Diable !

ARLEQUIN.

Même air.

Hé ! pour qui donc me prenez-vous ?

PIERROT.

Ne vous mettez point en courroux,
Ô reguingué, ô lon lan la ;
Ne faites point tant la méchante,
Je sais réduire une servante.

Air n° 94, ou Quand it vient des filles ; ou les Rats.

Quand il vient des filles
Demeurer chez nous,
Sont-elles gentilles,
Je prends un air doux :
Je suis comme un mouton près d’elles,
Et puis tout d’un coup
Je batifole autour des belles,
Et puis tout d’un coup,
Ma foi le mouton devient loup.

Pierrot, après ce couplet, fait des caresses à Arlequin, qui le repousse. Isabelle revient avec un billet à la main.

 

 

Scène XII

 

ISABELLE, ARLEQUIN, PIERROT

 

ISABELLE, donnant la lettre à Arlequin.

Air n° 95, ou Te bien aimer, ô ma chère Zélie.

Allez porter ce billet à Léandre,
Et revenez me trouver au logis.

Isabelle rentre.

PIERROT, à Arlequin.

Jusqu’au revoir.

Il suit Isabelle.

ARLEQUIN.

Va sous l’orme m’attendre.
Cet animal me prend pour une.

Il se met à danser en chantant.

Ta, la, la, ta, ra, la, la, la,
Ta, ra, la, la, la, ta, ra, la, la, la...

Il reprend et achève le dernier vers du couplet précédent.

Cet animal me prend pour une Iris.

 

 

Scène XIII

 

ARLEQUIN, COLOMBINE

 

COLOMBINE, à part.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, telle endormie.

Quelle fille quitte Isabelle ?

ARLEQUIN, à part.

Quel homme est-ce que j’aperçois ?

COLOMBINE, à part.

C’est apparemment la donzelle
De notre amant. Ah ! quel minois !

Encore à part.

Air n° 42, ou Jupiter, prête-moi ta foudre.

Pour rire, abordons cette belle.

ARLEQUIN, à part.

Il m’en veut.

COLOMBINE, à part.

Il faut l’arrêter.

ARLEQUIN, à part.

Pour mieux lui paraître femelle,
Laissons-nous-en un peu conter.

COLOMBINE, l’abordant.

Air n° 96, ou Vous êtes jeune et belle.

À ce visage aimable,
À cet air charmant,
Déjà, mon adorable,
Je deviens votre amant.
La brillante figure !
Devant vos appas
Tout homme, j’en jure,
Mettra pavillon bas.

ARLEQUIN, faisant la précieuse.

Fin de l’air n° 97, ou Tout amant comme le vent.

Tel qui nous rend hommage
N’est qu’un volage :
Défions-nous
D’un vent si doux.

COLOMBINE.

Air n° 98, ou Allez-vous-en, gens de la noce.

Vénus n’eut jamais en partage
Plus d’attraits que vous, mon trognon.
Elle avait votre corsage,
Vos yeux, vos traits, votre chignon.

ARLEQUIN.

Fi donc ! mignon.
Fi donc ! mignon.

COLOMBINE.

Vénus n’eut jamais en partage
Plus d’attraits que vous, mon trognon.

ARLEQUIN.

En vous ripostant.

Même air.

Vous êtes plus beau que Narcisse ;
Il n’avait pas l’air si joli.

COLOMBINE.

Vous flattez.

ARLEQUIN.

Je rends justice.
Vous êtes un homme accompli.

COLOMBINE.

Oh ! que nenni !
Oh ! que nenni !

ARLEQUIN.

Vous êtes plus beau que Narcisse ;
Il n’avait pas l’air si joli.

COLOMBINE.

Air n° 72, ou Ô gué, lon la, lan laire.

Faites-moi, mon infante,
Un doux destin.
Mon cœur s’impatiente.

ARLEQUIN.

Petit lutin,
Ne parlez plus comme cela.
À ce discours-là
Mon cœur dit : holà
Ô gué lon la, lan laire,
Ô gué lon la.

COLOMBINE.

Air n° 79, ou Talalerire.

Cédez à l’ardeur qui me presse.

ARLEQUIN, soupirant.

Mon cœur n’est que trop attendri :
Je ne puis cacher ma faiblesse ;
Je vous choisis pour favori.

COLOMBINE, riant.

Qui choisit prend souvent le pire.

TOUS DEUX, riant.

Talaleri, talaleri, talalerire.

 

 

Scène XIV

 

ARLEQUIN, COLOMBINE, ISABELLE

 

ISABELLE, à Arlequin.

Air n° 15, ou Il n’est qu’un pas du mai au bien.

C’est donc ainsi qu’en diligence
Vous avez porté mon billet ?

ARLEQUIN, montrant Colombine.

Prenez-vous-en à ce valet,
Il en est cause en conscience ;
Ce drôle est venu m’amuser.

COLOMBINE.

Vous n’aimez pas mal à jaser.

ISABELLE.

Mais mon père paraît.

 

 

Scène XV

 

ISABELLE, COLOMBINE, ARLEQUIN, LE DOCTEUR, LÉANDRE, GENS DE LA NOCE

 

LE DOCTEUR.

Air n° 60, ou Philis plus avare que tendre.

Ma fille, je viens vous apprendre
Que je vous donne pour époux
Votre amant le seigneur Léandre.
À cet hymen préparez-vous.

LÉANDRE, après avoir baisé la main d’Isabelle.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Pour célébrer notre hyménée,
Nos amis nous suivent ici.

LE DOCTEUR, montrant Arlequin et Colombine.

De ces enfants il faut aussi
Joindre la destinée.

ARLEQUIN, riant.

Nous marier, nous ! ha, ha, ha, ha.

COLOMBINE, riant aussi.

Hé, hé, hé, hé, hé.

ARLEQUIN, se moquant de Colombine.

Air n° 47, ou Lon lan la, derirette.

Ah ! qu’un si bel engagement
Vous promet de contentement !
Lon lan la, derirette.

COLOMBINE, se moquant à son tour.

Ah ! qu’il vous en promet aussi !
Lon lan la deriri.

Air n° 77, ou Au clair de la lune.

Charmante soubrette,
Recevez ma foi.
Quel époux, brunette,
Vous aurez en moi !
Je parais un drille
De bonne façon ;
Mais je suis, ma fille,
Un pauvre garçon.

ARLEQUIN.

Et moi une pauvre fille.

COLOMBINE, se démasquant.

Air n° 37, ou La bonne aventure, ô gué !

J’ai du sexe masculin
La seule figure.
Je suis Colombine, enfin.

ARLEQUIN, montrant sa culotte.

Et moi, je suis Arlequin.

TOUS DEUX.

La bonne aventure,
Ô gué !
La bonne aventure !

Ils s’embrassent.

Les amis du docteur et ceux de Léandre forment une danse qui finit la pièce.

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