Colin-Tampon (Pierre Michel DELAPORTE - Adolphe D’ENNERY)

Vaudeville en un acte.

Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 24 décembre 1844.

 

Personnages

 

VERJUS, ex-maître d’armes des mousquetaires noirs

COLIN-TAMPON, apprenti droguiste

PLUCHEUX, batteur en grange

LOULOU, vannier

SCHOLASTIQUE, aubergiste

NICOLE, nièce de Scholastique

PAYSANS

 

La scène se passe sous le règne de Louis XV, dans un village de la Basse-Bretagne.

 

Le théâtre représente une place de village. À gauche de l’acteur, deuxième plan, une auberge. Sur le mur, à côté de la porte, est fixée une ardoise, au bas de laquelle pend une petite pochette de cuir renfermant un morceau de craie blanche. Au fond, une colline.

 

 

Scène première

 

VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS

 

Au lever du rideau, les paysans, tenant tous des fleurets boutonnés, entourent Verjus, qui achève de donner à Plucheux une leçon d’escrime.

VERJUS.

Marchez à l’épée... deux appels du pied... partez droit !... Soutenez la main... en garde vivement !... Passez l’épée en tierce... enlevez la main, baissez la pointe, partez !...

L’examinant.

La tête droite, la poitrine effacée, le corps d’aplomb. Et tiens mieux ton fleuret.

Il le désarme.

TOUS.

Désarmé !

VERJUS.

Une fois désarmé, on ne peut plus parer qu’avec le corps ; c’est une fichue parade que j’engage mes élèves à ne jamais employer.

Il se débarrasse de son masque, de son fleuret et de son gant. Plucheux en fait autant.

TOUS.

Farceur !

CHŒUR.

Air de la valse de Tabarin.

Amis, de notre maître
Écoutons
Les leçons,
Et nous serons
Peut-être,
Comme lui, des lurons.

PLUCHEUX.

Avec tout ça, je progresse !

VERJUS.

Mais oui, tu progresses quelque peu... Aussi, tu es mon élève favori : de tous les olibrius que j’ai dérouillés dans ce village, c’est toi qui es le moins ignare.

LOULOU.

Et c’est pour ça qu’il fait son fendant ; c’est pour ça qu’il a la prétention de nous mener tous par le bout du nez... Mais patience ! avec un peu de temps... et beaucoup de leçons, nous pourrons aussi devenir des forts... des très forts même !

PLUCHEUX.

Et en attendant, Loulou, je me moque de toi et des autres comme de Colin-Tampon.

LES PAYSANS, piqués.

Ah ! ah !...

VERJUS.

Pas de querelles, mes petits agneaux, pas de querelles ! Battez-vous, mais ne vous querellez jamais.

Air : Ces postillons sont d’une maladresse.

De quereller j’abhorre la manie,
Que je prétends parmi vous abolir ;
Au moins, l’épée est bonne compagnie,
Et, lorsqu’on sait noblement s’en servir,
Avouez-le, c’est un piquant plaisir !
Entre manants, toujours on s’évertue
À disputer pour les moindres sujets...
Mais, entre gens comme il faut, l’on se tue...
Et l’on s’explique après !... (Bis)

PLUCHEUX.

Voilà des principes !

VERJUS.

Ceci posé, je demande un mot d’explication... Depuis que je suis venu prendre ma retraite dans ce pays, j’entends toujours citer ce Colin-Tampon... dont on se moquait ferme, à ce qu’il me paraît...

PLUCHEUX.

Très ferme... Figurez-vous qu’il était d’un bête...

LOULOU.

Ah ! mais d’un bête !...

PLUCHEUX.

Loulou n’était rien à côté.

LOULOU.

Plucheux !... sapristi !...

PLUCHEUX.

Tu dis ?

LOULOU, calmé par le regard menaçant de Plucheux.

Continue.

PLUCHEUX.

Et comme, avec ça, ce pauvre Tampon était très endurant...

VERJUS.

On en abusait ?

PLUCHEUX.

Justement ! Il était d’un poltron...

LOULOU.

Ah ! mais d’un poltron !...

PLUCHEUX.

Loulou n’était rien à côté.

LOULOU.

Encore !

PLUCHEUX.

Tu dis ?

LOULOU, même jeu que plus haut.

Continue.

PLUCHEUX.

Bref, c’étaient perpétuellement des niches et des tours qu’on lui jouait, et qu’il supportait avec tant de jobardise, que ça donnait envie de recommencer le lendemain... Si bien qu’une fois il a pris le parti de quitter le pays.

VERJUS.

Ah ! bah !

PLUCHEUX.

Il y a deux ans qu’il a été à la ville, pour apprendre un état.

VERJUS.

Qui sait... il est peut-être devenu un luron, là-bas.

PLUCHEUX.

Lui ! allons donc !... Nous avons eu de ses nouvelles... Il s’est mis dans la pharmacie.

VERJUS.

Le fait est que, dans cette profession, on ne contracte pas l’habitude de regarder souvent les gens en face...

PLUCHEUX.

C’est égal, je me surprends quelquefois à regretter ce pauvre Colin-Tampon... Vrai ! il me manque... Quand j’étais de mauvaise humeur, j’avais là, sous la main, quelqu’un sur qui la faire passer... Quand je revenais trop fatigué du travail, et que mon gosier était à sec, en même temps que ma bourse, je n’avais qu’à lui dire, en roulant de gros yeux : « Colin-Tampon, j’ai soif ! » et il ne manquait jamais de me payer à boire à l’auberge d’en face.

Il désigne l’auberge de gauche.

VERJUS.

Chez la mère Scholastique ?

PLUCHEUX.

Non, mais chez celui dont elle a acheté le fonds... quelque temps avant votre arrivée chez nous... Bonne idée qu’elle a eue là, cette digne femme ! car elle a amené avec elle son amour de nièce. Celle-là, vous la connaissez, père Verjus ?

VERJUS.

La petite Nicole ?

PLUCHEUX.

Hein ! quels yeux !

LOULOU.

Quelle bouche !

PLUCHEUX.

Quelle taille !

LOULOU.

Et une fraîcheur !

PLUCHEUX.

Et des dents !

LOULOU.

Et des pieds !

PLUCHEUX.

Et des mains !

VERJUS.

Et puis quoi encore ? Voyons, pendant que vous y êtes, vous n’oubliez rien ? Peste ! quel feu roulant !

PLUCHEUX.

Pour ma part, j’en suis fou !

TOUS LES AUTRES.

Et moi donc ! et moi donc !...

VERJUS.

Bien !

PLUCHEUX.

Mais moi, c’est pour le bon motif.

TOUS LES AUTRES.

Moi aussi ! moi aussi !

PLUCHEUX.

Minute ! Je la retiens ! et le premier qui s’avise...

LOULOU.

Allons, bon ! le v’là encore avec ses menaces.

PLUCHEUX.

Je préviens que je le coupe en quatre... Et puisque vous l’aimez aussi... au vainqueur la belle !... Battons-nous !

TOUS.

Battons-nous !

Tous les fleurets s’agitent.

VERJUS, à part, les admirant.

Nobles élèves !...

Les séparant.

Calmez-vous, jeunes guerriers, calmez vos sens, et procédons avec méthode ! Moi aussi, dans mon temps, j’ai eu des passions ardentes... vitrioliques ; je crois être encore à l’époque où Anastasie...

Soupirant.

C’était au petit village de Thiais...

Soupirant plus fort.

Ah ! ces souvenirs...

Changeant de ton.

Mais revenons à Nicole... Vous en êtes tous amoureux, n’est-il pas vrai ?

LES PAYSANS.

Tous !

VERJUS.

Et vous voulez tous l’épouser ?

LES PAYSANS.

Tous !

VERJUS.

Tous ! Et vous êtes vingt-trois... C’est bien difficile à arranger... Car, à moins qu’elle ne devienne vingt-deux fois veuve, Nicole ne peut faire qu’un heureux : tâchons du moins que celui-là ne soit ni estropié ni invalide.

LOULOU.

Mais...

VERJUS.

Silence dans les rangs ! Et laissez-moi faire...

Il frappe à l’auberge.

Holà ! hé ! la maison !

 

 

Scène II

 

VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS, SCHOLASTIQUE, NICOLE

 

SCHOLASTIQUE.

On y va, on y va... Ah ! Seigneur mon Dieu, c’est le maître d’armes !

NICOLE.

Avec tous les mauvais sujets du pays.

SCHOLASTIQUE, brusquement.

Qu’est-ce que vous voulez ?

VERJUS.

Vénérable tante, vous voyez devant vous le nommé Verjus, dit Guid’Amour, ancien maître d’armes des mousquetaires noirs, accompagné de tous ses élèves, et qui vient vous faire une proposition de mariage.

SCHOLASTIQUE.

Une proposition de mariage, à moi !... Quelle horreur !

VERJUS.

Je partage votre opinion... aussi n’est-ce pas de vous qu’il s’agit... Veuillez nous faire tirer quelques bouteilles de rouge et de blanc, et nous allons nous expliquer.

SCHOLASTIQUE.

Je ne ferai rien tirer du tout... Allez boire ailleurs.

PLUCHEUX.

Vous refusez des pratiques ?

SCHOLASTIQUE.

À l’avenir, je me contenterai des voyageurs... la veuve Scholastique n’abreuve pas des sauvages, comme vous l’êtes tous devenus, depuis l’arrivée de cet homme féroce !

Elle indique Verjus d’un geste de mépris.

VERJUS.

Vous m’insultez à tort, ex-belle femme ; et la preuve, c’est que, sans moi, on se coupait la gorge, on se massacrait à l’intention de la belle Nicole.

NICOLE.

À mon intention ?

VERJUS.

Tous mes élèves avaient formé le projet de se détruire les uns les autres, jusqu’à ce qu’il n’en restât plus qu’un seul, qui serait devenu votre heureux époux...

PLUCHEUX.

C’était notre projet.

NICOLE.

Mais c’est affreux !

SCHOLASTIQUE.

C’est abominable !

VERJUS.

C’est pourquoi il a été convenu que votre choix déciderait de tout.

NICOLE.

Mon choix...

SCHOLASTIQUE.

Son choix est fait depuis long-temps ; et quant à vous autres, je vous dirai que vous êtes tous trop âgés.

LES PAYSANS.

Comment, trop âgés ?...

SCHOLASTIQUE.

D’une année !... de celle où M. Verjus a infesté le pays de sa présence, et nous a changé tous nos petits villageois en une troupe de tigres et de léopards !

VERJUS.

Madame !...

SCHOLASTIQUE.

Oui, c’est affreux, monsieur !... Ce village est devenu une caserne... où il n’y a plus que des querelles et des batteries...

Allant à Loulou.

Un Loulou, un innocent vannier, qui était souple comme son osier, et qui regimbe, qui se redresse comme un matamore !...

Se retournant vers Plucheux.

Un Plucheux, qui était autrefois un paisible batteur en grange, qui veut à présent battre tout le monde, et qui est devenu lui-même un véritable fléau !...

Remontant vers les paysans.

Un Nicolas, un Jean-Claude, un Cornouillet, autant de forcenés qui ont l’air d’avoir été mordus par quelque chose d’enragé... Et j’autoriserais ma nièce à perpétuer une pareille race ! jamais !... Vous voulez une réponse, monsieur Verjus ?... eh bien ! il y a un très bel orme au milieu de la plaine... c’est là que vous pourrez l’attendre !...

TOUS.

Oh !

VERJUS.

Sous l’orme ? C’est votre dernier mot ?

SCHOLASTIQUE.

Le dernier... D’ailleurs, je vous l’ai dit, Nicole a une inclinaison.

TOUS.

Une inclinaison !...

NICOLE.

Eh bien ! oui, j’aime quelqu’un.

SCHOLASTIQUE.

Un jeune homme aimable, doux, rangé, que nous attendons aujourd’hui même.

TOUS.

Aujourd’hui ?

On entend la voix de Colin-Tampon, qui chante en dehors.

NICOLE, allant au fond.

Ma tante, le voilà ! c’est lui !...

PLUCHEUX.

Mon rival !... Sapristi !...

LOULOU.

Notre rival !... Saprelotte !...

 

 

Scène III

 

VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS, SCHOLASTIQUE, NICOLE, COLIN-TAMPON, qui descend la colline, un paquet au bout d’un bâton

 

TOUS.

C’est Colin-Tampon !

VERJUS.

Lui !

Ensemble.

Air du quadrille de la Reine de Chypre.

VERJUS et LES PAYSANS.

C’est ce bon
Colin-Tampon !
Pour nous tous, ah ! quelle joie !
Oui, le ciel nous le renvoie...
Gare à lui,
Dès aujourd’hui !...

SCHOLASTIQUE et NICOLE.

C’est ce bon
Colin-Tampon !
Pour nous deux, ah ! quelle joie !
Oui, le ciel nous le renvoie...
Plus d’ennui,
Dès aujourd’hui.

Colin descend la colline et vient en scène pendant l’ensemble.

COLIN, apercevant Nicole et sa tante.

Ah ! madame Scholastique !... mademoiselle Nicole !... Ah ! permettez-moi de m’épancher.

Il s’avance pour les embrasser.

PLUCHEUX, l’arrêtant.

Ce cher Colin-Tampon !

Il l’embrasse.

COLIN.

Ah ! c’est Plucheux... Bonjour, Plucheux... Pardon, mais j’allais embrasser...

Il s’avance vers les deux femmes.

LOULOU, prenant la place de Plucheux, et l’arrêtant à son tour.

Bonjour, Colin-Tampon !

COLIN,

C’est Loulou... Bonjour, Loulou... Pardon, mais j’allais embrasser...

Il s’avance de nouveau.

VERJUS, l’arrêtant.

Ce bon Colin-Tampon !

COLIN.

Encore !... Ah ! c’est...

Examinant Verjus.

Tiens !

Reculant un peu.

Connais pas !

PLUCHEUX.

Un ami à nous tous... et à toi, par conséquent.

COLIN.

Ah ! c’est un ami à moi... Bonjour, monsieur... mon ami... Pardon, mais j’allais...

PLUCHEUX.

Comme il est frais et gras, ce cher Tampon !

Il lui serre le nez qu’il secoue violemment.

COLIN.

Eh ! dis donc !

LOULOU, même jeu.

Ce joli Tampon !

COLIN.

Ah ! mais !...

VERJUS, même jeu.

Ce charmant Tampon !

COLIN.

Diable ! diable ! il paraît que la mode est changée dans le pays... autrefois on se serrait la main, à présent on se serre le nez !

NICOLE.

Il est très aimé ici, ma tante.

SCHOLASTIQUE.

Oui, je m’en aperçois.

COLIN, allant à elles.

Ah ! maintenant, permettez...

Il les embrasse. Pendant ce temps, Plucheux a pris les autres à l’écart et leur a parlé bas.

PLUCHEUX.

C’est entendu... suivez-moi tous, nous reviendrons tout à l’heure... Ah ! elle veut un gendre doux et timide comme une jeune fille... nous verrons ce qu’elle en pensera bientôt.

Haut.

Au revoir, Colin-Tampon, nous te laissons à ton bonheur ; car on nous a tout dit, heureux mortel !...

TOUS.

Au revoir... au revoir...

COLIN.

Au revoir, mes amis.

PLUCHEUX.

À revoir !

Il lui enfonce son chapeau, tandis que les deux femmes ont remonté la scène.

COLIN, retirant son chapeau en riant.

Ils sont toujours farceurs, dans le pays !

Ensemble.

Reprise du chœur.

LES PAYSANS.

C’est ce bon
Colin-Tampon !
Pour nous tous, ah ! quelle joie ! etc.

SCHOLASTIQUE et NICOLE.

C’est ce bon
Colin-Tampon !
Pour nous deux, ah ! quelle joie ! etc.

Verjus et les paysans sortent par le fond, en continuant à se faire des signes d’intelligence.

 

 

Scène IV

 

COLIN-TAMPON, SCHOLASTIQUE, NICOLE

 

SCHOLASTIQUE.

Bon débarras ! les voilà partis ! À nous deux, maintenant, monsieur Colin-Tampon, écoutez-moi.

COLIN.

Je ne suis qu’oreilles.

SCHOLASTIQUE.

De quoi étions-nous convenus, jadis, en nous quittant ?

COLIN.

Que je ne viendrais vous demander Nicole qu’après avoir terminé, chez mon patron, les études nécessaires à l’état que je veux exercer... Le bel état de pharmacien !...

SCHOLASTIQUE.

Et vous avez rempli les conditions ?

COLIN.

Toutes les conditions !... Je suis à même d’administrer... tout ce qu’on peut prendre...

NICOLE.

J’étais bien sûre, ma tante, qu’il travaillerait avec zèle !

COLIN.

Ah ! dame ! vous étiez toujours présente à ma pensée, ô Nicole : je vous voyais partout. Je vous voyais dans mon laboratoire ; je vous voyais dans toutes les petites bouteilles où je collais de petites étiquettes ; je vous voyais dans tous les petits paquets que j’entourais de petites ficelles et que je marquais de petits cachets à la petite flamme d’une petite chandelle ; enfin, ô ma fiancée, je vous voyais jusqu’au fond de mes petits mortiers... au point que souvent je m’arrêtais tout court, dans la crainte de vous broyer sous mes pilons !

SCHOLASTIQUE.

Ah ! c’est bien ! c’est très bien ! J’en suis tout émute !

COLIN.

Pauvre tante, elle est émute.

NICOLE.

Comment ! monsieur Colin-Tampon, vous m’aimiez à ce point ?

COLIN.

Et j’en ai eu parfois des distractions... mais des distractions !... Témoin, un monsieur enroué qui, le jour de ses noces, m’avait demandé de la réglisse en poudre, et à qui je donnai de la rhubarbe... Pauvre homme ! il ne faisait qu’aller et venir...

SCHOLASTIQUE, riant.

Ah ! ah ! ah !... Mais ce n’est pas de cela qu’il faut nous occuper ; j’ai à vous parler sérieusement.

COLIN.

Vous avez encore quelque chose à me demander ?

SCHOLASTIQUE.

Non, il s’agit d’une recommandation... Vous saurez donc que, dans le pays, ils sont tous devenus, depuis l’arrivée de ce damné maître d’armes, des fiers à bras, des sacripants, des ferrailleurs !

COLIN.

Ah ! bah !

NICOLE.

Mon Dieu oui : il n’y a pas de jour qu’on n’entende parler de querelle ou de duel.

SCHOLASTIQUE.

Et moi qui suis d’un tempérament si nerveux !... La plus petite dispute me fait tomber en syncope... aussi, il faut que ça finisse !...

COLIN.

Et vous comptez sur moi pour les mettre à la raison ?...

SCHOLASTIQUE.

Je vous préviens donc, monsieur Colin-Tampon...

COLIN.

Oui !...

SCHOLASTIQUE.

Oui, quoi ?...

COLIN.

Enfin, vous me prévenez...

SCHOLASTIQUE.

Je vous préviens que quand vous vous rencontrerez avec ces garnements...

COLIN.

Quand je me rencontrerai avec ces garnements...

SCHOLASTIQUE.

Si vous avez la moindre dispute... la plus légère discussion... je vous renie pour l’époux de ma nièce...

NICOLE.

Vous l’entendez, monsieur Colin ?

COLIN.

Ah ! bah !... Vraiment ?...

SCHOLASTIQUE.

Je connais les inconséquences des hommes, je sais que sous un air timide et naïf, ils cachent des passions violentes...

Bas et avec mystère.

Votre prunelle indique des passions violentes, jeune homme !

COLIN.

Vous voyez ça à mes prunelles... Eh bien ! voui, voui, je les ai très ardentes...

SCHOLASTIQUE.

Les prunelles ?...

COLIN.

Non... les passions. Il y a des jours, ô la tante, où je tourne à l’anthropophage !... et si je me trouvais un rival...

Avec un rire satanique.

Ah ! ah ! ah !... un rival !... je m’abreuverais de son sang avec plus de volupté qu’une sangsue qui serait à jeun depuis six semaines...

NICOLE.

Mais vous me faites peur, monsieur Colin...

COLIN.

Soyez tranquille, ô Nicole, je me calmerai pour vous plaire, je prendrai des rafraichissants...

SCHOLASTIQUE.

Très bien ! et si la colère vous monte, il faudra renfoncer ça.

COLIN.

Je renfoncerai.

NICOLE.

Et si on vous attaque, si on vous cherche querelle ?...

COLIN.

Je renfoncerai encore.

Air : Prends ce tissu mystérieux.

Je suis Français et troubadour !
Et je sais obéir aux dames ;
Sujet soumis à votre cour,
Je jure d’endurer toutes les épigrammes !
Sans sourciller, ici l’on me verra
Courber le nez devant l’outrage...
Mais, pour êtr’ poltron à c’ point-là,
Ventre-saint-gris ! il me faudra...
Il me faudra bien du courage !...
Bien du courage !

SCHOLASTIQUE.

Après une pareille promesse, je n’hésite plus... je vais de ce pas chez le tabellion, et, dès demain vous serez l’époux de ma petite Nicole !

COLIN.

Je serai monsieur Nicole ! quel bonheur !

SCHOLASTIQUE.

Toi, mon enfant, pendant mon absence, prépare la chambre de ton futur.

Elle remonte la scène.

NICOLE.

Oui, ma tante.

COLIN.

Oui, sa tante !... Allons préparer ma chambre notre chambre, mademoiselle Nicole... notre amour de petite chambre ! mademoiselle Nicole !...

SCHOLASTIQUE, prenant Colin par le bras et le faisant passer devant elle.

Du tout !... Elle ira seule... et vous l’attend ici... pour les mœurs...

COLIN.

Pour les mœurs !...Comment, pour les mœurs !... Est-ce que vous me croyez capable !... Oh ! Scholastique ! Scholastique !...

SCHOLASTIQUE.

C’est bon ! je veux que vous restiez, mauvais sujet.

Ensemble.

Air : Non, non, non, monseigneur.

SCHOLASTIQUE et NICOLE.

La veille d’un hymen,
Il faut de la prudence ;
Craignez la médisance...
Attendez à demain !

COLIN.

La veille d’un hymen,
Quoi ! tant de méfiance !
N’ai-je pas l’assurance
De triompher demain ?

Scholastique sort par le fond, à droite ; Nicole entre dans l’auberge.

 

 

Scène V

 

COLIN-TAMPON, seul

 

Mauvais sujet !... Elle se méfie de moi, elle n’a pas confiance... Quelle erreur !...

Air : Aux temps heureux de la chevalerie.

Lorsque ma noce en ce moment s’apprête
Et que je touche au terme du bonheur,
Qui ? moi ! j’irais, dans ma flamme indiscrète,
Escamoter d’avance une faveur !
Pourquoi tricher la fillette qui m’aime ?
Pourquoi céder à des désirs trop prompts ?
Ah ! par ce trait, je deviendrais l’emblème
D’un confiseur qui s’ vol’rait des bonbons !

Quant à l’autre recommandation, celle de la prudence et de l’aménité, elle peut encore être tranquille... Dieu de Dieu ! je n’ai jamais connu mon père ; mais, si tu m’as fait à ton image, ô papa ! je te déclare peu martial !...

On entend au dehors des chants et le bruit des instruments.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

 

 

Scène VI

 

COLIN-TAMPON, VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS

 

Tout le monde entre, sur une marche d’un caractère solennel, et vient, avec une espèce de pompe, se ranger autour de Colin-Tampon. Verjus tient à la main une couronne et un bouquet de fleurs d’oranger. Plucheux porte un coussin de velours, et Loulou un étendard blanc sur lequel est peint un cœur enfermé dans une cage.

CHŒUR.

Air de M. Nargeot.

Accourons tous gaiement,
Amis, que l’on s’apprête !
Une belle fête
En ces lieux nous attend !
Employons nos loisirs,
De joyeuse manière :
Les sots sont sur la terre
Pour nos menus plaisirs !...

COLIN.

Tiens ! tiens ! tiens !... Est-ce que c’est la fête du pays, aujourd’hui ?

VERJUS.

Jeune homme !

COLIN.

Monsieur ?

VERJUS.

Regarde ce noble étendard.

COLIN.

Après ?

VERJUS.

Qu’y vois-tu ?

COLIN.

Un cœur dans une cage : eh bien ?

VERJUS.

C’est l’emblème du sort que notre sollicitude te réserve.

COLIN.

Vous voulez me mettre en cage ?

VERJUS.

Non pas toi, mais ton cœur...

COLIN.

Mon cœur ! mon cœur en cage !...

VERJUS.

Touchés de tes vertus et de ta candeur, et redoutant pour toi le casse-cou de l’amour et la couleur jonquille dont te couvrirait l’hyménée, nous avons résolu de te vouer au blanc...

COLIN, comme s’il n’avait pas entendu.

S’il vous plaît ?

VERJUS, continuant.

Et de te nommer rosier.

COLIN.

Rosier ?

VERJUS.

À perpétuité !

TOUS.

À perpétuité !

COLIN.

Rosier ! Comment ! rosier ?... Mais, permettez, ça ne s’est jamais vu !

VERJUS.

Eh bien ! ça se verra.

COLIN.

Mes amis, mes chers amis... réfléchissez donc ! je ne peux pas être rosier,...

Air : Parmi les filles du canton. (Joconde.)

Parmi les jeun’s gens du hameau
Choisissez, pour un tel hommage,
Quelque pudique jouvenceau
Depuis peu sorti de sevrage...
Amis, à cet excès d’honneur
Ma conscience ici s’oppose...
Et, je l’avoue avec candeur,
Oui, je l’avoue avec candeur,
Je n’ai pas mérité la rose.

VERJUS.

Si fait, tu la mérites... et maintenant à genoux, pour recevoir les insignes de ta nouvelle position sociale...

COLIN.

À genoux !... Cette plaisanterie m’amuse... mais...

PLUCHEUX.

Pas de mais, et à genoux !

TOUS.

À genoux !...

COLIN.

Allons, ne les irritons pas... Ô Nicole ! j’espère que je te mérite, par ma patience et ma douceur !...

VERJUS.

Allons donc !...

Il saisit Colin-Tampon d’une main brutale, et le jette sur le coussin que Plucheux a posé à terre.

PLUCHEUX.

En avant, les fanfares !

Au bruit des instruments, Verjus met la couronne de roses blanches sur la tête de Colin-Tampon, tandis que Plucheux lui attache au côté le bouquet de fleurs d’oranger.

CHŒUR.

Air de Joconde.

Pour le pays, ah ! quelle gloire !
Sachons tous l’apprécier ;
Exemple inouï dans l’histoire, }
Nous possédons un rosier !    } bis.

COLIN.

Na ! maintenant que c’est fini, je ferai hommage de cette couronne et de ce bouquet à ma future épouse...

PLUCHEUX, à la gauche de Colin.

Ton épouse !... Plus d’épouse, mon cher...

COLIN.

Comment ! plus d’épouse ?

VERJUS.

Rosier à perpétuité ! c’est-à-dire : défense de jamais courtiser une femme... si peu que ça soit...

COLIN.

Si peu que ça soye !... Mais c’est trop peu !

PLUCHEUX.

À moins que tu ne préfères un coup d’épée de chacun de nous.

COLIN.

Du tout ! On m’a défendu de me battre...

VERJUS.

Défendu... Et qui donc ?

COLIN.

Qui ?... Mon médecin... Le duel ne convient pas à mon tempérament.

TOUS, riant.

Ah ! ah ! ah !

PLUCHEUX.

Maintenant, pour célébrer ta nouvelle dignité, nous allons boire à ta santé.

VERJUS.

C’est ça !... fête complète !... La mère Scholastique nous a refusé du vin... Elle en fournira quand même... À la cave ! vous autres, c’est Colin qui paie !...

COLIN.

Non, non, je ne paie pas !...

CHŒUR.

Air du Cheval de Bronze.

À l’œuvre ! commençons !
Et, sans façons,
Dégustons
Les meilleurs flacons !
Surtout n’ayons des prix
Aucuns soucis,
Colin régale ses amis.

Ils se dirigent vers la maison. Nicole en sort et les retient un moment. Les paysannes sortent et quelques paysans pénètrent dans l’auberge.

 

 

Scène VII

 

COLIN-TAMPON, VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS, NICOLE

 

NICOLE.

Quel est tout ce bruit ?...

COLIN, d’un air piteux.

Mademoiselle Nicole...

NICOLE.

Que vois-je !... monsieur Colin-Tampon en jeune mariée !...

COLIN.

En moins que ça ! en beaucoup moins que ça !... Ils m’ont fait rosier !

NICOLE.

Rosier !...

PLUCHEUX.

Avec défense de se marier jamais... et par conséquent, jolie Nicole, il vous faudra choisir un autre époux...

NICOLE.

Mais c’est affreux ! et M. Colin ne vous obéira pas !

Elle arrache à Colin la couronne de roses et le bouquet de fleurs d’oranger, et les jette au loin avec indignation.

VERJUS.

Libre à lui... Seulement, en cas de rébellion, nous nous le repassons indéfiniment, de duel en duel, et de fleuret en fleuret !

TOUS.

Oui, oui !...

COLIN.

Mais j’aurai l’air d’une pelote émaillée d’aiguilles !

NICOLE.

Des duels ! Cédez monsieur Colin ; cédez, je vous en conjure...

COLIN.

Vous m’en conjurez ?... C’est pour vous que je me résigne.

Les paysans rentrent avec des bouteilles et des plats.

TOUS.

Bravo ! voilà les vivres !

VERJUS.

À table ! à table !

Les paysans se placent aux tables.

NICOLE.

Eh bien ! vous êtes sans gêne. Qui est-ce qui paiera tout ça ?

PLUCHEUX, allant prendre la craie dans le petit sac au bas de l’ardoise.

Marquez-moi ça sur mon ardoise.

Il donne la craie à Nicole.

NICOLE.

Certainement, que je vais le marquer...

VERJUS.

Du tout... ça sera payé comptant.

Il reprend, des mains de Nicole, la craie qu’il met sur ta table.

PLUCHEUX.

La jolie aubergiste nous tiendra compagnie...

NICOLE.

Par exemple !

PLUCHEUX.

Voilà sa place auprès de moi...

COLIN.

Minute !... je m’y oppose !

NICOLE, à part.

Et ma tante qui n’est pas là.

Elle va regarder au fond.

VERJUS, après avoir repris la craie sur la table, fait marcher Colin par l’oreille.

Toi, mon gaillard, attends un peu.

Le conduisant de l’autre côté du théâtre.

Fixe... et immobile !... Très bien...

Il fait, avec la craie, un cercle autour de Colin.

COLIN.

Qu’est-ce qu’il fait ?... Il a l’air d’un sorcier qui s’adonne à des conjurations...

VERJUS.

Justement : je te conjure, mon cher ami, de ne pas sortir de ce rond. C’est le cercle de Numa Pompilius... historiquement parlant. Si tu en sors, la guerre ! autrement dit, chaque fois que tu enfreindras cet ordre, je te coupe une oreille.

COLIN.

Une oreille chaque fois !... Qu’est-ce qu’il me restera donc à ma troisième sortie ?

PLUCHEUX.

À présent, soyons tout à Bacchus !... tout à l’amour !... Voyons, la main aux dames !

Il prend la main de Nicole, comme pour la conduire vers la table.

NICOLE, se dégageant.

Laissez-moi, monsieur, laissez-moi !

COLIN.

Laissez-la, monsieur, laissez-la !

Il veut sortir de son rond.

VERJUS.

Oublies-tu déjà ma défense ?

COLIN, à part.

Cloué sur place !

Il se met à tourner dans son cercle avec fureur.

NICOLE, entre Loulou et Plucheux.

Ah ! fi ! c’est indigne ! abuser ainsi de la bonté de mon fiancé !

PLUCHEUX.

Votre fiancé ! plus souvent ! À lui ces yeux si doux... cette taille charmante !

Il veut lui prendre la taille.

NICOLE, se dégageant de nouveau.

Eh bien ! eh bien ! À bas les mains, tout de suite !

COI.IN.

Il ose lui prendre la taille ! morbleu ! saprebleu, têtebleue ! ventrebleu !

Il veut sortir de son rond.

VERJUS, le tenant toujours en respect.

Hein ?

COLIN.

Ô rage !

Il se remet à tourner dans son cercle.

PLUCHEUX.

Ça, ma divine, faisons la paix ; et, comme gage de réconciliation, accordez-moi un baiser.

NICOLE.

Un baiser !

VERJUS.

Un baiser à chacun !...

COLIN.

Ils demandent un baiser par tête...

Il veut derechef sortir de son cercle.

VERJUS, le menaçant toujours.

Maraud !

Colin tourne dans son cercle avec une fureur croissante.

PLUCHEUX, embrassant Nicole.

Moi, le premier !

LOULOU, de même.

Moi, le second !

NICOLE.

Ah ! ciel !... Au secours ! au secours !

VERJUS.

Et moi, le troisième !

 

 

Scène VIII

 

COLIN-TAMPON, VERJUS, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS, NICOLE, SCHOLASTIQUE

 

Scholastique, qui vient d’entrer par le fond, se place devant Nicole, et reçoit le baiser de Verjus.

SCHOLASTIQUE.

Polisson !

TOUS.

La tante !

VERJUS.

Miséricorde ! j’ai embrassé la tante !

COLIN, à part.

Ah ! bravo ! c’est la Scholastique qui a reçu le feu. Le maître d’armes n’a pas paré celle-là...

Verjus le regarde. Il tourne de nouveau très vivement.

SCHOLASTIQUE.

Comment ! on embrasse ma nièce, et monsieur Colin-Tampon reste là, comme un Therme ?

COLIN.

En fait de termes, la tante, je n’en trouve pas pour vous dépeindre ce que j’éprouve.

NICOLE.

Vous savez bien que vous lui avez défendu les querelles.

SCHOLASTIQUE.

C’est vrai... et ces garnements ont profité de ça... Mais, je ne me trompe pas... ils boivent mon vin, les gueux ! ils mangent mon jambon, les scélérats !

VERJUS, passant à la droite de Scholastique.

Allons, allons, calmez-vous.

SCHOLASTIQUE.

Que je me calme ! quand on me pille ! quand on me dévalise ! Eh bien ! non, je ne me calmerai pas... Je fais explosion, à la fin ! Et vous nous en rendrez raison...

TOUS.

Raison !...

COLIN.

Comment, raison ?...

SCHOLASTIQUE.

C’est que vous ne savez pas à qui vous avez affaire... Je n’ai pas toujours été patiente et douce, moi ! Je n’ai pas toujours tenu un cabaret, moi ! Je sais manier les armes, moi !...

VERJUS.

Oh ! oh !

SCHOLASTIQUE.

Vous-même, monsieur Verjus, je vous perforerais, tout maître d’armes que vous êtes, et la preuve...

Imitant avec le bras le jeu du fleuret.

Une, deux ; parez-moi ça... touché !... une, deux ; parez encore !... Ah ! vous insultez la Scholastique !... Parez ; mais parez donc.

VERJUS.

Tudieu ! quelle poigne !

COLIN.

Saperlotte ! quel gaillard que ma tante !

SCHOLASTIQUE.

C’est que j’ai été vivandière, moi ! c’est que j’ai tué un tambour-major, moi !

TOUS.

Un tambour-major !

VERJUS.

Vous avez tué ?...

COLIN.

Elle a tué un tambour-major !

SCHOLASTIQUE.

Un grand... de six pieds huit pouces, qui en voulait à ma vertu !... Éteint, défunt, couché là...

NICOLE.

Comment ! vous avez eu le malheur...

SCHOLASTIQUE.

De l’occir !... Eh bien ! oui, je l’ai occis !...

Air : Hélas ! elle a fui comme un songe.

Depuis que de ce téméraire
Ma main a causé le trépas,
Je dépéris... J’ puis à pein’ faire
Par jour mes quatre ou cinq repas !...
Remords, sans pitié tu me ronges... }
Et, la nuit, tu me suis encor !            } (bis)
Hélas ! je revois dans tous mes songes
Le colback du tambour-major !
Oui, je revois dans tous mes songes
Le plumet du tambour-major !

C’est un souvenir qui me pèse là !... et qui me rend bien malheureuse... Ah ! Nicole ! si tu savais... ne tue jamais de tambour-major, mon enfant !...

NICOLE.

Oh ! jamais... par exemple !

SCHOLASTIQUE.

Et voilà ce qui m’a fait devenir si craintive, si pacifique et si bonasse ! Mais on m’a rendu ma férocité, et le premier qui recommence...

PLUCHEUX.

Ah ! bah ! Est-ce qu’on se bat avec une faible femme !

SCHOLASTIQUE.

Non ?... Eh bien, je vous fournirai un homme, un bon, un solide, pour prendre notre parti et qui saura vous répondre.

TOUS.

Un homme !

COLIN, à part.

Un solide homme... Qui diable ça peut-il être ?

SHOLASTIQUE.

Un gaillard que je contraignais à la douceur, et dont j’enchaînais le courage !...

COLIN.

Mais qui diable ça peut-il être ?

PLUCHEUX.

Et cet homme redoutable ?...

SCHOLASTIQUE.

Le voilà...

Elle désigne Colin-Tampon.

TOUS.

Lui !

COLIN.

Hein ! plaît-il ? Moi ?... Permettez ?...

VERJUS, allant vers la table où il se met à boire.

M. Colin-Tampon !... Ah ! ah ! ah !...

PLUCHEUX.

Ce bon Colin-Tampon !... Ah ! ah ! ah !

SCHOLASTIQUE.

Oui, messieurs, ce bon Colin-Tampon !

Elle le conduit aux paysans, qui se le renvoient et le font passer de l’autre côté du théâtre.

COLIN, à part.

Il paraît décidément que c’est moi !

SCHOLASTIQUE.

Et si vous nous y forcez... je lui rendrai toute sa vaillance.

COLIN, à part.

Diable !

Haut.

Ne l’y forcez pas, mes amis, ne l’y forcez pas, je vous en conjure !...

PLUCHEUX.

Parbleu ! je suis curieux de voir le lion déchaîné, et pour exciter sa fureur... Je prends un baiser.

Il embrasse Nicole.

NICOLE.

Voulez-vous bien finir !...

Scholastique fait pirouetter Plucheux.

COLIN.

Plucheux, mon petit Plucheux...

SCHOLASTIQUE.

Ah ! c’est trop fort... Monsieur Colin-Tampon, allez ! je ne vous retiens plus... allez !

Elle lui met un fleuret dans la main.

COLIN.

Que j’aille ?... que j’aille ? Où ça ?...

SCHOLASTIQUE.

Comment où ça ? mais nous venger de cette insulte. Montrez-vous !... Mais montrez-vous donc, mon neveu !

COLIN, à part.

Sapristi, comme elle y va.

Haut.

Que je me montre, que je me montre... Il me semble que je ne me cache pas...

SCHOLASTIQUE.

À la bonne heure... et vous lui demandez raison ?

COLIN.

Raison... comment, raison ?

À part.

Diable ! une affaire, c’est une affaire !

PLUCHEUX.

Je suis à tes ordres, mon cher petit apothicaire !

NICOLE.

Comment ! elle veut le faire battre, à présent ?

SCHOLASTIQUE, à Colin.

Ainsi, c’est convenu, vous vous battez demain !

COLIN.

Mais non, mais non... pas demain, permettez... Demain c’est le jour de mon mariage...

SCHOLASTIQUE.

C’est juste... pas pour demain...

COLIN.

Non, pas pour demain !

À part.

Je respire...

SCHOLASTIQUE.

Ça sera pour aujourd’hui !

COLIN.

Pour aujourd’hui, à présent ?

PLUCHEUX.

À présent soit ! je cours chercher des armes...

NICOLE.

Des armes !

VERJUS.

Moi, je servirai de témoin.

Ensemble.

Air.

CHŒUR DES PAYSANS.

De ce duel-là
Nous rirons, la chose est sûre,
Cette aventure
Nous divertira.

COLIN, à part.

De ce duel-là
On rira, la chose est sûre,
Cette aventure
Les divertira.

SCHOLASTIQUE et NICOLE.

Colin, oui-dà,
Saura venger notre injure !
Cette aventure
Les calmera.

Les paysans sortent avec Plucheux.

SCHOLASTIQUE.

Rentrons, ma nièce... Mon neveu, vous vous êtes conduit en brave... je suis contente de vous.

Elle rentre avec Nicole dans l’auberge.

COLIN.

Merci !...

À part.

Je ne suis pas content de toi, moi,...

 

 

Scène IX

 

VERJUS, COLIN-TAMPON

 

VERJUS.

Ah ! ah ! jeune homme, il paraît que vous cachiez votre jeu... vous vous êtes joliment conduit !

COLIN.

Vous trouvez ?... Eh bien ! je vous assure que c’est sans effort... Je n’y visais pas du tout...

VERJUS.

Ah ça ! à quoi vous battez-vous ?

COLIN.

À quoi ?... mais, dame...

VERJUS.

Est-ce le pistolet que vous préférez ?...

COLIN.

Le... le pistolet ?... du tout... je n’aime pas le pistolet...

VERJUS.

Vous choisissez donc l’épée ?...

COLIN.

L’épée... l’épée non plus... J’ai horreur de l’épée !

VERJUS.

Cependant... quelle est l’arme qui vous est plus familière ?

COLIN.

L’arme qui m’est plus familière ?... parbleu ! dans ma profession, c’est...

VERJUS.

C’est ?...

COLIN.

C’est...

VERJUS.

Parlez donc !...

COLIN.

Non... non... D’ailleurs, on ne se bat pas à ca...

VERJUS.

En tout cas, je vous conseille de vous tenir ferme... Plucheux est d’une jolie force... c’est mon meilleur élève... et à moins que vous n’ayez quelque botte secrète...

COLIN.

Hélas ! ni secrète, ni autre ; je vous l’avoue, monsieur, je n’ai pas de botte du tout...

VERJUS.

Mais, alors, vous êtes un homme mort !

COLIN, à part.

J’ai bien envie de m’en aller.

Il fait quelques pas pour sortir.

VERJUS.

Où allez-vous donc ?

COLIN.

J’ vas poser des sangsues en ville... Au revoir, monsieur ! vous leur direz que je suis allé poser des sangsues.

VERJUS, le ramenant en scène.

Par exemple !... Allons, du courage, morbleu !... Voyons, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai pitié de vous... Si je vous donnais une leçon ?...

COLIN.

Une leçon... Vous croyez que ça pourrait me sauver ?

VERJUS, lui donnant un fleuret.

Allons, voyons, essayons toujours... En ligne !...

COLIN.

En ligne, voilà... Y suis-je, monsieur ?

VERJUS.

Plus droit que ça, donc ! Porte la tête haute ! tends la jambe droite... efface la poitrine, allonge le bras, rentre le coude.

COLIN.

Comment voulez-vous que j’allonge et que je rentre ?...

VERJUS.

Rentre le coude, comme ça... et reste là, bien assis.

COLIN, allant s’asseoir sur un banc de gazon, pendant que Verjus va prendre son fleuret qui est resté sur la table.

Ah ! j’aime mieux ça.

VERJUS, le forçant à se relever.

Mais, non !... reste assis sur le jarret de l’arrière.

COLIN.

Que je m’assise sur mon jarret, ça me paraît impraticable.

VERJUS.

Comme ça !...

Il lui tend la jambe gauche.

COLIN.

Je vais attraper un torticolis dans le tendron d’Achille.

VERJUS.

Et ton fleuret que tu tiens comme une fourchette !

COLIN.

J’avoue que j’aurais plus de dispositions pour... la fourchette.

VERJUS.

Fends-toi ! à fond.

COLIN.

Que je me fende !... moi-même !...Ah ! non !... ah ! mais non !...

VERJUS.

Tiens, décidément tu es trop bête : j’y renonce...

COLIN.

Vous y renoncez, soit ; mais c’est Plucheux, que je voudrais voir y renoncer...

VERJUS.

Ah ! dame ! ce sont tes affaires !

COLIN, allant s’asseoir, et pleurnichant.

C’était bien la peine d’avoir été tant douilleté par maman, pour venir me faire écharper ici...

VERJUS.

Ah ! ta maman te douilletait ?

COLIN.

Oh ! oui, elle était si bonne, maman Anastasie !

VERJUS, ému.

Anastasie... Ta mère s’appelait aussi Anastasie ?

COLIN.

Aussi ?... Est-ce que vous vous appelez Anastasie, vous ?

VERJUS.

Non, pas moi, mais une personne... qui... que... enfin quelqu’un natif de Chambourcy...

COLIN.

De Chambourcy ?... c’est elle.

VERJUS.

Et son domicile ?

COLIN.

À Thiais, près Choisy-le-Roi.

VERJUS, à part.

C’est ça... c’est tout à fait ça...

Haut.

Et ton âge... ton âge, mon pauvre petit Colin ?

COLIN.

Mon âge... j’aurais eu dix-neuf ans aux épinards prochain...

VERJUS.

Dix-neuf ans !

COLIN.

Si Plucheux m’avait laissé vivre jusque-là... Mais, hélas ! je ne les verrai pas, les épinards...

VERJUS.

Colin-Tampon !

COLIN.

Monsieur Anastasie ?

VERJUS, à part.

Qu’est-ce qu’il dit ?... c’est l’émotion...

Haut.

Je ne veux pas que Plucheux te fasse la plus légère égratignure.

COLIN.

Ni moi non plus... je ne le veux pas.

À part.

Tiens, quel changement !

VERJUS.

Colin-Tampon !

COLIN.

Monsieur Anastasie ?

VERJUS.

Il ne faut pas que Plucheux te tue.

COLIN.

Oh ! non, oh ! non, il ne le faut pas !

VERJUS.

Je te prends sous ma protection...

COLIN.

Oh ! oui, prenez-m’y, prenez-m’y...

Regardant.

Ciel !... Plucheux et les autres.

VERJUS.

Plucheux, qui vient te chercher pour ce duel.

COLIN.

Et qui va procéder à ma destruction.

VERJUS.

Te détruire ! toi ! mon pauvre petit Colin ! toi, l’enfant d’Anastasie !... toi mon... mon ami... jamais !... je l’en empêcherai bien.

 

 

Scène X

 

VERJUS, COLIN-TAMPON, PLUCHEUX, LOULOU, PAYSANS

 

VERJUS, bas à Colin, pendant l’entrée des paysans.

Je te protégerai, je te défendrai, je te sauverai...

À part.

Quelle idée !

Haut.

Et, pour commencer... tiens drôle !...

Il lui donne un soufflet.

TOUS, s’approchant.

Un soufflet !

COLIN, à part.

Un soufflet !... C’est comme ça qu’il me protège ?...

VERJUS.

Oui, mes amis, un soufflet... un soufflet que je rends à cet audacieux, qui n’a pas craint de m’en appliquer un !

COLIN.

Moi ? par exemple !...

VERJUS, bas.

Mais... tais-toi donc !

PLUCHEUX.

Comment ! il a eu l’audace...

LOULOU.

Frapper un maître d’armes... Mazette, comme il y va !...

VERJUS.

Mais ça ne se passera pas comme ça... Il faut me suivre à l’instant... là, derrière le moulin de Jérôme Balu...

Désignant deux paysans.

Boudart et Gaillet nous serviront de témoins...

À part.

Ce sont les deux plus bêtes du pays... ils n’y verront que du feu.

COLIN.

Mais, monsieur...

VERJUS, lui coupant vivement la parole.

Oh ! je ne suis pas moins pressé que vous !... Marchons !

Bas.

Mais viens donc...

COLIN.

Viens donc... viens donc... Il est joli son moyen ! Comment ! il va me tuer lui-même pour que je ne sois pas tué par Plucheux !

PLUCHEUX, à Verjus.

Permettez... nous avons une petite affaire... Je suis le premier en date...

VERJUS.

Possible, mais j’ai reçu un soufflet... c’est beaucoup plus grave... Ainsi, après moi, s’il en reste !

COLIN.

S’il en reste ! Comment, s’il en reste ! Mais j’espère bien qu’il en restera un peu ! Mon Dieu !

À part.

si je pouvais m’en aller !... Courons vite.

Il sort précipitamment.

VERJUS, aux paysans.

Il veut être avant moi au rendez-vous... C’est un affront ! Je ne le souffrirai pas... Je vous rejoins, monsieur, je vous rejoins !...

Il sort.

PLUCHEUX.

Ah ça ! mais c’est un enragé ce petit Colin !

CHŒUR.

Air : Ah ! quelle insolence.

Ce n’est plus risible.
L’affaire est terrible !
Il est impossible
De les retenir.
Un cruel outrage,
Dans leur cœur engage
Des transports de rage...
Ça peut mal finir !

Les paysans sortent en courant.

 

 

Scène XI

 

PLUCHEUX, LOULOU, SCHOLASTIQUE, NICOLE

 

SCHOLASTIQUE.

Eh bien ! où vont-ils donc ainsi ?

PLUCHEUX.

Ils vont se battre.

NICOLE.

Se battre !

SCHOLASTIQUE.

Mais ce n’est donc plus avec vous ?

PLUCHEUX.

Ça viendra plus tard... Pour le moment, comme il a souffleté M. Verjus...

NICOLE.

M. Verjus !...

PLUCHEUX.

Cette affaire étant la plus grave, j’ai différé la mienne.

SCHOLASTIQUE.

Il l’a souffleté ?...

NICOLE.

Lui, un maître d’armes ?

SCHOLASTIQUE.

Mais ce sont donc des héros, que les apothicaires ?

NICOLE.

Hélas ! il va se faire tuer, ma tante.

PLUCHEUX.

C’est bien probable.

NICOLE.

Et vous souffrez ça ?... Et vous ne courez pas les séparer ?... Mais c’est affreux, c’est abominable... Ah ! le voilà !...

À Colin.

Vous n’êtes pas mort ?

Elle lui avance une chaise, Colin s’y laisse tomber.

 

 

Scène XII

 

PLUCHEUX, LOULOU, SCHOLASTIQUE, NICOLE, COLIN-TAMPON, puis VERJUS

 

COLIN, très pâle et tremblant.

Du tout... je ne suis pas mort... Je me crois même au grand complet...

Il se tâte.

Non, il ne me manque rien !

SCHOLASTIQUE.

Eh bien ! et M. Verjus ?...

COLIN.

Le maître d’armes ?... Pendant qu’il s’asseyait sur son jarret de l’arrière... comme il dit... je... je me suis fendu... trop fendu, hélas !... et j’ai senti mon épée qui entrait, qui entrait... Ah ! je le crois bien mal portant... pour le quart d’heure...

TOUS.

Ah...

PLUCHEUX, qui était remonté.

Eh ! mais le voilà, soutenu par les témoins... C’est vrai, il est blessé.

SCHOLASTIQUE.

Il n’a que ce qu’il mérite.

COLIN.

Que blessé... Je croyais l’avoir occis aussi...

LOULOU, à Verjus, qui entre.

Comment ! monsieur Verjus...

VERJUS.

Vous voyez, mes enfants.

À part.

Il m’a fallu plus de peine pour me faire donner ce coup d’épée-là que je n’en aurais eu pour en donner dix autres.

Haut.

J’en aurai pour un grand mois, mais je ne me plains pas... Votre main, jeune homme... Quand on est de votre force...

COLIN, à part.

Il paraît que je suis très fort...

Haut.

Comment donc ! monsieur.

VERJUS.

Ah ! vous m’avez porté là une belle botte secrète !

COLIN.

Très secrète.

À part.

Si secrète que je ne la connaissais pas moi-même.

SCHOLASTIQUE.

Mon neveu, c’est magnifique ! embrassez-moi...

COLIN.

Mais oui, c’est assez joli, n’est-ce pas ?...

À part.

Il paraît décidément que je suis de première force...

Haut.

Un maître d’armes, ça vaut bien un tambour-major... et, à présent, j’espère qu’on ne me molestera plus...

VERJUS.

Oh ! il n’y a pas de danger !

COLIN.

Sans cela je distribuerais encore quelques petits coups d’épée... Je n’en suis pas chiche, de coups d’épée... Quelqu’un en désire-t-il, des coups d’épée ?... Je les distribue gratis, les coups d’épée. Eh bien ! personne ne dit mot, personne ne dit mot ?... Mais parlez donc ! mais venez-y donc ! mais approchez donc ! tas de canards que vous êtes...

VERJUS, à part.

Diable ! comme il va, le malheureux !

SCHOLASTIQUE.

Ah ! ah ! mes maîtres, vous caponnez, à présent !

NICOLE.

Mais oui, leur ton a baissé d’une note...

COLIN, aux paysans.

Allez, je vous tiens tous pour des rien du tout ! pour moins que ça encore !

PLUCHEUX.

Ah ! c’en est trop, monsieur Tampon, et je ne souffrirai pas...

VERJUS, bas à Plucheux.

Prends garde, tu n’es pas de force... il te tuerait tout net.

PLUCHEUX.

Ah ! bah ! Vous croyez ?...

COLIN.

Tu dis, mon petit Plucheux ?...

PLUCHEUX, regardant Verjus qui lui fait des signes.

Je dis que... je ne dis rien du tout...

Il va se mêler aux autres paysans.

COLIN.

À la bonne heure ! c’est qu’il ne faut pas m’échauffer les oreilles, voyez-vous ! et le premier qui s’avise... Fichtre ! saprelotte ! nom d’un petit bonhomme !

LOULOU.

Bon ! le v’là qui fait des menaces...

COLIN.

Monsieur Loulou raisonne ? qu’est-ce qu’il dit, monsieur Loulou ?

LOULOU, s’avançant sur Colin.

Mais dame... je n’aime pas les menaces... j’ai horreur des menaces, moi...

VERJUS, bas, à Loulou.

Veux-tu bien te taire... Il t’écharperait à la seconde passe.

LOULOU.

Vraiment !... il est si fort que ça ?...

COLIN.

Ah ! tu n’aimes pas les menaces... ah ! tu t’es moqué de moi, monsieur Loulou ?... Eh bien ! à mon rond tout de suite... fais-moi le plaisir d’aller à mon rond !...

Il le fait passer et le conduit par l’oreille jusqu’au rond.

LOULOU.

Mais permettez, monsieur Colin, je... n’ai pas eu l’intention...

COLIN.

À ce rond... que je te dis ! à ce rond ! Tu resteras là jusqu’à mardi prochain.

LOULOU.

Par exemple ?... Mais...

COLIN.

Je le veux !

SCHOLASTIQUE.

Nous le voulons !...

COLIN.

Oui, nous le voulons.

VERJUS, bas, à Colin.

Assez... en voilà assez...

COLIN.

Vous dites, monsieur Verjus ?...

VERJUS, bas.

Je dis, malheureux, que tu ne sais pas tenir une épée...

COLIN, de même.

Comment ?...

VERJUS, de même.

Je dis que j’ai eu toutes les peines du monde à te forcer à me blesser.

COLIN, de même.

Ah ! bah !

VERJUS, de même.

Je me suis arrangé pour ça, en souvenir de...

COLIN, de même.

Comment ?

VERJUS, de même.

Plus tard je te dirai... mais, plus de duel, je t’en conjure : le plus maladroit d’entre eux t’embrocherait comme une alouette !

COLIN, à part.

Ah ! fichtre !

SCHOLASTIQUE, à Loulou, qui vient de sortir du rond.

Eh bien ! à ce rond !

LOULOU.

Non, non, mille fois non, je n’y resterai pas, dans ce rond... j’aime encore mieux me battre !

SCHOLASTIQUE.

Alors, mon neveu...

COLIN.

C’est bien, c’est très bien, Loulou ; ceci est d’un vrai brave, et je reçois tes excuses.

LOULOU.

Mais...

COLIN.

Je veux être généreux tout à fait ; oui, mes amis, je reçois vos excuses, à tous...

SCHOLASTIQUE.

Nous recevons vos excuses.

COLIN.

Je vous invite à ma noce... Et, maintenant que j’ai fait mes preuves... je dépose les armes... je ne me battrai jamais...

Il rend les fleurets à Scholastique.

TOUS.

Vive Colin-Tampon !

CHŒUR.

Air du duc d’Olonne.

Désormais,
Jamais
De querelles !
Allons, amis,
Soyons unis !
Et que des coutumes nouvelles
Mettent la paix dans le pays !

COLIN, au public.

Air du Lorgnon.

Dans mon cœur vous avez pu lire,
Messieurs, que sous mon air fendant
Je n’étais courageux que pour rire,
Et je tremble fort à présent...
Oui, je tremble fort à présent !
Ce proverbe affreux qui me blesse,
Épargnez-le-moi tout de bon...
N’allez pas dire de la pièce :
« J’ m’en moqu’ comm’ de Colin-Tampon. »

Reprise du CHŒUR.

Désormais, etc.

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