L’Écureuil (Victorien SARDOU)

Comédie en un acte mêlée de couplets.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 9 février 1861.

 

Personnages

 

ARMAND

POIRIER

HENRIETTE

UN RUSSE (voix dans la coulisse)

 

La scène, de nos jours, à Paris.[1]

 

Le théâtre représente une chambre de garçon, dans un désordre complet : à gauche, le lit et la table de nuit, avec bougeoir, etc. ; à droite, la porte ; au fond, un bureau et la fenêtre, ouvrant sur une cour : quand elle est ouverte, on voit le profil d’une des faces latérales de la cour, les mansardes, les gouttières et la fenêtre d’Henriette. Au lever du rideau, la fenêtre est fermée. Près de la fenêtre, sur une chaise, une cage à écureuil recouverte d’une serviette ; une table au milieu du théâtre.

 

 

Scène première

 

ARMAND, POIRIER

 

Armand est couché. Poirier frappe plusieurs coups à la porte avant d’entrer.

ARMAND.

Entrez !

POIRIER, entrant avec un balai, un plumeau, etc.

C’est moi, monsieur Armand... C’est Poirier, votre concierge, qui vient faire vos appartements.

ARMAND, sans se retourner.

Poirier, quel jour est-ce aujourd’hui ?

POIRIER.

C’est dimanche, monsieur Armand !

ARMAND, de même.

Et quelle heure est-il à ma pendule ?

POIRIER, cherchant des yeux la pendule, qui n’est nulle part.

À votre pendule ?

ARMAND.

Oui... Je ne me lèverai que quand il sera midi à ma pendule !

POIRIER.

Alors, ça peut nous mener loin. Je vais tout de même, faire vos appartements !...

Il prend une chaise comme pour l’épousseter, s’assied et prise.

Voilà pourtant comme sont tous ces messieurs les commis, le dimanche... il n’y a pas moyen de les faire lever... Ah ! que j’aurais aimé à être commis, moi !... pour servir les femmes... les jolies femmes... et leur dire des douceurs !...

Air de l’Apothicaire.

Ah ! si l’on m’avait fait commis,
Tout en montrant les marchandises,
J’aurais fait voir que le commis
Avait des manières exquises.
On se serait dit : Quel commis !
Comme élégance et comme mise !
Ah ! si l’on m’avait fait commis !

ARMAND, se mettant sur son séant.

Quelle sottise on eût commise,
Ah ! si l’on t’avait fait commis ! etc., etc.

Décidément, ouvrez la fenêtre, Poirier !... Je daigne me mettre sur mon séant !...

POIRIER.

Oui, monsieur !...

Il va ouvrir la fenêtre.

ARMAND.

Et fumer une pipe !...

POIRIER, à la fenêtre.

Ah ! le joli temps ! le beau soleil d’été ! Est-ce que vous n’irez pas à la campagne ?

ARMAND, bourrant sa pipe.

Si !... j’irai à la campagne, à Saint-Maur.

POIRIER.

Tiens ! voilà le Russe sur son balcon, avec sa demoiselle !

ARMAND.

Le Russe ?

POIRIER, redescendant à la table et prenant le tapis qu’il fait semblant de secouer.

Oui... le nouveau locataire... un gaillard joliment riche, allez ! Il occupe tout le premier, avec sa petite fille... une gamine de quatre ans, qui vous a des airs de princesse, et une volonté !... Il faut voir comme c’est gâté ! Avant-hier, tenez... je balayais ma cour... ils étaient comme aujourd’hui à la fenêtre de leur salle à manger, la petite grignotait une tartine de confiture. Monsieur m’appelle... « Poirier ! » Moi, je monte... j’entre là-dedans, que c’est tout or et soie...

ARMAND, fumant.

Comme ici ?...

POIRIER.

« Poirier, que me dit le monsieur, mademoiselle veut vous faire goûter de ses confitures... » Ça m’étonne, mais je réponds : Mademoiselle est bien honnête !... Là-dessus, la petite s’approche... avec sa tartine... je me penche... et la voilà qui me barbouille le nez, les joues, les yeux... en riant aux éclats !... Le papa était ravi... « Quelle enfant !... quelle délicieuse enfant !... » J’avais l’air bête, vous pensez !... Mais le plus plaisant, c’est qu’il m’a renvoyé avec deux louis... Aussi, le lendemain, à la même heure, je levais le nez... pour voir si l’idée d’une tartine de beurre... mais ça n’a pas mordu !...

Il remonte près de la fenêtre.

ARMAND, gravement.

Poirier, je n’ose pas te demander ce que tu as fait des confitures !

POIRIER, levant le linge qui est sur la cage.

Tiens, vous avez aussi un écureuil ?

ARMAND.

Comment, aussi ?

POIRIER.

Oui, comme votre voisine... mademoiselle Henriette.

Regardant à la fenêtre.

Ah ! sa fenêtre est fermée... c’est étonnant, elle qui chante tous les matins avant mes serins.

Regardant dans l’intérieur de la cage.

Une jolie petite bête !

ARMAND.

Mademoiselle Henriette ?

POIRIER, allant au bureau, qu’il fait semblant de ranger.

Non, l’écureuil !... Elle, ce n’est pas une bête, da ! c’est une ouvrière en dentelles qui travaille comme une fée !... et avec cela jolie... honnête !...

ARMAND, lançant de la fumée d’un air de doute.

Bouh !

POIRIER, appuyant.

Honnête !

ARMAND, de même.

Bouh !

POIRIER, se retournant.

Honnête ! Elle ne me rencontrerait pas dans l’escalier sans me saluer.

ARMAND.

Ah ! oui ! honnête, comme ça !

POIRIER, époussetant mollement une chaise à droite.

Et autrement aussi ! La preuve, c’est qu’elle n’a pas coqueté avec vous ; c’est que vous êtes porte à porte, et que vous ne l’avez jamais vue !

ARMAND.

Jamais !

POIRIER.

Ah ! parbleu ! ce n’est pas celle-là qui se mettrait à la fenêtre pour vous faire des agaceries... comme mademoiselle Adeline, qui loge en face.

ARMAND.

Poirier !

POIRIER.

Une effrontée, celle-là.

ARMAND.

Monsieur Poirier... je vous préviens que je porte un tendre intérêt à mademoiselle Adeline, et que je pense même à l’épouser.

POIRIER.

On le dit, monsieur !

ARMAND.

Laissez-moi vous le dire encore.

POIRIER.

Et si vous me demandiez mon avis...

ARMAND.

Je ne vous le demande pas !

POIRIER.

Alors, je vais vous le donner de moi-même !... Mademoiselle Adeline est une personne...

ARMAND, s’agitant.

Poirier, je te défends de continuer...

POIRIER, continuant tranquillement.

Qui reçoit trop de lettres…

ARMAND.

Poirier !

POIRIER, de même.

Et trop de visites...

ARMAND, lui jetant son oreiller.

Te tairas-tu ?

POIRIER, de même.

...De jeunes gens...

ARMAND.

Misérable !...

Il lui jette son traversin.

POIRIER, ramassant le traversin.

...Pour que sa vertu...

ARMAND cherche quelque chose à lui jeter, aperçoit le chandelier sur la table de nuit, et va pour le lui lancer.

Ah !

POIRIER, se garant avec le traversin.

Arrêtez !

Il laisse tomber le traversin et avec le pied le pousse au loin.

ARMAND.

Enfin !

POIRIER.

Et épousez-la, je m’en lave les mains ! ce n’est pas moi qui serai...

ARMAND.

Euh !...

POIRIER, saluant.

Votre garçon d’honneur !... Bonsoir, monsieur ! je ferai le lit plus tard !

ARMAND.

Oui, le mois prochain ! Je la connais celle-là !

POIRIER, ramassant tout son attirail et s’en allant sans avoir seulement balayé.

Ce n’est pas ma faute, monsieur, si...

ARMAND.

Va-t’en !

POIRIER, revenant.

Trouvez-moi encore quelqu’un qui fasse une chambre comme ça, lestement et sans qu’on s’en aperçoive !

Il s’en va.

ARMAND.

Ah ! on ne s’en aperçoit fichtre pas !...

POIRIER, même jeu.

Je fais mon devoir, et je laisse dire !

ARMAND.

Veux-tu t’en aller !

POIRIER, ouvrant la porte.

Et quant à la conduite de mademoiselle Adeline !...

Il disparait.

ARMAND, se levant tout debout sur son lit, en caleçon.

Oh !

POIRIER, reparaissant.

C’est comme ça, tenez ; c’est indécent !

Il s’en va.

 

 

Scène II

 

ARMAND, seul

 

Il saute à bas du lit pour courir après Poirier.

Poirier !... tu ne mourras que de ma main !...

S’arrêtant court au moment de sortir.

Non !... je n’aurais qu’à rencontrer dans cette tenue mademoiselle Henriette, la vertu même !...

Il revient en courant à son lit.

Je vais faire quelque chose d’extraordinaire  pour un dimanche. Je vais me lever !... Levons-nous !... Une... deux !... C’est fait ! Où est mon pantalon ?

On voit la fenêtre d’Henriette qui s’ouvre.

Ah ! sapristi ! ma voisine qui ouvre sa fenêtre !...

Il recule pour mettre son pantalon sans être vu.

 

 

Scène III

 

ARMAND, HENRIETTE

 

HENRIETTE, à sa fenêtre, arrosant ses pots de fleurs.

Air du Caïd.

Comme là fauvette,
Gentille grisette,
Le matin,
En faisant ta toilette,
Comme la fauvette,
Gentille grisette,
Le matin,
Chante un joyeux refrain !
Tra, la, la, la ;
etc.

ARMAND, mettant ses bretelles.

Pa, pa, ta, pa, pa, pa, ta, pa, pa, pa, pouf !

HENRIETTE.

Tra, la, la, la, etc.

ARMAND.

Pa, pa, ta, pa, pi, pa, ta pa, pa, ta, pa !

Il va pour danser.

HENRIETTE, poussant un cri.

Ah !

ARMAND, s’arrêtant, sans oser bouger.

Le pantalon a craqué ?...

HENRIETTE.

Ah ! maudit écureuil ! Mon écureuil qui s’est sauvé !

ARMAND, la regardant.

Tiens ! elle est gentille !

HENRIETTE, l’apercevant.

Monsieur ! monsieur !

ARMAND.

Mademoiselle !

HENRIETTE.

Je vous demande pardon !... Vous n’avez pas trouvé mon écureuil ?

ARMAND.

Non, mademoiselle !

HENRIETTE, apercevant la cage et l’écureuil.

Comment ! non ! mais le voilà... là, dans une cage !

ARMAND.

Celui-ci ?

HENRIETTE.

Mais oui, monsieur, celui-ci !

ARMAND, mettant sa cravate.

Je vous demande pardon, mademoiselle. C’est mon écureuil à moi. C’est mon écureuil personnel.

HENRIETTE.

Je vous dis que c’est le mien, monsieur ! Il a encore au cou le petit ruban et le grelot que je lui ai mis avant-hier.

ARMAND, mettant son gilet.

Je suis prêt, mademoiselle, à suspendre à mon cou l’un et l’autre, si vous me prouvez que cet écureuil vous appartient !

HENRIETTE.

Mais oui, monsieur, il m’appartient !

ARMAND.

Je le conteste !

HENRIETTE.

Ah ! vous me prenez mes bêtes, maintenant !

ARMAND, mettant sa jaquette.

Je m’en expliquerai à la justice de mon pays !

HENRIETTE.

Vous vous en expliquerez d’abord avec moi ! car je vous somme, monsieur, de m’ouvrir votre porte !

ARMAND.

À deux battants, mademoiselle !...

Il court ouvrir la porte.

Ensemble.

Air : Pan, pan, pan, je fabrique. (Porcherons.)

ARMAND, riant.

Ah ! ah ! ah ! sur mon âme,
C’est fort original !
Voyez donc le grand mal,
J’ai pris cet animal !
Par bonheur, elle est femme,
Sans quoi ce vilain trait,
De sa part, me vaudrait
Pour le moins un soufflet.

HENRIETTE.

C’est affreux ! c’est infâme !
C’est féroce et brutal !
Prendre un pauvre animal,
Qui n’a jamais fait d’ mal !
Par bonheur, je suis femme,
Sans quoi ce vilain trait,
Cher monsieur, vous vaudrait
Pour le moins un soufflet.

Henriette disparaît de la fenêtre.

ARMAND, seul.

Ah ! ah ! quelle colère !
Mais pourtant, grâce à l’écureuil,
Cette beauté si sévère
Se décide à franchir mon seuil !

Henriette entre.

Reprise de l’ensemble.

ARMAND, lui offrant un siège.

Puis-je vous offrir quelque chose, mademoiselle ?

HENRIETTE.

Monsieur, voulez-vous me le rendre, oui ou non ?

ARMAND.

À la menace des plus cruels supplices, je répondrais encore non.

HENRIETTE.

Et comment appelez-vous ce que vous faites là ?

ARMAND, galamment.

Je l’appelle de l’héroïsme, mademoiselle, quand la demande est faite par une personne aussi jolie que vous.

HENRIETTE, le regardant.

Ah ! voilà pourtant la parole d’un homme d’esprit !

ARMAND.

Et de goût.

HENRIETTE.

Et de goût ! C’est ce que je voulais dire. Si nous causions toujours comme cela, nous finirions peut-être par nous entendre, monsieur.

ARMAND.

C’est mon désir le plus cher, mademoiselle.

HENRIETTE.

Voyons, soyez franc : depuis quand ce petit animal est-il chez vous ?

ARMAND.

Depuis hier au soir ; j’avais laissé ma fenêtre ouverte, et j’ai trouvé en entrant ce charmant bébé, assis sur mon bureau, et lisant à sa manière ce roman.

Il montre un roman tout rongé et déchiré par l’écureuil.

HENRIETTE.

Ah ! je vois ce que c’est ! Vous voulez !... Oh ! je payerai le dégât... et je vous prie en outre d’excuser...

ARMAND.

Mais rien du tout, mademoiselle. Il me dispense de lire le reste, c’est moi l’obligé.

Il jette le livre.

HENRIETTE.

Alors, monsieur, je ne comprends pas ! Vous reconnaissez que c’est un fugitif, vous ne voulez pas de dommages-intérêts, et vous le gardez !

ARMAND.

Je le garde.

HENRIETTE.

Parce que ?

ARMAND.

Parce qu’il est à moi.

HENRIETTE.

À vous ? Et de quel droit ?

ARMAND.

Du droit de propriété antérieure à la vôtre.

HENRIETTE.

Antérieure ?

ARMAND.

Mais oui, cet écureuil est mon élève. Je l’ai acheté quarante sous au marché Saint-Germain, il y a six mois, et il y en a trois que l’ingrat m’a quitté, séduit probablement par vos coupables avances, par vos promesses fallacieuses.

HENRIETTE.

Monsieur !...

ARMAND.

Oh ! je ne veux pas approfondir ce mystère ! Mais on ne quitte pas comme cela le domicile paternel pour se réfugier chez une femme, si cette femme n’a pas pris sur nous un empire... que je ne veux pas qualifier.

HENRIETTE.

Vous me calomniez, monsieur ! Je ne le connaissais pas, je ne lui avais jamais parlé, et c’est de lui-même qu’il s’est réfugié chez moi, ce qui, entre parenthèse, ne fait pas votre éloge.

ARMAND.

Pas plus que sa fugue d’hier ne fait le vôtre.

HENRIETTE, vivement.

Ah ! c’est bien différent ! Il ne m’a pas quittée, moi.

ARMAND.

Qu’est-ce qu’il a donc fait ?

HENRIETTE.

Il a voulu courir un peu, voir du monde, étendre le cercle de ses connaissances ; il est venu chez vous en voisin, et vous l’avez surpris, enchaîné, détenu contre sa volonté.

ARMAND.

Ah ! contre sa volonté !... Qu’en savez-vous ? Il n’a pas protesté, il n’a rien dit.

HENRIETTE, courant à l’écureuil.

Eh bien, vous allez voir !

ARMAND, prenant la cage et l’apportant sur la table.

Nous allons voir !

HENRIETTE, à l’écureuil.

N’est-ce pas, mon petit chéri, que tu ne veux pas rester avec ce vilain monsieur ?

ARMAND.

N’est-ce pas, mon bijou, que tu veux rester avec papa ?

HENRIETTE.

Vous voyez bien que c’est moi qu’il regarde.

ARMAND.

Mais pas du tout, c’est moi.

HENRIETTE, tirant un macaron de sa poche.

Ce pauvre mignon qu’on a enlevé à son amie Henriette, qui lui donnait du bon nanan ! Tiens, mon chérubin !

ARMAND.

Oh ! des macarons ! des douceurs ! Nous aimons bien mieux notre bon ami, qui nous donne des noix, une nourriture saine et substantielle.

Il lui donne une noix.

HENRIETTE.

Vous lui faites peur.

ARMAND.

Pas du tout, c’est vous qui l’influencez.

HENRIETTE.

Regardez ! il me tend les bras.

ARMAND.

Il tend les bras au macaron. N’est-ce pas, mon petit Dodolphe ?

HENRIETTE.

D’abord, il ne s’appelle pas Dodolphe, il s’appelle Ali-Baba.

ARMAND.

C’est ça. Vous l’avez débaptisé ; vous lui avez donné un nom turc : Ali-Baba ! un nom de renégat !

HENRIETTE.

Ali-Baba !

ARMAND.

Dodolphe !

HENRIETTE.

Ali-Baba !

ARMAND.

Dodolphe !

Air : Savetier et Financier.

HENRIETTE, à l’écureuil.

Le jour, la nuit, eu bonne mère,
J’ai toujours veillé sur ton petit berceau.

ARMAND.

Avec le dévouement d’un frère,
Moi, je t’ai guéri d’un rhume de cerveau !        

HENRIETTE.

Tourne, mon bel écureuil !

ENSEMBLE.

Tourne, tourne, tourne, etc.

HENRIETTE.

Tourne vers moi, tourne l’œil !

ENSEMBLE.

Tourne, tourne, tourne, tourne l’œil !

Deuxième couplet.

HENRIETTE.

Si tu reviens chez ta maîtresse,
C’est de plats sucrés que l’on te nourrira !

ARMAND.

N’écoute pas cette promesse ;
Je te ferai voir le bal de l’Opéra !

ENSEMBLE.

Tourne, mon bel écureuil, etc.

Armand reporte la cage au fond.

HENRIETTE.

Ah ! c’est comme ça ?... Eh bien, je le ferai réclamer par le juge de paix !

ARMAND.

Plaidons... ça m’est égal !

HENRIETTE.

Et je dirai tout ce que j’ai fait pour lui !

ARMAND.

Et moi aussi.

HENRIETTE.

Et qu’est-ce que vous avez fait... vous ?

ARMAND.

Ce que j’ai fait ?... C’est moi qui ai guidé ses premiers pas... qui lui ai inculqué les premiers principes de la propreté et de la morale... qui ai formé son jeune cœur !...

HENRIETTE.

Oui, il était gentil, le petit, quand il est arrivé chez moi ! Gourmand, grognon, malpropre, fait comme un voleur, sentant la pipe, et élevé... pour un rien il aurait juré !...

ARMAND.

Preuve d’une éducation virile !

HENRIETTE.

Tandis que moi, je lui ai fait un joli petit nid ! Je ne lui ai mis que de bons exemples sous les yeux ! Ce n’est pas chez moi qu’il a jamais entendu des propos à faire rougir ! On ne fume pas, chez moi !... On ne jure pas, chez moi !

ARMAND.

C’est-à-dire que vous l’avez efféminé !

HENRIETTE.

Et, surtout, c’est propre, chez moi !... Tandis qu’ici...

ARMAND.

Elle va insulter mon logement, maintenant !

HENRIETTE.

Ah ! il est bien tenu !... je vous en fais mon compliment !

Montrant le traversin et l’oreiller.

Regardez-moi cela ! quelle tournure !... Mais on ne la fait donc jamais, votre chambre ?

ARMAND, ramassant le traversin en cachette et le rejetant sur le lit.

Si, tous les matins... le père Poirier !... Mais il a une manière à lui !

HENRIETTE.

Et vous croyez que ce pauvre Ali-Baba pourra vivre dans ce fouillis ?

ARMAND.

J’y vis bien, moi !

HENRIETTE.

Mais si encore il y avait une femme ici !... Si vous étiez marié, je serais tranquille ! Il y aurait quelqu’un pour le soigner !

ARMAND.

Ah ! si ce n’est que cela, rassurez-vous... je me marie dans quinze jours !

HENRIETTE.

Vous vous mariez !... vous vous mariez !... Avec qui ?

ARMAND.

Tiens ! est-ce que cela vous regarde ?

HENRIETTE.

Mais oui, ça me regarde... à cause d’Ali-Baba !

ARMAND.

Oh ! soyez tranquille ! j’ai fait un bon choix pour lui.

HENRIETTE, vivement.

Qui encore ?...

ARMAND, stupéfait.

Mais est-ce que cela vous regarde ?

HENRIETTE.

Mais oui... cela me regarde, à cause d’Ali-Baba !

ARMAND.

Au fait ! pourquoi le cacherai-je ? C’est une personne de la maison... mademoiselle Adeline.

HENRIETTE.

La grande sèche... qui demeure en face ?... Ah ! mais non !

ARMAND.

Comment, non ?

HENRIETTE.

Ça ne me convient pas du tout !

ARMAND, surpris.

Ah ! ça ne vous convient...

HENRIETTE.

Une fille qui vit on ne sait de quoi ! Sans soin, paresseuse, bavarde, cancanière... qui ne rêve que restaurant, bal ou spectacle !

ARMAND.

Elle insulte ma future, à présent !

HENRIETTE.

Je n’en veux pas !

ARMAND.

Mais...

HENRIETTE.

Je n’en veux pas ! Il serait trop mal soigné !

ARMAND.

Ah çà, il faut que je me marie pour votre bête, maintenant ?

HENRIETTE.

Ah ! mariez-vous comme vous voudrez... ça m’est bien égal, à moi, pourvu qu’Ali-Baba soit heureux !

ARMAND.

Mais je me moque d’Ali-Baba, moi !

HENRIETTE, courant à la cage.

Alors, laissez-moi l’emporter !

ARMAND, lui barrant le chemin.

Mais non, vous ne l’emporterez pas !

HENRIETTE.

Alors, n’épousez pas Adeline !

ARMAND.

Elle est trop forte, celle-là ! elle est trop forte !

HENRIETTE, prenant l’écureuil dans ses bras.

Mais vous ne savez donc pas ? Ces petites bêtes, ça a besoin d’être aimé, d’être dorloté !... c’est si doux, si craintif ! Regardez... tenez, comme il me regarde d’un air effaré ; il sent qu’on veut lui donner une marâtre, pauvre mignon ! Tu as bien raison, va... je la connais cette grande fille-là !... Elle te laisserait manquer de tout, elle te battrait... et tu n’aurais d’autre défense que de pleurer comme un petit enfant !

ARMAND.

Ah ! vous croyez ?

Il passe à gauche.

HENRIETTE.

Si je crois ?... Eh bien, qu’est-ce que vous avez ?

Elle remet l’écureuil dans la cage et descend.

ARMAND.

Rien, rien ; mais ce mot que vous venez de dire au hasard... c’est si singulier.

HENRIETTE.

Quoi donc ?

ARMAND.

Vous avez parlé d’enfant, et si vous saviez... Voyons, là, vraiment ! est-ce que vous croyez qu’un enfant ne serait pas heureux avec Adeline ?

HENRIETTE.

Ah ! le sien peut-être... je ne dis pas.

ARMAND.

Le sien, oui... mais celui d’une autre ?

HENRIETTE, étonnée.

Celui d’une autre ?

ARMAND.

Eh bien, oui, tenez... le mot est lâché ; et puis vous avez bon cœur, vous, c’est évident ! Vous êtes douce, vous êtes tendre !... et c’est peut-être le ciel qui vous envoie pour me donner un bon conseil, dont j’ai grand besoin, car je ne me marie pas pour moi seulement... mais pour un petit être que j’aime, que j’adore !... Enfin, j’ai un enfant !

HENRIETTE.

Ah !

ARMAND.

Oui... une pauvre jeune fille que... enfin, une folie de jeunesse ; mais j’allais tout réparer, j’allais l’épouser... elle est morte... en le mettant au monde ! Et si je vous disais, mademoiselle Henriette, que je ne puis pas y penser, après deux ans, sans que tout mon cœur... car, avec mes airs de tapageur... je ne suis ni mauvais, ni léger, croyez-le, et quand j’aime, surtout... oh ! j’aime bien ! j’aime toujours... même après... Et, vous le voyez bien, tenez, puisque, encore maintenant...

HENRIETTE.

Oh ! oui, je le vois bien !

ARMAND.

J’ai donc tout reporté sur l’enfant... que j’ai reconnu ! Il est bien portant, comme sa mère, et gai... il faut voir cela !... Vous le verrez, je l’ai mis en nourrice à Saint-Maur ; car, vous comprenez qu’ici, dans ce fouillis, comme vous disiez...

HENRIETTE.

Pardonnez-moi !

ARMAND.

Si, si, vous avez raison !... c’est un fouillis ! Il manque une femme, je le sais bien, pour moi, comme pour le petit, et pour lui surtout ! Et c’est, pour cela que j’avais pensé à cette... à l’autre, enfin ! Je me disais : un bon mari qui l’aimera, un enfant qui ne demande qu’à l’aimer, il lui sera bien facile d’être une bonne mère.

HENRIETTE.

Et vous lui avez raconté ?

ARMAND.

Rien !... Je n’ai pas encore osé lui dire ce que je vous dis là. Je voulais la mener à Saint-Maur aujourd’hui, sous prétexte de beau temps, de partie de campagne... et, sans en avoir l’air, je l’aurais conduite chez la nourrice pour voir comment elle aurait pris la chose.

HENRIETTE.

Eh bien ?

ARMAND.

Eh bien, je ne sais pas, mais je ne tiens plus du tout à tenter l’épreuve.

HENRIETTE.

Pourquoi ?

ARMAND.

Parce que, parce que... Enfin, je ne peux pourtant pas confier mon enfant à une femme à qui vous ne voudriez pas confier votre écureuil.

HENRIETTE, vivement.

Mais, je me suis peut-être trompée, et...

ARMAND.

Non, non... vous ne vous êtes pas trompée, vous avez raison ! Poirier m’en disait autant ce matin : une fille qui ne rêve que bals et spectacles, qui ne reçoit que lettres et visites toute la journée... Non, non, ce n’est pas cela qu’il faut à l’entant ! Ce qu’il lui faut, à lui, à moi, c’est une jeune fille sage, rangée, qui aime sa maison... et qui ne refuse pas d’adopter...

HENRIETTE, vivement.

Par exemple !... elle aurait donc bien mauvais cœur ?... Et puis, c’est tout profit, un enfant tout fait, qui dit déjà maman tout seul... et à deux ans, surtout, où ils sont si mignons.

ARMAND, avec joie.

N’est-ce pas ?... Voulez-vous le voir ?

HENRIETTE.

Moi ?

ARMAND.

Oui !... Ah ! je vous en supplie, vous me rendrez si heureux !... Un beau soleil, un temps délicieux ! nous déjeunerons dans le bois. Allons, vite... votre châle, votre chapeau !

HENRIETTE.

Ah ! si je pouvais... bien volontiers !... mais je ne puis pas.

ARMAND.

Pourquoi ?

HENRIETTE.

Qu’est-ce que l’on dirait donc de me voir sortir avec vous ?

ARMAND.

Eh ! qu’on dise ce qu’on voudra.

HENRIETTE.

Ah ! je tiens plus que cela à ma réputation. Ce n’est pas tout d’être honnête, il faut encore être connue pour telle.

ARMAND.

Ah ! vous avez donc quelque chose à ménager ?... Un amoureux... un mariage peut-être ?...

HENRIETTE.

Oh ! non, je suis trop pauvre.

ARMAND, vivement.

Ce n’est que cela ?

HENRIETTE.

C’est bien assez ; je ne veux pas apporter la misère à mon mari !

ARMAND.

Mais, si ce mari voulait...

HENRIETTE.

Oh ! s’il voulait, je ne le voudrais pas. Pas de dot, pas de mariage ! J’ai mes idées là-dessus.

ARMAND.

Mais, enfin...

HENRIETTE.

Ah ! ne parlons pas de ça !

Premier Couplet. 

Air des Dames de la halle.

ARMAND.

Par l’aspect d’un bon ménage,
Votre cœur n’est-il pas réjoui ?

HENRIETTE.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui !

ARMAND.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui !
Voyez-vous quelque avantage
À vivre seule en vrai garçon ?

HENRIETTE.

Non, non, non, non, non, non, non !

ARMAND.

Non, non, non, non, non, non, non
Alors, pourquoi donc, ma voisine,
À l’amour résister ainsi ?
Un ami que je vous destine
Vous ferait un très bon mari !

HENRIETTE.

Lui, lui, lui, lui, lui, lui, lui ?

ARMAND.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui !

ENSEMBLE.

Vive, vive le mariage !
Vive, vive un joli ménage !
Avec deux époux (bis) du même âge !

Deuxième couplet.

HENRIETTE.

Mais, pour monter un ménage,
Ce qu’on dépense est inouï !

ARMAND.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui !

HENRIETTE.

Oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui !
Votre ami n’a pas, je gage,
De l’argent, de l’or à foison ?

ARMAND, piteusement.

Non, non, non, non, non, non, non !

HENRIETTE.

Non, non, non, non, non, non, non !
Alors, pourquoi vouloir, de grâce,
Unir son sort avec le mien ?
Si sa pauvreté l’embarrasse,
La mienne n’embellira rien ! 
Rien, rien, rien, rien, rien, rien, rien !

ARMAND, de même.

Rien, rien, rien, rien, rien, rien, rien !
Que d’argent il faut en ménage !
Que d’argent pour un mariage !
Que d’argent il faut pour se mettre en ménage !

On entend tout à coup crier dans la cour, des voix d’hommes, de femmes, d’enfants, rires, cris perçants, etc.

Par ici ! par là ! là-haut ! Vite ! attrapez-le !

ARMAND.

Qu’est-ce que ça ?

POIRIER, dans la cour.

M. Armand !... Mademoiselle Henriette !

HENRIETTE.

Mon nom !

POIRIER, de même.

Un écureuil !

HENRIETTE.

Ah ! mon Dieu ! la cage est ouverte ! Il s’est sauvé ! l’écureuil s’est sauvé !

Elle court à la fenêtre.

LES VOIX, dehors, avec surprise.

Ah !

ARMAND.

Quoi donc ?

HENRIETTE, s’éloignant de la fenêtre.

Ah ! maladroite, qu’est-ce que j’ai fait ?

ARMAND.

Eh bien ?

HENRIETTE.

Je me suis montrée à votre fenêtre... tout le monde ma vue... Ah ! qu’est-ce qu’on va penser !

ARMAND.

Vous voilà compromise ?... Eh bien, tant mieux !

HENRIETTE, surprise.

Tant mieux !

ARMAND.

Oui ; car maintenant vous ne refuserez pas de venir à Saint-Maur avec moi.

CRIS au dehors.

Par là ! vite ! vite ! au chat ! au chat !

On entend un grand bruit de vaisselle brisée.

Oh !

ARMAND, effrayé.

De la vaisselle !

HENRIETTE, de même.

C’est lui qui casse tout !

ARMAND, de même.

C’est lui, vous croyez ?

HENRIETTE.

Ah ! le malheureux, il faudra tout payer ! il nous ruine !

ARMAND.

Ah ! scélérat, si je te tenais !

Il se met à courir comme un fou autour de la chambre.

 

 

Scène IV

 

ARMAND, HENRIETTE, POIRIER

 

POIRIER, entrant tout effaré, tenant l’écureuil dans un torchon, fait le tour du théâtre ; Henriette et Armand courent après lui. Poirier revient au milieu du théâtre, Henriette, à gauche, Armand, à droite.

Victoire ! Victoire !

ARMAND.

Tu le tiens ?

POIRIER.

Ah ! ce n’est pas sans mal ! Il en a fait des tours, le gredin ! D’abord, je faisais mon carré ; je le vois sur la gouttière qui prenait le soleil ; je me dis : Je vais t’empoigner, toi, mon petit père... J’avance tout doucement, et, crac !... Mais, je t’en moque, il ne fait qu’un bond sur la fenêtre de la cuisine de madame Gredelu, et tombe au milieu d’un plat de crème qu’on avait mis à refroidir ! La bonne crie, l’animal saute et regagne le toit par le conduit de la gouttière. Là, il se trouve nez à nez avec un chat : il perd la tête, et en pique une dans la cheminée de mademoiselle Adeline. Quand elle le voit tomber dans sa chambre, barbouillé de crème et de suie, la voilà qui a une attaque de nerfs ; nous arrivons tous, et nous la trouvons avec un jeune homme à ses genoux... et des cris !... Alexis, mon amour ! au secours, Alexis ! 

À Armand, d’un air narquois.

C’est vous, qui vous appelez Alexis ?

ARMAND.

Non ! je m’appelle Armand.

POIRIER.

Alors, je ne me suis pas trompé ; elle ne se trompe pas, elle vous trompe ! Pendant ce temps-là, mon écureuil ne s’amuse pas à la regarder, il saute dans la cour, tombe sur le chapeau de la propriétaire qui rentrait ; rebondit sur le balcon du Russe qui déjeune, saute sur la table, et, dame, ici, les plats, les assiettes, la vaisselle de Chine...

ARMAND.

Ah ! le bandit, j’ai entendu...

POIRIER.

Comme s’il était dans le palais d’été. Moi, j’arrive, je bouscule le papa et la petite fille qui se tordait de rire, je saute sur la bête, je la tiens, et je me sauve !... Mais voilà la petite qui se met à crier : « Je le veux, je veux l’écureuil ! – Donnez-lui, l’écureuil, crie le papa ! – Mais, monsieur. – Je veux l’écureuil ! » Et de sangloter et de se rouler. Ma foi, j’étais déjà dans l’escalier, moi ; je leur crie : Il n’est pas à moi ! – Je l’achète, dit le Russe ! Combien ? Tout ce qu’on voudra ! – Bon !... Je continue ma course. Le voilà ! Faites votre prix ! Mais qu’on me rattrape à le rattraper !

Il va mettre l’écureuil dans la cage.

LE RUSSE, dans la coulisse.

Voulez-vous vous dépêcher, mille diables ! ma fille a des convulsions !

POIRIER.

Vous entendez ? Elle a des convulsions ; votre prix, vite !

ARMAND.

Mais ce n’est pas moi que cela regarde, c’est mademoiselle !

HENRIETTE.

Point du tout, c’est vous !

LE RUSSE, dehors.

J’en donne mille francs !

POIRIER, répétant.

Mille francs ! Allons !

ARMAND.

Mais il n’est pas à moi !

LE RUSSE.

Deux mille !

HENRIETTE.

Mais si, il est à vous !

LE RUSSE.

Quatre mille !

ARMAND.

Puisque c’est-vous qui l’avez élevé.

LE RUSSE.

Six mille !

POIRIER.

Six mille ! Allons donc !

HENRIETTE.

Puisque vous l’avez acheté quarante sous.

LE RUSSE.

Huit mille !

ARMAND.

Je l’ai acheté, mais c’est à vous qu’il doit cette brillante éducation.

LE RUSSE.

Dix mille ! douze mille !

HENRIETTE.

Mais dites donc oui, monsieur !

ARMAND.

Mais dites-le vous-même, mademoiselle !

LE RUSSE.

Quinze mille ! Malheureux, ma fille trépigne !

POIRIER, à Armand.

Elle trépigne ! Allons donc !

ARMAND.

Eh bien, oui, la, j’accepte, mais pour vous.

POIRIER, à la fenêtre.

Il accepte !

TOUS LES VOISINS, applaudissant.

Ah ! bravo !

POIRIER.

Je vais vous monter l’argent. Ça vous fera plus de plaisir que la quittance du loyer.

ARMAND.

Et ce sera votre dot, mademoiselle Henriette.

HENRIETTE, lui tendant la main.

Si vous vous en contentez, mon ami, je veux bien.

ARMAND.

Ah ! qu’est-ce que vous dites ?

HENRIETTE.

Dame ! maintenant que je suis compromise, et que j’ai une dot...

ARMAND, ivre de joie.

Poirier, je l’aime, elle m’aime, nous nous aimons, entends-tu ?

Il embrasse Poirier.

POIRIER.

Mais je le sais bien... On jase assez sur vous deux dans la maison.

ARMAND.

On jase ? Eh bien, crie-leur que je l’épouse ! et tâche que mademoiselle Adeline t’entende !

POIRIER, à la fenêtre.

Il l’épouse !

TOUS LES VOISINS, applaudissant.

Bravo !

On entend un cri perçant.

ARMAND.

Voilà Adeline !... Ça, c’est Adeline ! Et maintenant, je crois que nous pouvons aller à Saint-Maur...

À Poirier qui se dirige vers la porte tenant la cage à la main.

Eh bien, qu’est-ce que tu fais-là ?

POIRIER, redescendant.

Quinze mille francs ! franchement, vous pouvez bien donner la cage avec.

ARMAND.

Pauvre petite bête ! Comme on est ingrat ! Tu fais notre bonheur et nous te laissons partir !

HENRIETTE.

Ah ! je n’aurai plus le temps de l’aimer maintenant.

ARMAND.

Pourquoi donc ?

HENRIETTE.

Et notre enfant ?

ARMAND, l’embrassant.

Ah ! cet écureuil est le plus beau jour de ma vie.

Air des Dames de la halle.

Au public.

Messieurs, pour ce faible ouvrage,
J’ose implorer tout voire appui.
Dites oui, oui, oui, oui, oui.

TOUS TROIS.

Dites oui, oui, oui, oui, oui.

POIRIER.

Notre petit badinage
A-t-il quelque prétention ?
Non, non, non, non, non, non, non !

TOUS TROIS.

Non, non, non, non, non, non, non !

HENRIETTE.

Cet écureuil, qui nous prépare
Tant de bonheur en nous dotant,
N’a rien fait... je le lui déclare,
S’il ne vous fait faire un instant
Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan !

TOUS TROIS.

Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan !
Il implore votre suffrage,
Applaudissez-le dans sa cage !
Et rien ne manque au bonheur de mon/leur ménage.

Reprise ensemble des trois derniers vers.


[1] Toutes les indications sont prises de la gauche du spectateur.

PDF