Maria (Hector CHAUSSIER - Armand-François CHATEAUVIEUX - Étienne-Claude FLEUREAU DE LIGNY)

Drame en trois actes, à grand Spectacle, mêlé de chants, danses, pantomime, marches et combats.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 27 juin 1800.

 

Personnages

 

LE COMTE DE WOLDECK, seigneur de Limberg

RIMBURG, écuyer de Woldeck

LE COMTE DE MUNCHESTER, sous le nom de LINDORF, écuyer

LOCTEN, soldat de Woldeck

FRITZ, maître Bucheron

MADAME FRITZ, sa femme

MARIA, fille de Fritz

UN BUCHERON

TROUPE DE BUCHERONS

HOMMES D’ARMES

 

La Scène se passe en Allemagne, au commencement du treizième siècle.

 

 

ACTE I

 

Le Théâtre représente une forêt. À gauche est la cabane de Fritz ; en avant un vieux tronc d’arbre creux, et au pied un banc de gazon.

 

 

Scène première

 

FRITZ et SA FEMME, sont assis sur un banc, entourés de plusieurs Bucherons ; ils déjeunent

 

FRITZ.

Eh bien ! enfants, la tâche a été forte ce matin, qu’en pensez-vous ?

MADAME FRITZ.

Je me souviens qu’en l’an 1227, au mois de... la coupe de bois fut...

FRITZ.

Allons femme, tais-toi, faut toujours que tu bavardes ! laissons-là tous tes vieux contes, profitons du peu d’instants que nous avons pour nous reposer, et ne songeons qu’à nous divertir et à boire ! C’est le moyen de retourner aux travaux avec plus de courage.

MADAME FRITZ.

Bien dit, notre homme ! et pour nous mettre en gaieté, chante-nous un peu la chanson de ce vieux bucheron notre ami.

FRITZ.

Je le veux bien, madame Fritz. Vous autres, faites chorus, cela nous fera boire un verre de vin de plus.

Air : De la mort de Turenne.

Les Bucherons, dans leurs forêts,
Jouissant d’un abri tranquille,
Jusqu’aux richesses de la ville,
Jamais ne portent leurs souhaits ;
Lorsque le bois qu’ils abattent sur terre
Chauffe en hiver de riches indolents ;
Eux, entourés de leurs enfants,
Se réchauffent à coups de verre.

Chorus ; on boit.

Aussitôt que l’été paraît,
Ces grands, dans un salon superbe,
Au lieu d’être couchés sur l’herbe
Sont étendus sur le duvet ;
À cet instant, tout couvert de poussière
De la chaleur, pour adoucir le poids,
Chacun de nous fendant le bois,
Se rafraîchit à coups de verre.

Chorus ; on boit.

Ces couplets offerts sans façon,
Aux vrais amis de la bouteille
Je les composai sous la treille,
Et Bacchus fut mon Apollon :
Allons, amis, vidons gaiement nos verres.

 

 

Scène II

 

FRITZ, MADAME FRITZ, UN BUCHERON

 

LE BUCHERON.

Oui, c’est bon çà... Divertissez-vous, enfants ; chantez : aussi bien, vos joyeux refrains ne seront pas de longue durée.

MADAME FRITZ, avec inquiétude.

Explique-toi, mon ami ; parle.

À part.

Que va-t-il nous apprendre ?

LE BUCHERON.

Le seigneur de cette terre, vient de la vendre tout à l’heure à un autre grand seigneur, qu’on dit aussi cruel que le notre était bon et humain.

FRITZ.

Mais, quel motif a pu l’engager à se défaire aussi promptement de cette habitation ?

LE BUCHERON.

Dam’, j’ n’en savons rien ; mais à en juger par ce que j’ai pu apprendre, ce canton va devenir bien malheureux.

MADAME FRITZ.

Ah ! mon dieu ; si ce nouveau seigneur allait être...

FRITZ, l’interrompant.

Paix, imprudente.

Haut, au Bucheron.

Dites-nous, ami, ce que vous savez sur son compte ; donnez-nous quelques détails sur son caractère.

Aux Bucherons.

Approchez camarades, et silence.

LE BUCHERON.

On prétend que ce nouveau propriétaire a quitté le château qu’il habitait, parce que les impôts et les vexations de tous genres, avaient enfin révolté ses vassaux ; rien ne lui coûtait quand il voulait parvenir à son but : outrés des horreurs qu’il commettait chaque jour, les habitants de ce canton s’insurgèrent, et qu’il ne dût qu’à la fuite une vie qu’il a conservé pour le malheur de tous ceux qui l’entourent : enfin, craignant la juste punition de ses crimes, il vient d’acheter la terre de Limberg, et cette forêt qui l’avoisine, pour y porter sans doute le trouble et le désespoir dans l’âme de ses habitants.

MADAME FRITZ.

Mais savez-vous, ami, quelque chose de positif sur les causes qui l’ont déterminé à quitter son autre habitation ?

LE BUCHERON.

Ma foi non !... Cependant, on parle d’enlèvement, de fuite, de femme soustraite à ses recherches.

MADAME FRITZ, à part. 

Dans quel trouble il me jette !

LΕ BUCHERON.

Mais mon dieu ! qu’avez-vous donc, madame Fritz ? vous paraissez toute troublée ?

FRITZ.

Et comment ne le serions-nous pas, en apprenant qu’un tel homme va habiter parmi nous.

LE BUCHERON.

En effet, c’est le plus grand malheur qui puisse nous arriver, que d’avoir pour seigneur le barbare comte de Woldeck.

FRITZ, à part.

Le comte de Woldeck ! nous sommes perdus... Dissimulons.

Aux Bucherons.

Vous l’entendez, amis, unissons-nous ; notre danger commun nous en impose la loi, et périssons tous, plutôt que d’être victimes de ses cruautés... C’est assez ; voici l’heure du travail, allons, mes braves camarades, allons où nos occupations nous appellent... Toi, reste ici, ma bonne : prudence et mystère.

 

 

Scène III

 

MADAME FRITZ, seule

 

Quel contretemps fâcheux !... Le ciel ne se lassera-t-il point de nous persécuter ? Nous faudra-t-il encore quitter ces lieux, pour échapper aux poursuites du perfide Woldeck, et sauver notre chère Maria de ses embûches... Depuis deux ans, contraints de la cacher à tous les yeux, toutes nos précautions n’aboutiraient-elles qu’à la voir arracher de nos bras... Alexis, brave jeune homme qu’est-tu devenu ?... Que n’est-tu près de nous : déjà nous te devons l’honneur ?... Tu sacrifias ton patrimoine pour nous acquitter vis-à-vis de ce monstre ?... Le cruel nous surchargeait d’impôts, pour nous faire consentir à lui livrer notre chère enfant ?... mais, reviens, reviens. Elle est à toi, notre Maria ; elle n’aura jamais d’autre époux qu’Alexis.

 

 

Scène IV

 

MADAME FRITZ, MARIA, paraissant au haut du tronc d’arbre

 

MARIA.

Alexis ?

MADAME FRITZ.

Chut... imprudente...

MARIA.

Vous avez nommé Alexis.

MADAME FRITZ.

T’ai-je donné le signal ?

Après avoir regardé de tous côtés.

Je n’ai vu personne, nous pouvons causer un instant ; mais aujourd’hui, chère fille, il serait imprudent de sortir de ta retraite.

MARIA.

Expliquez-vous, ma mère ?

MADAME FRITZ.

De nouveaux malheurs nous menacent... Apprends que notre cruel persécuteur vient d’acquérir cette terre, et qu’une seconde fois nous nous trouvons ses vassaux.

MARIA.

Vassaux du comte de Woldeck ?... Je frissonne.

MADAME FRITZ.

Il vient prendre possession aujourd’hui. Juges si nous devons redoubler de prévoyance, pour te dérober à ses regards.

MARIA.

Mon père sait-il cette funeste arrivée ?

MADAME FRITZ.

C’est un de nos ouvriers qui a tout appris au château et qui nous l’a rapporté.

MARIA.

Qu’allons-nous devenir ? quitter encore ces lieux... sans avoir aucune nouvelle d’Alexis.

MADAME FRITZ.

J’entends quelqu’un... retire toi...

 

 

Scène V

 

MADAME FRITZ, RIMBURG

 

MADAME FRITZ, à part.

J’ai bien fait de faire cacher ma pauvre Maria ; car voilà quelqu’un qui a l’air d’espionner.

RIMBURG, à part.

J’aperçois une femme ; peut-être m’aidera-t-elle à gagner la récompense que m’a promis le comte de Woldeck.

MADAME FRITZ, à part.

Il approche, tenons-nous sur nos gardes.

RIMBURG.

Bonne mère, ne pourriez-vous m’instruire ?

MADAME FRITZ.

Bien volontiers, si cela se peut ; parlez, parlez, mon bon seigneur.

RIMBURG.

Dites-moi, n’est-ce pas ici que demeure le maître bucheron de cette forêt ?

MADAME FRITZ, à part.

Ne faisons pas d’étourderies.

Haut.

C’est dans ce canton-ci du bois que demeurent les Bucherons...

RIMBURG.

Je le sais, mais leur chef...

MADAME FRITZ.

Il y en a beaucoup de bucherons.

RIMBURG.

Je le sais aussi, mais ce n’est pas ce que je vous demande.

MADAME FRITZ, à part.

Voilà un inconnu bien curieux.

RIMBURG.

Je vous le répète, bonne mère, je désire connaître la demeure du chef des bucherons, j’ai besoin de ses services.

MADAME FRITZ.

De ses services !... Ah ! c’est différent.

RIMBURG.

Comment ?

MADAME FRITZ.

C’est que voyez-vous, monseigneur, on ne me fait pas jaser quand je n’en ai pas envie, et quoiqu’on puisse dire, la mère Fritz n’est pas une bavarde.

RIMBURG, à part.

La mère Fritz, oh ! l’heureuse rencontre.

Haut.

Quoi ! vous êtes la femme de Fritz.

MADAME FRITZ.

Est-ce que je vous aurais dit ça ?

RIMBURG.

C’est vous-même que je cherche...

MADAME FRITZ.

Vous me faites trembler.

RIMBURG.

Pourquoi cet air effrayé ?

MADAME FRITZ, à part.

Mon Dieu, mon Dieu, qu’est-ce que je viens de dire là ?

RIMBURG, à part.

Gagnons sa confiance.

Haut.

Rassurez-vous madame Fritz.

MADAME FRITZ, à part.

Madame Fritz... ah ! maudite langue.

RIMBURG.

Calmez votre inquiétude, et sachez que vous n’avez pas d’amis plus dévoués que moi.

MADAME FRITZ.

Vous, monseigneur ; et comment donc çà ?

RIMBURG, à part.

Voici l’instant de bien servir mon maitre.

Haut.

Apprenez que le comte de Woldeck vient d’acheter le château voisin.

MADAME FRITZ.

Hélas ! je le sais déjà.

RIMBURG.

J’ai le malheur d’être son vassal, et il m’a fait signifier l’ordre tyrannique de sortir de mon domaine, dont il prétend s’emparer.

MADAME FRITZ.

De même que nous, il vous poursuit : ah ! je le reconnais bien là.

RIMBURG.

Je veux punir le comte.

MADAME FRITZ.

Vous ferez bien, si vous pouvez.

RIMBURG.

Je veux mettre un terme à ses vexations.

MADAME FRITZ.

Quel service vous rendrez à ses pauvres vassaux.

RIMBURG.

Pour réussir dans mon projet, je viens engager tous les bucherons à s’armer contre ce tyran.

MADAME FRITZ.

Soyez sûr qu’ils ne demanderont pas mieux.

RIMBURG.

Je compte sur votre mari pour les déterminer, il doit haïr le comte de Woldeck ; car, on m’a dit qu’il avait été obligé de fuir pour se soustraire aux persécutions de ce barbare, qui s’était épris d’amour pour sa fille.

MADAME FRITZ.

Hélas ! on ne vous a dit que trop vrai ! Depuis plus de deux ans, retirés dans ce bois, sur les terres d’un autre seigneur, mon mari et moi, nous vivions un peu plus tranquilles...

RIMBURG.

Et votre fille ?...

MADAME FRITZ.

Ah ! ma pauvre Maria...

RIMBURG.

La mort vous l’aurait-elle ravis ?...

MADAME FRITZ.

C’est le seul malheur que je n’ai pas encore éprouvé ; mais ma fille n’en est que plus à plaindre.

RIMBURG.

Expliquez-vous, vous m’alarmez.

À part.

Aurais-je perdu l’objet de mes recherches ?

MADAME FRITZ.

Tenez, puisque vous haïssez le comte de Woldeck, vous êtes un honnête homme... je vais vous parler à cœur ouvert.

RIMBURG, à part.

Que vais-je apprendre ?

MADAME FRITZ.

Vous m’intéressez... Votre air... votre ton... D’ailleurs, j’ai votre secret ; ainsi, confidence pour confidence.

RIMBURG.

Parlez, madame Fritz, et croyez que vous ne pouvez pas mieux placer votre confiance.

MADAME FRITZ.

Eh bien ! mon bon seigneur, jugez si le sort de ma pauvre Maria n’est pas bien cruel, depuis dix-huit mois que nous avons fui les terres du comte de Woldeck, c’est là que ma fille est cachée... dans cet arbre.

RIMBURG.

Dans cet arbre ;

À part.

enfin, je l’ai trouvée.

Haut.

Mais, comment pouvoir exister dans une retraite aussi étroite ?

MADAME FRITZ.

Croyez-vous donc que Fritz n’a pas eu soin d’adoucir, autant qu’il pouvait, la triste situation de notre chère Maria.

RIMBURG.

Et par quel moyen ?

MADAME FRITZ.

En creusant un souterrain, qui, de l’arbre conduit à notre chaumière ; et qui peut, en cas de surprise, lui fournir un moyen d’évasion.

RIMBURG.

Ce que vous me dites est incroyable.

MADAME FRITZ.

Incroyable ! incroyable !... Monseigneur, je vous en demande bien pardon ; mais je n’ai jamais trompé personne, et je vais vous prouver que je n’ai pas commencé par vous.

Elle donne le signal à sa fille. Satisfaction de Rimburg.

 

 

Scène VI

 

MADAME FRITZ, RIMBURG, MARIA, qui paraît dans l’arbre

 

MARIA.

Ô ciel ! un étranger dans ces lieux.

MADAME FRITZ.

Ne crains rien, ma chère Maria, c’est un protecteur que le ciel t’envoie : viens tomber à ses genoux.

 

 

Scène VII

 

MADAME FRITZ, RIMBURG

 

MADAME FRITZ.

Еh bien ! mon bon seigneur, pensez-vous encore que je voulais vous tromper ?

RIMBURG.

Je vous en crois incapable, et je vous remercie de tout ce que vous venez de m’apprendre ; cette preuve de votre confiance me flatte infiniment.

MADAME FRITZ.

C’est bien le moins que je puisse faire, pour un brave seigneur, qui veut bien nous affranchir de la tyrannie de ce comte de Woldeck.

RIMBURG.

Je vous promets que demain, le comte ne songera plus à vous tourmenter.

 

 

Scène VIII

 

MADAME FRITZ, RIMBURG, MARIA

 

MADAME FRITZ, allant au-devant de sa fille.

Ma fille, remercions ce bon seigneur, qui veut devenir notre protecteur.

RIMBURG.

Le plus beau droit d’un chevalier, est de défendre l’innocence et la beauté. Combien je suis sensible à la con fiance et à l’amitié que vous m’accordez ; mais ne perdons pas un temps précieux, prenez plus de précautions que jamais, que votre aimable fille rentre dans sa retraite, et surtout qu’elle n’en sorte pas avant mon retour ; je vais joindre votre mari et ses ouvriers, et nous concerter ensemble, pour vous mettre au plutôt hors de la dépendance de votre persécuteur.

Madame Fritz fait rentrer Maria. Rimburg, mime à madame Fritz, qu’il va trouver son mari ; elle lui montre l’endroit de la forêt où il est ; il feint de prendre ce chemin, et pendant que madame Fritz revient sur l’avant-scène, il rentre et prend le chemin par lequel il est arrivé.

 

 

Scène IX

 

MADAME FRITZ, seule

 

Voilà un brave et digne seigneur, celui-là, quelle bonté... Ah ! sans doute, le ciel nous l’envoie pour protéger Maria, et nous mettre à l’abri des persécutions de ce méchant comte. On a raison de dire : n’y a rien de tel qu’une femme, pour mener tout à bien. Monsieur Fritz, monsieur Fritz, vous conviendrez, une fois dans votre vie, que j’ai fait quelque chose de bon, et vous allez, j’espère, être enchanté de ma présence d’esprit

 

 

Scène X

 

MADAME FRITZ, FRITZ

 

MADAME FRITZ.

Accours donc, notre homme ; bonne nouvelle, n’est-il pas vrai ?

FRITZ.

Détestable !

MADAME FRITZ.

Est-tu fou... Tu n’as donc pas vu ?

FRITZ.

Non, de par tous les diables ; et je n’ai pas envie de le voir.

MADAME FRITZ.

Et qui donc ?

FRITZ.

Eh parbleu ! ce comte de Woldeck.

MADAME FRITZ.

Il est bien question de lui, vraiment... J’étais bien sûre que tu ne penserais pas ainsi de ce brave seigneur qui est allé te parler tout à l’heure.

FRITZ.

Ce brave seigneur. Ah ça ! tu perds la tête.

MADAME FRITZ.

 Il ne t’as pas dit qu’il prenait le plus grand intérêt à nous, et qu’il saurait bien soustraire Maria aux persécutions du comte ; enfin, il ne t’a pas dit qu’il avait vu cette chère enfant...

FRITZ.

Il a vu Maria ?

MADAME FRITZ.

Mais oui ; je viens de le mettre entièrement au fait de tout ce qui nous regarde, et de tout ce qui nous est arrivé.

FRITZ.

Madame Fritz, ce n’est pas le temps de vous reprocher votre extrême imprudence : songeons promptement à éviter l’abime où vient de nous plonger votre confiance irréfléchie.

MADAME FRITZ.

Que veux-tu dire ?

FRITZ.

Que vous êtes perdue, vous, votre mari, et votre fille, si la fuite ne vous soustrait à l’instant même, à la fureur du comte.

MADAME FRITZ.

Tu me fais trembler.

FRITZ.

Je n’ai point vu votre zélé confident... Ce prétendu seigneur ne peut-être qu’un espion chargé, par Woldeck, de reconnaître ces lieux, et de nous livrer ensuite entre ses mains.

MADAME FRITZ.

Ah ! mon dieu, prends pitié de nous.

FRITZ.

C’est du courage qu’il faut en ce moment, et non des prières. À la nouvelle de l’arrivée du comte de Woldeck, sans perdre un seul instant, je viens de m’assurer des hommes d’armes, que notre bon seigneur, en nous quittant, a licenciés : cours instruire Maria de ce qui vient de se passer ; prenez les choses les plus essentielles pour notre départ ; je vais rassembler encore quelques-uns de nos plus fidèles amis, les intéresser, en leur découvrant enfin le mystère qui a tenu ma fille si longtemps cachée à leurs yeux ; ils m’aiment et redoutent Woldeck ; je suis sûr d’armer leurs bras pour notre défense... Allez, allez...

 

 

Scène XI

 

FRITZ, sonne du cornet

 

Les Bucherons arrivent.

Mes amis, mes enfants, je vous ai rappelés pour vous instruire des dangers que je cours, et de ceux qui vous attendent. Il en est peu d’entre vous qui n’ait une femme, des enfants, quelques possessions : eh bien ! laisseriez-vous enlever de sang-froid, tout ce que vous avez de plus cher au monde ? Laisseriez-vous passer vos femmes et vos filles dans les bras d’un perfide ravisseur ? Non, sans doute, vos mains s’armeraient, et la mort du coupable serait bientôt jurée. Eh bien ! mes amis, aujourd’hui, tout à l’heure, peut-être, les émissaires du comte de Woldeck vont réaliser sur moi tous les malheurs que je viens de vous peindre, ils vont lui livrer ma fille : vous êtes étonnés, je le vois ; vous ignoriez que je fusse père ?... Vous me pardonnerez de vous l’avoir caché, lorsque vous saurez qu’une passion criminelle allumée dans le cœur de Woldeck, m’a forcé de soustraire Maria à ses poursuites ; obligé de fuir le modeste asile que j’avais sur ses terres, je vins habiter parmi vous, croyant lui échapper, et, emportant avec moi le regret de ne pouvoir emmener le jeune Alexis, l’époux promis à ma fille, ce jeune homme qui nous protégerait aujourd’hui, était absent lors de notre fuite, et n’a pu sans doute encore découvrir notre habitation : opposer aux fureurs de Woldeck mes larmes et mes cheveux blancs, serait un moyen impuissant pour fléchir un tel homme. Que me reste-t-il donc ?... Votre appui ?... Ma cause devient la vôtre, il peut, à son gré, vous persécuter tour-à-tour : réunissons nos efforts et nos bras, et si nous ne pouvons purger la terre de ce monstre ; au moins, ravissons-lui d’innocentes victimes ?... Je me vois forcé de quitter, à l’instant, ces lieux ?... De vous quitter, mes bons amis ; prouvez-nous votre amitié constante, et protégez notre fuite, dans le cas où nous serions surpris.

 

 

Scène XII

 

FRITZ, LES BUCHERONS, MADAME FRITZ, MARIA

 

Maria conduite par sa mère, sort de la chaumière ; Fritz s’élance, la prend dans ses bras, et la presse sur son cœur, il réclame pour sa fille le secours des bucherons ; ces derniers jurent de la défendre jusqu’à la mort ; Fritz fait ses adieux à son champêtre asile, observe à ses amis que le temps presse, et tout le monde se dispose à partir : on entend du bruit, Fritz fait rentrer Maria dans la chaumière.

 

 

Scène XIII

 

LES MÊMES, RIMBURG, à la tête d’une troupe d’hommes d’armes

 

Effroi général et tableau à l’arrivée de ce dernier.

Rimburg commande qu’on lui livre Maria, Fritz demande à Rimburg de quel droit il se permet cet acte de tyrannie ; Rimburg ne répond qu’en ordonnant au soldat de s’emparer d’eux ; madame Fritz reproche à l’écuyer de l’avoir trompée ; Rimburg réitère l’ordre de s’en emparer, un soldat s’avance ; Fritz s’élance sur lui, et lui arrache son sabre, combat ; et dans la mêlée les bucherons sont tous vaincus : on met des mouchoirs sur la bouche de Fritz et de sa femme, et le sabre sur le cœur ; on les oblige de se taire ; Rimburg fait placer deux soldats près du tronc d’arbre, il donne le signal, Maria paraît à l’arbre, et on s’en saisit ; on l’enlève.

Tableau général.

 

 

ACTE II

 

Le Théâtre ouvert représente un fort beau salon, par le fond, d’où l’on aperçoit des jardins ; sur le premier plan à gauche, est une estrade.

 

 

Scène première

 

LE COMTE, LINDORF

 

LE COMTE.

Oui, Lindorf, je veux te faire le confident de mes projets ; en un mot, je veux qu’après Rimburg tu sois mon premier favori.

LINDORF.

Seigneur, je ne m’attendais pas à une semblable faveur, je sais trop la distance qu’il y a entre Rimburg et moi, pour lui envier l’honneur d’être le premier auprès de votre personne.

LE COMTE.

Il est vrai qu’il vient de me rendre un signalé service, mais il serait insuffisant si je ne pouvais compter sur ton zèle, et ta fidélité dans la circonstance où je me trouve.

LINDORF.

Seigneur, daignez m’instruire...

LE COMTE.

Depuis le temps que tu es à mon service, Lindorf, tu as du connaître ce cœur impétueux que tout enflamme, que les obstacles irritent, et auquel rien ne doit résister : souvent pour parvenir au but de mes désirs j’ai suppléé à mon autorité insuffisante par des actes cruels, que les lois et l’humanité condamnent ; mais que mes caprices justifient ; et foulant aux pieds l’opinion du vulgaire, j’ai brisé l’idole de la vertu, pour tout sacrifier à mes passions, comblé des faveurs de la fortune, je vivais au sein des voluptés, sans que le remord, ce tyran des âmes faibles et pusillanimes approchât jamais de la mienne ; en un mot, j’étais heureux, puisque je jouissais.

LINDORF, ironiquement.

Et qui donc, seigneur, a pu troubler la sérénité de vos jours.

LE COMTE.

Je rougis de te l’avouer, une fille sans nom, une simple paysanne n’a ravi le repos ; son père, riche cultivateur, étant mon vassal, je parvins facilement à m’introduire auprès de Maria.

LINDORF, ému.

Eh bien ! seigneur, il dût être flatté de l’honneur que vous lui fîtes.

LE COMTE.

Non, Lindorf ; Fritz ayant tous les préjugés du vieil âge, et d’ailleurs redoutant ma séduction, disparut un jour avec sa femme et sa fille, pour mettre fin à mes poursuites : mon amour, ou plutôt ma fureur, en acquit de nouvelles forces, et après avoir prodigué l’or et multiplié les recherches, je suis parvenu au bout de deux ans à découvrir la retraite de Maria ; Rimburg va la conduire en ces lieux, c’est à toi, Lindorf, que je veux confier le soin de la rendre plus traitable : peins lui toute la force de mon amour, séduis-là par le tableau des grandeurs qui l’attendent ; fais-lui craindre ma vengeance, si elle persiste dans ses refus, n’épargne rien pour avancer l’instant de mon bonheur.

LINDORF, finement.

Vous verrez, seigneur, si l’on peut compter sur ma fidélité.

LE COMTE.

Il suffit, je me repose sur toi...

 

 

Scène II

 

LINDORF, seul

 

C’est donc aujourd’hui que par un de ses coups bizarres, le destin m’accable de sa rigueur, et tout à la fois met le comble à mes vœux. Il me fait retrouver mon amante mais il la met au pouvoir de mon rival ; oh ! ma chère Maria, après deux ans de séparation, je vais donc me retrouver près de toi ? Quelle sera ta surprise, en voyant ton Alexis sous cet habit, et à la cour de ton persécuteur ; trompée peut-être par la première apparence, tu doute ras de ma fidélité, mais je te désabuserai ; tu sauras que ton Alexis pleurant ta perte, te crût enlevée par le comte de Woldeck ; tu sauras que je m’introduisis près de lui sous un nom supposé, et que ne te rencontrant pas dans son palais, j’y restai pour observer les démarches de ce fourbe, qui mettait tout en usage pour te retrouver. Le tyran ! il se félicite en ce moment, il se flatte de couronner bientôt ses coupables desseins, mais l’amour et l’honneur me donneront les moyens de sauver ma chère Maria ; oh ! Dieu protecteur de l’innocence, seconde mon projet, et ne souffre pas que la vertu succombe sous l’es efforts du crime.

 

 

Scène III

 

LINDORF, LOCTEN

 

LOCTEN.

Seigneur, j’accours vous prévenir de l’arrivée de Maria ; l’expédition de Rimburg avait son enlèvement pour but...

LINDORF.

Cher Locten, je sais tout de la bouche même de Woldeck, redouble de zèle et de discrétion ; que tes camarades ainsi que toi, se tiennent prêts à suivre mes ordres et à saisir l’occasion favorable pour en venir à mes fins.

LOCTEN.

Vous connaissez notre fidélité.

LINDORF.

J’y compte ?... On vient, éloigne-toi ; gardons-nous de pouvoir être soupçonnés de quelque intelligence.

 

 

Scène IV

 

LINDORF, MARIA, RIMBURG, SUITE

 

Rimburg fait entrer Maria, qui lève les yeux sur Lindorf, et le reconnaît. Rimburg, qui est descendu, remarque leur émotion mutuelle.

RIMBURG.

Qu’avez-vous, madame ? Ce trouble subit...

LINDORF, coupant vivement.

Que pouvez-vous craindre en ces lieux, madame ? aimée du comte de Woldeck, tout ici va s’empresser de voler au-devant de vos désirs.

MARIA, à part.

J’ai peine à croire ce que je vois !... Alexis chez mon persécuteur !...

RIMBURG.

Eh bien ! Lindorf...

MARIA, à part.

Lindorf !...

RIMBURG.

Parlez donc à cette belle affligée, vous êtes jeune, aimable, et vos soins pourront la distraire.

Bas à Lindorf.

Parlez en faveur du comte.

MARIA.

Eh ! quels soins pourraient me faire oublier mes malheurs ?

Fixant Lindorf.

J’ai perdu ; oh ! oui, je le vois, j’ai perdu tout ce qui pouvait m’attacher à la vie.

LINDORF.

Pourquoi madame ? l’honnête Fritz, votre respectable mère, enfin tout ce qui peut vous être cher, vous sera rendu, fiez-vous-en à mon zèle, attendez tout du temps

Rimburg le fixe.

et des bontés du comte.

MARIA.

Eh ! seigneur, où retrouver les objets de mes plus tendres affections, abandonnée à mon triste sort...

LINDORF.

Croyez madame, que vous trouverez ici des amis ;

Rimburg le fixe, il s’en aperçoit et lui adresse la parole.

n’est-il pas vrai, mon brave camarade ? l’innocence et la beauté dans les pleurs, inspirent un intérêt si tendre à tous les cœurs sensibles.

RIMBURG, à part.

Me trompai-je ? j’ai cru voir à l’instant, entre Lindorf et Maria, des signes d’intelligence ! dissimulons.

Haut.

Il a raison, madame, et le comte de Woldeck, dont vous êtes aimée, n’est-il pas lui-même un protecteur assez puissant pour dissiper vos craintes ?

MARIA.

Le comte de Woldeck, mon protecteur !... un tel homme deviendrait mon appui ?

RIMBURG.

Daignez ne pas traiter le comte avec autant de sévérité, madame ; il vous aime... Sans doute il a mis en usage pour vous avoir en sa puissance, des moyens dont condamne la rigueur ; mais l’amour qu’il éprouve, et de puis si longtemps, doit le rendre moins coupable à vos yeux ; et j’ose espérer qu’un jour, partageant les sentiments que vous lui inspirez, vous pardonnerez au comte des torts dont son amour seul excuse la violence.

LINDORF.

Oui, madame, l’amour excuse tout : un cœur vraiment épris ne connaît aucun danger, aucun obstacle ne le rebute ; feinte, absence, il permet tout ; certain qu’un jour il pourra faire connaître les ressorts cachés qu’il a mis en jeu pour parvenir à mériter le cour de ce qu’il aime.

RIMBURG, à part.

Quel étrange discours et quels soupçons...

MARIA, à part.

Ah ! je le vois, Alexis m’aime encore.

Haut.

Eh bien ! seigneur, vos discours me rendent à l’espérance, et je commence à trouver mon sort moins rigoureux...

RIMBURG, à part.

Je n’en puis plus douter.

Haut.

Seigneur écuyer, c’est à vous que le comte de Woldeck devra cet heureux changement ; je vous laisse avec la belle Maria, et cours avertir le comte du bonheur qu’il va devoir au zèle que vous mettez à prendre ses intérêts.

 

 

Scène V

 

MARIA, LINDORF, RIMBURG, au fond de la scène

 

LINDORF.

Je puis donc, sans témoins, jouir du bonheur de vous voir, de vous aimer, de vous le répéter sans cesse !

RIMBURG, à part.

Profitons du moment où Lindorf se croit seul avec Maria, pour savoir si mes soupçons sont fondés.

MARIA.

Alexis...

RIMBURG.

Alexis !

MARIA.

À quels dangers sommes-nous exposés ?... Mais, pas quel hasard vous trouvez-vous dans la cour du barbare comte de Woldeck ! tout ici redouble ma surprise, et ce nom de Lindorf...

LINDORF.

Vous connaitrez les raisons qui m’ont forcé à cacher mon nom, ma bien-aimée ; qu’il vous suffise de savoir que mon amour pour vous m’a suggéré les moyens que j’ai employés pour entrer au service du comte ; mais vous ma chère Maria, m’avez-vous conservé ce cœur, dont la possession me rend si fier, et pour laquelle j’affronterais tous les périls.

RIMBURG.

Ah ! ils s’aiment.

MARIA.

Ingrat ! pouvez-vous me le demander ?... Lindorf est toujours Alexis pour moi ?... Je crois le voir encore à mes genoux, me jurer l’amour le plus tendre !... Hélas ! le sort acharné contre moi, va peut-être nous séparer pour toujours ; mais partout où vous serez, mon amour vous suivra.

RIMBURG, à part.

Traître, tu paieras cher ton imprudence et ta perfidie.

Il sort.

LINDORF.

Ô ! bonheur inappréciable ; Maria m’a conservé son cœur, et je suis sûr d’être aimé pour moi-même.

Il se jette à ses genoux.

Je puis donc paraître à vos yeux sous mon véritable nom ?... Adorable Maria ! ce n’est plus Alexis, ce n’est plus Lindorf, qui jure à vos pieds un amour éternel, vous voyez en moi l’heureux comte de Munchester.

MARIA.

Quoi ! mon Alexis serait ?...

LINDORF.

Oui, je suis le comte de Munchester. Libre, et posses sœur d’une fortune immense, j’ai voulu devoir mon bonheur à moi-même ; j’ai voulu être aimé pour moi seul... Alexis a su plaire à Maria, lorsqu’il n’était qu’Alexis, et le comte de Munchester, plus épris que jamais, est fier de lui offrir en ce jour, et ses titres et sa main.

MARIA.

Alexis, permettez-moi de vous donner toujours ce doux nom ; il convient mieux à ma tendresse : il me rappelle ces heureux instants on les auteurs de mes jours bénissaient cette union si désirée... Hélas ! en ce moment, ils me croient perdue sans retour !

LINDORF.

Ce brave et honnête Fritz, je brûle de le serrer contre mon cœur ; il habite, dit-on, la forêt de Limberg ?

MARIA.

Oui, mon cher Alexis ; c’est-là que je fus enlevée par Rimburg. Hélas ! mon père, aux pieds des murs de ce château, déplore la perte de sa fille ! il faudrait... Mais, on vient.

LINDORF.

C’est le comte et Rimburg.

 

 

Scène VI

 

MARIA, LINDORF, RIMBURG, WOLDECK, RIMBURG

 

LE COMTE, à Rimburg, au fond de la scène.

Ils sont encore ensemble, dissimulons. Et toi Rimburg, ait sans cesse les yeux sur Maria.

Haut à Maria, en s’avançant.

Enfin, belle Maria, le sort propice à mes vœux, vous a soumis à ma puissance, je lui rends grâce ; il a servi mon amour au gré de mes désirs : je dois aussi beaucoup à Rimburg et à Lindorf : le premier, a commencé mon bonheur, puisque c’est par ses soins que je vous revois en ces lieux. Et Lindorf, ce serviteur zélé que j’avais chargé de mes plus chers intérêts, a dû enfin décider votre cour en faveur de l’heureux comte de Woldeck.

LINDORF.

Je lui parlais de vous, de manière à ne lui laisser aucun doute sur le parti qu’il lui reste à prendre.

LE COMTE.

Tant de zèle à me servir aura sa récompense. Et vous madame, parlez ; c’est de vous que je veux apprendre le sort qui m’attend... Mais, que signifie cet air abattu ?... Ces yeux remplis de larmes m’annonceraient-ils ?...

MARIA.

Seigneur, arrachée des bras paternels, incertaine sur le sort de ceux à qui je dois le jour ; ces premiers moments donnés à la douleur, doivent vous paraître bien excusables.

LINDORF.

Oui, sans doute, madame. Le comte de Woldeck, sensible et généreux, excusera des regrets qui troublent le charme qu’il éprouve à vous retrouver, après une aussi longue séparation.

LE COMTE.

Il connaît bien mon cœur, j’excuse des larmes aussi légitimes. Eh ! comment pourrais-je être insensible à celles que fait répandre la tendresse filiale ?

À part.

Perfides ! avant peu, je vous en ferai verser de plus amères.

MARIA, à part.

Que répondre ?

Haut.

Seigneur, je ne puis que vous savoir gré, du tendre intérêt que vous daignez me montrer, et...

LE COMTE.

Et vous, Lindorf, serviteur généreux et fidèle, c’est à vous ; c’est à vos soins, que je dois l’espoir que je conçois. Mes grâces et la plus haute faveur, acquitteront, n’en doutez pas, un pareil service... Allez.

 

 

Scène VII

 

MARIA, WOLDECK, RIMBURG

 

WOLDECK.

Je puis donc espérer que vous ne serez pas insensible à mon amour... Il n’eût été plus doux de devoir ce changement à mes soins, qu’à ceux de Lindorf... Mais...

MARIA.

Seigneur, vous vous abusez... Quoiqu’élevée aux champs, Maria sait résister à la séduction ; elle se doit à la nature ; elle se doit à l’honneur, et pour franchir la distance qui me sépare de vous, il faudrait que mon cœur vous appartînt.

RIMBURG, bas à Woldeck.

Vous l’entendez ?...

LE COMTE.

Eh quoi ! madame, encore des préjugés, encore des refus ; vous me parlez de la nature ; vous me parlez de l’honneur, ces préjugés doivent s’évanouir à l’aspect du bonheur qui vous attend.

MARIA.

Peut-il en exister quand on se déshonore ? De grâce, renoncez à l’espoir de me posséder. Quels charmes trouverez-vous auprès d’une femme plongée dans la douleur, arrachée à ses parents ?... Au lieu d’être le tyran de ma famille, soyez-en le bienfaiteur ; qu’elle revoie cette fille qu’elle pleure en ce moment : vous la lui avez ravie ; qu’elle vous la redoive ; à l’heure où elle parle, elle vous maudit ! Eh bien ! par un heureux retour, attirez sur vous ses bénédictions.

RIMBURG, bas au Comte.

Vous voyez que Lindorf, vous a bien servi.

LE COMTE.

Maria, je vous pardonne ces vaines déclamations, je vois que Lindorf me sera encore nécessaire auprès de vous, je veux bien vous accorder quelques délais.

MARIA.

Ah ! ne croyez pas que le temps puisse altérer les sentiments de mon cœur.

LE COMTE, avec fierté.

Songez-vous que je commande en ces lieux, et que, disposant de votre destinée ; je puis, à mon gré, vous faire mon égal, ou vous rendre à jamais malheureuse.

MARIA.

Quelque soit le sort qui m’attend, je le subirai sans peine.

Woldeck ordonne à Rimburg de faire venir Lindorf, et d’emmener ses vassaux. Rimburg se retire.

 

 

Scène VIII

 

MARIA, WOLDECK

 

LE COMTE.

Malgré vos refus, vos dédains ; je vais, belle Maria, vous donner une nouvelle preuve de mon amour, je veux signaler celte journée, où vous commencez à embellir ces lieux, en comblant de mes bienfaits, tous ceux que j’ai chargés de vous prodiguer leurs soins ! Je veux sur tout que Lindorf !...

MARIA.

Lindorf !...

LE COMTE.

Oui... le fidèle Lindorf va recevoir la juste récompense de son zèle.

MARIA, à part.

Ô ciel ! que veut-il dire ?...

LE COMTE.

Son dévouement pour moi, mérite un témoignage éclatant de ma reconnaissance.

MARIA, à part.

Je frémis, en voyant la joie farouche qui brille dans ses yeux.

LE COMTE.

J’aime à croire que Maria, aussi sensible que belle, reconnaît dans ce que je fais, la démarche de l’amant qui cherche à lui plaire, et j’ose espérer que son âme délicate approuve mon dessein.

MARIA.

Seigneur, pour l’approuver ou le blâmer, il faudrait le connaître.

LE COMTE.

Permettez-moi de vous en faire un mystère, votre surprise en sera plus vive.

MARIA.

Eh ! que m’importe ?...

LE COMTE.

Pouvez-vous me répondre avec tant de cruauté, quand je cherche le moyen de toucher votre cœur.

MARIA, à part.

Le perfide, j’en suis sûre, médite quelque crime.

LE COMTE.

Le prix que je destine à l’attachement de Lindorf, doit doubler à ses yeux, en le recevant de votre main.

MARIA.

Seigneur !...

LE COMTE.

Je vous demande pour lui, cette inestimable faveur.

MARIA, à part.

Hélas ! comment le prévenir qu’on lui prépare un piège.

 

 

Scène IX

 

MARIA, WOLDECK, RIMBURG, LINDORF, HOMMES D’ARMES et VASSAUX

 

On apporte des corbeilles de fleurs, et divers présents que l’on offre à Maria ; elle remercie froidement, son inquiétude est extrême, et cherche à échapper aux yeux observateurs de Woldeck et de Rimburg. Lindorf qui craint les regards du comte, évite de porter les yeux sur Maria. Pendant le temps que dure la fête, les quatre Acteurs doivent exprimer leurs différentes situations. On apporte sur un riche coussin, un superbe sabre ; Woldeck prie Maria de l’offrir à Rimburg. On apporte sur un autre coussin, des chaines cachées par une riche écharpe ; Woldeck prie de même Maria de la présenter à Lindorf. Avec beaucoup d’émotion elle lève l’écharpe, aperçoit les chaines, jette un cri, repousse le coussin, et les chaines tombent. Mouvement général ; on s’élance sur Lindorf Rimburg surtout, on le charge de fers. Maria est également entourée.

LE COMTE, à Maria.

Voici donc le digne objet à qui je dois vos mépris ?

À Lindorf.

C’est à mes yeux, dans mon château, abusant de ma confiance, que tu cherchais à m’enlever un cœur, qui depuis si longtemps fait mon tourment.

LINDORF.

Seigneur ?...

LE COMTE.

Traître, ne crois pas m’abuser, Rimburg, a tout entendu de ta bouche.

MARIA.

Monstre, que ta main...

LE COMTE.

Je ne vous laisserai pas le plaisir de vous plaindre ?... Rimburg, menez Maria dans l’appartement qui lui est destiné, et qu’on la garde à vue... Soldats, que Lindorf soit conduit à la chambre souterraine ; vous me répondez de lui sur vos têtes.

 

 

ACTE III

 

Le Théâtre représente l’intérieur d’un fort. À gauche, une tour ; à droite, une espèce de poterne ; au fond, les remparts, et une porte qui sert d’entrée au fort.

 

 

Scène première

 

LOCTEN et SES AMIS, arrivent en silence et avec mystère

 

LOCTEN.

Mes braves camarades, écoutez avec attention ce que je vais vous dire, et sachez ce qu’il nous reste à faire. La belle-Maria n’est plus au pouvoir du barbare Woldeck j’ai su gagner la sentinelle à force d’or. Rimburg, à qui la garde en était confiée, n’en est pas encore instruit ; mais il ne peut’ tarder à l’être. Woldeck, alors, la fera poursuivre par ses gens, il faut donc que par une fausse confidence, je gagne la confiance du comte, afin d’assurer sa fuite.

Il se retourne vers un de ses gardes.

Écoute, ami, puis-je compter sur ton courage ?

LE SOLDAT.

Comme sur vous-même.

LOCTEN.

Eh bien ! cours à l’instant te cacher dans un des fossés, du côté du nord, j’irai t’y surprendre ; tu te laisseras arrêter et conduire devant le comte de Woldeck, alors, devant lui, je t’accuserai d’avoir favorisé la fuite de Maria. Quant aux dangers qui te menacent, sois sans inquiétude, je saurai trouver les moyens de t’y soustraire.

LE SOLDAT.

Aucuns périls ne sauraient m’effrayer, lorsqu’il s’agit du comte de Munchester, j’obéis ; mourir ou le sauver.

Il sort.

LOCTEN, entend sonner le beffroi.

J’entends sonner l’alarme au château, tout est découvert ; allons : voici le moment d’agir.

Ils sortent.

 

 

Scène II

 

RIMBURG, LE COMTE, arrivant à la tête de sa garde

 

LE COMTE.

Rimburg, si je n’étais certain de ta fidélité, je puni rois par la mort la plus terrible, ta coupable négligence, et la fuite de la perfide Maria.

RIMBURG.

Seigneur, je ne puis concevoir par quels moyens elle a pu s’échapper ; Lindorf dans les fers, n’a pu servir ses desseins.

LE COMTE.

Le traître, les tourments les plus affreux vont me venger de sa perfidie. Écoute, Rimburg, je crains qu’il ne puisse se sauver des souterrains du château ; je veux, qu’à l’instant même, il soit transféré dans cette tour.

RIMBURG.

Il suffit, seigneur, vous allez être obéi.

LE COMTE.

Pars, renouvelle à tous mes gens, l’ordre de courir après Maria ; qu’ils la ramènent, morte ou vive, qu’ils tremblent, si leurs recherches sont infructueuses.

 

 

Scène III

 

LES MÊMES, LOCTEN

 

LOCTEN, trainant le soldat qui s’est laissé arrêter.

Approche, malheureux, viens recevoir le prix de ta perfidie.

LE COMTE.

Que vois-je, un de mes gardes ?

LOCTEN.

Seigneur, ce soldat est un traître. Cependant, permettez-moi de vous demander sa grâce.

LE COMTE.

Et quel intérêt si puissant t’inspire-t-il donc ? Parle, explique-toi ?

LOCTEN.

Pardonnez, si, pour obtenir de lui l’aveu de son crime et des détails sur la fuite de Maria, j’ai osé lui promettre que vous lui laisseriez la vie.

LE COMTE.

J’approuve cet excès de zèle, et remplirai ta promesse, si ce qu’il a pu t’apprendre est assez important...

LOCTEN.

Il vient de me dire, que Lindorf n’est autre que le comte de Munchester.

LE COMTE.

Le comte de Munchester !

LOCTEN.

Que ses soldats, ses vassaux, se rassemblent, et vont bientôt à main armée, tenter de délivrer leur maître.

LE COMTE.

Je crains peu leur audace, et je saurai prévenir leur dessein. « Il suffit, je lui pardonne. » Rentrons, il faut redoubler de vigilance. Que l’exactitude la plus sévère, dans le service, soit observée ; Locten, je suis content de ton zèle : fais donner à tous les postes l’ordre de laisser rentrer au château, tous les gens de ma maison ; mais, que personne ne sorte.

Il sort avec Locten.

 

 

Scène IV

 

RIMBURG, arrive avec sa troupe, il conduit LINDORF à la tour

 

RIMBURG.

Traitre, n’espère pas échapper à la vengeance du comte de Woldeck, tes efforts seraient vains, et les supplices qui te sont réservés, seront le prix de ton audace.

LINDORF.

Crois-tu m’intimider par tes menaces ? ô Maria ! le même sort nous attend, et la mort va nous réunir.

RIMBURG.

Que dis-tu ? ta perfide amante a trouvé le moyen d’échapper aux poursuites du comte, elle n’est plus en son pouvoir ; mais les ordres les plus sévères sont donnés pour la ramener.

LINDORF.

Ô bonheur inespéré ! Maria est libre ! Allons, fais-moi conduire dans cette tour, je bénirai mon sort puisque ses jours sont en sûreté.

On emmène Lindorf.

RIMBURG, à un factionnaire.

Soldat, je te confie ce prisonnier, tes jours me répondront de ton exactitude... je vole à la recherche de Maria, et dans peu, j’espère avoir un dépôt plus précieux à te confier.

 Il sort.

 

 

Scène V

 

MARIA, UN SOLDAT

 

 On voit paraître Maria sur le rempart, elle est déguisée en paysan, la sentinelle du poste veut l’empêcher d’entrer, elle lui fait entendre qu’elle est de la maison,

Elle porte un panier.

le factionnaire la laisse passer, elle vient sur le théâtre.

MARIA.

Oh mon dieu ! protège mon stratagème ; ne permets pas que je sois reconnue sous ces déguisements ; et facilite, moi les moyens de délivrer mon Alexis des mains de mon persécuteur.

Elle ôte son habit de paysan et paraît en soldat, elle met de fausses moustaches, et prend un casque dans le panier, ensuite elle va au factionnaire de la tour, en feignant d’être ivre.

MARIA.

Bonjour camarade.

LE SOLDAT.

Bonjour, te voilà dans un bel état.

MARIA.

Superbe ! mais que veux-tu dire ? Ah ! je comprends, ma foi, c’est qu’en descendant ma garde, j’ai bu un petit coup pour me désaltérer, et je ne sais pas comment diable cela se fait, mais j’ai encore plus soif qu’auparavant ; ainsi donc camarade, si tu voulais nous pourrions tous les deux...

LE SOLDAT.

Ah ! vraiment je n’ai garde, et mon prisonnier donc, s’il allait s’échapper.

MARIA.

Et par où veux-tu qu’il s’échappe ? pendant que je suis ici surtout ; je voudrais bien voir ça, moi ; ce pauvre diable, il doit bien fumer dans cette tour.

LE SOLDAT.

Ma foi, tant pis pour lui, pourquoi va-t-il se frotter au comte de Woldeck ?

MARIA.

Tandis qu’il fume tout à son aise là-haut, camarade, n’en pourrions-nous pas faire autant ici ?

LE SOLDAT.

Ma foi, je ne vois pas d’inconvénients à cela, moi.

Maria prend sa pipe, la porte à sa bouche, tire un petit sac de cuir, y prend du tabac, charge sa pipe, prend un briquet, fait du feu et l’allume.

MARIA.

Il ne me reconnaît pas, profitons de son erreur, si je suis assez heureuse pour pénétrer dans la tour, mon Alexis est sauvé, Locten m’a fait connaître une issue secrète par laquelle je saurai le faire évader.

Le soldat lui demande du tabac, elle lui en donne, et l’aide à charger sa pipe qu’elle lui allume avec la sienne ; elle tire une gourde de sa poche, fait semblant d’en boire, le soldat lui en demande. Maria témoigne sa joie, elle lui en donne ; ensuite elle fait semblant de s’en aller, elle donne la main au factionnaire, se retire à l’écart et observe ses mouvements qui marquent le trouble où il est ; il baille, s’endort et tombe derrière la guérite. Maria, au comble de la joie, se saisit du sabre du factionnaire, observe si elle n’a point été aperçue, et se met en faction à sa place ; bientôt faisant réflexion, elle s’écrie.

MARIA.

Ah grands dieux ! et le mot de ralliement.

 

 

Scène VI

 

Il est nuit ; une patrouille passe, elle crie : qui vive ? On lui répond ; patrouille ! Maria leur dit : ralliement ! On vient lui donner le mot d’ordre : elle marque sa joie ; la patrouille continue sa route et sort.

MARIA.

Cher Alexis, c’est pour sauver tes jours que je risque les miens ; ah ! si du moins au fond de cette tour, tu savais que je suis près de toi, si tu connaissais les périls que je brave pour l’arracher de ces lieux.

Elle entend du bruit et se tait, on vient relever les postes, elle donne le mot d’ordre et se trouve hors de faction.

 

 

Scène VII

 

Dans ce moment arrive le comte et Locten ; ce dernier porte un fanal ; le comte mime qu’il désire qu’un soldat porte le fanal et le conduise à la tour. Maria qui se trouve là, s’offre à le porter. Locten le lui donne, elle se fait connaître à lui, surprise et crainte de Locten, elle le rassure et entre dans la tour, suivie du comte et de Locten.

 

 

Scène VIII

 

Le nouveau factionnaire se promène de long en large, il voit son camarade derrière la guérite, il l’éveille et lui conseille de se retirer.

Il sort.

 

 

Scène IX

 

MARIA, LE COMTE, LOCTEN

 

Le comte fait signe à Maria de se retirer, elle s’éloigne éteint son fanal et le pose à terre, se cache pour laisser sortir le comte. Woldeck remet à Locten la clef de la tour, lui recommande de veiller avec exactitude, et sort ; Locten va au devant de Maria, lui remet la clef de la tour et lui fait signe de s’y introduire, tandis qu’il va amuser la sentinelle, la chose s’exécute. Lindorf sort accompagné de Maria, ils passent avec mystère le long des remparts ; pendant ce temps Locten qui voit et suit tous leurs mouvements fait faire une contre-marche au factionnaire, à l’instant où les amants passent devant le petit bastion : on bat la générale, ce sont les paysans et les soldats dévoués à Lindorf, qui viennent attaquer le château. Rimburg est poursuivi par eux, il se retourne, les combat sur le rempart et rentre dans le fort. On lève le pont levis, les soldats de Lindorf attaquent vivement la porte ; Rimburg fait une sortie et repousse ses adversaires. Les soldats du comte pendant ce temps traversent le théâtre et sont censés donner des renforts. Te comte arrive à la tête de sa garde, et mime à Locten qu’il veut qu’on lui amène Lindorf ; on trouve la porte ouverte, tableau de surprise des soldats du comte ; Locten aussitôt fait arrêter et trainer le factionnaire devant Woldeck.

LE COMTE.

Malheureux, qu’as-tu fait de Lindorf ?... soldats qu’on le charge de fers, qu’on le traîne dans les cachots, et que la mort soit le prix de sa trahison.

On emmène le soldat.

Et vous, Locten à qui j’avais confié la clef de cette tour.

LOCTEN.

Seigneur, ma surprise est extrême ; j’ignore les moyens dont il s’est servi pour le faire évader.

À part.

que lui dire !

Haut.

Peut-être une double clef...

LE COMTE.

C’est assez, il ne peut-être encore lors du château, qu’on vole à sa recherche ; tremblez tous, s’il m’échappe ; qu’on m’apporte un fanal, viens avec moi Locten.

Un soldat apporte un fanal, Locten le prend, le comte le suit accompagné de ses gardes, ils descendent dans les fossés ; pendant ce temps, Lindorf et Maria, qui les suivent des yeux, se tiennent embrassés et se recommandent à la providence ; bientôt après le comte revient, il est précédé de Locten, ils cherchent auprès de la tour, derrière la guérite, ensuite ils vont droit au petit bastion, Locten qui est toujours devant y aperçoit les deux amants, reste un instant en tableau, et mine ensuite au comte qu’il n’a vu personne, le comte lui fait comprendre qu’il veut voir par ses yeux, il entre dans le bastion, les amants tournent à mesure que le comte et Locten en font la perquisition, le comte furieux de ne rien trouver, fait un mouvement de rage, et sort. Les amants profitent de ce moment où ils sont seuls, vont droit aux fossés et y descendent : les troupes de Rimburg y arrivent par les remparts, les amants entrés dans le fort ; le factionnaire crie trois fois QUI VIVE avec précipitation, et sonne la cloche qui est à la porte du fort : le comte et Locten à la tête des gardes, arrivent aussitôt. La sentinelle leur fait signe de descendre dans les fossés, ils volent à leur poursuite, pendant ce temps Rimburg arrive avec ses gardes ; le comte et Locten reviennent, ils ont saisi Maria, toujours déguisée ; mais n’ont pu prendre Lindorf.

 

 

Scène X

 

LOCTEN, qui n’a pu éviter de prendre Maria, tire parti de la circonstance et lui dit.

Malheureux, c’est donc toi qui favorisait la, fuite du comte de Munchester ?

LE COMTE.

Traitre, tu vas recevoir le prix de ton audace ; qu’il périsse à l’instant même, soldats obéissez.

Les soldats se mettent en devoir d’exécuter les ordres du comte. Maria se précipite sous les coups des assassins.

LOCTEN, forcé de la découvrir pour la sauver.

Que vois-je ?

Maria !...

LE COMTE.

Que dis-tu ? c’est-elle ! ô bonheur inespéré !

MARIA.

Frappe te dis-je, et délivre moi de l’horreur de te voir, mais tremble, tu ne jouiras pas longtemps de ton triomphe, tu n’échapperas pas à la juste vengeance du comte de Munchester.

LE COMTE.

Ce nom redouble ma rage.

À Maria.

N’espère plus échapper, toi-même, au sort qui t’attend ; c’est sous tes yeux que ton indigne amant perdra la vie tu vas connaître, perfide, ce que peuvent la fureur et l’amour outragés. Rimburg, conduis-là dans cette tour, qu’on me remette la clef ; je n’ai plus de confiance qu’en moi seul.

LOCTEN.

Eh ! quoi seigneur, oubliez-vous que c’est à mes soins que vous devez le bonheur d’avoir retrouvé Maria ?

LE COMTE.

Eh bien ! tu veilleras au pied de cette tour, pendant ce temps, je vole à la poursuite du comte de Munchester ; suis-moi, Rimburg ; il ne peut être encore éloigné de ces lieux : partons.

Il sort avec Rimburg et ses gardes.

 

 

Scène XI

 

LOCTEN, se promenant de long en large

 

MARIA, dans la tour.

Air : Nouveau.

Tandis que la nuit couvre encore
Ce lieu triste et silencieux,
À l’infortuné que j’adore,
Écho va porter mes adieux.
Dis lui que d’un traître, victime,
Je vais périr dans une tour ;
Sans avoir, pour venger ce crime,
Le tendre objet de mon amour.

LOCTEN, chantant.

L’amitié veille pour l’amour.

MARIA.

Ô ciel ! quelle vois bienfaisante,

Vient de répondre à mes accents.
Douce illusion qui m’enchante,
Par pitié, durez plus longtemps ;
Mais, hélas !un énorme silence
Rend encore mon sort plus affreux.
Oh ! vous, témoin de ma souffrance,
Venez m’arracher de ces lieux.

 

 

Scène XII

 

Lindorf à la tête des troupes et les paysans, attaque le château. Rimburg arrive, fait prendre les postes de toutes les issues ; pendant ce temps, les amis de Locten ouvrent la prison de Maria. Le comte arrive dans le moment qu’elle sort, veut la saisir ; il est arrêté par Locten, qui la défend, et lui présente le combat. Plusieurs tableaux mêlés. Lindorf force le pont-levis. Les soldats et les paysans entrent par toutes les issues. Maria s’est saisie d’un sabre, se bat coutre Rimburg ; elle est prête à succomber ; Lindorf vient la délivrer. Grand combat général. Après plusieurs reprises, les deux partis se séparent.

Défi.

LINDORF, à Woldeck.

Vil ravisseur, je pourrais te faire subir les supplices que tu me destinais ; mais, je ne veux point avoir à rougir d’une conduite aussi lâche, le sort des armes va décider entre nous ; je te défie au combat.

Lindorf sort triomphant du combat. Maria se précipite dans les bras de son amant. Tableau général.

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