Madame de Linan (Denis DIDEROT)

Plan d’une Comédie, inédit.

 

Personnages

 

MADAME DE LINAN

MONSIEUR DE LINAN

MADEMOISELLE DE LINAN

SON AMANT

UN FAUX AMI DE MONSIEUR DE LINAN

UNE FAUSSE AMIE DE MADAME

UN AMI VRAI DE LA MAISON

UNE FEMME DE CHAMBRE

 

 

M. de Linan est un homme dérangé dans ses mœurs et dans ses affaires, qui rend la vie très dure à sa femme.
Madame de Linan est la vertu, l’honnêteté et la complaisance même. Son attention continuelle est de ramener l’esprit de son mari, de dérober ses défauts aux autres, de renfermer ses peines et d’en épargner à tout ce qui l’environne.
M. de Linan a un faux ami. M. et Madame de Linan en ont un vrai.
Le faux ami cherche à brouiller sans cesse le mari avec la femme dans l’espérance de profiter de leur mésintelligence, car il est épris de Madame de Linan.
L’ami vrai fait au contraire tous ses efforts pour rapprocher M. de Linan de sa femme et pour lui ouvrir les yeux sur l’injustice de sa conduite et sur les suites de son dérangement.
Entre les moyens sourds du faux ami, le principal est d’accroître les torts du mari par ses conseils et de les exagérer à sa femme, de dire ce qui est, de faire soupçonner ce qui n’est pas, de persuader à M. de Linan que sa femme et son ami sont fort bien ensemble, et en effet ils sont tout près de s’aimer, et d’instruire Madame de Linan de l’intrigue de son mari avec une de ses amies qui la trahit.
Il n’en réussit pas davantage à plaire à Madame de Linan, ni à lui rendre son mari plus odieux ; mais à hâter Madame de Linan et son ami à se séparer, comme ils en avaient formé secrètement le dessein sur le péril qu’ils couraient à se voir d’habitude et à s’estimer beaucoup.
L’ami faux se félicite de l’éloignement de l’ami vrai, car il imagine que cet homme le croisait dans ses vues, et il a raison.
Madame de Linan a une fille d’un caractère honnête et sensible, mais violent, aimant sa mère à la folie, connaissant toute l’amertume de son sort, et irritée contre son père qu’elle ne ménage guère, malgré tout ce que sa mère lui dit pour excuser son père, lui rappeler ses devoirs et la contenir au moins dans le respect.
Cette fille est aimée d’un jeune homme d’un caractère tout à fait doux ; mais le sort de sa mère l’effraye. Elle ne veut pas entendre parler des hommes. Ils sont tous à ses yeux faux, dissimulés et méchants. En conséquence, son amant, quoique aimé d’elle, agréé de sa mère et protégé de l’ami vrai, est très maltraité. D’ailleurs M. de Linan, mal conseillé par son faux ami, et enchanté de faire enrager sa femme, sa fille et l’ami vrai, ne veut pas entendre parler du mariage de sa fille avec cet homme.
Cependant le faux ami l’embarque dans une mauvaise affaire qui renversera toute sa fortune, à moins que Madame de Linan ne réponde à sa passion, ne renonce pour jamais à l’ami vrai, et ne dispose de sa fille à son gré.
Madame de Linan se résout sans balancer à tout perdre plutôt que consentir à aucune de ces choses.
Mais l’ami vrai, qui découvre sa triste situation, obvie aux malheurs qui la menacent, de manière toutefois que Madame de Linan reste seule maîtresse dans sa maison.
Elle ne se sert de son autorité que pour éloigner d’elle l’ami faux, rapprocher son mari de l’ami vrai et conclure le mariage de sa fille et de son amant.
C’est la catastrophe qui renverse la fortune de M. de Linan et qui rompt le mariage de Mademoiselle de Linan avec son amant, qui apprendra à cette jeune fille combien elle aime et combien elle est aimée. Son amant gagne trop à cet événement fâcheux pour s’en affliger. C’est une belle scène à faire que celle de cet amant et de l’ami vrai, dans cette circonstance.
Il y aura tout au travers de cela deux êtres qui feront bien sortir le caractère de Madame de Linan. C’est cette fausse amie, maîtresse de M. de Linan, et une femme de chambre avec laquelle il n’est pas mal.
Belle scène à faire entre M. de Linan et sa maîtresse, lorsque son désastre est regardé comme certain.
La conduite de cette femme sera bien capable de le convertir et de lui apprendre la valeur de la sienne, s’il me plaît d’en faire à la fin un homme de bien.
Lorsque M. de Linan connaîtra son ami, il sera aussi empressé de le rapprocher de sa femme qu’il l’avait été à l’en séparer ; mais ils se refuseront l’un et l’autre à son souhait, sans s’expliquer. 

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