Trois entr'actes pour l'Amour médecin (Alexandre DUMAS Père)

Représentés pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre-Français, le 15 janvier 1850, jour anniversaire de la naissance de Molière.

 

Personnages

 

LE CHEVALIER

LE MARQUIS

LE GENTILHOMME

L’ABBÉ

LA TRUFFARDIÈRE

SUBTIL, allumeur

LAGRANGE

SAMUEL, financier

CHANTOURNÉ, charpentier-décorateur

LA DUPARC

LA DUCROISY

 

 

PREMIER ENTR’ACTE

 

Précédant la pièce.

Au lever du rideau, le théâtre est plongé dans la plus complète obscurité. Il représente une place publique. D’un côté sont les fauteuils des Seigneurs ; de l’autre, le banc des Violons. À droite et à gauche, deux maisons parallèles avec balcon.

 

 

Scène première

 

SUBTIL, CHANTOURNÉ, puis LA DUCROISY

 

Subtil entre avec sa lanterne, sans voir Chantourné, qui est appuyé à la maison de droite.

SUBTIL, se heurtant aux fauteuils.

Bon ! voilà que je me caisse les jambes, moi !

CHANTOURNÉ.

Pourquoi n’allumes-tu pas avant d’entrer, imbécile ? Tu ne viendrais pas déranger toute la mise en scène de M. Molière.

SUBTIL, levant sa lanterne à la hauteur du visage de Chantourné.

Tiens ! c’est toi, Chantourné ?

CHANTOURNÉ.

Sans doute, c’est moi.

SUBTIL.

Que fais-tu là ?

CHANTOURNÉ.

Je suis à mon poste.

SUBTIL.

Un quart d’heure avant qu’on commence ? Allons donc !

CHANTOURNÉ.

Pourquoi pas ? Ce n’est pas comme toi, fainéant, qui es toujours en retard !

SUBTIL.

En retard !... en retard ! Avec ça que c’est amusant, quand on a été comédien, comme les autres... qu’on a débuté, comme les autres... qu’on a joué, comme les autres... et qu’on a été...

CHANTOURNÉ.

Sifflé, comme les autres.

SUBTIL.

Hein ?

CHANTOURNÉ.

Rien ; c’est l’écho !... Mais de quoi diable te plains-tu, je te le demande ? N’es-tu pas le personnage le plus important de la troupe ? Il me semble que c’est toi qui fais la nuit et le jour.

SUBTIL.

Le fait est que je suis le soleil de la maison. Seulement, si le soleil ne flambe pas à heure fixe, Apollon est mis à l’amende et Phébus ne soupe pas.

Allumant.

Tâchons de souper ce soir.

LA DUCROISY, ouvrant sa fenêtre.

Chantourné !... P’st !

CHANTOURNÉ.

Ah ! c’est vous, mademoiselle Ducroisy ?

LA DUCROISY.

As-tu quelque chose pour moi ?

CHANTOURNÉ.

Oui... Attendez !

SUBTIL, se retournant.

Qu’est-ce ?

CHANTOURNÉ.

Rien.

Il tire un mât à la portée du balcon et monte dessus.

SUBTIL.

Que fais-tu donc là ?

CHANTOURNÉ.

Je m’assure que le balcon, côté cour, est solide.

LA DUCROISY.

As-tu vu mon financier ?

CHANTOURNÉ.

Oui.

LA DUCROISY.

Et il ne t’a rien remis pour moi ?

CHANTOURNÉ.

Si fait : ce billet.

LA DUCROISY.

Voilà tout ?

CHANTOURNÉ.

Et cet écrin.

LA DUCROISY.

À la bonne heure !... Tiens, voilà pour toi.

CHANTOURNÉ.

Merci.

La Ducroisy rentre.

SUBTIL.

C’est drôle ! Je croyais que la maison de Sganarelle était du côté jardin.

CHANTOURNÉ.

Oui, quand c’est mademoiselle Duparc qui joue, mais non pas quand c’est mademoiselle Ducroisy. Tu sais bien qu’elles ne veulent absolument rien faire l’une comme l’autre.

SUBTIL.

Je crois bien : elles se haïssent ! Deux jolies femmes, c’est bien naturel. C’est à qui des deux volera à l’autre, aujourd’hui son rôle, demain son amant... quelquefois tous le deux le même jour. Mais comment se fait-il que, pour une première représentation, mademoiselle Duparc, qui est chef d’emploi, cède son rôle à la Ducroisy ?

CHANTOURNÉ.

Bah ! première !... première à la ville. Elle a créé le rôle à la cour, c’est tout ce qu’elle voulait.

LA DUPARC, à la fenêtre, côté jardin.

Chantourné !... P’st !

CHANTOURNÉ.

Oh ! mon Dieu ! qu’est-ce que je vois ?

LA DUPARC.

P’st !

Chantourné traverse le théâtre.

SUBTIL.

Tiens ! que fais-tu donc par là, toi ?

CHANTOURNÉ.

Je m’assure si le balcon du côté jardin ne tombera point.

LA DUPARC.

As-tu facilité de faire remettre ce billet au chevalier ?

CHANTOURNÉ.

Certainement. Je le lui rendrai moi-même, si cela vous est agréable.

LA DUPARC.

Tu peux lui dire en même temps, s’il t’interroge, que ses poursuites sont parfaitement inutiles ; et que, lorsqu’il aura quelque chose à me dire, je l’invite à prendre de l’encre de M. Samuel.

CHANTOURNÉ.

Ah ! de l’amant de la Ducroisy ?

LA DUPARC.

Qui demain sera le mien, si je veux.

CHANTOURNÉ.

C’est bien, on lui dira cela. Il n’y a rien pour le porteur ?

LA DUPARC.

Demande au chevalier.

CHANTOURNÉ.

Ah ! bon ! le chevalier, je n’ai qu’à compter sur lui ! Il doit jusqu’aux talons peints qu’il porte à ses souliers. C’est égal, il n’en aura pas moins le billet. – À propos, comment êtes-vous ici ? C’est donc vous qui jouez le rôle de Lisette ?

LA DUPARC.

Oui.

CHANTOURNÉ.

Mais la Ducroisy... elle est là, dans la maison en face.

LA DUPARC.

Je le sais bien.

CHANTOURNÉ.

Alors ?

LA DUPARC.

Chut !

Elle disparaît.

CHANTOURNÉ.

Bon ! cela va être curieux !

À Subtil.

Eh bien, as-tu fini ?

SUBTIL.

Je voudrais bien le voir allumer quarante-huit chandelles, toi, et les moucher surtout ! Le jour où j’ai débuté dans l’emploi, j’en ai éteint quinze.

Passant devant le trou du Souffleur.

Ah ! vous voilà déjà dans votre trou, monsieur Félix ? Vous n’avez pas un emploi désagréable, vous, à regarder comme cela l’humanité de bas en haut... Felix qui potuit rerum...

CHANTOURNÉ.

Tu sais donc le grec, toi ?

SUBTIL.

Oui, je sais le grec... Boileau le sait bien ! – Au revoir, Chantourné... Voilà ma besogne finie, à moi ; la tienne va commencer.

Il sort.

 

 

Scène II

 

CHANTOURNÉ, LA DUPARC, LA DUCROISY

 

CHANTOURNÉ.

Oh ! elle est déjà commencée depuis une demi-heure... et la voilà même qui continue.

LA DUCROISY, à sa fenêtre.

Chantourné !

CHANTOURNÉ.

Voilà.

LA DUCROISY.

Chut ! Un billet.

CHANTOURNÉ.

Pour M. Samuel ?

LA DUCROISY.

Non, pour le chevalier.

CHANTOURNÉ.

Ah ! bon ! c’est M. Samuel qui vous écrit, et c’est au chevalier que vous répondez.

LA DUCROISY.

Tu lui remettras la lettre à lui-même.

CHANTOURNÉ.

À lui-même !

LA DUCROISY.

Crois-tu qu’il soit vrai qu’il fasse sa cour à la Duparc ?

CHANTOURNÉ.

Bon ! je suis sûr qu’il n’y pense même pas.

LA DUCROISY.

Merci, Chantourné ! Tu es un honnête garçon.

Elle ferme sa fenêtre.

CHANTOURNÉ.

Eh bien, au moins, le pauvre chevalier, s’il est maltraité du côté jardin, il pourra se consoler du côté cour.

LA DUPARC, ouvrant sa fenêtre.

Chantourné !

CHANTOURNÉ.

Voilà.

LA DUPARC.

Tout bien réfléchi, tu ne remettras pas mon billet au chevalier.

CHANTOURNÉ.

Non, n’est-ce pas ? Cela lui ferait trop de peine.

LA DUPARC.

Tu as raison ; rends-le-moi.

CHANTOURNÉ.

Attendez... Le voilà.

LA DUPARC.

Et tu ne lui diras rien non plus de mes sévérités. Pauvre garçon ! il ne faut pas le désespérer.

CHANTOURNÉ, à part.

Bon ! elle en est amoureuse !

LA DUPARC, lui donnant un écu.

Tiens, prends ! c’est pour la peine que je l’ai donnée.

CHANTOURNÉ.

Merci.

LA DUPARC.

Ah ! dis donc ?

CHANTOURNÉ.

Quoi ?

LA DUPARC.

As-tu jamais entendu dire que le chevalier fût bien avec la Ducroisy ?

CHANTOURNÉ.

Moi ? Jamais !

LA DUPARC.

À la bonne heure ! Tu es un brave garçon, Chantourné.

Elle ferme sa fenêtre.

 

 

Scène III

 

CHANTOURNÉ, SAMUEL, SUBTIL

 

SUBTIL, à Samuel.

Vous demandez M. Chantourné, n’est-ce pas ?

SAMUEL.

Je demande un décorateué qui s’est chargé de remettre un billet pour moi à celle dont les yeux d’amour mourir me font.

CHANTOURNÉ, à part.

Tiens ! je donnerai celle-là à M. Molière.

SUBTIL.

Ah ! Chantourné, mon ami, voilà donc le commerce que tu fais ? Ça ne m’étonne plus que tu sois ici de si bonne heure.

SAMUEL, à Chantourné.

Lui as-tu remis mon billet ?

CHANTOURNÉ.

Je crois bien !

SAMUEL.

Et mon écrin ?

CHANTOURNÉ.

Pardieu !

SAMUEL.

A-t-elle paru satisfaite ?

CHANTOURNÉ.

Elle a jeté des cris...

SAMUEL.

Des cris... de quoi ?

CHANTOURNÉ.

D’admiration !

SAMUEL.

Oh !... Et elle ne t’a rien remis ?

CHANTOURNÉ.

Si fait.

SAMUEL.

Ah ! Que t’a-t-elle remis ?

CHANTOURNÉ.

Un billet.

SAMUEL.

Un billet ! Donne.

CHANTOURNÉ.

Ce n’est pas pour vous.

SAMUEL.

Pour qui donc ?

CHANTOURNÉ.

Pour le chevalier.

SAMUEL.

Pour ce muguet !... Elle t’a donné un billet pour lui ?

CHANTOURNÉ.

Son congé, monsieur Samuel, son congé.

SAMUEL.

Cependant, si tu te trompais ?

CHANTOURNÉ.

Vous allez voir comme il va être triste.

SAMUEL.

Je regarde... et, s’il est triste, tu seras content, toi !

CHANTOURNÉ, à part.

Bon ! s’il n’y a pas un louis là-dessous, je suis dévalisé.

 

 

Scène IV

 

CHANTOURNÉ, SAMUEL, LE CHEVALIER

 

LE CHEVALIER.

Chantourné !

CHANTOURNÉ.

Monsieur le chevalier ?

LE CHEVALIER.

Tu n’as rien pour moi ?

CHANTOURNÉ.

De qui ?

LE CHEVALIER.

De l’une ou de l’autre de nos Lisettes ; car je suis comme notre financier... aux finances près : je chasse deux belles à la fois.

CHANTOURNÉ.

Eh bien, vous avez fait coup double : j’ai réponse de toutes deux.

LE CHEVALIER.

Ah !

CHANTOURNÉ.

Un billet de la Ducroisy, d’abord.

LE CHEVALIER.

Donne, mon ami, donne !

Il lit.

« Mon cher chevalier, on ne demande pas mieux que de vous écouter, bien qu’on en écoute autant d’un financier. » C’est charmant !

SAMUEL, à Chantourné.

Il n’a pas l’air triste du tout... au contraire !

CHANTOURNÉ.

Attendez donc qu’il ait lu le post-scriptum.

LE CHEVALIER, lisant.

« Post-Scriptum. – Voilà ce qu’on aurait pu répondre à ce que vous dites, si vous n’en disiez autant à la Duparc... » Le post-scriptum fait semblant de déchirer la lettre ; mais la lettre est entière... et nous sommes à la comédie.

SAMUEL, à Chantourné.

Eh bien, mais, il résiste au post-scriptum.

CHANTOURNÉ.

Il est de dure constitution. Heureusement, vous allez voir.

Au Chevalier.

Pour ce qui est de la Duparc, j’ai d’elle, à votre adresse, des paroles et un billet. « Donne cette lettre au chevalier, m’a-t-elle dit, et invite-le de vive voix à m’écrire de l’encre dont se sert Samuel pour écrire à la Ducroisy. »

LE CHEVALIER.

Et de quelle encre se sert-il donc ?

CHANTOURNÉ.

D’encre noire comme la vôtre, je présume ; seulement, il la fait sécher avec de la poudre d’or.

Le Chevalier pousse un gros soupir. À Samuel.

Vous entendez ?

SAMUEL.

J’entends !

Lui donnant une pièce de monnaie.

Tiens !

CHANTOURNÉ, regardant la pièce.

Rien qu’un petit écu ?... Attends ! attends !

LE CHEVALIER, à Chantourné.

N’importe ! Donne-moi sa lettre.

CHANTOURNÉ.

Eh ! je ne l’ai plus ! Elle me l’a reprise, et elle a rouvert cette fenêtre pour me recommander de ne rien vous dire du tout.

LE CHEVALIER.

Et sais-tu pourquoi ?

CHANTOURNÉ.

Parbleu !... parce qu’elle vous aime.

LE CHEVALIER.

Comment, elle m’aime ?... Ah ! mon bon ami ! mon bon ami !

SAMUEL, tirant Chantourné à part.

Mais, dis donc. Chantourné, il redevient très gai.

CHANTOURNÉ, sèchement.

Je l’espère bien !... Un petit écu ! Ah ! vous voulez qu’on soit triste pour un petit écu, vous ? C’est votre présent qui était triste... Un petit écu !

SAMUEL.

Ce pauvre Chantourné ! Je croyais t’avoir donné un louis. Tiens !

CHANTOURNÉ.

À la bonne heure !... Regardez maintenant.

Au Chevalier.

Vous avez une petite maison quelque part ?

LE CHEVALIER.

Ma foi, non !

CHANTOURNÉ.

Non ?... Enfin, vous avez en bas votre carrosse ?

LE CHEVALIER.

Non plus, hélas !

CHANTOURNÉ.

Vous avez bien sur vous votre bourse ?

LE CHEVALIER.

Pas un sol.

CHANTOURNÉ.

Ah bien, si vous n’avez ni petite maison, ni carrosse, ni bourse, je n’ai rien à vous dire ; et soyez sûr que la Duparc n’a rien à vous dire non plus.

LE CHEVALIER, frappant du pied.

C’est désespérant !

CHANTOURNÉ, à Samuel.

Monsieur Samuel, voilà votre homme lugubre pour plus de mille livres.

 

 

Scène V

 

SAMUEL, LE CHEVALIER, LE MARQUIS, LE GENTILHOMME

 

Le Gentilhomme entre le premier, d’un air morose.

LE MARQUIS.

Vous n’avez point vu ceci à Versailles ? Voulez-vous que je vous raconte la pièce ?

LE GENTILHOMME.

Non.

LE MARQUIS.

C’est fort drôle, en vérité ; ce Molière a quelque esprit.

LE GENTILHOMME.

Non.

LE MARQUIS.

Mais vous venez à Molière pour vous divertir ?

LE GENTILHOMME.

Non.

LE MARQUIS.

Pourquoi y venez-vous ?

LE GENTILHOMME.

Je ne sais où aller.

LE MARQUIS, à part.

Voyons où il va s’asseoir, car j’irai m’asseoir ailleurs.

 

 

Scène VI

 

SAMUEL, LE CHEVALIER, LE MARQUIS, LE GENTILHOMME, L’ABBÉ et LA TRUFFARDIÈRE, puis UNE ACTRICE, représentant la Comédie, LAGRANGE

 

L’ABBÉ.

Mon cher monsieur de la Truffardière, vous m’avez demandé de venir à la comédie avec nos seigneurs à la mode... Nous y voilà... Maintenant, tirez-vous de là comme vous pourrez.

LE MARQUIS.

Quel diable d’homme nous amènes-tu donc là, l’abbé ?

L’ABBÉ.

Ce n’est pas un homme : c’est un provincial.

LA TRUFFARDIÈRE, allant toucher la toile des décorations.

Tiens ! ce ne sont pas de vraies maisons.

À l’Abbé, en lui montrant la Comédie.

Qu’est-ce que c’est que cette marionnette ? Est-ce que c’est peint comme les maisons ?

L’ABBÉ.

Assurez-vous-en, mon cher.

LE CHEVALIER, bas, à la Comédie.

Ne bougez pas !

LA TRUFFARDIÈRE, allant toucher la Comédie, qui lui donne un soufflet.

Ah !... c’est une vraie femme !... Que disiez-vous donc l’abbé, que c’était peint ?

L’ABBÉ.

C’est peint... mais pas sur toile.

LAGRANGE, entrant.

Allons, mesdames la Musique, le Ballet, la Comédie, dans la gloire !

LA TRUFFARDIÈRE, à l’Abbé.

Dites donc, on nous a fait payer en entrant, et, si nous ne sommes pas contents à la fin ?... Peste ! six violons !

L’ABBÉ.

Vous n’êtes pas malheureux : vous tombez sur un jour de grande symphonie.

LA TRUFFARDIÈRE.

Et combien donne-t-on à ces racleurs ?

L’ABBÉ.

Quinze sous d’habitude ; mais, comme vous êtes là, il y aura peut-être des ritournelles.

LA TRUFFARDIÈRE.

Et quand il y a des ritournelles ?

L’ABBÉ.

C’est trente sous.

LA TRUFFARDIÈRE.

Oh ! oh !... Moi, quand j’ai des violons, je paye cinq sous par archet.

VOIX DU PARTERRE.

Silence donc, messieurs !

LA TRUFFARDIÈRE.

Tiens ! il y a du monde là-bas !

VOIX DU PARTERRE.

À vos places ! vous nous empêchez de voir. Nous ne sommes pas venus pour vous voir.

LE CHEVALIER.

En vérité, ils sont charmants ! quand ils ne verraient pas, le beau malheur !... Est-ce que c’est pour eux qu’on joue la comédie ?

VOIX DU PARTERRE.

Chut ! chut ! chut !

Les Violons jouent la symphonie ; tous les Seigneurs prennent leurs places.

 

 

Prologue de l’Amour médecin

 

 

Scène première

 

SAMUEL, LE CHEVALIER, LE MARQUIS, LE GENTILHOMME, L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LA COMÉDIE, LA MUSIQUE, LE BALLET

 

LA COMÉDIE.

Quittons, quittons notre vaine querelle ;
Ne nous disputons point nos talents tour à tour.
Et d’une gloire plus belle
Piquons-nous en ce jour ;
Unissons-nous tous trois d’une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Unissons-nous tous trois d’une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi da monde.

LA MUSIQUE.

De ses travaux, plus grands qu’on ne peut croire,
Il se vient quelquefois délasser parmi nous.

LE BALLET.

Est-il plus grande gloire ?
Est-il bonheur plus doux ?

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Unissons-nous tous trois d’une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

Les trois Personnages se retirent.

 

 

Scène II

 

LE CHEVALIER, LE GENTILHOMME, SAMUEL, L’ABBÉ, LE MARQUIS, LA TRUFFARDIÈRE

 

LE CHEVALIER.

Ah ! vivat ! la Comédie, vivat !

LE GENTILHOMME.

Oui, elle est belle !

L’ABBÉ.

Tiens ! voilà déjà M. de la Truffardière qui est endormi.

LE CHEVALIER.

Il a payé sa place ?

L’ABBÉ.

Oui.

LE CHEVALIER.

Eh bien, laissez-le dormir.

On voit le rideau d’avant-scène se baisser.

SAMUEL.

Mais prenez donc garde, chevalier !

LE CHEVALIER.

À quoi ?

SAMUEL.

Au rideau.

Le rideau tombe ; le Chevalier et Samuel se trouvent en avant.

 

 

Scène III

 

LE CHEVALIER, SAMUEL

 

LE CHEVALIER.

Cela tombe à merveille ! je désirais vous entretenir en tête-à-tête, cinq minutes, mon cher Samuel.

SAMUEL.

Moi ?

À part.

Je le vois venir... il va m’emprunter de l’argent.

LE CHEVALIER, regardant le chapeau de Samuel.

Ah ! mon cher, quelle plume ! ce n’est pas une plume d’autruche, ceci ; c’est une plume de phœnix ! Où diable ces financiers vont-ils chercher les oiseaux qu’ils plument ?

Il met le chapeau sur sa tête.

Quand ou est coiffe de la sorte, c’est fini ; on n’a plus besoin d’avoir de l’esprit, on n’a plus besoin d’avoir de la tournure, on est... on est coiffé !

SAMUEL.

En vérité, chevalier, vous me rendez confus !

LE CHEVALIER.

Je vous disais donc que j’avais un service à vous demander. Oui, vous avez une fortune de prince, mon cher Samuel, un carrosse de cardinal, et une petite maison... en vérité, une petite maison de marquis. – Oh ! qu’est-ce que j’aperçois là ! et quel prodigieux nœud d’épée ! D’honneur, cette petite vie est de la meilleure faiseuse. Laissez-moi donc voir.

Il essaye de tirer du fourreau l’épée de Samuel.

Ouais ! qu’y a-t-il donc à votre épée ?

SAMUEL.

C’est inutile.

LE CHEVALIER.

Comment, c’est inutile ?

SAMUEL.

La poignée ne fait qu’un avec le fourreau.

LA CHEVALIER.

Ah ! vraiment ?

SAMUEL.

Oui... Vous comprenez, je cannais ma mauvaise tête et je m’en défie. J’ai la main malheureuse ! Pour une bagatelle, je mets flamberge au vent... et les duels sont sévèrement défendus.

LE CHEVALIER.

Oui ; et, pour ne pas désobéir au roi, vous avez fait faire une épée inamovible, comme dit mon procureur. – Je vous disais donc, mon cher Samuel, qu’il faut absolument que vous me prêtiez pour ce soir...

SAMUEL.

Quoi ? ma bourse, mon carrosse ou ma petite maison ?

LE CHEVALIER.

Tous les trois, mon cher Samuel. Il faut vous dire que je suis sur le point d’être du dernier mieux avec une femme de la cour.

SAMUEL.

Mon cher chevalier, vous ne m’en donnerez pas à garder. Vous ne m’empruntez pas ma bourse, mon carrosse et ma petite maison pour celle que vous dites.

LE CHEVALIER.

Et pour qui donc ?

SAMUEL.

C’est pour vous divertir avec la Duparc, ou avec la Ducroisy.

LE CHEVALIER.

Eh bien, mon cher monsieur Samuel, quand cela serait ? Vous ne pouvez pas les prendre toutes deux, que diable !

SAMUEL.

Pourquoi pas ? Je suis assez riche.

LE CHEVALIER.

Soit ; usez de vos écus, j’userai de mon mérite, et nous verrons qui l’emportera.

SAMUEL.

Soit ; usez de vos mérites ; mais vous n’userez pas de mes écus.

LE CHEVALIER.

En conséquence ?...

SAMUEL.

En conséquence, je garde ma clef, mon carrosse et ma bourse.

LE CHEVALIER.

Gardez, mon cher, gardez ; il viendra une heure où vous m’offrirez tout cela.

SAMUEL.

Et vous refuserez ?

LE CHEVALIER.

Non, ou j’accepterai. Je n’ai pas de rancune, moi.

Le rideau se relève.

SAMUEL, en le lui montrant.

En attendant, chevalier...

LE CHEVALIER.

Oui, c’est vrai ; voilà la comédie qui recommence.

Ils reprennent leurs places.

 

 

L’Amour médecin

 

 

ACTE I

 

 

Scène première

 

AMINTE, LUCRÈCE, SGANARELLE, M. GUILLAUME, M. JOSSE

 

On joue la scène entière.

 

 

Scène II

 

SGANARELLE, LUCINDE

 

On joue la scène entière.

 

 

Scène III

 

LISETTE-DUPARC, LISETTE-DUCROISY, LUCINDE, SGANARELLE, puis LAGRANGE

 

LES DEUX LISETTE, ensemble.

Eh bien, monsieur, vous venez d’entretenir votre fille.

SGANARELLE, les apercevant.

Ah ! mon Dieu !

LUCINDE, de même.

Ah ! mon Dieu !

LA DUCROISY, à la Duparc.

Pardon, mademoiselle, pardon !

LA DUPARC.

De quoi me demandez-vous pardon, mademoiselle ?

LA DUCROISY.

Mais de vous interrompre.

LA DUPARC.

Ah ! vous êtes bien libre de m’interrompre ; mais, moi, je suis libre de continuer.

À Sganarelle.

Eh bien, monsieur, vous venez d’entretenir votre fille...

LA DUCROISY, après la Duparc.

Eh bien, monsieur, vous venez d’entretenir votre fille...

LAGRANGE, intervenant.

Mesdemoiselles, Sganarelle ne peut cependant pas avoir deux Lisette.

CRIS, au parterre et sur les fauteuils des Seigneurs.

La Ducroisy ! La Duparc ! – La Ducroisy ! La Duparc !

LAGRANGE, au Public.

Messieurs, un peu de patience, je vous prie !

CRIS, au parterre.

Silence ! silence !

LAGRANGE.

Messieurs, en l’absence de M. de Molière, j’ai l’honneur d’être le premier orateur de la troupe.

Au Public.

Ces dames sont en rivalité de rôle, en rivalité de talent, et surtout en rivalité de désir d’avoir l’honneur de jouer devant vous. Si jamais interruption fut excusable, c’est donc celle-ci.

CRIS, au parterre.

Vivat ! vivat ! vivat !

LAGRANGE.

Mais je vais en deux mots terminer ce petit différend. – Allons, mesdemoiselles, faisons vite.

LA DUPARC.

Ayant créé le rôle à Versailles, j’ai le droit de le reprendre quand je veux, je suis chef d’emploi.

LA DUCROISY.

Et moi, ayant reçu mon avertissement pour ce soir, j’ai le droit de le jouer ce soir.

LA DUPARC.

Je suis chef d’emploi.

LA DUCROISY.

Oui, vous avez le droit de créer les rôles ; mais vous n’avez pas le talent de les jouer.

LA DUPARC.

Je suis chef d’emploi.

LAGRANGE.

Mademoiselle Ducroisy, vos raisons sont excellentes...

LA DUCROISY.

Ah !

LAGRANGE.

Mais celle que fait valoir mademoiselle Duparc est meilleure encore.

LA DUPARC.

Ah !

LA DUCROISY.

Comment, meilleure ?

LAGRANGE.

Ainsi donc, mademoiselle Ducroisy, vous êtes invitée à rendre le rôle.

LA DUCROISY.

Abomination des abominations !

LAGRANGE.

Et vous, mademoiselle Duparc, à continuer.

LA DUPARC.

C’est le jugement de Salomon.

LA DUCROISY, enrageant.

Ah !...

LAGRANGE, au Public.

Messieurs, nous vous présentons nos très humbles excuses pour ce qui vient de se passer. Il y a eu, comme vous voyez, un petit malentendu entre ces dames ; mais tout est éclairci, et la représentation va continuer sans être désormais interrompue.

LA DUCROISY, en sortant.

Oui, compte là-dessus !

Lagrange sort. On reprend la scène III de l’Amour médecin, et l’on continue jusqu’à la fin du premier acte.

 

 

DEUXIÈME ENTR’ACTE

 

Après le divertissement, et avant de commencer le deuxième acte.

 

 

Scène première

 

LE CHEVALIER, LE MARQUIS, L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LE GENTILHOMME, SAMUEL

 

LE CHEVALIER.

Eh bien, marquis, que dis-tu de ce premier acte ?

LE MARQUIS.

Que le sieur de Molière se gâte et va de mai en pis. Il a cependant des exemples sous les yeux, que diable ! M. Scarron, M. Jodelle, M. Cyrano de Bergerac... Et puis avez-vous remarqué comme c’est écrit ? Est-ce que Sganarelle ne dit pas trivialement : « Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ! »

L’ABBÉ.

Eh bien, vous verrez que cette bêtise-là passera en proverbe, comme tarte à la crème.

LE CHEVALIER.

Et quand on pense que le roi trouve cela admirable !

LE MARQUIS.

Ce sont les épicuriens de M. Fouquet qui ont perverti le goût de Sa Majesté.

L’ABBÉ.

Votre avis, la Truffardière ?

La Truffardière ronfle.

Eh bien, vous le voyez, messieurs, pour un provincial, il n’est pas si bête !

Appelant.

La Truffardière ! la Truffardière !

LA TRUFFARDIÈRE.

Quoi ?

L’ABBÉ.

Vous pouvez vous réveiller, mon cher, l’acte est fini.

LA TRIFFARDIÈRE.

Ah ! l’acte est fini ? J’en suis fort aise. S’est-on bien amusé ?

L’ABBÉ.

Beaucoup.

LA TRUFFARDIÈRE.

Oui, des phrases ! Moi, j’y perds mon latin. D’honneur, je ne sais pourquoi ce M. Molière est si goûté à Paris, et même en province. Je n’y ai jamais rien compris.

L’ABBÉ.

Dame, mon cher, vous avez une si curieuse manière d’écouter.

LA TRUFFARDIÈRE, à part.

Pédant !

Haut.

Moi, je ne me complais pas à toutes ces recherches de la grammaire. Mon vocabulaire n’a que deux maximes : Aller à la chasse sur mes terres, aller à l’amour sur les terres des autres.

L’ABBÉ.

Comment avez-vous dit, la Truffardière ? C’est assez recherché, ce qui vient de vous échapper là.

LA TRUFFARDIÈRE.

Mais oui, n’est-ce pas ? Je ne sais pas comment cela se fait, il y a des gens qui sont toujours sur le point de dire une bêtise ; moi, je suis toujours sur le point d’avoir-de l’esprit.

Il éternue.

L’ABBÉ.

Alors, mon cher, vous espérez que l’esprit est comme la fortune, et qu’il vous viendra en dormant ? Est-ce pour cela que vous fréquentez la comédie ?

LA TRUFFARDIÈRE.

Non, c’est pour les violons... Et puis je ne suis pas fâché de dire dans ma province que j’ai vu la troupe de M. Molière.

L’ABBÉ.

Eh bien, qu’en dites-vous, de la troupe de M. Molière ?

LA TRUFFARDIÈRE.

J’aime mieux Geneviève de Brabant.

LE CHEVALIER, au Gentilhomme morose.

Et vous ?

LE GENTILHOMME.

Ce que j’aime dans Molière, c’est la statue du Commandeur.

LA TRUFFARDIÈRE.

À vous parler franc, votre M. Molière n’est point galant dans son langage. Il m’a été répété qu’il lâchait le mot cocu, comme si cela ne blessait personne ; tandis qu’au contraire...

Il s’étend dans son fauteuil.

L’ABBÉ.

Eh bien, que faites-vous donc ? vous vous rendormez ?

LA TRUFFARDIÈRE.

Non, j’attendrai le commencement du deuxième acte. Vous m’avertirez, n’est-ce pas ? À la comédie, voyez-vous, on rêve tout éveillé : comédie pour comédie, j’aime mieux, moi, rêver tout endormi.

LE CHEVALIER.

Mais c’est un la Rochefoucauld de province que tu nous as amené là, l’abbé ?

L’ABBÉ, à la Truffardière.

Eh ! mon cher, vous vous plaignez d’avoir payé votre place ; vous n’avez payé que pour un fauteuil ; on aurait dû vous faire payer pour un lit.

LA TRUFFARDIÈRE.

Aussi, je ne me plains plus.

La Ducroisy passe.

 

 

Scène II

 

LE CHEVALIER, LE MARQUIS, L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LE GENTILHOMME, SAMUEL, LA DUCROISY

 

LE MARQUIS, arrêtant la Ducroisy.

Que veux-tu, Lisette ?

LA DUCROISY.

Ce n’est pas vous.

L’ABBÉ.

Est-ce moi, la belle enfant ?

LA DUCROISY.

Ce n’est pas vous non plus ; c’est M. Samuel.

L’ABBÉ.

Holà, Midas ! Crésus ! Mondor !

Allant à Samuel et lui frappant sur l’épaule.

Comment ! mon cher Samuel, je vous fais la politesse de vous donner tous vos noms de baptême, à vous qui n’êtes pas baptisé, et vous ne répondez pas ?

SAMUEL.

Non, je faisais remarquer à ces messieurs une nouvelle impertinence du sieur Molière, à l’endroit de la noblesse...

L’ABBÉ.

Eh bien, en quoi cela vous touche-t-il, vous ? Tenez, tournez l’œil par ici, et voyez ce qui vous attend.

SAMUEL, apercevant la Ducroisy.

Ah ! c’est vous, mon petit bouchon ?

LA DUCROISY.

Oui, c’est moi.

SAMUEL.

Et vous me demandez ?

LA DUCROISY.

Je vous demande.

SAMUEL.

Serais-je assez heureux... ?

LA DUCROISY.

Vous serez aussi heureux que vous voudrez.

SAMUEL.

Que voulez-vous pour cela ? mon portefeuille, ma caisse, mes contrats de rente ?...

LA DUCROISY.

C’est trop et trop peu ; rien de ce que vous venez de dire.

SAMUEL.

Voyons, expliquez-vous et promptement. Ne voyez-vous pas que je brûle ?

LA DUCROISY.

Il s’agit d’enlever la Duparc.

SAMUEL.

Comment, d’enlever la Duparc ?

LA DUCROISY.

Oui.

SAMUEL.

Ah ! vous voulez me tenter, friponne !

LA DUCROISY.

Vous tenter, moi ?

SAMUEL.

Vous avez entendu dire que je m’occupais d’elle, et vous voulez savoir...

LA DUCROISY.

Oh ! ma foi, non. Occupez-vous d’elle, ou ne vous en occupez pas, cela m’est bien égal.

SAMUEL.

Que désirez-vous donc, alors ?

LA DUCROISY.

Je vous l’ai dit.

SAMUEL.

Et quelle sera ma récompense ?

LA DUCROISY.

Vous la fixerez vous-même.

SAMUEL.

Je fixerai ma récompense ?... Après le spectacle, la Duparc est une femme enlevée.

LA DUCROISY.

Ce n’est pas après le spectacle qu’il faut l’enlever, c’est tout de suite.

SAMUEL.

Comment, tout de suite ?

LA DUCROISY.

Dans cinq minutes.

SAMUEL.

Mais, dans cinq minutes, elle va être en scène.

LA DUCROISY.

Eh bien, avant qu’elle soit en scène.

SAMUEL.

Oh ! oh !

LA DUCROISY.

Vous ne voulez pas ? Je vais m’adresser à un autre, et un autre aura la récompense.

SAMUEL.

Halte-là ! Oh ! je ne dis point que je ne veux pas. Entendons-nous seulement un peu sur cet enlèvement.

LA DUCROISY.

Eh ! mon Dieu, ne dirait-on pas qu’un enlèvement est une affaire ? En deux mots, voici mon traité : celui qui enlèvera la Duparc, avant le commencement du deuxième acte, sera le bienvenu à souper ce soir, chez moi, entre onze heures et minuit.

SAMUEL.

Foi de Ducroisy ?

LA DUCROISY.

Foi de Lisette !

SAMUEL.

Allons, je me dévoue.

LA DUCROISY.

Plaignez-vous donc ! une jolie femme vous en fait enlever une autre et vous promet à souper pour votre récompense. Vous êtes trop heureux !

SAMUEL.

Trouvez-vous ?

La Ducroisy sort en haussant les épaules.

 

 

Scène III

 

LE CHEVALIER, LE MARQUIS, L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LE GENTILHOMME, SAMUEL

 

SAMUEL, à part.

Il y a quelque chose là-dessous... J’ai surpris un coup d’œil échangé entre elle et le chevalier. On veut m’éloigner sans doute. Ouais ! Croit-on avoir affaire à l’un des Gérontes de M. Molière ? On se trompe, alors. – Samuel, un Géronte !... Pas de ça, Lisette. Le tout est de trouver une idée... Hum !... hum !... – Ah ! tiens !... mais c’est une idée, cela !... Si je proposais... Ah ! c’en est une...Si je proposais au chevalier... Oh ! mais... et une excellente !... Je l’éloignerais, tandis que, caché derrière quelque toile, grâce à mon ami Chantourné...

Il appelle.

Chevalier ! chevalier !...

LE CHEVALIER.

Je vous préviens, mons Samuel, que, si vous ne m’appelez pas pour faire amende honorable, je ne me compromets pas à causer avec vous.

SAMUEL.

Eh bien, chevalier, c’est vrai, j’ai réfléchi.

LE CHEVALIER.

Vous avez réfléchi, vous ? Impossible ! C’est calculé que vous voulez dire.

SAMUEL.

Non, réfléchi !... J’ai réfléchi qu’à tout prendre, vous faisiez bien état de moi, en me choisissant pour vous obliger.

LE CHEVALIER.

Eh bien, voilà la première fois de votre vie, mon cher Samuel, que vous dites une chose qui ait le sens commun.

SAMUEL.

Je viens donc vous offrir...

LE CHEVALIER.

Quoi ?

SAMUEL.

Ma bourse.

LE CHEVALIER.

Ah !

SAMUEL.

Mon carrosse.

LE CHEVALIER.

Ah ! ah !

SAMUEL.

Et la clef de ma petite maison, libertin !

LE CHEVALIER.

Ah ! ah ! ah !

SAMUEL.

Mais à une condition.

LE CHEVALIER.

Voyons, de quoi s’agit-il ?

SAMUEL.

Il s’agit tout bonnement d’enlever la Duparc.

LE CHEVALIER.

D’enlever la Duparc ? Cela me va... Et quand faut-il l’enlever ?

SAMUEL.

Tout de suite.

LE CHEVALIER.

Cela me va de mieux en mieux !

SAMUEL.

Avant que le deuxième acte commence.

LE CHEVALIER.

Très bien, mon cher !...

Il fait un mouvement. À part.

Moi qui allais l’embrasser !

SAMUEL.

En conséquence, voici ma bourse.

LE CHEVALIER, la soupesant.

Peuh !

SAMUEL.

Voici mon laquais.

Appelant.

Venez ici, grisou, et obéissez à monsieur.

LE CHEVALIER.

Belle livrée !

SAMUEL.

Et voici la clef de ma petite maison.

Il lui donne une clef de porte cochère.

LE CHEVALIER.

La maison peut être petite, mais la clef !... où diable vais-je la mettre ? Ah ! je la ferai porter par le grison. – Portez cette clef, mon ami.

SAMUEL.

Ainsi, dans cinq minutes... ?

LE CHEVALIER.

Soyez tranquille ; dans cinq minutes, Hélène sera enlevée.

Il sort avec le grison.

SAMUEL.

Ces diables de gentilshommes, cela ne doute de rien ! S’il m’avait fallu enlever la Duparc, j’en aurais eu pour deux jours, moi... sans compter les nuits. Ah ! voyons, où me cacher maintenant ? Que mon adorable Lisette me croie à l’œuvre.

 

 

Scène IV

 

LE MARQUIS, L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LE GENTILHOMME, SAMUEL, CHANTOURNÉ

 

CHANTOURNÉ, entrant, à la cantonade.

Très bien, monsieur le chevalier, très bien, soyez tranquille.

À part.

Il m’a donné trois louis ; est-ce qu’il aurait hérité de l’empereur du Mogol, par hasard ?

Haut.

Pardon, monsieur Samuel, il faut que j’avance le manteau d’Arlequin.

SAMUEL.

Ah ! c’est toi, mon ami ? Je te cherchais.

CHANTOURNÉ.

Du train dont vous y alliez, si je n’étais pas venu à vous, vous ne m’eussiez certainement pas trouvé.

SAMUEL.

Il s’agit de me rendre un service.

CHANTOURNÉ.

Un service, à vous ? Deux, si vous voulez.

SUBTIL, qui est entré.

Pardon, voulez-vous me laisser moucher les chandelles, s’il vous plaît ?

À part.

Voilà encore cet intrigant de Chantourné qui fait quelque changement à vue.

SAMUEL, à Chantourné.

Écoute : il faut que tu me caches dans un endroit.

CHANTOURNÉ.

Dans quel endroit ?

SAMUEL.

Dans un endroit d’où je puisse tout voir sans être vu.

CHANTOURNÉ.

Eh ! ce n’est pas facile... Le théâtre représente une place publique. Voulez-vous vous cacher dans la maison de Sganarelle, côté cour ?

SAMUEL.

Ouiche ! Et la Ducroisy ?

CHANTOURNÉ.

Voulez-vous vous cacher dans la maison de Sganarelle, côté jardin ?

SAMUEL.

Ouais ! Et la Duparc !

CHANTOURNÉ.

Excepté ce que je vous offre, je ne vois pas... – Attendez donc !... si fait ; j’ai votre affaire.

SAMUEL.

Ah ! mon ami !

CHANTOURNÉ.

Une idée !

SAMUEL.

Tu as donc une idée aussi, toi ? Mais tout le monde en a donc, des idées, ici ?

CHANTOURNÉ.

Je vous mets avec les Jeux, les Ris et les Amours. J’espère que vous ne serez pas en mauvaise compagnie, hein ?

SAMUEL.

Où cela me mets-tu ?

CHANTOURNÉ.

Dans la gloire, parbleu !

SAMUEL, étonné.

Dans la gloire !... Qu’est-ce que c’est que ça ?

CHANTOURNÉ.

Le nuage du dénouement, parbleu !

SAMUEL.

Tiens, dans la gloire, et avec les Jeux, les Ris et les Amours... Diable !

CHANTOURNÉ.

Que dites-vous de cela ?

SAMUEL.

Je dis que c’est affriolant. Mais peut-on s’y fier, à ta gloire ? Moi, je n’aime pas quitter la terre. – N’importe ! je me risque.

CHANTOURNÉ.

Vous savez que, lorsqu’on emménage, le premier terme se paye d’avance.

SAMUEL.

Volontiers !... Ah ! mais le chevalier a ma bourse.

CHANTOURNÉ.

Tant pis ! Pas d’argent, pas de... gloire.

SAMUEL.

Comment ! tu me refuses crédit, Chantourné !

CHANTOURNÉ.

Faites-moi votre billet.

SAMUEL, lui donnant une bague.

Tiens, bourreau ! voilà une bague.

CHANTOURNÉ, la mettant à son doigt.

Eh bien, si l’on t’avait dit, Chantourné, que tu porterais un diamant à ton petit doigt, ni plus ni moins qu’un marquis.

LE MARQUIS, mettant son petit doigt à côté de celui de Chantourné.

Avec cette différence, mon ami, que le tien est vrai, et que les nôtres sont faux.

SAMUEL.

Eh bien ?

CHANTOURNÉ.

Me voilà ! venez. – Allons, les Ris, les Jeux et les Amours, rentrons dans notre machine. – Hein ! monsieur Samuel, le joli petit troupeau dont je vous fais berger !

Samuel entre dans la gloire, que l’on enlève tandis qu’on baisse le rideau. On frappe les trois coups ; chacun reprend sa place. Le rideau se lève pour le deuxième acte.

 

 

Scène V

 

L’ABBÉ, LA TRUFFARDIÈRE, LAGRANGE, LE MARQUIS, CHANTOURNÉ

 

L’ABBÉ, à la Truffardière.

Mon cher, je vous avertis que l’acte commence ; vous pouvez vous coucher.

LA TRUFFARDIÈRE.

Ah ! bonsoir, l’abbé.

LAGRANGE, entrant.

Eh bien, Lisette ?... Je ne vois pas Lisette.

L’ABBÉ.

Elle était là tout à l’heure.

LAGRANGE, appelant.

Mademoiselle Duparc !

DANS LES COULISSES.

Mademoiselle Duparc ! mademoiselle Duparc !

LES SEIGNEURS.

Que diable est-il donc arrivé ?

LE MARQUIS.

Où est le chevalier ?

L’ABBÉ.

Où est Samuel ?

TOUS LES SEIGNEURS.

Où est la Duparc ?

LAGRANGE.

Messieurs, il paraît qu’on ne la trouve pas ; mais on la cherche.

Chantourné vient lui parler bas.

Que me dites-vous là, Chantourné ?

CHANTOURNÉ, innocemment.

Oui, monsieur Lagrange, le bruit court qu’elle a marché sur une trappe, que la trappe n’était pas chevillée, et qu’elle a passé dans le dessous.

LAGRANGE.

Eh bien, a-t-on été voir dans le dessous ?

CHANTOURNÉ.

J’y suis descendu en personne ; mais j’ai eu beau la chercher, appeler, crier, elle n’y était pas.

LAGRANGE.

Que faire ?

LES SEIGNEURS.

Eh bien, le second acte ? Le second acte, allons !

CHANTOURNÉ.

Il y aurait bien un moyen...

LAGRANGE.

Lequel ?

CHANTOURNÉ.

Si mademoiselle Ducroisy était encore là, et si elle voulait continuer... ?

LAGRANGE.

Voyez vite.

Chantourné sort. Lagrange s’adressant au public.

Messieurs, je ne sais comment vous annoncer cette singulière nouvelle ; mais mademoiselle Duparc... mademoiselle Duparc... eh bien, mademoiselle Duparc a disparu.

Brouhaha parmi les Seigneurs.

Nous espérons néanmoins que la représentation ne sera pas interrompue, et, si l’on peut retrouver mademoiselle Ducroisy, qui était là tout à l’heure, nous sommes convaincus qu’elle se fera un honneur de reprendre le rôle.

LES SEIGNEURS.

Oui, oui, la Ducroisy ! la Ducroisy !

Chantourné rentre et parle bas à l’oreille de Lagrange.

LAGRANGE, joyeux.

Messieurs, mademoiselle Ducroisy était heureusement dans sa loge, à moitié défaite ; mais elle se rajuste, et, dans un instant, elle va pouvoir faire son entrée.

LES SEIGNEURS.

Vivat, vivat, la Ducroisy !

D’AUTRES.

Non, la Duparc ! – La Ducroisy ! – La Duparc !

LAGRANGE.

Il va sans dire, messieurs, que mademoiselle Ducroisy se recommande à l’indulgence du public.

LES SEIGNEURS.

La voilà ! la voilà ! – Vivat, La Ducroisy !

LA DUCROISY, suivie du Poudreur, saluant.

Messieurs... messieurs...

À elle-même.

Où est donc le chevalier ?

LAGRANGE.

À vos places, s’il vous plaît, messieurs !

On prend la première scène du deuxième acte de l’Amour médecin, et l’acte se joue en entier.

 

 

TROISIÈME ENTR’ACTE

 

Pendant que plusieurs Trivelins et plusieurs Scaramouches se réjouissent en dansant.

 

 

Scène première

 

SAMUEL, CHANTOURNÉ, LE MARQUIS, LES SEIGNEURS

 

SAMUEL, dans la gloire.

Chantourné ! Chantourné !

CHANTOURNÉ.

Plaît-il, monsieur ?

SAMUEL.

Chantourné, je sais ce que je voulais savoir. Descends-moi, la tête me tourne.

CHANTOURNÉ.

Impossible avant la fin du spectacle, monsieur Samuel.

SAMUEL.

Comment, impossible ?

CHANTOURNÉ.

Oui, prenez patience.

LE MARQUIS.

Silence donc, là-haut ! on n’entend point le ballet.

L’intermède finit. Le troisième acte de l’Amour médecin commence. – Nota. La scène première du troisième acte est supprimée.

 

 

ACTE III

 

 

Scène II

 

FILERIN, TOMÈS, DESFONANDRÈS, LISETTE-DUCROISY, puis LISETTE-DUPARC

 

LISETTE-DUCROISY.

Quoi ! messieurs, vous voilà ! et vous ne songez pas à réparer le tort que l’on vient de faire à la médecine ?

TOMÈS.

Comment ? qu’est-ce ?

LISETTE-DUPARC, tout essoufflée.

Un insolent, qui a eu l’effronterie d’entreprendre sur votre métier, et qui, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d’un grand coup d’épée au travers du corps.

LA DUCROISY.

Ah çà ! mademoiselle, je voudrais bien savoir d’où vous sortez.

LA DUPARC.

D’où je sors ? Vous vous en doutez bien, vous qui venez de me faire enlever par votre amant.

LE SOUFFLEUR, soufflant.

Je vous permets de me tuer...

LA DUCROISY.

Moi ! par mon amant ? Est-ce que M. Samuel est mon amant, par hasard ?

LA DUPARC.

Mais ce n’est pas M. Samuel qui vient de m’enlever, puisque c’est le chevalier.

LA DUCROISY.

Le chevalier ?... le chevalier ?... Ah ! voilà donc pourquoi il n’était pas là !

Appelant.

Monsieur Samuel ! monsieur Samuel !

SAMUEL, dans la gloire.

Oui, prends garde que je te réponde !

LE SOUFFLEUR, soufflant.

Je vous permets de me tuer...

LE MARQUIS, au Souffleur.

Mais taisez-vous donc, mon ami ! vous m’empêchez d’entendre ce que disent ces dames.

LE GENTILHOMME.

Pardon... Nous sommes venus ici pour voir l’Amour médecin, pièce de M. Molière : nous désirons entendre la pièce de M. Molière, quoiqu’elle nous semble médiocre, et non les disputes de ces dames, à propos de leurs amants et de leurs rôles.

LE MARQUIS.

Plaît-il, monsieur, là-bas ? qu’est-ce que vous dites ?

LE GENTILHOMME.

Je dis ce qu’il me plaît.

LE MARQUIS.

Eh bien, vous plairait-il de faire un tour dans la rue ?

LE GENTILHOMME.

Volontiers, monsieur ; d’autant plus qu’il y a une lanterne à la porte.

LE MARQUIS.

Sortons !

LE GENTILHOMME.

Sortons.

Ils sortent.

 

 

Scène III

 

LES MÊMES, hors LE MARQUIS et LE GENTILHOMME

 

LA DUPARC.

Laissez-moi, chevalier ; je veux parler au public.

LA DUCROISY.

Moi aussi.

LA DUPARC.

Je veux que l’on sache comme on me traite.

LA DUCROISY.

Je veux qu’on voie comme on me sacrifie.

TOUTES DEUX ENSEMBLE.

Messieurs, il faut d’abord que vous sachiez, avant toute chose...

LA DUPARC.

Monsieur Lagrange, comme chef d’emploi, je demande la parole ; faites votre devoir.

LAGRANGE.

Mademoiselle Ducroisy...

LA DUCROISY.

Non.

LAGRANGE.

Mademoiselle Ducroisy...

LA DUCROISY.

Non, non.

LAGRANGE.

Mademoiselle Ducroisy...

LA DUCROISY.

Non, non, non ! On m’a fait rhabiller malgré moi, on m’a fait rentrer en scène malgré moi ; je jouerai malgré elle, malgré vous, malgré tout le monde !

LAGRANGE.

Mademoiselle, je vais être obligé de faire mon rapport à M. l’exempt, et gare au Châtelet !

LA DUCROISY, enrageant.

Ah !...

LA DUPARC, au Public.

Messieurs, pour avoir l’honneur de créer le rôle devant vous, j’ai quitté ce matin sur son lit de douleur une tante dont je suis l’unique héritière.

LA DUCROISY.

Ah ! la menteuse !... Ce matin, elle était avec le marquis dans sa petite maison du faubourg Saint-Antoine ! Est-ce vrai, l’abbé ?

L’ABBÉ.

Chut !

LE PUBLIC.

Chut ! chut ! chut !

LA DUPARC, au Public.

Vous avez vu avec quelle insistance j’ai réclamé l’honneur de jouer devant vous.

LA DUCROISY.

Oui, c’est-à-dire devant le chevalier.

LA DUPARC.

Taisez-vous, pécore !

LA DUCROISY.

Oh ! pécore !

LE PUBLIC.

Chut ! chut ! chut !

LA DUCROISY.

J’enrage !

LA DUPARC.

Justice m’a été faite, et le rôle m’a été rendu. Vous avez bien voulu, messieurs,

Elle fait la révérence.

dans le premier acte, encourager par vos bravos mon faible talent.

LE PUBLIC.

Bravo !

Brouhaha.

LA DUCROISY.

Oh ! si je savais siffler ! Une clef ! une clef ! une clef !

LE CHEVALIER.

J’ai eu tort de laisser au grisou la clef de la petite maison de Samuel. La belle occasion de l’utiliser !

LA DUPARC, au Public.

Encouragée par votre indulgence, je me préparais à entrer en scène pour le second acte, lorsqu’en marchant sur une trappe, je sens la trappe qui s’enfonce, et je passe dans le dessous. Là, trois hommes m’attendaient, trois infâmes ravisseurs, trois sbires soudoyés par ma rivale. Je veux crier, on m’emporte, on me jette dans un carrosse où je trouve... Chevalier, soyez mon témoin, et dites ce que je trouve dans le carrosse.

LE CHEVALIER.

Eh ! vous me trouvez, moi !

LA DUPARC.

Aussitôt, l’ordre est donné au cocher de marcher ; le cocher obéit ; je me débats, je crie, je pleure... Chevalier, vous êtes témoin de la résistance que j’ai faite. Rendez témoignage.

LE CHEVALIER.

Une résistance... invraisemblable. C’est vrai, messieurs.

LA DUPARC.

Enfin, après dix minutes de résistance, le chevalier comprend ses torts, me fait ses excuses ; je lui pardonne, à la condition qu’il me ramènera ; il me ramène, et me voilà. – Est-ce vrai, chevalier ?

LE CHEVALIER.

Parfaitement vrai.

À demi-voix.

Seulement, il me semble que vous avez oublié...

LA DUPARC.

Chut !

Au Public.

Voilà, messieurs, le récit parfaitement véridique de l’horrible événement qui m’a, pendant une heure, privée de vos applaudissements.

TOUS.

Vivat, la Duparc ! la Duparc !

LAGRANGE, à Ducroisy.

Avez-vous quelque chose à répondre ?

LA DUCROISY.

Si le chevalier prend son parti, rien ; mais nous ne sommes pas à la fin de la soirée. Ah ! mademoiselle Duparc... ah ! monsieur Samuel... vous me payerez cela tous deux.

Elle sort.

SAMUEL, dans la gloire.

Je crois qu’elle a prononcé mon nom.

LAGRANGE.

Silence, messieurs, s’il vous plaît !

On se remet en place pour la scène II de l’Amour médecin.

LE SOUFFLEUR.

D’où reprenons-nous ?

LAGRANGE.

Reprenez du commencement.

Il sort. On reprend l’Amour médecin à la scène II du troisième acte, et l’on continue jusqu’à la fin de la scène VII.

LISETTE-DUPARC, aux Médecins.

Quoi ! messieurs, vous voilà ! et vous ne songez pas à réparer le tort que l’on vient de faire à la médecine ?

TOMÈS.

Comment ? qu’est-ce ?

LISETTE-DUPARC.

Un insolent, qui a eu l’effronterie d’entreprendre sur votre métier, et qui, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d’un grand coup d’épée au travers du corps.

LE MARQUIS, rentrant.

Oui, j’ai tué ce hibou.

Il reprend sa place.

TOMÈS, à Lisette.

Écoutez, vous faites la railleuse, mais vous passerez par nos mains quelque jour.

Etc., etc., jusqu’à, la réplique.

Dont je me sers tous les jours pour pacifier, avec leur harmonie et leurs danses, les troubles de l’esprit.

SAMUEL, criant dans la gloire.

Mademoiselle Duparc ! mademoiselle Duparc !... Descendez moi donc, morbleu !

LE MARQUIS.

Ah ! Samuel ! Que diable fait-il là-haut ?

SAMUEL.

Mademoiselle Duparc, voici mademoiselle Ducroisy qui vous enlève le chevalier, et voilà le chevalier qui m’enlève mademoiselle Ducroisy.

LA DUPARC.

Mademoiselle ! mademoiselle !

LA DUCROISY, au bras du Chevalier.

Pardon... vous êtes chef d’emploi pour les rôles, mais pas pour les amants. C’est à choisir ; le rôle ou le chevalier.

LA DUPARC.

Eh bien, je garde le rôle. – Mon amant, c’est le public.

LA DUCROISY, à part.

Je trouverai bien encore le moyen de lui enlever celui-là.

Haut.

Et moi, j’emmène le chevalier.

SAMUEL.

Et moi donc ? et moi ?

LE CHEVALIER.

Ne vous dérangez pas, Samuel. J’ai le carrosse et la clef ; je vous les rendrai demain.

SAMUEL.

Morbleu ! corbleu ! palsambleu !

TOUS.

Taisez-vous donc là-haut ! – Chut ! chut ! chut !

SAMUEL.

J’enrage !

 

 

Scène IV

 

LES MÊMES, LA COMÉDIE, LE BALLET, LA MUSIQUE, JEUX, RIS, PLAISIRS

 

Divertissement.

Le divertissement fini, tout le monde se lève et sort. La Truffardière reste endormi dans son fauteuil

SUBTIL, venant éteindre.

Monsieur l’abbé, vous oubliez votre ami.

L’ABBÉ.

Non, laissez-le : il sera le premier arrivé pour demain.

Il sort.

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