Gras et maigre (Adolphe D'ENNERY - Eugène GRANGÉ)

Bouffonnerie en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal, le 25 février 1838.

 

Personnages

 

JULIEN, neveu de Chapotain

CHAPOTAIN, maire

HERCULE

MULOT, garde champêtre

SOPHIE, fille de Chapotain

GERTRUDE, vieille domestique

PAYSANS

 

La scène est à quatre lieues de Laval, dans un village.

 

Le théâtre représente une chambre chez Chapotain ; un lit entouré de rideaux, à gauche du spectateur ; table à droite, chaises, fauteuils, etc. ; une fenêtre, au fond à droite ; le corridor à droite ; une porte à gauche derrière le lit qui se trouve au premier plan.

 

 

Scène première

 

CHAPOTAIN, MULOT

 

CHAPOTAIN.

Et tu dis donc, Mulot, que tu crois comme moi qu’un voleur s’est introduit cette nuit dans cette maison ?

MULOT.

C’est-à-dire, monsieur le maire, que je ne le crois pas du tout comme vous.

CHAPOTAIN.

Comment ?

MULOT.

Je ne le crois pas comme vous par la raison que je le crois bien davantage

CHAPOTAIN.

Explique-toi.

MULOT.

Voilà. Outre mes fonctions de garde, champêtre, vous savez que je remplis chez vous les fonctions de jardinier, même que vous ne me donnez rien pour ça, et qu’en sus vous ne me nourrissez pas...

CHAPOTAIN.

Je sais, je sais ; ensuite ?

MULOT.

Voilà donc qu’hier soir j’étais dans le jardin, lorsqu’à la faveur de l’obscurité, je vois grimper, grimper le long des espaliers.

CHAPOTAIN.

Un homme ?

MULOT.

Je ne sais pas si c’était un homme ; mais bien certainement ça devait être un voleur.

CHAPOTAIN.

Eh ! imbécile, pourquoi n’as-tu pas tiré sur lui ?

MULOT.

Mais au contraire, monsieur le maire, j’ai tiré.

CHAPOTAIN.

Je n’ai rien entendu.

MULOT.

Ce n’est pas étonnant, mon fusil n’était pas chargé.

CHAPOTAIN.

Animal ! mais enfin tu l’as vu, tu pourras le reconnaître ?

MULOT.

Impossible, monsieur, attendu qu’y faisait nuit noire... tout ce que je peux dire, c’est que ce n’était pas un homme d’un gros volume.

CHAPOTAIN.

Je l’aurais parié. En général, j’ai remarqué que les scélérats étaient d’une extrême maigreur, aussi moi, j’ai horreur du maigre... des joues creuses, un corps fluet, ça me déplaît, ça me crispe ; c’est plus fort que moi... mon neveu, par exemple !

MULOT.

Ah ! oui, M. Julien... il est chétif !

CHAPOTAIN.

Très chétif. Eh bien ! Mulot, croirais-tu qu’à cause de ça je lui ai refusé la main de ma fille !

MULOT.

Pourtant c’est un bon enfant.

CHAPOTAIN.

Je ne dis pas le contraire ; mais il est trop frêle, trop délicat... je lui avais accordé deux mois pour engraisser, il ne pesait alors que quatre-vingt-onze livres. Pendant quinze jours, il avale cinq potages à son déjeuner, il se bourre de pommes de terre et autres engrais. Au bout de ce temps, je le repèse, le malheureux avait perdu neuf quarterons et attrapé une gastrite.

MULOT.

Ah ! mon Dieu !

CHAPOTAIN.

Aussi, je lui ai déclaré qu’il n’épouserait jamais sa cousine. Je veux un gendre robuste, carre, rebondi... un gendre gras à lard... j’aime le gras, moi ! vive le gras !

Air : Ah ! si madame me voyait.

Une telle maigreur, Mulot,
Est en ménage un état fort maussade ;
Une femme est garde-malade,
Et je ne veux pas, en un mot,
Que ma fille soit sœur du pot.

MULOT.

Ce raisonn’ment est très sensible,
Mais d’ vot’ neveu la maigreur peut passer ;
L’ m’ariage est un état paisible,
Et ça l’ f’rait p’t-êtr’ ben engraisser ;
En ménage, il peut engraisser...

CHAPOTAIN.

À propos, tu as été hier à Laval ?

MULOT.

Oui, monsieur.

CHAPOTAIN.

Et quelles nouvelles ? tout le monde se porte bien ?

MULOT.

Parfaitement bien. Ah ! seulement M. Choqueux, le maître de poste, s’est cassé le bras en tombant de cheval.

CHAPOTAIN.

On lui remettra ça... mais du reste il se porte bien ?

MULOT.

Parfaitement, y vous dit bien des choses. Ah ! y a aussi la femme à Jobert qu’est malade d’une fluxion de poitrine.

CHAPOTAIN.

Ça ne sera rien... mais du reste elle se porte...

MULOT.

À part ça, parfaitement... elle vous a dit bien des choses.

CHAPOTAIN.

Merci, merci... et tu ne sais rien autre de nouveau ?

MULOT.

Rien du tout. Ah ! si fait, si fait... le chien de m’sieur Gobillard est mort empoisonné.

CHAPOTAIN.

Oh ! la pauvre bête !

MULOT.

Aussi, toute la maison est en deuil.

CHAPOTAIN.

Et comment cela est-il arrivé ?

MULOT.

Une bêtise d’un garçon apothicaire qui a donné une drogue l’une pour l’autre.

CHAPOTAIN.

Quelle maladresse ! un superbe animal... mais du reste...

MULOT.

Il se porte bien, il vous dit bien des... c’est-à-dire, non, non.

CHAPOTAIN.

Ah ! en parlant d’animal, et Gertrude que je n’ai pas prévenue.

Il appelle.

Gertrude ! Gertrude !

 

 

Scène II

 

CHAPOTAIN, MULOT, GERTRUDE

 

GERTRUDE.

Voilà ! voilà ! quoi que vous voulez ?

CHAPOTAIN.

Gertrude, vous allez préparer la chambre du second, la chambre jaune... j’attends ce soir même le fils d’un de mes amis.

GERTRUDE.

Un jeune homme... qu’est-ce que vous voulez faire de ça ?

CHAPOTAIN.

Comment ? de ça... apprenez, Gertrude, que ce que vous appelez ça, est l’époux que ma fille s’est choisi.

GERTRUDE.

S’est choisi ?

CHAPOTAIN.

Par les yeux de son père.

MULOT.

Et y a gros à parier que c’est un bel homme... ce n’est pas monsieur qui voudrait d’un roseau pour gendre.

CHAPOTAIN.

Je le crois bien que c’est un bel homme. D’abord il se nomme Hercule Groseillon, il est issu d’Alcide Groseillon, son père, mon meilleur ami, fils lui-même de Samson Groseillon, qui, dans sa jeunesse, passait pour l’homme le plus fort de son département.

GERTRUDE.

Ah çà ! mais c’te pauvre petite, vous voulez donc la périr avec votre Hercule, fils de Samson.

CHAPOTAIN.

Silence, Gertrude, silence ! ma fille est ma fille, faites ce que je vous ai commandé... et toi, Mulot, redouble de surveillance à l’égard de ce hardi voleur que nous soupçonnons de s’être introduit céans.

MULOT.

Soyez tranquille, m’sieur.

GERTRUDE.

Tiens ! vous savez donc...

CHAPOTAIN.

Je sais tout, l’œil d’un maire est l’image d’une veilleuse... il éclaire la nuit.

À Mulot.

Air : Valse légère, etc. (de Doche.)

Quoi qu’il en soit, veille, observe et regarde,
C’est ton devoir, n’y mets pas de tiédeur.

MULOT.

N’ayez pas peur, je ferai bonne garde !

CHAPOTAIN.

Oui, mort ou vif, il me faut ce voleur ;
De tes instants ne sois pas économe,
Passe la nuit, pourvu qu’il soit saisi.
Surtout avant de tirer sur notre homme,
Prends soin ce soir de charger ton fusil.

ENSEMBLE.

Quoiqu’il en soit, veille, observe et regarde ;
C’est ton devoir, n’y mets pas de tiédeur !
Toute la nuit tu feras bonne garde,
Oui, mort ou vif, il me faut ce voleur.

MULOT.

Ne craignez rien, j’observe et je regarde ;
C’est mon devoir, je l’ fais avec ardeur,
Toute la nuit je ferai bonne garde,
Et mort ou vif, vous aurez ce voleur.

GERTRUDE.

J’ vous d’mande un peu si cela le regarde !
V’là bien du bruit, ma foi, pour un voleur !
Il ferait mieux, au lieu d’ monter la garde,
D’ laisser en paix ce pauvre malfaiteur.

Chapotain sort.

 

 

Scène III

 

GERTRUDE, MULOT, SOPHIE

 

SOPHIE, qui a entendu.

Qu’est-ce que mon père veut donc dire, avec son voleur ?

MULOT.

Eh ben ! mais mam’zelle, vous ne savez donc pas...

SOPHIE.

Quoi donc ?

MULOT.

Ce mal intentionné qui cette nuit s’est introduit...

GERTRUDE.

Cette nuit ! allons donc ! si vous disiez toutes les nuits...

SOPHIE, à part.

Que dit-elle ?

GERTRUDE.

J’en suis bien sûre, même que j’ai vu...

SOPHIE.

Tu l’as vu ?

À part.

Nous sommes perdus !

GERTRUDE.

J’ai vu disparaître toutes les nuits le restant du souper de chaque soir.

SOPHIE, à part.

Je respire.

GERTRUDE.

À preuve qu’avant hier j’avais laissé tout exprès dans le garde-manger un superbe demi-poulet. On l’emporta avec une bouteille de vin,

SOPHIE.

Comment, on t’a emporté une bouteille de vin ?

GERTRUDE.

Et avec le tire-bouchon encore !

SOPHIE.

En effet, je commence à croire aussi que ce ne peut être qu’un voleur.

MULOT.

J’en suis d’avis.

GERTRUDE.

Oui ; mais il faut en convenir, un voleur bien honnête homme.

SOPHIE.

Un voleur honnête homme !

GERTRUDE.

Certainement, car j’avais oublié plusieurs bijoux, tels que trois fourchettes, ma montre et la cuiller à pot... le brigand respecta ces objets et n’emporta que le souper.

MULOT.

Quelle probité !

GERTRUDE.

Et moi donc, moi, et qu’il respecta toujours.

MULOT.

Comme la cuiller à pot. Ah ! l’honnête scélérat !

GERTRUDE.

Aussi, malgré sa profession, j’estime cet inconnu, et j’ai pris L’habitude de lui préparer sa pitance avec une exactitude que rien ne m’y ferait manquer.

MULOT.

C’est égal, je vas toujours acheter un quart de plomb à son intention.

SOPHIE, effrayée.

Un quart de plomb ! et pourquoi faire ?

MULOT.

Eh ! pour le détruire, donc.

SOPHIE, de même.

Le tuer !

Air du Charlatanisme.

Oh ! mais c’est une horreur, vraiment !
Le tuer, parce qu’il arrive
Qu’il prend un poulet...

MULOT.

C’est vexant !...

SOPHIE.

Il faut que tout le monde vive !...

GERTRUDE.

Certes, et pour lui mon cœur combat :
C’est un voleur, je le confesse,
C’est un brigand, un scélérat ;
Mais qu’import’, si dans son état
Il met de la délicatesse ?

SOPHIE.

Certainement... et ce pauvre homme, s’il vole le reste du souper, c’est qu’il a faim, c’est que... aussi, Mulot, je vous défends...

MULOT.

De tirer dessus ?

SOPHIE.

À compter d’aujourd’hui, je le prends sous ma protection, je veux que, comme parle passé, Gertrude lui prépare son repas.

MULOT.

Ça suffit, mam’zelle, du moment que vous l’ordonnez...

À part.

Je vas toujours acheter mon quart de plomb.

Il sort.

GERTRUDE.

Et moi, je vas préparer le souper de mon voleur.

Elle sort.

 

 

Scène IV

 

SOPHIE, seule

 

Pauvre Julien ! tout est découvert ; il faudra renoncer à nous voir. Et que dira-t-il en apprenant la prochaine arrivée de celui qu’on me destine ? nous voilà entourés de mille dangers ! Cet imbécile de Mulot qui voulait se mettre en sentinelle ! Mon Dieu ! s’il allait faire quelque malheur : Julien qui n’est pas prévenu, je tremble !

 

 

Scène V

 

SOPHIE, JULIEN, entrant précipitamment

 

JULIEN.

Sophie, êtes-vous là ?

SOPHIE.

Ah ? c’est vous, Julien ? Je suis bien contente de vous voir ! mais qu’y a-t-il ? Vous paraissez tout...

JULIEN.

Répondez d’abord : Êtes-vous là, Sophie ?

SOPHIE.

Mais vous le voyez bien, à moins que vous ne me reconnaissiez pas.

JULIEN.

C’est juste, c’est bien vous ; je vous demande un boisseau de pardons. Mais comment vous reconnaitrais-je, ne me reconnaissant pas moi-même ?

SOPHIE.

Qu’avez-vous, Julien ?

JULIEN.

Ce que j’ai ? j’ai de la rage, de la fureur ; je tourne à l’hydrophobie. Donnez-moi le pot à l’eau, vous allez voir.

SOPHIE.

Ah ! mon Dieu !

JULIEN.

J’ai, qu’il vous arrive un mari, que ce mari, ça n’est pas moi, et tout ça à cause de la monomanie ridicule que possède mon oncle, votre père, vieillard absurde, qui demande pour gendre un athlète, un hercule, une obésité vivante, une masse difforme. Ah ! je donnerais ma vie pour une paire de chenets.

SOPHIE.

Julien, calmez-vous, je vous en prie.

JULIEN.

Que je me calme ? Eh ! le peux-je ? je vous le demande, le peux-je à l’aspect de tant d’absurdité ? Que je me calme ! mais que n’ai-je pas fait pour vous mériter, pour vous obtenir ? J’ai donné dans ses idées, à votre père ; il a voulu m’engraisser : je me suis laissé faire, je me suis ravalé jusqu’à la profession d’une poularde et même d’un insecte plus immonde. Je lui ai dit : Traite-moi comme un terrain inculte, fume-moi ! et il m’a fumé, il m’a bourré de pommes de terre, et m’a fait boire de la tisane de houblon. Est-ce ma faute, à moi, si ça n’a réussi qu’à me donner des indigestions, et si je suis resté maigrelet malgré ce régime bienfaisant ?

SOPHIE.

Ce pauvre Julien ! Mais, à part ces idées-là, mon père est bon, sensible...

JULIEN.

Oui, sensible comme un clou à crochet.

SOPHIE.

Hélas ! vous ne savez pas tout ; il nous arrive un autre malheur.

JULIEN.

Encore ! Ça m’est égal ! je suis préparé à tout. Le malheur ! je le regarde en face. Tenez, le malheur, voilà comme je le regarde.

Il se croise les bras de l’air d’un homme inébranlable.

Rien ne peut plus m’atteindre.

SOPHIE.

Oui, rien, excepté le coup de fusil dont vous menace cet imbécile de Mulot.

JULIEN.

Allons, bon ! traqué comme une bête chauve à présent !

SOPHIE.

Il faudra renoncer à nos entretiens du soir, à ces petits soupers que nous partagions ensemble ; Gertrude et Mulot vous prennent pour un voleur.

JULIEN.

Les imbéciles ! et sous quel prétexte ? Parce que, ne pouvant vous contempler de jour, je viens causer avec vous de soir ; parce que, les portes étant closes, je m’insinue par la fenêtre ; parce qu’enfin, étant deuxième clerc chez le notaire de l’endroit, chez qui je me mange les poings de colère, et où, par parenthèse, on ne me fournit pas d’autre nourriture, j’emprunte en passant quelques aliments subsidiaires au garde-manger de mon oncle, on me prend pour un filou ; soyez donc honnête après çà ! C’est fini, je donne ma démission d’homme vertueux, de citoyen paisible.

Air de Mlle Marguerite.

Oui, je renonce à ta vertu sublime ;
Dès aujourd’hui rien ne m’est plus sacré.
Christi ! je veux barboter dans le crime,
Je jurerai, nom d’un... ! je sacrerai.
Je ne fais plus ma barbe, et d’ordinaire,
Tous les matins je rentre après minuit,
J’ m’adonne au vin, à la pipe, au p’tit verre...
Enfin, je veux faire un affreux bandit.

SOPHIE.

Mon cousin, remettez-vous, de grâce, songez qu’il est impossible que vous veniez ce soir !

JULIEN.

Et vous aussi, vous me bannissez, vous me fourrez à la porte comme un créancier ! Eh bien ! c’est galant ! c’est fort coquet !

SOPHIE.

Mais pensez donc...

JULIEN.

Ou, plutôt, non, je brave tout, je veux avoir une explication avec cet horrible géant. Je veux ressusciter la vieille histoire de David et Goliath, je veux entreprendre sa démolition s’il ne renonce pas à s’unir à vous, ô ma Sophie !

SOPHIE.

Mais, Julien, vous devenez fou, vous...

JULIEN.

Silence ! voici l’un des auteurs de vos jours. Ah ! pourquoi votre mère, son digne collaborateur, n’est-elle plus là pour nous protéger ?

 

 

Scène VI

 

SOPHIE, JULIEN, CHAPOTAIN

 

CHAPOTAIN, entre en se frottant les mains d’un air satisfait, à part.

L’heure approche, et mon futur gendre ne peut tarder à arriver.

Haut.

Ah ! ah ! voici ma fille et mon tendre neveu !

SOPHIE.

Mon bon père !

CHAPOTAIN.

Tout ce que j’ai de plus cher au monde !

JULIEN, bas à Sophie.

Il a l’air de bonne humeur, le gros, si je le sondais derechef ? Mon bon oncle !

SOPHIE.

Mon bon père !

CHAPOTAIN.

Mes enfants !

JULIEN.

Mon excellent oncle !

SOPHIE.

Mon excellent père !

CHAPOTAIN, attendri.

Que me voulez-vous, tout ce que j’ai de plus cher au monde ?

JULIEN, à part.

Je crois qu’il commence à s’humecter.

Haut.

Vous êtes si bon quand vous voulez !

SOPHIE.

Si gentil !

CHAPOTAIN.

Enfin, enfin ?

JULIEN

Vous êtes si sensible, si humain ; car vous êtes humain malgré votre enveloppe grossière.

CHAPOTAIN, impatienté.

Ah ! tout ce que j’ai de plus cher au monde, vous m’ennuyez ! et puisque vous ne voulez pas parler, laissez-moi !

SOPHIE

Si, si, mon père.

JULIEN.

Si, si, son père ; mon oncle, je voulais vous demander...

CHAPOTAIN.

Quoi ?

JULIEN.

La main...

CHAPOTAIN, lui tendant la main.

Eh ! parle donc, nigaud !

JULIEN.

Non, non, ça n’est pas celle-là.

CHAPOTAIN.

L’autre ?

Il la lui présente.

JULIEN.

N’équivoquons pas. Je voulais vous demander la main de ma cousine.

CHAPOTAIN.

Oh ! les deux miennes, tant que tu voudras ; mais pour celle de ma fille, impossible !

JULIEN, à part.

J’en étais sur ! vieux dur !

SOPHIE.

Mais, mon père...

CHAPOTAIN.

J’ai promis ton cœur et je dois le livrer avec ta main, les deux objets ne peuvent se disjoindre !

JULIEN, à part.

Pour un maire il raisonne comme un sabot.

Haut.

Son cœur est à moi !

CHAPOTAIN.

Hein ? qu’est-ce que c’est ?

JULIEN, du même ton.

Son cœur est à moi, t-à moi, t-à moi, t-à moi !

CHAPOTAIN.

Tais-toi ! tais-toi ! tais-toi ! imbécile !

SOPHIE.

Cependant, mon père, si je n’aime pas celui...

CHAPOTAIN.

Silence ! allez faire un peu de toilette, car ce soir même votre époux sera céans !

SOPHIE.

J’obéis, mon père ; mais je sens bien que je ne l’aimerai jamais !

CHAPOTAIN.

Ça ne te regarde pas !

Air : Quel plaisir ! (Gustave III.)

J’ai parlé, (bis) du silence !
Je m’entends aujourd’hui mieux que vous.
Croyez-en (bis) ma prudence,
À choisir pour ma fille un époux.

SOPHIE, à part.

Cachons-lui (bis) ma souffrance,
Car je crains (bis) son courroux.
Mais mon cœur aurait su, je le pense,
Mieux choisir (bis) un époux.

JULIEN.

Ah ! je perds (bis) patience
Cependant (bis) taisons-nous !...
Ce vieillard tombe-t-il dans l’enfance,
De vouloir lui choisir un époux ?

Sophie sort.

 

 

Scène VII

 

CHAPOTAIN, JULIEN

 

JULIEN.

Voulez-vous que je vous dise mon opinion ? Saturne qui dévorait ses enfants était moins féroce que vous !

CHAPOTAIN.

Féroce, moi ! parce que je veux le bonheur de ma fille !

JULIEN.

Mais son bonheur, je suis seul apte à le confectionner.

CHAPOTAIN.

Toi ?

JULIEN.

Sans doute, le ciel m’a bâti tout exprès pour çà !

CHAPOTAIN.

Mais au contraire ! regarde-toi donc, malheureux, regarde-toi et frémis !

JULIEN.

Ah ! vous voilà encore avec vos idées ; parce que je ne pèse pas quinze cents !

CHAPOTAIN.

Quinze cents, tu exagères : je ne tiens pas positivement à ce chiffre ; mais je ne consentirai jamais à donner ma fille à un frêle homme, à un grêle homme comme toi.

JULIEN.

Grelum ! Ah ! si vous vous mettez à parler latin...

CHAPOTAIN.

Veux-tu que je te dise ? Tu me produis l’effet d’un grand haricot vert.

JULIEN.

Ah ! voilà que nous tombons dans les épithètes fabuleuses, voilà que nous pataugeons en plein dans l’extravagance. J’en conviens, oui, la nature m’a doué d’un physique élancé, d’un minois de fantaisie ; mais dans ma maigreur j’ai du charme ; je porte assez bien mon absence de ventre et de mollets ; enfin, en me voyant passer, on ne dira pas : Voilà le colosse de Rhodes ! mais on s’écriera : Ah ! le joli petit chiffon d’homme !

CHAPOTAIN.

Je ne te dis pas le contraire ; mais tu n’es pas mon fait : je te le répète, je veux un gendre rempli de force et de vigueur, je veux des petits enfants gros, gras et bien portants. J’aime les beaux hommes, moi ; et je me rappellerai toujours comme madame Chapotain était fière et heureuse de m’avoir !

JULIEN.

Allons donc, fière et heureuse !

CHAPOTAIN.

Fière en public et heureuse en particulier.

JULIEN.

En vérité, en vérité, mon oncle, pour un homme d’âge, pour un maire de commune, vous pensez à des choses...

CHAPOTAIN.

Eh ! eh ! c’est le principal !

JULIEN.

C’est le principal, très bien ; mais tout en songeant au principal, vous négligez trop les accessoires ; voilà mon avis, vous négligez trop les accessoires. Votre fille sera malheureuse comme un pauvre pavé des rues ; elle sera réduite à envier le sort des chevaux de labour.

CHAPOTAIN.

C’est bon ! c’est bon ! laisse-moi tranquille !

JULIEN.

Cet Hercule, que vous ambitionnez pour elle, sera brutal et jaloux ; il abusera de sa force physique, il la battra, le gueux, il la moudra comme plâtre, il la réduira à l’état de farine ! Vieillard, ta fille te devra son décès.

CHAPOTAIN.

Ah çà ! mais tu m’impatientes à la fin ! sors de mon seuil, ou je te précipite...

JULIEN.

Vous me chassez ; c’est bien, je vous laisse.

À part.

Je reviendrai plus tard, par la fenêtre.

Haut.

Adieu, oncle imprudent, souvenez-vous de mon augure ! Votre fille vous devra son décès.

Il sort.

 

 

Scène VIII

 

CHAPOTAIN, GERTRUDE

 

CHAPOTAIN.

Le voilà parti !... Ah ! mais c’est que... ah ! mais c’est que... la moutarde commençait à me ravager le nez...

GERTRUDE.

Monsieur, la chambre est préparée que c’est luisant comme un cirage... à l’œuf...

CHAPOTAIN.

C’est bien... mon gendre peut arriver... et en attendant, je vais écrire quelques mots à mon adjoint au sujet de mon voleur nocturne...

Il se met à écrire.

Mon cher subordonné...

 

 

Scène IX

 

CHAPOTAIN, GERTRUDE, HERCULE

 

HERCULE.

Est-ce ici que réside le sieur Chapeau... Chapeau...

GERTRUDE.

Tain...

HERCULE.

Le maire de cet endroit...

GERTRUDE.

Oui, monsieur... c’est ici même.

À part.

Ah ! Dieu du ciel, le bel humain !

HERCULE.

J’ai plusieurs mots à lui communiquer... je voudrais être confronté avec lui...

GERTRUDE, à part.

Et quelle voix !...

Haut.

Tenez, le voici...

À Chapotain.

Monsieur le maire, c’est un jeune bel homme qui vous demande...

CHAPOTAIN.

Je suis à vous, monsieur... j’achève ma missive...

GERTRUDE.

Si monsieur veut dire son nom ?...

HERCULE.

Je suis Hercule Groseillon !...

GERTRUDE, à mi-voix.

Groseillon !... Eh ! mais on vous attend avec impatience...

HERCULE.

Hein, quoi, comment... moi ?...

GERTRUDE.

Monsieur le maire, c’est monsieur Hercule Groseillon...

CHAPOTAIN.

Groseillon... ce cher ami...Tenez, faites porter cette lettre et laissez nous...

Gertrude sort.

HERCULE.

Diable ! cet Hercule que je représente et dont j’ai pris les papiers et la forme, serait donc connu céans... et moi, qui viens faire viser ledit passeport de peur d’être arrêté, je me trouverais pincé à force de précautions...

À part.

Faisons bonne contenance...

Haut.

C’est à monsieur Chapeau... teint, que j’ai l’honneur de parler ?

CHAPOTAIN.

À moi-même, mon cher monsieur Hercule.

HERCULE, à part.

Dieu de l’aplomb, je t’invoque...

Haut.

Monsieur...

CHAPOTAIN.

Permettez, permettez que je me livre d’abord à l’admiration que m’inspire votre carrure surhumaine...

HERCULE, à part.

Ah ! mon Dieu !... qu’est-ce qu’il a donc à m’examiner comme ça ?

CHAPOTAIN.

Tournez-vous, tournez-vous, de grâce !...

HERCULE.

Ah çà ! mais... il est fastidieux !

Air : Époux imprudent.

Je suis ravi d’une telle charpente,
La riche taille et le bel embonpoint !
En vérité votre mine m’enchante ;
C’est comme moi, ne m’admirez-vous point ?
Je suis si fort, qu’avec ce poing,
Rien que d’un coup, en frappant sur un homme,
Je le tuerais si ce jeu me charmait.

HERCULE, à part.

Je ne sais pas s’il le tuerait,
Mais je sais fort bien qu’il m’assomme.

CHAPOTAIN.

Je crois décidément que ma fille sera parfaitement heureuse avec vous...

HERCULE, à part.

Sa fille, à présent...

CHAPOTAIN.

Dans un instant elle sera ici, je l’ai prévenue de votre arrivée, ainsi que de nos projets... elle sait que vous venez tout exprès pour l’épouser...

HERCULE.

L’épouser, moi !...

À part.

Où me suis-je fourré, grand Dieu !

CHAPOTAIN.

À propos, mais la fatigue de la route vous a peut-être donné de l’appétit... je vais vous faire servir à souper.

HERCULE, à part.

Diable ! mais ça me va, ça me va parfaitement.

CHAPOTAIN.

Votre chambre est déjà prête...

HERCULE.

Ma chambre !... ah çà ! est-ce que... ?

CHAPOTAIN.

Vous ne voudriez pas me faire la sottise d’aller à l’auberge...

HERCULE.

À l’auberge, moi !... non, ventre de biche ! non...

À part.

Je n’ai pas la plus petite parcelle de monnaie... je ne possède pas une lentille.

CHAPOTAIN.

Ainsi vous restez, voilà qui est convenu...

HERCULE.

J’accepte avec joie cette hospitalité tout écossaise.

CHAPOTAIN.

Comment ?

HERCULE.

Chez les montagnards écossais, l’hospitalité se donne et ne se vend jamais... non... jamais... jamais... jamais...

CHAPOTAIN.

Je l’ignorais... Savez-vous que j’avais presque de l’inquiétude... car vous êtes en retard de près d’une heure...

HERCULE.

Vous croyez !...

CHAPOTAIN.

Ma foi, sans votre courage et votre force bien connus, j’aurais craint qu’il ne vous fût arrivé en route quelque rencontre fâcheuse...

HERCULE, à part.

Abondons dans son sens !...

Haut.

La rencontre a eu lieu en effet, mais sans aucun accident pénible, grâce à ma force musculaire !...

CHAPOTAIN.

Narrez, narrez, je vous prie... je vous écoute de toutes mes oreilles...

HERCULE.

Vous saurez donc, mon cher monsieur Chapeau...

CHAPOTAIN.

Tain...

HERCULE.

Chapeau teint, c’est cela... vous saurez donc que je cheminais paisiblement au sein de la forêt voisine, où je venais de cueillir ce léger rotin...

Il montre un tronc d’arbre.

lorsque, de loin, je crus apercevoir un homme... un énorme gaillard...

CHAPOTAIN.

Vous me faites frémir...

HERCULE.

En approchant, je vis que je me trompais...

CHAPOTAIN.

Ah ! je respire !...

HERCULE.

Il y en avait deux.

CHAPOTAIN.

Deux !... deux, grand Dieu !... je respire plus...

HERCULE.

Ils m’abordèrent poliment pour me dévaliser et tous trois m’entourèrent à l’instant...

CHAPOTAIN.

Ils étaient trois !...

HERCULE.

Je me mis sur la défensive, et l’attaque commença... l’un des quatre donna le signal.

CHAPOTAIN.

Quatre ! il y eu avait quatre ?

HERCULE.

C’est alors que, saisissant la badine ci-présente, je m’escrimai de telle sorte que deux d’entre eux tombèrent sur la place, deux autres s’enfuirent, et le cinquième...

CHAPOTAIN.

Ils étaient donc cinq ?

HERCULE.

Le cinquième tombant à mes genoux me demanda grâce, en me disant ! Soyez généreux, monsieur, vous voyez bien que vous êtes beaucoup trop fort pour nous six...

CHAPOTAIN.

Six ! ils étaient six ! Ah ! mon gendre, permettez que je vous étreigne.

Il le prend dans ses bras.

HERCULE.

Avec plaisir, avec plaisir.

À part.

Vieux jobard !

CHAPOTAIN.

Dites-moi, mon ami, avez-vous découvert si, par hasard, votre famille ne serait pas descendante du fameux Hercule de la Mythologie, cette sublime fiction des poètes ?

HERCULE.

J’ai l’ambition de le présumer ; je possède plusieurs points de ressemblance avec ce grand homme.

CHAPOTAIN.

En vérité !

HERCULE.

D’abord il filait aux pieds d’Omphale, et je tricote très agréablement.

CHAPOTAIN.

C’est admirable ! Mais j’entends ma fille, permettez que je vous la présente ?

HERCULE.

Enchanté de faire sa connaissance.

À part.

Attention ! ici ça doit être un autre genre.

 

 

Scène X

 

CHAPOTAIN, HERCULE, SOPHIE, GERTRUDE

 

GERTRUDE.

Venez, venez, mamselle ; voici celui que la nature et votre père vous destinent.

CHAPOTAIN.

Approchez, Sophie, et recevez les compliments de votre époux.

HERCULE, à part.

Son époux ! c’est fantastique !

SOPHIE, à part.

Mon Dieu qu’il est laid ! suis-je assez malheureuse !

HERCULE, à part.

Je crois que la première impression a été favorable.

Haut.

Je ne m’attendais pas, jeune et belle...

CHAPOTAIN.

Sophie !

HERCULE.

À rencontrer une future moitié de moi-même, aussi aimable, aussi gracieuse, aussi...

CHAPOTAIN.

Réponds donc, mais réponds donc, ma fille...

SOPHIE, bas.

Mon père, voulez-vous que je dise à monsieur, ce que je pense ?

CHAPOTAIN, vivement.

C’est inutile.

Haut.

Nous sommes ravis, mon gendre, de vous voir arrivé ; mais vous devez avoir besoin de repos, et...

SOPHIE.

Et nous vous laissons.

Elle va pour sortir.

CHAPOTAIN.

Un instant, un instant ! Gertrude, conduisez monsieur... ou plutôt, non.

À part.

Il me vient une idée : si ce voleur revenait cette nuit, j’aimerais mieux qu’Hercule fut à proximité...

Haut.

Voici l’appartement que je destine à mon gendre. Gertrude va vous apporter à souper.

GERTRUDE, à part.

Ah ! mon Dieu ! je n’ai justement que le souper de mon voleur.

CHAPOTAIN.

Eh bien, Gertrude...

GERTRUDE.

Je m’y rends.

Elle sort.

CHAPOTAIN, à Hercule.

Vous êtes ici parfaitement en sûreté... Là, le corridor qui mène au grand escalier, il y a trois verrous solides.

HERCULE.

Je ne redoute rien. Bonsoir ; bonsoir, ma fiancée, et mon vertueux beau-père.

Air de la Poule des Huguenots.

N’ayez aucune inquiétude !
Votre tendre sollicitude,
À mon avis, s’alarme à tort,
Je suis robuste et fort.

CHAPOTAIN.

Sur votre force herculéenne
Je veux me reposer sans peine...

HERCULE.

Et moi, je veux toute la nuit,
Me reposer sur un bon lit.

Ensemble.

CHAPOTAIN.

N’ayons aucune inquiétude,
Et ma tendre sollicitude
S’alarmerait vraiment à tort,
Il est robuste et fort.

SOPHIE, à part.

Ah ! pour moi quelle inquiétude !
Car, de Julien c’est l’habitude
D’entrer ici, quand chacun dort,
Et ce soir ce serait un tort.

Chapotain et Sophie sortent.

 

 

Scène XI

 

HERCULE, seul

 

Ah ! ventre de biche, ça va bien ! Bravo, bravo, bravissimo ! j’éprouve le besoin de me féliciter moi-même, de me donner une poignée de mains. C’est qu’ils sont tous en admiration devant mes charmes ; le vieux, surtout, il ne se lassait pas de contempler ma large poitrine, mon gros ventre, et mes épais favoris, emblème de force et de vigueur ; le fait est qu’ils sont très beaux, mes cheveux, d’un crin superbe et fort luisant.

Il ôte sa perruque et la regarde.

Et l’abdomen donc, que je me suis confectionné, quelle magnifique ampleur ! je défierais un sphinx de me reconnaître comme çà ; moi qui suis d’un embonpoint si diaphane qu’on verrait mon dos à travers mon estomac.

Il ouvre sa redingote et laisse voir un corps très grêle empaqueté d’un ventre factice ; en ce moment on frappe à la porte.

Ah ! grand Dieu ! qui vient là ?

Haut.

Que voulez-vous ?

GERTRUDE, en dehors.

C’est votre souper, monsieur.

HERCULE.

Un instant, un instant ! je suis en costume de natation.

À part.

Diable ! si elle m’avait surpris ainsi !

Haut.

Je suis à vous, je passe quelques objets de nuit.

Il remet sa perruque et referme sa redingote.

 

 

Scène XII

 

HERCULE, GERTRUDE

 

HERCULE, allant ouvrir.

Entrez, entrez, ma chère vieille.

GERTRUDE.

Voilà votre souper ; d’abord un demi-poulet. Monsieur aime-t-il le poulet ?

HERCULE.

Je n’ai aucune animosité contre ce genre de gibier.

GERTRUDE.

J’ai été tout de même ben flattée de voir arriver un renfort comme monsieur ; car enfin, si honnête qu’il soit, un voleur est toujours un scélérat ; ça n’est pas d’une fréquentation rassurante. Mais quand le nôtre viendra cette nuit...

HERCULE.

Hein ! quoi ! comment, il vient ici un voleur !

GERTRUDE.

Ne vous inquiétez pas, celui-ci n’est pas méchant, il n’en veut qu’aux combustibles.

HERCULE.

Aux combustibles ! Que voulez-vous dire ?

GERTRUDE.

Bonsoir, monsieur, bon soir !

Elle sort.

 

 

Scène XIII

 

HERCULE, seul

 

Je crois que cette vieille est décidément fêlée. Bizarre destinée que la mienne ! à l’âge heureux de quatorze ans, on me plaça chez un pharmacien, quelques-uns disent apothicaire, de Laval ; c’est le pays où j’ai reçu le jour. Un soir, qu’un peu assoupi j’étais seul à la boutique, seul au laboratoire, et seul dans les autres pièces de la maison, une vieille femme d’une cinquantaine d’années se présente à moi et me demande huit grains de jalap, pour son maître, le nommé Gobillard ; je secoue les pavots du sommeil et je sers la vieille. Un quart d’heure après je la vois accourir tout effarée. Qu’avez-vous fait ? s’écrie-t-elle, malheureux ! vous l’avez empoisonné ! Je regarde sur le comptoir, je m’étais trompé de bocaux, et au lieu de jalap, c’est huit grains d’acétate de morphine que je lui avais donnés. Je n’en écoute pas davantage, je me mets à fuir, ne doutant pas que la gendarmerie soit bientôt à ma poursuite. Et j’arrive à trois lieues de là dans une auberge au moment où un homme, le Groseillon attendu ici, tombait d’apoplexie ; je m’empare de son passeport, j’imite son enveloppe grossière, et me voilà. Mais avant de me débarrasser de mon gênant attirail, allons d’abord tirer les trois verrous dont m’a parlé mon hôte.

Il sort.

 

 

Scène XIV

 

JULIEN, seul

 

Personne ! néant, pas un chat ! Je croyais rencontrer ici mon odieux rival. Est-ce donc point dans cette chambre qu’il doit percher ce bipède ?

Il regarde autour de lui.

Personne que cette chandelle. Ceci m’éclaire, Sophie viendra ce soir ! Virginale créature ! Oui, ce souper que je trouve gisant là sur cette table, comme d’habitude ; tu as voulu, ô ma Sophie, recevoir le bien-aimé ; tu as voulu que je me repusse encore une fois de la volaille paternelle et de l’aspect de tes charmes. C’est très bien, je t’en sais gré.

Écoutant.

Il me semble avoir entendu bruire n’importe quoi ; oui, j’entends des pas légers : c’est elle !

Allant vers le corridor.

Ah ! grand Dieu ! qu’aperçois-je ? un homme ! il est gros ; pas de doute, c’est mon infâme partner, je le devine à son port. Et c’est pour lui que ce souper était préparé ? Eh bien ! il n’en profitera pas ; cette ration est à moi, elle m’appartient. On peut me ravir la vie, mais ma pitance, jamais !

Il prend les quatre coins de la serviette, emporte le souper et se dirige vers le lit.

Cherche ton souper, cherche ton joli petit souper, gros centaure !

Il disparaît et ferme les rideaux du lit.

 

 

Scène XV

 

HERCULE, JULIEN dans le lit

 

HERCULE, revenant.

Tout est paisible, je suis parfaitement clos ; mettons-nous à notre aise.

Il ôte sa perruque.

JULIEN, entr’ouvrant le rideau.

Jouissons de son désespoir ! Eh bien ! que fait-il ? il s’arrache les cheveux... Mais que vois-je ? le diable l’emporte ! c’est une perruque.

HERCULE.

Maintenant, mes favoris.

Il les ôte.

JULIEN, à part.

Mais c’est donc une mue générale ?

HERCULE, déboutonnant sa redingote.

C’est que j’étouffe là-dedans ; heureusement que nous sommes en septembre, sans cela je cuirais.

JULIEN, à part.

Eh bien ! est-ce qu’il va se déshabiller ! Ce spectacle m’afflige.

HERCULE, à part.

Comme ils ont été dupes de ma carrure factice.

Il ôte sa redingote.

JULIEN, à part.

Que vois-je ? suis-je bien éveillé ! Son horrible embonpoint n’était que de la crème fouettée... Dieu me pardonne, il est maigre comme un coucou ! Ah ! quelle découverte ! quelle heureuse découverte !

HERCULE.

Ouf ! maintenant je respire plus à l’aise, et je puis souper commodément.

JULIEN, mordant dans une cuisse de poulet.

Oui, va, soupe commodément... je t’y invite... mais c’est qu’il est décharné, cet être-là !...

HERCULE.

Voyons, procédons à... Eh bien !... eh bien !... mon souper... comment, plus de souper !... il a disparu !... Ah ! mon Dieu !... est-ce que le voleur dont cette vieille m’a parlé...

Regardant.

La fenêtre ouverte... mon souper s’est enfui par là... Au voleur ! au voleur !...

JULIEN, à part.

Oui, crie ! crie !... ça ne te rendra pas ton souper... il est défunt ton souper !...

On entend un coup de fusil.

HERCULE.

Grand Dieu ! un coup de fusil !... en voudrait-on à mes jours ?... Au secours ! au secours !...

Il disparaît dans le corridor.

JULIEN, sortant du lit.

Il s’en va !... il me laisse maître de sa garde-robe... Ah ! vil imposteur !... tu es maigre et tu te rembourres... ah ! tu te fais des abdomens de filasse pour épouser ma Sophie... Ah ! tu n’es qu’une arête, et tu te produis en poisson... ah ! tu n’es qu’un os, et tu te déguises en jambon ! Bon ! bon !... attends, attends, méchant... je vais te réduire à l’expression de squelette !... Appelle pour voir... appelle pour voir !... Le voilà... sauvons-nous !

Il prend les effets et se cache dans le lit.

HERCULE, revenant précipitamment.

Eh vite ! eh vite !... j’entends monter, repassons promptement ma redingote... Ô ciel ! que vois-je ! plus de redingote !... Ah çà ! mais c’est de la fantasmagorie... cette maison est enchantée !...

CHAPOTAIN, en dehors, frappant à la porte.

Mon gendre, mon gendre, ouvrez !

HERCULE.

Voilà ! je suis à vous... Ventre de biche ! comment faire ? si j’avais au moins ma perruque !...

JULIEN, à part.

Cette comédie est fort gaie... je m’amuse beaucoup ! Bis !...

CHAPOTAIN, en dehors.

Mais ouvrez donc, mon gendre !...

HERCULE.

Que faire... que devenir ?... Si j’ouvre, je suis perdu, pincé... Quel embarras !

JULIEN, à part.

Comme il patauge ! comme il patauge !... Ter !...

CHAPOTAIN, en dehors.

Vous serait-il arrivé quelque malheur ? Si vous êtes mort, dites-le .

HERCULE, à part.

Je suis anéanti, je me décompose... qu’est-ce qui va m’arriver ?...

Il se cache dans un coin du manteau d’arlequin, à droite.

CHAPOTAIN, en dehors.

Il ne répond pas... qu’on enfonce cette porte !

JULIEN, à part.

Il est pris à son traquenard !... Ah ! bravo !

Il referme le rideau du lit.

 

 

Scène XVI

 

HERCULE, CHAPOTAIN, JULIEN, dans le lit, MULOT, GERTRUDE, PAYSANS

 

CHŒUR.

Air de Fra-Diavolo.

Pourquoi ces cris et ce tapage ?
On vient de crier au voleur !...
Nous accourons, gens du village,
Pour arrêter ce malfaiteur !

CHAPOTAIN.

Personne !... comment se fait-il ?... Que l’on cherche partout !

HERCULE, à part.

Je voudrais être inhumé !...

Haut, en sortant de sa cachette.

Ne me faites pas de mal, me voici !...

GERTRUDE, à part.

Ah ! quelle chenille !...

CHAPOTAIN.

Emparez-vous de lui, c’est mon voleur !

HERCULE.

Hein !... comment ? que dites-vous ?... votre voleur, moi ?...

MULOT.

Oui, c’est lui, c’est bien le même qui vient toutes les nuits... Je ne l’ai jamais vu ; mais je le reconnais parfaitement.

HERCULE.

Ah çà mes braves gens ! la terreur vous abrutit.

JULIEN, à part, entr’ouvrant le rideau.

Je donnerai onze sous d’une place de parterre.

CHAPOTAIN, à Hercule.

Approche, malheureux, et dis-moi où est mon gendre qui habitait ce local ?

HERCULE.

Votre gendre !...

À part.

Il ne soupçonne pas l’identité, j’aime mieux ça...

Haut.

J’ignore ce qu’il est devenu...

GERTRUDE, à Chapotain.

Monsieur, il n’a pu sortir d’ici, car le collidor était émétiquement verrouillé...

CHAPOTAIN.

Je frémis de deviner... La rivière passe au-dessous de cette fenêtre...

Il montre une fenêtre à droite.

Le misérable l’aura noyé !... Réponds, malfaiteur, as-tu détruit mon gendre ?...

HERCULE.

Moi ! jamais !... Vous verrez que je serai convaincu de m’être assassiné moi-même.

CHAPOTAIN.

Je demanderai justice aux tribunaux... Mon gendre, un homme d’une si belle venue ! Qu’on le précipite en prison !

HERCULE.

Un instant, un instant donc !... Respect à un citoyen muni de son passeport !...

CHAPOTAIN.

Son passeport !... Ah ! voilà qui va achever de te confondre !... Voyons ledit passeport !...

Il le prend.

Cheveux noirs et épais...

MULOT.

Les siens sont couleur filasse...

CHAPOTAIN, lisant.

Barbe et favoris bruns...

HERCULE.

Et si je me suis rasé... et si j’ai voulu me raser ?... Ah !...

CHAPOTAIN, lisant.

Beaucoup d’embonpoint... Avez-vous aussi voulu vous maigrir, mon gaillard ?... ah !...

GERTRUDE.

Ah !

TOUS.

Ah !

JULIEN, entrouvrant.

Ah !

HERCULE.

Ah !... c’en est trop !... que l’on m’arrête... que l’on me juge, que l’on me condamne... que l’on me hache en petits morceaux... c’est trop fort !... je ne dirai rien !...

CHAPOTAIN.

Il avoue tout ! c’en est assez, qu’on l’enferme ici... qu’on le garde à vue !... et courons à la recherche des restes de mon gendre infortuné... Mulot, sous cette fenêtre, et vous à cette porte... vous m’en répondez sur votre tête !... Suivez-moi tous...

CHOEUR.

Grâce à ces cris et ce tarage,
On a découvert le voleur,
Et Dieu merci, tout le village
Ne craint plus rien du malfaiteur !

Tout te monde sort.

 

 

Scène XVII

 

HERCULE, JULIEN

 

Hercule s’assied près du lit, Julien en sort.

JULIEN.

À nous deux maintenant, mon gaillard !...

HERCULE.

Hein !... que vois-je !... un homme ici !... c’est le voleur qu’ils cherchent... Au voleur !... au voleur !...

JULIEN.

Silence !... pas de cris, pas d’injures !... vous voyez en moi le neveu du gros maire qui sort d’ici.

HERCULE.

Son neveu !... que me voulez-vous ?...

JULIEN.

La chose du monde la plus simple, voilà : nous sommes tous les deux dans l’embargo... moi, parce que j’idolâtre et en suis idolâtré... vous, parce que vous ne jouissez pas de tout votre extérieur...

HERCULE.

Comment, vous sauriez...

JULIEN.

Je sais absolument tout... vous êtes ici dans la position d’un lapin qu’on vient de peler.

HERCULE.

Mais c’est donc vous ?...

JULIEN.

C’est moi-même... c’est moi qui t’ai pelé.

HERCULE.

Qu’entends-je ?... Voleur !... rends-moi mes effets !...

JULIEN.

Et toi, rends-moi ma cousine !

HERCULE.

Votre cousine !...

JULIEN.

Oui, que j’aime, et que tu veux épouser...

HERCULE.

Moi, l’épouser !...

JULIEN.

Toi, l’épouser !...

HERCULE.

Mais non, mais non, jamais !...

JULIEN.

Mais non, mais non, jamais ! qu’entends-je ?...

HERCULE.

J’aime Rose de Laval... je ne veux épouser que Rose !...

JULIEN.

Rose !... connais pas... n’importe... je la trouve jolie... épouse toutes les Roses que tu voudras... prends les Roses et laisse-moi les Sophies ! voilà tout ce que je demande.

HERCULE.

Et moi donc !...

JULIEN.

Et toi donc !... Ah çà ! mais un instant, mon petit farceur !... je soupçonne que vous m’en donnez à garder... Si vous aimez Rose, comme vous le dites, pourquoi venez-vous pour vous allier aux Chapotain ?

HERCULE.

Mais non, mais non, jamais !

JULIEN.

Mais non, mais non, jamais ?

HERCULE.

Je ne pense pas à ça... je n’y ai jamais pensé... je ne suis pas cet Hercule qu’on attend... je suis garçon apothicaire.

JULIEN.

Garçon apothicaire !...

HERCULE.

Un pauvre garçon apothicaire de Laval, que la fatalité poursuit sous la forme des gendarmes... qui, par une circonstance bizarre, se trouve avoir détruit un de ses semblables.

JULIEN.

Tu as tué un de tes semblables !... Ah ! ça n’est pas courtois... tu m’inspires beaucoup d’intérêt, mais je te désapprouve.

HERCULE.

Enfin, qui n’avais pris ce déguisement, cause de l’erreur du maire, votre oncle, que pour échapper à l’œil nu des autorités.

JULIEN.

Ah ! grand Dieu !... que me dites-vous là ?... et moi qui le croyais mon rival, et qui ai aidé à le fourrer dans la peine... Ah ! mais je suis un brutal, un paltoquet... un mouchard... je me dégoûte !...

HERCULE.

Que vais-je devenir à présent que ce Chapotain me prend pour un voleur ?...

JULIEN.

Eh ben ! eh ben !... mais, voyons... vous me jurez que ce que vous me dites est la pure vérité ?...

HERCULE.

Je vous le jure !

JULIEN.

Sur le Manuel du bon Laboureur ?

HERCULE.

Sur tout ce que vous voudrez.

JULIEN.

C’est bien !... j’y crois...

Il va au lit et rapporte les effets.

Voilà vos immeubles.

HERCULE.

Pourquoi faire maintenant ?...

JULIEN.

Rengainez-vous là-dedans et laissez-moi faire !

HERCULE.

Comment ?...

JULIEN.

Rengainez-vous, je vous dis...

HERCULE.

Mais je ne vous comprends pas !...

JULIEN, à part.

Il devient très bête... il tourne au melon.

Haut.

Comment ! tu ne vois pas que je te ressuscite Groseillon... pour que tu me cèdes tes droits à la main de ma cousine... Je ne suis plus votre ennemi... faites-vous très gros, ça me va... voyons, parlez, avez-vous assez d’emmaillotage comme çà ?... voulez-vous un adjutorion ?... voulez-vous que je vous donne mon traversin, les deux tiers de mon matelas ?... Voulez-vous mon oreiller ?...

HERCULE, qui est ajusté.

Non, ce que j’ai là suffit !

JULIEN.

À votre gré... allons, maintenant que vous êtes recomplété, je puis appeler... vous... songez à vos promesses, et laissez-moi faire et agir !...

Criant.

Mon oncle !... mon oncle...ma cousine... tout le monde !...

 

 

Scène XVIII

 

HERCULE, JULIEN, CHAPOTAIN, SOPHIE, GERTRUDE, puis après, MULOT

 

JULIEN.

Venez, venez, mon oncle... le sieur Hercule est retrouvé !...

TOUS.

Ah !...

SOPHIE.

Mon cousin ici !...

CHAPOTAIN.

En effet, c’est lui !... c’est bien lui !

Il l’embrasse.

Ah çà ! mais ce voleur, ce malfaiteur infâme...

GERTRUDE.

Eh ! oui, mon mangeur de poulets ?...

JULIEN.

Le voleur ?... enfin... évaporé... volatilisé pour toujours.

CHAPOTAIN.

Qu’est-ce à dire ?...

HERCULE.

Ah ! mon Dieu !... disparu à perpétuité... s’il était resté, impossible à moi de revenir...

CHAPOTAIN.

Mais il vous tenait donc ?

HERCULE.

Par la redingote et par les cheveux !...

CHAPOTAIN.

Et qui vous a sauvé, retiré de ses mains ?

HERCULE.

Ce jeune homme !...

SOPHIE.

Julien !

CHAPOTAIN.

Lui !... comment, toi, chétive créature, tu as terrassé cet affreux brigand ?...

JULIEN.

Tout entier... vous voyez que je ne suis pas si débile...

CHAPOTAIN.

Ah ! mais alors, c’est bien différent...

MULOT, entrant.

M’sieur l’ maire, m’sieur l’maire, v’là une lettre pour vous ; elle vient de Laval.

HERCULE, à part.

De Laval !... c’est à mon sujet... ah ! je fonds sous moi !

CHAPOTAIN.

Voyons donc ce qu’on m’écrit... vous permettez, mon gendre ?

HERCULE.

Comment donc !...

À part.

Je tremble !

CHAPOTAIN, lisant.

« Mon cher ami, j’ai une fâcheuse nouvelle à t’annoncer... Hercule Groseillon, que tu attendais a été hier, à quatre lieues d’ici, frappé d’une attaque d’apoplexie... »

À Hercule.

Hein ?... vous avez eu une attaque d’apoplexie ?...

HERCULE.

Moi !...

À part.

Pincé !...

JULIEN, à part.

Gare la bombe !...

CHAPOTAIN, lisant.

« On l’a d’abord transporté dans une auberge, puis on l’a ramené chez moi, où il est à l’article de la mort. »

S’interrompant.

Je demeure pétrifié !... mais tu n’es donc qu’un vil imposteur ?... car je ne puis douter de ce qu’on m’écrit... je connais la signature ci-jointe... c’est celle d’un ami de vingt ans, de mon ami Gobillard, de Laval...

HERCULE.

Hein !... comment !... Gobillard, de Laval !... c’est le sieur Gobillard qui vous écrit cette lettre ?...

CHAPOTAIN.

Mais sans doute !

HERCULE.

Ah ! ventre de biche !... Que m’apprenez-vous là ?... mais je ne suis donc pas son meurtrier ?

TOUS.

Son meurtrier !...

HERCULE.

Je ne l’ai donc pas empoisonné, en lui donnant de l’acétate pour du jalap ?...

MULOT.

Comment, comment, du jalap !... mais je connais l’histoire, j’ai entendu parler de çà hier à Laval... cette médecine était pour son chien...

HERCULE.

Son chien... ah ! quel bonheur !...

Embrassant Julien.

Je me croyais le destructeur de mon semblable, et je n’ai immolé qu’un caniche hydrophobe !... C’est la société qui me doit quinze francs... Bienheureux Amable Ledoux !...

TOUS.

Amable Ledoux !...

JULIEN.

C’est son nom, son vrai nom !

CHAPOTAIN.

Comment, comment, mais cela ne me dit pas... D’abord, ce passeport dont il était porteur... Comme maire, je dois savoir...

JULIEN.

Comme maire, possible ; mais comme père, vous devez nous marier... voilà tout !...

CHAPOTAIN

Vous marier !... vous marier !... je ne doute plus de ta force et de ton courage, puisque tu as vaincu ce voleur dont nous étions infestés... mais cette corpulence frêle et délicate...

HERCULE.

Oh ! que ça ne vous arrête pas !... dès qu’il le voudra, je lui donnerai le moyen d’être aussi fort et aussi vigoureux que moi-même...

CHAPOTAIN.

Vous auriez un secret ?

SOPHIE.

Ah ! mon père !...

JULIEN.

Ah ! mon oncle !...

GERTRUDE et MULOT.

Ah ! M. le maire !...

CHAPOTAIN.

Ah ! ah ! ah !... tout ce que j’ai de plus cher au monde... laissez-moi tranquille... et mariez-vous !

JULIEN.

Vous conseillez ?... Ah ! fameux !... ah ! fameux ! ah ! comme le bonheur va m’engraisser !... Dieu ! quelle petite loche je vas faire !... c’est-à-dire, non... comme mon oncle aime le gras et que ma Sophie ne déteste pas le maigre... eh bien ! je m’arrangerai pour être entrelardé !

CHŒUR FINAL.

Air de l’ambassadrice.

Ah ! quel plaisir extrême !
Quel beau jour !
Ce couple qui s’aime
Sans retour
Voit ses vœux comblas en ce jour.
Bien suprême !...
Ah ! quel plaisir extrême, etc.

Couplet, au public.

HERCULE.

Air de la Colonne.

Messieurs, à la fin d’chaque ouvrage.
On vous chant’ des couplets menteurs
Qui sont plus bêtes ; mais c’est l’usage
D’ la majorité d’ nos auteurs ;
Un tas d’intrigants et d’ flatteurs.
Avec des esprits comm’ les vôtres
Nous méprisons ce procédé commun...

JULIEN, parlé.

Dites-donc, vous, eh !

Fin de l’air.

Je m’aperçois que vous en chantez un
Encor’ plus bêt’ que tous les autres.

LE CHŒUR.

Ah ! quel plaisir extrême, etc.

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