Faire sans dire (Alfred de MUSSET)

Proverbe.

Publié dans le Dodecaton, recueil de douze récits de Stendhal, Musset, Vigny, Dumas, Mérimée, Sand... en 1837.

 

Personnages

 

MARIANI, musicien

L’ABBÉ FIORASANTA

LE COMTE APPIANI

JULIE

 

Rome.

 

Un cabinet de travail.

 

 

MARIANI, seul.

Maintenant que te voilà belle, ma chère basse, va-t’en là ; – il faut que je me couche. Je t’ai joliment frottée, ma grosse ! Comme tu reluis ! Tu es bien contente. Cette vilaine poussière te rendait honteuse.

Il serre sa flûte.

Petite ! petite ! tu vieillis. Ah ! Dieu du ciel, moi aussi... Que de lumières il y a là-bas ! Hélas ! il est minuit. C’est maintenant que la richesse s’éveille, et que la pauvreté s’endort. Bah ! toute cette musique à copier sera finie demain. Le diable soit de la plume qui a fait un pâté sur cette page !

Il ferme sa fenêtre.

Triste ou gai, pourquoi le serais-je ? Vivre sans inquiétude et sans espérance, est-ce être heureux ou malheureux ? Ah ! pauvre lit, tu sens le tombeau. Pauvres murs, les rayons du soleil ne vous aiment guère ; vous êtes si noirs ! Allons, serrons tout ceci. La médiocrité est une triste chose. Il est certain que je dîne, que je vais et viens ici et là, comme un renard dans une ménagerie ; mais il n’est pas prouvé que cela s’appelle vivre. Ainsi pourtant l’âge arrive, et la mort... À quoi vais-je rêver ? Il m’a semblé tout à coup que j’entendais courir. Qui est-ce qui crie ? Ma foi on se sauve ; on s’arrête par instant ; – il se fait quelque coup de main dans ce méchant quartier.

On frappe.

Qui est là ?

UNE VOIX, en dehors.

Ouvrez, ouvrez, qui que vous soyez.

Entrent Julie masquée et l’abbé Fiorasanta.

L’ABBÉ.

Fermez la porte ! la porte ! ouf ! je suis plus mort que vif.

Julie s’assoit.

MARIANI.

En quoi puis-je vous servir, monsieur ?

L’ABBÉ.

Vous vous mourez, belle Julie. Cette fuite précipitée, mon idole, m’afflige autant que vous. Je serai chassé des états du pape !

MARIANI.

Pourquoi cela ?

L’ABBÉ.

Silence, mon cher monsieur ! paix ! paix ! voilà un bruit d’armes et de chevaux. Ah Dieu ! nous sommes sauvés ! Dieu nous sauve ! Monsieur, n’y a-t-il pas une seconde issue dans cette maison ?

MARIANI.

Oui ; voilà la porte de mon caveau qui donne sur la campagne.

L’ABBÉ.

Y pensez-vous ? En rase campagne ? Ô ciel ! ceux qui ont juré ma mort sont à cheval. Ah ! c’est fini, voilà la fin de tout ; c’est mon heure dernière.

MARIANI.

Si, en frappant à cette porte, vous n’avez voulu demander que l’hospitalité, monsieur l’abbé, je puis me retirer, et la décence même m’en fait un devoir.

L’ABBÉ.

Ah ! monsieur, si vous pouviez nous sauver d’une manière ou d’une autre, mon oncle le cardinal vous récompenserait.

MARIANI.

Parlez, dites un mot, que puis-je faire ?

L’ABBÉ.

Qu’il vous suffise de savoir qu’on nous poursuit, monsieur, et que votre cœur fasse le reste. Il m’est impossible de vous confier en entier le secret d’une aventure...

Il lui parle à l’oreille.

JULIE, se levant.

Cet homme est mon amant, monsieur ; j’ai quitté, il y a un quart d’heure, la maison de ma mère, et mon frère nous poursuit.

L’ABBÉ.

Nous ne pouvons rester là, ma flamme, mon bien chéri, voilà des torches qui rôdent par ici.

JULIE.

Tu as peur, Fiorasanta ?

L’ABBÉ.

Que nous nous séparions, voilà le vrai moyen. Que peut-on prouver si l’on nous trouve dans deux endroits différents ?

JULIE.

Demande une épée à monsieur, et reste.

L’ABBÉ.

Voilà bien les femmes ! un duel entre moi et votre frère accommoderait bien les choses ! Tenez, belle Julie, n’en parlons pas ; je suis sûr qu’en vous confiant à monsieur, je vous laisse entre les mains d’un galant homme, je me hasarderai par les champs, et rentrerai au palais, si je puis. Demain, à la pointe du jour, je reviens vous prendre, et nous partons.

JULIE.

Pourquoi veux-tu te sauver et me laisser ?

L’ABBÉ.

Parce que nous ne pouvons fuir ensemble sans danger. On n’attrape pas aisément un homme seul, et d’ailleurs que pourra-t-on me dire ?

JULIE.

Pars, si tu veux.

Elle se rassoit.

L’ABBÉ.

Vous voyez, seigneur cavalier, de quoi il s’agit. Cette jeune demoiselle est la comtesse...

MARIANI.

Je ne vous demande pas de nom, monsieur ; voilà mon manteau, et la porte est ouverte.

L’ABBÉ.

C’était un coup monté de partir cette nuit en chaise de poste. Nous avons été surpris, et obligés de fuir... – Ô ciel ! tandis que je parle, le comte Appiani, son odieux frère, promène ses torches de tous côtés ! Jamais sa sainteté ne pourra me pardonner ; – et mon oncle le cardinal ne me donnera pas un ducat.

Il met le manteau de Mariani.

Heureusement que ce frère ne saurait m’avoir vu nulle part ; j’étais encore au séminaire dimanche dernier ; d’ailleurs il n’a pu distinguer mon visage dans toute cette fuite. Monsieur, je vous confie la plus charmante femme de l’Italie.

Il sort.

MARIANI.

Vous pleurez, mademoiselle ?

JULIE.

Non.

Un silence.

MARIANI.

Les torches approchent de la maison. Il est très possible qu’on y frappe, puisque vous y avez frappé vous-même. Que fera votre frère s’il vous trouve ici ?

JULIE.

Je n’en sais rien.

MARIANI.

Pardonnez-moi mes questions. En supposant qu’il vous rende à votre mère, croyez-vous qu’elle vous pardonne ?

JULIE.

Je n’en sais rien.

MARIANI.

Jugez-vous à propos de vous retirer dans une pièce écartée de cette maison ? alors je pourrais tout nier dans le cas où l’on vous y viendrait chercher ; ou croyez-vous qu’il vaille mieux vous en remettre à la générosité du comte Appiani ?

JULIE

Je n’en sais rien.

MARIANI.

Vous seule cependant pouvez décider de ce qu’il faut que je fasse et de ce que vous devez faire vous-même. Ayez du cœur et ne désespérez pas.

JULIE, montrant le stylet qu’elle porte à la ceinture.

En voilà un qui ne désespère pas.

MARIANI, à part.

Ou cette femme est bien peu de chose, ou elle mérite qu’on fasse tout pour elle. Voyons ! faut-il que je la rende à son frère ? faut-il que je me mêle de cette affaire-là ? Je ne la connais pas, cette femme. Voyons ! voyons ! suis-je un lâche, ou ai-je du cœur ?

Il s’assoit. On frappe à la porte.

Voilà son frère, cela est clair. Il n’est pas bien difficile de trouver cette maison isolée. Faut-il que j’ouvre ? et quand j’aurai ouvert, que faut-il que je fasse ?

On frappe un second coup.

Au fait, tout cela ne me regarde pas. Est-ce ma faute si son amant est un poltron fieffé, et s’il la jette à la tête du premier venu pour sauver sa peau ? D’un autre côté, si je me croise les bras, son frère peut être un brutal, et elle n’a personne pour la défendre. D’où sort-elle ? et qu’est-ce qui me dit qu’elle ne va pas me rire au nez, si je fais le rodomont ? Il faut faire tout ou rien.

On frappe encore.

JULIE.

À quoi pensez-vous, seigneur cavalier ?

Elle ôte son masque.

MARIANI.

Entrez ici, madame, et laissez-moi faire.

Julie sort.

Qu’elle soit ce qu’elle voudra, elle est belle comme le soleil.

Il va ouvrir. Entre Appiani.

APPIANI.

Qui êtes-vous ?

MARIANI.

Et vous ?

APPIANI.

Ma sœur est ici.

MARIANI.

Qu’en savez-vous ?

APPIANI.

Es-tu son amant ?

MARIANI.

Que fais-tu si je le suis ?

APPIANI.

Dis oui ou non, ou tu es un lâche.

MARIANI.

Non.

APPIANI, appelant.

Julie ! sors de cette chambre. Ne te cache pas ; je t’ai vue par la fenêtre.

Julie rentre.

JULIE.

Bonjour, Benvenuto ; me voilà.

APPIANI.

Ta mère te déshérite, ma sœur. Ton père te maudit.

JULIE.

Jésus ! Jésus !

Elle tombe.

APPIANI.

Si tu me connais, tu sais que je ne pardonne pas. Vis comme tu pourras ; je ne viens pas te chercher pour te ramener, comme tu peux le croire ; fais-toi entretenir par ton amant. On se passera de toi, fillette.

MARIANI.

Taisez-vous ; elle va mourir.

APPIANI.

Qu’elle meure, celle qui a un amant qui ne la défend pas ! Corps de Bacchus ! Quel nom porte celui qui laissa tomber une femme sans la relever ?

MARIANI, assis, compte sur ses doigts.

Six cents ducats chez Angelo, – deux cents ducats chez Battista. – La maison peut en valoir quinze cents, avec le jardin...

APPIANI.

Quel nom porte celle qui quitte son père et sa mère pour un gredin qui ne vient pas quand on l’appelle ? Holà ! n’y a-t-il rien ici qui ressemble à un homme ? T’es-tu enlevée toute seule, Julie ?

MARIANI.

Les frais du concert et l’éclairage payé, il m’est resté quinze cents francs... quinze cents et cinq cents d’une part...

Il compte à voix basse.

APPIANI.

Qu’est-ce que tu marmottes, valet ?

MARIANI.

Avez-vous quelque autre parent, quelque autre protecteur au monde, madame ?

JULIE.

Pas un.

MARIANI, à Appiani.

Viens, toi, tu es mort.

Il sort avec Appiani. Julie seule se met à genoux, et récite un Ave Maria. Un long silence. Mariani rentre.

JULIE.

Ô Christ ! Et mon frère ?

MARIANI.

Priez pour lui.

JULIE.

Bourreau, pourquoi l’as-tu tué ?

MARIANI.

Parce qu’il fallait que je me battisse, et que si je l’avais laissé faire, il m’aurait tué.

JULIE.

Pourquoi te bats-tu pour moi ? Tu n’es pas mon amant.

MARIANI.

Votre mère vous déshérite ; votre père vous a maudite. Je vous ai demandé si vous aviez quelque autre protecteur au monde ; vous m’avez dit que non. Sans les injures de votre frère, tout pouvait encore se concilier. Votre famille pouvait se laisser fléchir et révoquer l’arrêt qu’elle a prononcé sur vous ; mais votre frère a voulu un duel. Rentrez dans cette chambre, madame, ma vue doit vous faire horreur.

JULIE.

Laissez-moi partir d’ici.

MARIANI.

Où allez-vous ? La maison de votre père est fermée.

JULIE.

J’ai un père là-haut qui a la sienne ouverte.

MARIANI.

Dieu ne console pas les pauvres, madame, et vous êtes déshéritée. Si vous croyez qu’on se fait religieuse comme on veut, vous vous trompez.

JULIE.

Mourir, alors !

MARIANI.

Si vous mourez, j’ai commis un crime inutile.

JULIE.

Que voulez-vous donc de moi ?

MARIANI.

J’ai fait avertir Fiorasanta, votre amant.

JULIE.

Vous le connaissez ?

MARIANI.

Oui. Êtes-vous fière, fille des Appiani ?

JULIE.

Assez pour ne jamais parler à un lâche.

MARIANI.

Il ne viendra pas.

JULIE.

Pourquoi ?

MARIANI.

Parce que c’est un lâche. Maintenant, êtes-vous capable d’écouter ce que j’ai à vous dire ? ou voulez-vous que je vous laisse seule jusqu’à la pointe du jour ? je ne puis rester ici plus longtemps ; mon adversaire est tué sans témoin, et le meurtre est puni de mort.

JULIE.

Qu’est-ce que vous voulez me dire ?

MARIANI.

Pouvez-vous supporter ma vue patiemment ?

JULIE.

Parlez.

MARIANI, s’assoit.

Cherchez bien dans votre mémoire s’il vous reste un moyen de vivre en paix pendant quelques mois, peut-être pendant quelques années, jusqu’à ce que votre famille veuille vous pardonner et vous recevoir de nouveau.

JULIE.

Quand les Appiani pardonnent, les rivières changent de cours.

MARIANI.

Je vous laisse cette maison, qui est à moi. Vous y resterez sous le nom que vous choisirez ; mes habitudes étaient solitaires, et l’on ne saura peut-être pas que ce pauvre taudis a changé de maître.

JULIE.

Et toi ?

MARIANI.

Moi, je suis un homme : un homme vit avec ses bras. Si vous êtes chassée de votre famille et privée de vos biens irrévocablement, vous avez de quoi vivre ici. Si vous redevenez riche un jour, vous me rendrez tout cela.

JULIE.

J’ai aussi des bras ; je puis me faire ouvrière.

MARIANI.

Prenez garde à un mouvement d’orgueil.

JULIE.

Prenez-y garde aussi.

MARIANI.

Ai-je agi trop vite ?

JULIE.

Non ; mais !...

Elle marche à grands pas.

MARIANI.

Les nuits sont courtes dans cette saison. Voilà l’Orient qui se colore. Dans une heure il faut que j’aie quitté Rome.

JULIE.

Ta patrie, Mariani !

MARIANI.

Cette ville n’est pas ma patrie ; je suis Vénitien. Tenez, il y aura dix ans à l’Assomption que, par une nuit comme celle-ci, j’entrai dans cette belle cité. Les feux du matin paraissaient, comme en ce moment, derrière ces collines ; je portais avec moi cet instrument. J’étais jeune, joyeux, et sûr de réussir. Je n’avais rien, tout est venu depuis en travaillant. Aujourd’hui ce sera dans ma chère Venise que je reviendrai. Comme un chanteur en voyage ; et si mon bon génie est las de me suivre, j’irai mourir pour la liberté de l’Italie.

JULIE.

Tu es brave, mais tu es fou.

MARIANI.

Je vous supplie d’accepter.

Il se jette à genoux.

JULIE.

Mais quel nom porterai-je ici ?

MARIANI.

Un nom plébéien, c’est une sauve garde.

JULIE.

Je passerai pour une aventurière. Comment, à la première recherche, ne découvrira-t-on pas qui je suis ? Si je ne tiens à rien, si je ne connais personne, personne ne répondra pour moi, et je serai mise en prison par mes parents ou par la police.

MARIANI.

Je puis pour cela vous offrir un moyen certain... Je crains que vous me refusiez.

JULIE.

Lequel ?

MARIANI.

Je vous le dirai plus tard. – Maintenant, permettez-moi de me préparer à partir.

Il s’éloigne.

JULIE, seule.

Es-tu fou aussi toi, mon cœur ? Quel rêve fais-tu ? Cet homme est chaud du sang de ton frère.

Elle s’agenouille de nouveau, et prie.

MARIANI, rentrant.

Voici ce que je vous propose ; seule ici, quel que puisse être le serviteur que je vous laisserai, il vous faut en effet un nom qui réponde pour vous ; je vous offre le mien.

JULIE.

Ton nom ?

MARIANI.

Il n’est pas noble, mais il est sans souillure ; du moins jusqu’à ce jour. Mon père était joaillier à Venise ; il fut ruiné par un naufrage ; j’ai un frère qui est riche et qui fait le commerce à Bassora. Ma famille ne remonte pas bien haut ; cependant quand le père de mon père est mort, il occupait dans l’armée un grade distingué.

JULIE.

C’est ton nom, Mariani, qui est trop noble pour moi.

MARIANI.

J’étais sûr que vous refuseriez. Cependant il faut que je parte.

JULIE.

Non, non.

MARIANI.

Est-ce le nom d’un assassin que vous ne voulez pas porter ? Songez que si je ne disparais, demain, je change de rôle aux yeux du monde, et deviens victime.

JULIE.

Et que te donnerais-je en échange ?

MARIANI.

Un souvenir, qui me suivra comme une sœur fidèle dans les plus lointaines contrées.

JULIE.

Tu es jeune, Mariani ; et le jour où tu aimeras ? Ne ferme pas ton cœur imprudemment ; que diras-tu alors ?

MARIANI.

Je dirai que j’ai laissé mon nom à une femme que les profondes mers séparent de moi, et que j’ai fini sur la terre.

JULIE.

Tu ne me connais pas, cependant ?

MARIANI.

Réponds-moi ; il faut que je parle.

JULIE.

Va dans cette chambre ; prends une cassette que j’ai apportée et qui contient quelques diamants ; elle est à toi.

MARIANI.

J’accepte.

Il sort.

UNE VOIX, en dehors.

Je vous dis que c’est ici, je reconnais la porte.

On frappe.

JULIE, ouvrant.

C’est toi ! Entre Fiorasanta.

L’ABBÉ.

Oui, belle Julie, c’est moi ; j’ai reçu la nouvelle bien fâcheuse de la mort du comte Appiani ; savez-vous ce que j’ai fait ? J’ai tout appris à mon oncle le cardinal.

JULIE.

Eh bien ?

L’ABBÉ.

Eh bien, tout est au mieux ; il consent à payer à Sa Sainteté ce qui est nécessaire pour avoir notre pardon ; il exige seulement que nous quittions la ville pour quelque temps. Nous irons à Naples, où je quitte les ordres, et où je vous épouserai. Mon oncle le cardinal a écrit à votre mère pour assoupir l’affaire, et lui demander votre main pour moi ; la réponse a été que votre frère a exigé en mourant qu’on vous pardonnât votre fuite. Les derniers instants de cet homme, autrefois inflexible, ont été consacrés à prier pour vous et pour lui-même. Vous ne me répondez pas ? J’amène avec moi vos porteurs, qui vont, s’il vous plaît, vous reconduire à votre palais, où mon oncle le cardinal s’est lui-même fait transporter ; à moins que vous ne jugiez plus convenable d’indiquer tout autre lieu qu’il vous plaira.

Mariani rentre.

JULIE.

Mariani, j’ai le pardon de ma mère.

L’ABBÉ.

Monsieur, je vous remercie pour tous, les soins que vous avez pris, et vous engage à venir avec moi. Mon oncle le cardinal ne laissera pas vos services sans récompense.

JULIE.

Écoute-moi, Mariani ; j’exige que tu me jures de m’accorder ce que je le demande.

MARIANI.

Je te le jure.

JULIE.

Sur la foi de ton âme ?

MARIANI.

Oui.

JULIE.

Je me nomme Julie, comtesse Appiani. Je suis pupille du cardinal Grimani, qui m’a laissé son bien par testament, après sa mort ; je veux que mon nom soit rayé de ce testament, et le tien écrit à la place. Maintenant, prends cette bague.

Elle se coupe une mèche de cheveux.

et mets cela dedans.

Elle fait ouvrir la porte et monte dans sa chaise.

L’ABBÉ.

Où ordonnerai-je à ces porteurs de vous mener, madame ?

JULIE.

Chez les sœurs de la Visitation ; prêtre, tu diras à ma mère que j’ai pris le voile.

PDF