Athènes pacifiée (Jean-François CAILHAVA DE L’ESTANDOUX)

Comédie en trois actes, tirée des onze pièces d’Aristophane.

Imprimée en 1797.

 

Personnages

 

PALLAS

PLUTUS

MERCURE

ARISTOPHANE

LISISTRATA

PRAZAGORA

BLÉPYRUS

LES PRÊTRES DE PALLAS

CHŒUR qui demande la paix

CHŒUR qui demande la guerre

CORIPHÉES.

 

La scène se passe à Athènes.

 

Au fond du théâtre s’élève le temple dédié à Minerve ou Pallas. Sur la droite paraissent des maisons modestes ; sur la gauche des arbres formant la lisière d’un bois.

 

 

ÉPÎTRE

 

À toi jeune AGATHO-PARTHES, toi qui réalises dans moins d’un an ; plus de merveilles que l’imagination la plus fertile, la plus exagérée n’en saurait prêter à la vie entière d’un héros fabuleux.

 

(Acte II de cette pièce, scène VII.)

 

Depuis la Révolution, un chapitre essentiel manque à mon art de la Comédie, celui du but politique.

En décomposant Aristophane, le seul modèle dans ce genre, en méditant ses pièces j’ai senti combien il serait funeste que nos poètes comiques vissent un but politique au-delà du but moral. Le théâtre est une tribune bien dangereuse ; une idée fausse ou légèrement hasardée peut y séduire les cœurs, et monter les têtes avant qu’on ait le temps de la combattre.

Pénétré de cette vérité, jaloux de la rendre plus sensible, j’ai cru qu’il serait piquant de resserrer dans quelques scènes, imitées d’Aristophane, tout ce que j’avais préparé dans l’intention de faire connaître ses beautés, ses défauts, ses lâches complaisances pour le peuple, le peu d’influence qu’il eut sur les affaires publiques, et tous les torts que son génie aurait dû repousser.

J’ai même cru devoir prouver, dans cet Ouvrage, à mes jeunes confrères, qu’il ne leur reste aucun prétexte, aucun faux-fuyant pour marcher sur les traces d’Aristophane-Diplomane, puisque malgré les deux mille quelques cents ans qui nous séparent, ses comédies, à la marche près, semblent être composées d’hier ou d’aujourd’hui, tant le portrait d’ATHÈNES et celui de PARIS sont ressemblants. L’on peut en juger par cette copie ; mais si quelqu’un de nos contemporains s’y reconnaît, si surtout il ne se trouve point flatté, qu’il s’en prenne au premier peintre ; pas un seul coup de pinceau, dans mon Ouvrage, qui ne soit imité d’Aristophane : j’en ai même adouci plusieurs, et n’ai pas copié les plus sévères.

Heureux ! si mon essai, dans le genre grec, obtient les suffrages de ce même public qui daigna me prodiguer tant d’encouragement, lorsque dans la Maison à deux portes, la Fille supposée, les Ménechmes grecs, j’osai transplanter sur la scène française trois chefs-d’œuvre du plus comique des Poètes Latins.

 

 

ACTE I

 

 

Scène première

 

ARISTOPHANE, seul, rêveur

 

Aristophane ! Aristophane ! qu’est devenu ce temps heureux, où Thalie semblait commander par ta voix aux magistrats d’Athènes ? Les muses auraient-elles perdu tout leur crédit ? Non : j’aime du moins à me le persuader ; aussi ai-je retouché avec le plus grand soin ma comédie de la Paix. J’y déploie toutes les ressources de l’allégorie ; et, prenant jusqu’à son langage, je demande fièrement à Jupiter jusques à quand il prétend garder dans ses mains ce grand balai dont il semble vouloir balayer la Grèce entière

 

 

Scène II

 

ARISTOPHANE, MERCURE, dans un nuage

 

MERCURE.

Salut au poète à la belle tête ; du moins si l’on s’en rapporte à sa modestie.

ARISTOPHANE.

Oh ! oh ! je dois sans doute l’épigramme à l’un de ces poètes qui, montés sur de grands mots bouffis, mais vides de sens, cherchent des dithyrambes dans les nues.

MERCURE.

J’ignorais qu’ils s’élevassent aussi haut. Reconnais Mercure.

Il descend peu à peu, et le nuage disparaît.

Le ciel jette un coup d’œil attendri sur l’Attique. Il m’ordonne de voir par moi-même comment un peuple dont chaque Général est un soldat, et chaque soldat un héros, peut consentir à déposer ses armes victorieuses.

ARISTOPHANE.

Bien débuté, Mercure ! l’anarchie elle-même n’aurait pu mieux parler. Par quelle fatalité la plus belle des nations serait-elle condamnée à n’être que conquérante ? et, parvenue une fois aux bornes plantées par les mains de la nature, qu’irait-elle chercher au-delà ? Nos mers n’étendent-elles pas leurs bras jusqu’au bout du monde ? Nos forges ne sont-elles pas aussi propres à fournir des faux que des lances ? Notre sol, caressé par un ciel pur, n’ouvre-t-il pas son sein à toutes sortes de cultures ?

MERCURE.

 J’en conviens ; vous paraissez fouler cette terre féconde à laquelle les Titans ne pouvaient toucher sans prendre une nouvelle vie.

ARISTOPHANE.

N’avons-nous pas surtout reçu des dieux le goût le plus exquis pour les arts ? Voyez cependant nos figuiers pâles et languissants attrister nos campagnes ; voyez nos ateliers soupirer en vain après l’aiguille et les fuseaux d’Arachné. Jetez les yeux sur les jardins d’Académus : l’autel d’Apollon y attend des couronnes ou des prêtres, qui, au lieu de les distribuer aux initiés, ne se les partagent pas.

MERCURE.

Eh ! savent-ils respecter même la part des dieux ?

ARISTOPHANE.

Euh ! les prêtres, les prêtres ! qui les aime, ces masques d’hommes, n’est pas digne de boire dans ma coupe.

MERCURE, malignement.

A-t-elle ta douceur ?

ARISTOPHANE, fièrement.

Toujours persuadé qu’un auteur comique est le précepteur du genre humain, toujours plein de la dignité de ma mission, ne dois-je pas la remplir avec honneur ?

MERCURE.

Prends garde, qui passe le but le manque.

ARISTOPHANE, affectant un ton de douceur.

Aussi ma muse ose-t-elle se vanter d’avoir plus d’un ton, plus d’une manière, et de les assortir à mes sujets, à mes personnages. Peut-on me reprocher, par exemple, comme au vaporeux Blepsimède, d’insulter lâchement les femmes ? Je ménage jusqu’aux hommes qui leur ressemblent ; aussi n’ai-je dit qu’un mot en passant de Cléonyme, ce guerrier assez modeste pour prendre, un jour de combat, un manteau et un plumet qui ne le fassent pas remarquer. J’ai même loué ceux de nos aimables jeunes gens pour qui la gloire a tant d’attraits, qu’ils cherchent même à se distinguer par des pendants d’oreille, des essences, des cannes torses, et des chaussures à l’Alcibiade.

MERCURE.

Quels éloges flatteurs ! le miel attique coule de ta bouche.

ARISTOPHANE, changeant de ton.

En revanche, n’aurait-on pas dit qu’Hercule, le grand Hercule m’avait prêté sa force et son courage, lorsque j’eus l’assurance d’attaquer le corroyeur Cléon ? lorsque j’osai prendre sur le théâtre le masque hideux de cet homme dont le rire était menaçant, dont chaque regard donnait la mort ? Le souffle de ce monstre était empoisonné : rien ne m’empêcha cependant de l’attaquer de front et de le faire voir aux spectateurs, broyant dans un grand mortier toutes les villes de l’Attique.

MERCURE.

Aussi me suis-je dépêché de le conduire chez les morts.

ARISTOPHANE.

Qu’on l’y garde soigneusement, je vous en conjure au nom du deuil dont il a couvert la patrie. Il appartient à Pluton et aux furies, cet ennemi des talents, ce monstre imprégné de la teinte de tous les vices. N’oubliez pas surtout ses nombreux successeurs ; le plus petit est rempli de venin, et les voilà les hommes qui repoussent loin de nous la paix, compagne inséparable de Vénus et des plaisirs.

MERCURE.

Est-il bien certain que le plus grand nombre la désire ?

 

 

Scène III

 

ARISTOPHANE, MERCURE, UNE VOIX de jeune fille derrière le théâtre, du côté droit

 

LA VOIX.

Oh Paix, fille du Ciel ! sous tes heureux auspices
Quand irons-nous visiter nos voisins,
Nous embellir des fleurs de leurs jardins,
En couronner leurs déités propices ?
Quand viendront-ils chez nous choisir une moitié,
Et savourer les sucs de l’antique amitié
Qui faisait nos délices !

 

 

Scène IV

 

ARISTOPHANE, MERCURE

 

ARISTOPHANE.

Vous l’entendez ! une Athénienne en âge de placer sur sa tête la parure nuptiale, réclame les vainqueurs que l’amour et la beauté ont prêtés au dieu Mars. Je serais moins enchanté si j’avais bu du nectar à la table des dieux !

 

 

Scène V

 

ARISTOPHANE, MERCURE, UNE VOIX d’homme derrière le théâtre, sur la gauche

 

LA VOIX.

Tremble, Lacédémone,
Nous avons fait jurer à nos héros
De porter dans ton sein les fureurs de Bellone ;
Plus de trêve, plus de repos
Que sur les cendres de Pilos.

 

 

Scène VI

 

MERCURE, ARISTOPHANE

 

MERCURE.

Aristophane, le nectar s’éloigne de tes lèvres.

ARISTOPHANE.

Oui ; mais à la place de Mercure, je renoncerais à ma divinité, si elle ne me servait pas à voir clair dans le cœur des hommes. Pour moi, d’après les vœux du perfide chanteur, je le devine : à coup sûr il cherche à rallier autour de lui les tisons de discorde ; et par malheur il n’a que trop à choisir, depuis les donneurs d’avis bien faux, bien perfides, jusqu’aux alarmistes, peignant toujours le Général ennemi dans une position favorable : depuis les marchands de casques, de javelots, de boucliers, jusqu’aux patriotes cosmopolites qui, sous le nom respectable de négociants, mettent à profit la misère de tous les pays, et trafiquent de sang, de famine pour enrichir les Laïs du portique royal, enfin, depuis Périclès, qui, craignant d’être exile comme Phidias, pense se sauver en brouillant les affaires, jusqu’à Lamakus, l’espion secret de ce peuple insatiable, soudoyant tous nos ennemis, non pour les servir, mais pour nous détruire l’un par l’autre, et pour usurper plus facilement l’empire des mers.

MERCURE, en confidence.

Gare le coup de trident.

ARISTOPHANE.

Qu’il est bien mérité !

 

 

Scène VII

 

MERCURE, ARISTOPHANE, BLÉPYRUS, qui depuis quelque temps observe de loin et témoigne de l’impatience

 

BLÉPYRUS, à part.

Ce personnage inconnu ne s’en ira-t-il point ? Comment faire pour ne pas me compromettre et avertir le surveillant Aristophane des nouveaux dangers que court la patrie ?

MERCURE.

On nous observe.

BLÉPYRUS, feignant d’être ivre.

Citoyens, pourriez-vous me dire pourquoi la police d’Athènes permet que tous les soirs on rétrécisse les rues.

ARISTOPHANE.

Va dormir jusqu’à ce qu’elles soient élargies.

BLÉPYRUS.

Dormir, dormir, un homme d’État a bien ce temps-là :

D’un ton bien mystérieux.

Vous ne savez donc pas ? le ministre du grand roi, ne pouvant réussir à traiter avec avantage de la paix générale, vient de vomir secrètement dans nos ports une nuée de demi, de quart d’ambassadeurs, chargés de faire en secret avec les particuliers, des traités secrets.

ARISTOPHANE.

Il ne tarira donc jamais ce puits profond de perfidies ?... Et ces traités sont ?

BLÉPYRUS.

Chut... Quand je vous dis qu’il ne faut pas que cela se sache. Par exemple, l’honnête Xantias doit s’engager à laisser surprendre par les ennemis un convoi considérable d’armes et de denrées...

ARISTOPHANE.

Quelle atrocité !

BLÉPYRUS.

Lebon Stratylis à faire passer chez eux notre or le plus pur, et à favoriser ici la circulation de la fausse monnaie, dont ils nous inondent...

ARISTOPHANE.

Auquel de ces monstres faudra-t-il décerner la palme du brigandage ?

BLÉPYRUS.

Crémés à leur communiquer nos plans, Crémile à les seconder dans l’organisation du vol, de l’assassinat, des dissensions et autres petites gentillesses de cette espèce.

ARISTOPHANE.

Et c’est à leur manière que tu prétends sans doute devenir un homme d’État ?

BLÉPYRUS.

Pas tout-à-fait. Je commence à la soupçonner d’être, ainsi que vous venez de le dire finement, un petit brin atroce ; mais, comme elle enrichit bien vite son homme, je veux, j’entends, je prétends l’embellir, l’ennoblir ; la purifier.

ARISTOPHANE.

Le miracle serait grand.

MERCURE.

Et d’un effet commode, surtout.

BLÉPYRUS.

Rien de plus simple : je vais tout uniment faire la paix pout moi seul. Mon traité une fois ratifié, me voilà puissance. Or, en ma qualité de puissance, je puis, je dois même tout sacrifier à mes intérêts : ainsi le veut la grande raison d’État. Et crac, en un tour de main, tout ce qui était crime devient vertu.

MERCURE.

Puissamment raisonné !

BLÉPYRUS.

Bec cousu ; et surtout pour les femmes. Depuis quelque temps ne s’avisent-elles pas, dit-on, de recommencer à tenir des comités secrets ?

Avec un ton de grandeur bien burlesque.

Sans adieu. Je vais me faire tout grand... tout vertueux... tout puissant !... et pour peu que vous sachiez flatter, comptez sur ma protection.

 

 

Scène VIII

 

MERCURE, ARISTOPHANE

 

ARISTOPHANE.

Mercure, je vous laisse bien vite. Tout me dit que cet honnête citoyen, ne vous con naissant pas, a voulu, sans courir aucun risque, ranimer l’activité de ma surveillance. Que d’horreurs il vient de m’apprendre en se jouant ! et pour en prévenir l’effet, je veux les dénoncer, dès ce soir, en plein théâtre. N’est-ce pas-là ma tribune ? Je vous invite à voir avec quelle force, quelle hardiesse j’y demande à nos gouvernants une paix qui ne peut être qu’honorable après les miracles multipliés de nos intrépides défenseurs, et

D’un ton absolu.

nous l’obtiendrons.

MERCURE.

Une comédie d’un intérêt aussi général ne peut que piquer ma curiosité.

 

 

Scène IX

 

MERCURE, seul

 

Les hommes nous paraissent bien petits, bien vains de là-haut ! c’est encore pis pour qui les voit de près. Ne voilà-t-il pas un poète qui se flatte de faire le sort de la République, de régler, à son gré, l’ordre des destinées ? Il semble oublier que je suis député par les douze principales divinités. N’imitons pas les ambassadeurs vulgaires ; pénétrons-nous bien des causes et du but de notre ambassade. D’abord, plusieurs puissances jalouses de la gloire d’Athènes se coalisent contr’elle... Bientôt, forcées de séparer leurs intérêts, deux seulement s’obstinent à vouloir lui faire la loi, l’une par sa bravoure, l’autre en prodiguant l’or, même chez ses ennemis... La guerrière Pallas, dans tous les temps protectrice d’Athènes, se charge de combattre la première, et le dieu des richesses, indigné de voir ses faveurs si bassement déshonorées par la seconde, l’abandonne, de manière que la voilà dans l’impossibilité de soudoyer ses alliés, et de soutenir encore longtemps la guerre... Quel bonheur si Plutus, en fuyant des protégés indignes de lui, se décidait !... Mais j’ai donné là-dessus les ordres les plus positifs à l’espion aux cent prunelles, et je n’ai, en attendant son retour, qu’à surveiller, sans affectation, les intrigants qui désolent l’Attique. Je veux même bien leur permettre de tout dire, tout écrire, tout oser, jusqu’au moment décisif, ou m’entourant de la dignité de mon caractère. L’envoyé céleste saura bien ; – doucement !... et si quelque curieux écoutait par hasard !... L’envoyé céleste n’al lait-il pas faire l’esclave de comédie ? N’allait-il pas blesser maladroitement toutes les règles de la discrétion et de l’intérêt ? Voyons... observons... réfléchissons... gardons-nous surtout de négliger Thalie ! De tous les masques le sien est le seul transparent.

La jeune fille qui a chanté, traverse lentement le théâtre, salue le temple, et chante d’un ton bien pénétré.

Sous tes heureux auspices
Quand viendront-ils chez nous choisir une moitié,
Et savourer les sucs de l’antique amitié
Qui faisait nos délices ?

 

 

ACΤΕ ΙΙ

 

 

Scène première

 

MERCURE, ARISTOPHANE

 

ARISTOPHANE, dans l’enthousiasme.

Disparaissez devant moi, dramatiques pusillanimes, vous qui, tremblotants sur Pégase, craignez de lui voir déployer ses ailes, vous qui satisfaits de vous traîner dans le cercle rétréci de nos moralités de convention, n’osez vous élever jusques à la région politique.

MERCURE.

Jusques, ici j’avais toujours confondu le but politique avec le but moral.

ARISTOPHANE.

Quelle différence pour la force, pour la hardiesse, pour l’utilité publique, pour la rapidité de l’effet ! Comme il y a loin du poète, qui froidement régente quelques particuliers, à celui dont le génie commande impérieusement le bien à toute une nation !

MERCURE.

Et si le poète voit mal, que commande-t-il ?

Il rit.

ARISTOPHANE.

Vous riez.

MERCURE.

Je trouve plaisant...

ARISTOPHANE, enchanté.

Oui, que l’âme du spectateur, d’abord resserrée par le tableau hideux de la guerre, monstre échappé des enfers, se soit tout de suite épanouie aux charmes de la paix, descendant du ciel sur l’aile des plaisirs ; que les femmes surtout ! les femmes ivres d’avance des délices qu’elle promet, l’aient toutes appelée de la voix et du geste ; et que la volupté, dont elle est mère, régnai déjà sur leurs lèvres entr’ouvertes, dans leurs yeux enflammés, sur leur sein palpitant.

MERCURE.

Non, je trouve plus plaisant...

ARISTOPHANE.

J’y suis ! Vous trouvez comique que les magistrats, malgré leur fureur contre moi, malgré ce qu’ils ne manqueront pas d’appeler mon audace, soient cependant forcés de remplir mes projets adoptés par le peuple, et de satisfaire bien vite à des vœux trop vivement manifestés pour n’être pas un ordre.

MERCURE.

Tu te rapproches.

ARISTOPHANE.

J’en étais sûr.

MERCURE.

Oui, je trouve comique, très comique l’idée où tu es que les gouvernants, sans égard pour les circonstances... que tu peux ignorer, pour les projets, les plans, les secrets dont tu ne dois pas être instruit, suivront tout bonnement les caprices de ta Muse, et surtout qu’ils lui en voudront de son excessive liberté.

ARISTOPHANE, très surpris.

Je me flatte...

MERCURE.

Oui, tu te flattes. Ils seraient, en effet, bien peu dignes de gouverner, s’ils ignoraient que plus tu affectes de les poursuivre sans relâche, plus tu endors, plus tu tranquillises sur leur conduite un peuple toujours enchanté de voir rabaisser les hommes de mérite ou les hommes en place, un peuple accoutumé à ne croire à sa liberté que par la hardiesse et l’impunité de la licence.

ARISTOPHANE.

Quoi ! vous croyez...

MERCURE.

Je crois que la raison discute, conseille, et n’insulte pas.

ARISTOPHANE.

Quoi ! vous pensez...

MERCURE.

Je pense que la postérité pourrait bien te soupçonner d’avoir été aux gages de ces mêmes personnes, de ces mêmes autorités dont tu te montres l’antagoniste et le fléau.

ARISTOPHANE.

Vous m’affligez. Il m’importe de prouver à la postérité, il m’importe de prouver à Mercure que si les Athéniens ont daigné m’appeler leur œil, leur sentinelle, ils ne sont pas sourds à l’éveil que je leur donne ; aussi font ils cas de mes avis ; aussi savent-ils surtout les faire respecter ; et vous allez en être témoin. Le héraut de la nuit a déjà chanté trois fois ; l’assemblée du peuple ne tardera pas à commencer. Une lampe m’annonce déjà l’empressement des citoyens ; marchons.

MERCURE.

Une comédie et une assemblée publique, que de bonnes fortunes pour un observateur ! Je te joindrai bientôt.

À part.

N’oublions pas Argus et la commission importante dont il est chargé.

 

 

Scène II

 

PRAZAGORA, portant une lampe d’une main, et une fausse barbe de l’autre ; elle est habillée en homme

 

Bon ! voici le lieu du rendez-vous. Oh ! lampe, confidente de nos plus tendres mystères, cache jusqu’après le succès l’héroïque entreprise des Athéniennes ; leur projet est de soulever cette énorme roche, sous laquelle Bellone tient la paix enchaînée.

Elle place à terre la lampe, et la cache presque.

J’ai profité du premier sommeil de mon mari, pour m’emparer de son manteau, de son bâton noueux, de ses gros souliers. Cette fausse barbe m’a encore paru très nécessaire pour en imposer. Agyrus n’était-il pas regardé comme une femme ? Il n’a fait que laisser croître ses moustaches, et il occupe les places les plus importantes.

 

 

Scène III

 

PRAZAGORA, BLÉPYRUS, en femme

 

BLÉPYRUS, à part.

Hier au soir, avec le ton et les manières d’un homme pris de vin, aujourd’hui sous l’habit d’une femme, oh ! ma pauvre raison, à quelles épreuves ne te mets-je pas ! Mais, Prazagora m’ayant laissé seul dans mon lit, il a bien fallu pour suivre sa marche et découvrir ses projets, prendre à la hâte et dans l’obscurité les premiers habits... Chut.

PRAZAGORA, vers la coulisse.

N’entends-je pas Lisistrata ?

BLÉPYRUS, à part.

Précisément, la voix de ma fugitive.

PRAZAGORA.

Oui, c’est elle, avec nombre de conjurées.

BLÉPYRUS.

Oh ! oh ! une conjuration, et une conjuration de femmes ! Quel dieu tutélaire m’a conduit ici sous le déguisement le plus favorable ? Cette lampe éclaire faiblement ; jetons-nous dans la foule.

 

 

Scène IV

 

PRAZAGORA, BLÉPYRUS, LISISTRATA, PLUSIEURS FEMMES de tout âge

 

PRAZAGORA.

Arrivez donc ! quelle paresse lorsqu’il s’agit de sauver la patrie !

BLÉPYRUS.

Sauver la patrie ! ceci devient sérieux, ne perdons pas un mot.

PRAZAGORA.

Vous seriez plus diligentes s’il était question d’assister aux mystères d’Adonis.

BLÉPIRUS.

Comme les femmes se rendent justice !

PRAZAGORA.

L’affaire qui nous réunit est trop pressante pour perdre un seul moment ; je demande la couronne des orateurs.

LISISTRATA, toujours d’un ton affecté.

Moi je la prends ; ce banc de pierre me sert de tribune ; j’élève mon bras à la hauteur de mon épaule ; je sépare mes doigts avec grâce ; je pince mes lèvres comme Cratinès, ce beau parleur, dont les cheveux sont ajustés au ciseau, et je commence.

PRAZAGORA.

Du moins, après vous aurai-je la parole.

BLÉPYRUS.

La langue de ma femme gagnée de vitesse ! De par la bavarde Cybelle, quel miracle !

LISISTRATA.

Citoyennes, les méchants osent avancer, qu’accoutumées à commander despotique ment nos adorateurs, la domination est notre idole favorite, et que le règne de la liberté ne saurait nous plaire. Ils soutiennent que si nous aimions réellement la République, tous les hommes, jaloux de nous plaire, se seraient empressés de consolider son bonheur. Nous nous le dissimulerions en vain ; à travers ces reproches percent quelques vérités ; réparons bien vite notre gloire, puisque le salut de l’Attique est dans les mains des femmes.

BLÉPYRUS.

Tiendrait-il à si peu de chose ?

LISISTRATA.

Oui, citoyennes, osons l’entreprendre, et nous mettrons un frein aux fureurs de Mars.

UNE JEUNE FEMME.

Que peuvent contre ce dieu terrible des femmes nonchalamment assises sur des meubles commodes, armées de colifichets, et couvertes, pour toute armure, d’une étoffe légère ?

LISISTRATA.

D’après mon plan, ces meubles commodes, tes tuniques du tissu le plus clair, ajoutez-y les parfums les plus doux, les vêtements sans coutures et moulés sur des formes élégantes : voilà justement nos armes les plus victorieuses. Ménélas ne laissa-t-il pas tomber son épée dès qu’il aperçut les charmes d’Hélène !

UNE VIEILLE.

À ce prix, aucune de nous qui ne courût s’armer de pied-en-cap.

LISISTRATA.

Jurons toutes de rejeter les vœux, de repousser les hommages de nos maris, de nos amants, jusqu’à ce qu’ils aient signé la paix. Qu’est-ce ? Pourquoi secouer la tête ? pourquoi vous éloigner ?

BLÉPYRUS, à part.

Je crains que la guerre n’aille son train.

UNE JEUNE FEMME, en hésitant.

Nos maris ne savent que trop parler en maîtres.

LISISTRATA.

Et depuis quand ne savons-nous plus leur désobéir ?

DEUXIÈME JEUNE FEMME.

Mais s’ils font mieux qu’ordonner ; s’ils prient ?

TROISIÈME JEUNE FEMME.

S’ils deviennent tendres, délicats, empressés ? Si le fils de Cythérée leur prête ses accents ?

QUATRIÈME JEUNE FEMME.

S’ils mêlent à leurs soupirs quelques larmes de tendresse ?

LISISTRATA.

Fuyez comme Atalante.

UNE JEUNE FEMME.

Le beau moyen ! Ne sont-ils pas plus exercés que nous à la course ?

BLÉPYRUS, à part.

Je crains que la guerre n’aille son train.

LISISTRATA.

Héroïnes du temps, point de faiblesse humaine ! qu’elle cède au noble orgueil d’illustrer notre sexe, à notre amour pour la célébrité ; oui, forçons les siècles les plus reculés à l’admiration, et répétez avec moi le plus mémorable des serments : Nous jurons que jusqu’à la paix, nos maris, nos amants.

Chaque jeune femme file doucement de son côté. en faisant quelque petite mine.

LES VIEILLES.

Nous jurons que jusqu’à la paix, nos maris, nos amants.

LISISTRATA.

Quoi ! je n’entends que des voix rauques et cassées. Ah ! nous sommes trahies ! plus d’esprit de corps !

Elle descend avec dépit de dessus le banc.

 

 

Scène V

 

LISISTRATA, PRAZAGORA, LES VIEILLES

 

PRAZAGORA s’empare de la couronne et de la tribune, en mettant sa fausse barbe.

Illustres Athéniennes ! j’ai, pour amener la paix et ses douceurs, des moyens d’une exécution plus facile : il ne s’agit que de les faire sanctionner par l’assemblée du peuple ; profitez donc du reste de la nuit pour vous y rendre en foule, déguisées en hommes ; ne vous y souvenez surtout de votre sexe que pour y soutenir à grands cris la plus sage des motions ! je m’y donnerai une voix mâle, et je dirai avec force : Citoyens, assez et trop longtemps nous avons prolongé la guerre et ses désordres assez et trop longtemps nous avons fait dire que c’est pour donner le temps aux pervers de s’enrichir. Désirons-nous imposer silence, même à la calomnie ? cédons bien vite le gouvernement des affaires aux femmes. Oui, citoyens, aux femmes qui, pour aimer la République, n’ont besoin que d’y jouer que les premiers rôles.

Applaudissements. Elle a soin de varier ses tons.

Citoyens, pouvons-nous disconvenir que les femmes n’aient toutes les qualités nécessaires pour gouverner ? L’homme le plus sage ne se repose-t-il pas sur elles de l’administration entière de sa maison ? Et, d’après les plus célèbres législateurs, un État n’est-il pas une grande famille ? Or, s’il est trop vrai que dans cet État, cette grande famille, tout soit confondu, tout soit dans le plus grand désordre, qui mieux qu’une femme peut y porter remède ? Voyez avec quelle adresse elles séparent les fils de l’écheveau de laine le plus mêlé.

Applaudissements.

Voici l’essentiel. Cet ambassadeur du grand roi, annoncé à toutes les nations avec un appareil si perfide, emploie-t-il la ruse, le mensonge, la jactance, pour offrir moins de sacrifices, ou pour en exiger davantage ; qui mieux qu’une femme connaît toutes les ressources de l’astuce et sait les déconcerter ? qui mieux qu’une femme à l’art de cacher ce qu’elle désire pour l’obtenir plus sûrement ? qui mieux qu’une femme marche avec persévérance vers le but qu’elle s’est proposé ? qui mieux qu’une femme a l’art d’employer, sans qu’il y paraisse, tous les genres de séduction ?

Applaudissements.

Silence, citoyens ! Je me résume, et je dis : La gloire de l’Attique entière, le bonheur de chaque particulier, le besoin impérieux des circonstances, tout vous ordonne d’abandonner bien vite les rênes de l’empire à un sexe à qui les dieux ont donné plus que la force, l’art de plaire et de persuader ; à des enchanteresses enfin, dont la plus stupide, en apparence, est une Circé ; et s’il est parmi vous un Ulysse à l’abri de ses enchantements, qu’il paraisse !

TOUTES LES FEMMES.

Gloire à Prazagora ! honneur à Prazagora !

UNE FEMME.

Courons vite prendre des habits d’hommes, courons appuyer la seule nouveauté dont les Athéniens ne se soient pas encore avisés, et... qui, par cette raison seule, ne peut manquer de leur plaire.

BLÉPYRUS, à part.

Doucement ; je n’aurai pas endossé pour rien cet habit de caractère.

Il se donne une voix et des manières féminines.

– Citoyennes, permettez que la mère de douze enfants, et bientôt d’un treizième, vous soumette une petite réflexion. Comment voulez-vous que les jeunes femmes ne traitent pas le projet de Prazagora avec autant et plus de mépris que celui de Lisistrata ? Hélas ! grâce à leurs petites mines, grâce à leur ascendant sur les hommes en place, ne, sont-elles pas toujours sûres de régner, et sans être sujettes à la responsabilité ?

UNE VIEILLE, avec humeur.

En effet ; nos belles du moment n’auraient pas les mêmes avantages avec nous.

BLÉPYRUS, soupirant.

Et nous savons bien pourquoi.

DEUXIÈME VIEILLE.

Elles ne seraient pas si fortes de leurs faiblesses. Ô temps ! ô mœurs ! c’est tout comme autrefois.

BLÉPYRUS.

Là, là, soyons de bonne foi, et convenons que chaque nouveau régime fait prudemment de conserver à la jeunesse ses revenants bons ; il se ménage par-là des partisans bien actifs. Le mal est que si des beautés formées comme vous, comme moi, se permettent quelques murmures, on ne manque pas de les mettre sur le compte de l’humeur, du radotage.

LISISTRATA.

Citoyennes, cette harangueuse m’est suspecte.

BLÉPYRUS, à part.

Се que c’est que l’instinct !

TROISIÈME VIEILLE.

Il faut l’examiner de près.

BLÉPYRUS, à part.

Ce n’est pas là mon compte. Doucement : respectez mon état. Lucine ! secourable Lucine ! prends-moi sous ta sauvegarde.

PRAZAGORA.

Point d’égard.

BLÉPYRUS, se débattant en affectant de sentir des douleurs.

Ahi ! Ahi ! – La paix ! la paix ! Je vous en conjure par les douleurs que je sens. S’il se trouvait parmi nous quelqu’homme déguisé, comme il triompherait de nous voir réunies en si grand nombre pour traiter de la paix, nous qui ne pouvons être deux sans nous déclarer la guerre !... Ahi ! Ahi !... comme il nous renverrait malignement à nos écheveaux de laine ! Ahi ! ahi ! Lucine !

PRAZAGORA.

Oh ! c’est trop fort ; entourons la téméraire ; et malheur à elle si nous avons à redouter son indiscrétion !

BLÉPYRUS, se redressant.

Oui, vous le prenez sur ce ton ! Je suis une étrange femme, je vous en préviens ; et loin de vous craindre, je vous déclare que je cours instruire vos maris de tout ce qui s’est passé.

LISISTRATA.

Vous auriez l’audace de trahir les secrets de votre sexe ?

BLÉPYRUS.

Sans miséricorde ! Vous vous rappelez enfin que comme épouses, comme mères, comme amantes, les femmes doivent désirer la paix ; mais voulez-vous faire oublier votre insouciance ou vos burlesques prétentions, et m’imposer silence ? que les plus raisonnables retournent bien vite aux emplois pour lesquels la nature leur prodigua tant de charmes, tant de sensibilité ; que, servant la patrie par l’exemple des bonnes mœurs, par des vœux sincères, elles se mêlent aux laboureurs, aux artistes qui doivent ce matin même courir en foule au temple de la déesse, et lui demander la fin de leur misère.

PRAZAGORA.

Elle se radoucit en vain ; je veux la connaître.

Elle approche la lampe.

BLÉPYRUS.

Vous le voulez absolument ?

PRAZAGORA.

Dieux ! mes habits ! mon mari !...

TOUTES LES FEMMES.

Un homme ! Par Momus, comme il va se moquer de nous !

BLÉPYRUS, les rappelant.

Eh ! citoyennes-magistrats ! citoyennes-législateurs ! souvenez-vous de nos conditions. À vos écheveaux de laine, au temple, ou gare le ridicule !

 

 

Scène VI

 

BLÉPYRUS, seul

 

Comme elles courent !

On entend dans l’enceinte du temple un grand bruit de cymbales.

Mais, qu’entends-je ! le son précipité de l’airain annonce un mouvement extraordinaire chez les prêtres de la déesse. On ouvre ; fuyons à mon tour ; il ne serait pas agréable que, trompés par mon habit, ils voulussent m’initier à quelque mystère nouveau pour moi.

 

 

Scène VII

 

LES PRÊTRES, sortant en désordre par une petite porte

 

PREMIER PRÊTRE.

Oh désespoir !

DEUXIÈME PRÊTRE.

Quel malheur pour l’Attique !

PREMIER PRÊTRE.

Dites pour nous, et voilà l’essentiel !

TROISIÈME PRÊTRE, il doit avoir toujours le ton mielleux.

D’où naît ce tapage ? Pourquoi me dérober à mes devoirs ? Je goûtais pieusement le vin des libations.

QUATRIÈME PRÊTRE.

Moi, je réconciliais avec Minerve une jeune et tendre imprudente.

TROISIÈME PRÊTRE.

Que nous arrive-t-il donc ?

PREMIER PRÊTRE.

Le plus grand désastre. On nous menace de la paix.

QUATRIÈME PRÊTRE.

Je l’avais prévu, en voyant le terrible Agathopartes, cet homme à grand caractère, réaliser dans moins d’un an plus de merveilles que l’imagination la plus fertile, la plus exagérée n’en saurait prêter à la vie entière d’un héros fabuleux.

PREMIER PRÊTRE.

Par conséquent plus de sacrifices à Pallas, plus d’offrandes...

DEUXIÈME PRÊTRE.

Plus de liste sur laquelle nous puissions, à notre choix, inscrire ou effacer des enrôlements...

QUATRIÈME PRÊTRE.

Plus de présents de la part de ces âmes nobles et généreuses qui sollicitent le plaisir de nourrir, d’habiller, de monter les troupes.

PREMIER PRÊTRE.

Et cependant le prêtre doit vivre de l’autel.

TROIS AMIS.

Eh ! mes amis, n’est-il pas commode de desservir l’autel d’une divinité, qui, en dépit des incrédules et des railleurs, sait se multiplier ? Quand la nôtre cessera d’être Pallas, ne deviendra-t-elle pas Minerve ?

QUATRIÈME PRÊTRE.

Pauvre ressource ! Tous les hommes se croyant sages, ne se dispensent-ils pas d’adresser des vœux à la sagesse ?

PREMIER PRÊTRE.

Courons en foule exciter la portion du peuple que la guerre enrichit.

TROISIÈME PRÊTRE.

Mes chers frères, point de démarche inconsidérée, je vous le demande au nom de nos illustres fondateurs. Ils savaient, ces pieux personnages, que le prêtre loin de se déclarer pour un parti, doit se comporter de manière qu’il paraisse être de tous.

QUATRIÈME PRÊTRE.

Il a raison notre ancien.

TROISIÈME PRÊTRE.

Si vous honorez de quelque confiance mes soixante ans de méditations religieuses, prêtez-moi tous une oreille attentive.

Ils l’entourent.

Vous craignez qu’un double culte ne vous procure pas des consolations suffisantes dans une route semée d’épines : eh bien ! mes enfants, essayons de le tripler ce culte.

QUATRIÈME PRÊTRE.

Inspiration divine ! mais, comment ?

TROISIÈME PRÊTRE.

Plutus commence à sourire aux Athéniens ; secondé de Pallas, il leur a déjà fait parvenir des sommes assez considérables. Tout se prépare, dit-on, pour qu’il revienne dans cette cité, qu’il rendit jadis si florissante ; soyez les premiers à vous emparer de lui, s’il est possible ; et pour y parvenir, sans compromettre notre réputation de désintéressement, dispersons-nous à petit bruit dans les divers quartiers d’Athènes ; introduisons-nous dans toutes les familles ; partageons-y l’opinion de la personne à qui nous parlerons ; mais toujours sans perdre de vue notre principal but.

PREMIER PRÊTRE.

Courage ! les dieux vous inspirent.

TROISIÈME PRÊTRE.

Un homme veut-il la paix ? dites-lui vous avez raison ; mais si Plutus n’est pas d’accord avec Pallas, on voudra la forcer à faire une paix désavantageuse, et de longtemps elle n’y consentira : un autre a-t-il besoin qu’on continue la guerre, vous soutiendrez qu’elle ne fut jamais plus nécessaire ; mais que sans le secours de Plutus, Pallas ne peut la soutenir. Un troisième, enfin, est-il d’avis qu’en licenciant nos troupes, on entretienne cependant, crainte de trouble, une armée assez respectable pour en imposer, ne manquez pas de vous récrier sur une précaution aussi sage, mais en faisant entrevoir qu’on ne peut l’effectuer sans l’accord parfait de Plutus et de la protectrice d’Athènes, soit qu’elle veuille être ou Pallas ou Minerve. C’est ainsi que flattant les partis divers, tous nous confieront le dieu des richesses, et que les trois cultes réunis, feront briller sur nos têtes une triple couronne.

DEUXIÈME PRÊTRE.

Homme immortel ! la raison parle par ta bouche.

TROISIÈME PRÊTRE.

C’est alors que, disposant de la paix et de la guerre, nous pourrons, d’après notre intérêt seul, éteindre ou alimenter l’incendie dont la fumée fait répandre tant de larmes.

QUATRIÈME PRÊTRE.

Mais, qui nous garantira l’accord parfait du trio ?

TROISIÈME PRÊTRE, d’un ton mystérieux.

Chut ! ne parlez pas si haut, jeune imprudent. Une fois ministres de Plutus, ne serons nous pas les maîtres de ne plus partager nos hommages, et de convertir bien vite le commun des hommes en leur peignant notre divinité favorite comme la plus aimable, la plus bienfaisante, la plus puissante.

PLUSIEURS PRÊTRES.

Idée d’or !

Chant.

PREMIER PRÊTRE.

Plutus dicte des lois à l’austère Thémis.

SECOND PRÊTRE.

Et lui seul sait fixer la volage Cypris.

AUTRE PRÊTRE.

Il place Mars sur un char de victoire.

AUTRE.

Des filles du Permesse, il consacre la gloire.

AUTRE.

Cérès lui doit ses plus riches moissons.

AUTRE.

Pomone ses berceaux, et Bacchus ses festons.

TOUS LES PRÊTRES.

Il gouverne à son gré le ciel, la terre et l’onde,
Devant lui seul prosternez-vous mortels ;
Que pour lui désormais fument tous les autels,
Le dieu des dieux tient le sceptre du monde.

 

 

ACTE III

 

 

Scène première

 

MERCURE, PLUTUS, couvert de vêtements jadis beaux, mais déguenillés

 

MERCURE.

Plutus, je te salue.

PLUTUS.

On me reconnaît ; je suis perdu, et crois entendre un corsaire au moment où il jette le grappin sur un vaisseau richement chargé.

MERCURE.

Tu n’as pourtant pas l’extérieur bien opulent ; les Grâces et Cypris ne paraissent pas avoir présidé à ta toilette.

PLUTUS.

Faut-il s’en étonner. J’échappe à des pirates avides ; en les fuyant, je traverse plusieurs états ruinés par la guerre, et leurs souverains me font payer les contributions qu’exige d’eux une armée victorieuse.

MERCURE.

Pour cette fois, Plutus ne tombe point en des mains ennemies ; il sera bien traité, bien caressé.

PLUTUS.

Eh ! tout le monde ne me fait-il pas de semblables promesses ? vains serments ! le sot m’attire le mépris ; l’homme de génie me néglige ; l’avare m’enterre ; le prodigue me sacrifie sans goût, sans discernement à ses flatteurs, à ses maîtresses ; mais qui me parle ?

MERCURE.

Un ami qui, dans ta route, a fait veiller sur toi par l’infatigable Argus.

PLUTUS.

Argus ! avec qui suis-je donc ?

MERCURE.

Avec le dieu du commerce.

PLUTUS.

Ah ! viens que je t’embrasse. J’ai grand besoin de ton secours.

MERCURE.

Aussi me suis-je bien promis de réparer tes pertes ; les beaux arts et l’agriculture se joindront à moi. La tranquillité une fois rétablie, tout nous secondera, tout jusqu’à la frivolité, les modes, les plaisirs... 

PLUT US.

Je connais ce pays ; rien ne s’y fait comme dans un autre.

MERCURE.

Et si les dieux contraignirent jadis la Folie à conduire l’aveugle Amour ; compte sur un guide plus sûr. Le destin me défend de t’en dire davantage ; marchons vers ce temple.

PLUTUS.

Eh ! mon ami, les prêtres n’achèveront-ils pas de m’y dépouiller ?

MERCURE.

Ils en sont sortis pour n’y rentrer jamais. J’ai permis à ton conducteur de leur faire des confidences : ils ne manqueront pas d’accourir avec le projet de s’emparer de toi au son de l’airain, et à la manière des cultivateurs, quand ils veulent enrichir leur ruche d’un nouvel essaim ; mais le miel n’est plus fait pour leurs lèvres profanes ; entre et sois tranquille ; je les attends.

Mercure frappe de son caducée la porte du temple, elle s’ouvre, Plutus entre.

 

 

Scène II

 

MERCURE, seul

 

C’est à cette place même, et en présence du peuple, que l’ordre suprême doit enchaîner le souffle impétueux de la discorde. — Oh ! oh ! Aristophane est moins rayonnant de gloire que ce matin ; je suis tenté, en attendant les prêtres, de donner une petite leçon à son amour-propre ; son génie mérite cette faveur.

 

 

Scène III

 

MERCURE, ARISTOPHANE, qui paraît avoir de l’humeur

 

MERCURE.

Eh bien ! que pense le Diplomane-Aristophane de cette assemblée, où mon indignation ne m’a pas permis de rester ? Que pense-t-il de cette nuée, ou plutôt de cette fourmilière d’orateurs se disputant l’avantage de dominer ; confondant l’éloquence avec la loquacité, se faisant une guerre d’injures, d’épigrammes, et laissant surtout dans l’oubli le plus pro fond, le comique par excellence, son ouvrage, et le but qu’il s’y proposait ?

ARISTOPHANE.

Le lieu des séances est devant le temple de Bacchus, faut-il s’étonner si, bien souvent, ce dieu paraît y présider. Le peuple fait d’ailleurs comme certains magistrats qui vont à jeun au Prytanée, et s’en retournent bien ronds ; mais depuis quelque temps tout ce qu’on imagine de plus fou, est par bonheur ce qui réussit le mieux.

MERCURE.

Et c’est apparemment là-dessus que se repose ce peuple si célèbre dont Aristophane se vante d’être l’œil, la sentinelle ?

ARISTOPHANE.

Est-ce ma faute s’il fut, s’il est, et s’il sera toujours incorrigible ? Mon zèle, mon courage, ma franchise n’ont pourtant rien à se reprocher ; j’ai osé le personnifier dans ma comédie des chevaliers ; j’ai osé le mettre sur la scène, à-peu-près comme vous voilà, et lui dire en face... Maître dur, colère, emporté avec les hommes de bien ; esclave lâche et faible avec les intrigants qui cherchent à te mener par le bout du nez ; jusques à quand suffira-t-il qu’un flatteur te harangue, surtout s’il a une poitrine large et une voix de tonnerre, pour qu’en vrai bailleur aux corneilles d’Athènes, tu restes émerveillé et les oreilles allongées ? Jusques à quand pour t’enchanter suffira t-il de te dire : « Cher peuple, je t’adore. Bois, mange, dors, fais la débauche, vends tes suffrages, et confie-moi tes intérêts ; j’augmenterai ton fisc ; je t’enrichirai des épargnes de chacun ; j’imiterai la voracité insatiable de Cléonyme, et n’abandonnerai la panetière d’un particulier, que lorsqu’il n’y aura plus rien. Mes rivaux disent t’aimer, cependant ils te laissent manquer des vêtements les plus nécessaires ; tu vis de mauvais légumes ; tu te désaltères avec du vin portant trois mesures d’eau ; tu loges dans des greniers, dans des vieilles tourelles, dans des tonneaux. Remets-moi ton pouvoir, je prendrai des mesures, justes ou non, pour que tu habites les palais ; tu auras tous les jours du pain gratis, et les jours de repos trois oboles avec un potage succulent. »Jusques à quand te dissimuleras-tu qu’en abandonnant toute ta confiance à tes adulateurs, il faudra que tu suives leurs goûts dépravés, que tu leur permettes de s’approprier le suc de chacun, de dévorer les fonds publics, pour ne t’en donner que la plus petite portion ? Jusques à quand enfin, cher peuple, toi qui parais si poli, si sensible, si honnête, si pacifique lorsque tu es seul, jusques à quand te montreras-tu en public le plus imbécile, le plus brutal, le plus débauché des vieillards ?

MERCURE.

Et que dit le véritable peuple des jolis jusques à quand adressés au personnage qui le représente ?

ARISTOPHANE.

Il rit, et ne se corrige pas.

MERCURE.

Je suis surpris qu’aucun de tes rivaux, aucun parodiste ne te mette aussi sur la scène, à peu près comme te voilà, et ne te fasse dire par le peuple, en te regardant en face : « Cher Aristophane ! pourquoi sous ce crâne chauve n’as-tu pas assez de bon sens pour voir que tu partages mes torts ; que je t’en dois même une bonne partie, puisque tu me présentes continuellement sur la scène des images obscènes, et que, pour me faire bassement ta cour, tu changes Thalie en Bacchante ? Moins le peuple a de mœurs, plus le poète comique ne doit-il pas les respecter ? Pourquoi au lieu d’agiter sans cesse à mon oreille la marotte diplomatique et ses grelots, ne pas m’apprendre que ma politique doit se borner à faire des bons choix, et que de cette source découlent pour moi, à grands flots, ou le fiel ou l’absinthe. »

ARISTOPHANE.

Je crois...

MERCURE.

Doucement... le peuple ne t’a pas interrompu... Il continue : « Je suis presque toujours dans l’ivresse, j’en conviens ; mais pourquoi au lieu d’en prolonger la durée en m’animant contre tes ennemis, en liant les affronts qu’on te fait aux destinées de l’État, pourquoi ne pas profiter, au contraire, du premier moment de calme, pour me faire remarquer que si les méchants, afin de m’enchaîner plus facilement, cherchent à m’affaiblir par la famine, par la guerre civile, par l’anarchie ; d’un autre côté, une poignée de bons républicains exposent leur tête pour garantir la mienne ? Pourquoi ne pas me prouver la nécessité d’encourager ceux-ci de toute ma confiance, de les entourer surtout de toute ma force, si je veux que l’ennemi désespéré, de me voir marcher de front avec mes représentants, ne compte plus sur nos dissensions, son unique espoir ? Pourquoi enfin, Aristophane, bien convaincu par expérience, que ses diatribes, ses dénonciations, ses saillies libertines, ses impiétés n’ont jusques ici, ni servi les hommes, ni fléchi les dieux ? Pourquoi, dis-je, s’obstine-t-il à déshonorer dans la postérité le plus beau des génies, son siècle, et sa patrie ? »

ARISTOPHANE.

Mercure, vos pourquoi valent bien mes jusques à quand ils seront plus efficaces, et je consens à réciter toute une tragédie de Morsinus si je me permets, à l’avenir, même une personnalité.

MERCURE.

Courage ! ne te voilà pas mal corrigé.

ARISTOPHANE.

Mais, lorsque je parlerai d’un ennuyeux poète comme Agathon, d’un insipide chanteur tel que Velpis, d’un comédien aussi pantin que Milon, d’un législateur corrompu par l’exemple de Philocléon, d’une danseuse plus désavouée par les Grâces que Xantie ; si, au lieu d’un nom que je me serais permis, chaque spectateur en cite une douzaine, la malignité n’y perdra rien.

MERCURE.

La satyre indirecte n’atteint jamais un innocent, et la satyre personnelle peut, au contraire, réunir sur lui tous les poignards.

ARISTOPHANE.

C’en est fait ! Je respecterai la pudeur autant pour en faire estimer les restes, que pour ne pas accoutumer les femmes à s’en passer ; je ne verrai dans Athènes que très peu de Phèdres et beaucoup de Pénélopes ; le sel dont j’assaisonnerai mes épigrammes paraîtra sorti de la mer où la reine des amours prit naissance ; et loin de plaisanter sur les dieux, comme si je doutais de leur existence, je soutiendrai que si vous n’étiez pas il faudrait vous supposer. Je brûle enfin de devoir quelque gloire à la comédie moderne, et j’espère le prouver dans celle que je compose ; mon héros est Plutus.

MERCURE.

Plutus ! dis-tu ? l’à-propos est trop singulier ! Ta conversion mérite que je te mette bien avec lui.

ARISTOPHANE.

Un enfant d’Apollon, bien avec le dieu des richesses ? Quel miracle vous feriez-là !

 

 

Scène IV

 

MERCURE, ARISTOPHANE, LES DEUX CHŒURS qui s’annoncent de loin, l’un sur la droite, l’autre sur la gauche

 

CHŒUR, du côté droit.

Qu’il soit malheureux à jamais
Le factieux qui désire la guerre !

CHŒUR, du côté gauche.

Qu’il redoute notre colère
Le factieux qui désire la paix !

ARISTOPHANE.

Entendez-vous.

MERCURE, positivement.

Si leur sort n’est pas décidé ce soir même, je veux être aussi oublié... aussi dédaigné... que le dieu Terme du triste et ennuyeux marais,

 

 

Scène V

 

LES DEUX CHŒURS, le premier est conduit par BLÉPYRUS, LISISTRATA, PRAZAGORA, il est composé d’artistes, de cultivateurs, de leurs femmes ; MERCURE, ARISTOPHANE se joignent à eux, le second chœur est composé des intrigants annoncés dans la pièce et de leurs maîtresses

 

PREMIER CHŒUR.

La paix ! la paix ! la paix !

DEUXIÈME CHŒUR.

La guerre ! la guerre !

CORIPHÉE du premier chœur.

Oh Pallas ! protectrice et des Arts et d’Athènes,
Fais un soc de ta lance, et que dans nos sillons
Cérès aux blonds cheveux, pour terminer nos peines,
Marie à tes lauriers l’or pur de ses moissons

CORIPHÉE du second chœur.

Rivale du dieu Mars, protectrice d’Athènes !
Ne borne nos exploits qu’au bout de l’univers.
C’est peu pour nos héros d’avoir brisé nos chaînes,
S’ils ne donnent au Monde, ou des lois, ou des fers.

 

 

Scène VI

 

LES MÊMES, LES PRÊTRES, qui, sortis en désordre, reviennent rangés sur deux files, avec l’air le plus religieux

 

UN PRÊTRE.

Peuple, écoute et rassure-toi. Un dieu qui sait concilier tous les intérêts, un dieu consolateur est confié à notre zèle ; bientôt tu ne feras plus de vœux inutiles, puisque nous devenons les dispensateurs de ses bienfaits.

 

 

Scène VII

 

LES MÊMES, PLUTUS, PALLAS

 

Le fond du théâtre s’ouvre ; Pallas est sur l’autel toute armée, et Plutus est appuyé sur l’un des angles. Le tonnerre gronde. Mercure se fait connaître en montrant son caducée ; il se place entre le peuple et le temple.

MERCURE, aux prêtres, qui marchent vers le temple.

Imposteurs ! prosternez-vous, respectez l’intérieur de ce temple, et attendez l’ordre des destinées.

CHŒUR DES PRÊTRES.

Tout en notre faveur doit parler à Plutus.

LES DEUX PREMIERS CHŒUR S, surpris.

Plutus ! Plutus ! Plutus !
Tout en notre faveur doit parler à Plutus.

CHŒUR DES ARTISTES.

Ces bras lui rendront sa richesse.

CHŒUR DES INTRIGANTS.

Il doit compter sur notre adresse.

CHŒUR DES PRÊTRES.

Il peut compter sur nos vertus.

LES TROIS CHŒURS.

Tout en notre faveur doit parler à Plutus.

Tous veulent avancer.

MERCURE les arrête.

Téméraires mortels ! n’apprendrez-vous jamais à connaître l’impuissance de vos efforts, quand les dieux ne les protègent pas. Je viens, par leur ordre, consolider la gloire et le bonheur de l’Attique ; je viens faire rendre à Plutus tous les trésors usurpés par l’imposture, par le brigandage. Et toi qu’enfanta toute armée le cerveau de Jupiter ; toi que ton bouclier et la tête de Méduse rendent si redoutable aux méchants, souviens toi que la terrible Pallas est aussi la consolante Minerve, la protectrice des beaux-arts et de cette cité, leur antique patrie !

Le premier chœur se prosterne, les autres font un second mouvement vers Plutus ; la statue s’anime et leur présente son terrible bouclier ; ils se précipitent tous l’un sur l’autre, dans le bois.

ARISTOPHANE.

Les voilà tous pétrifiés ! Mais, n’en déplaise à Méduse, elle n’a fait que la moitié du miracle : leur cœur était déjà de pierre.

 

 

Scène VIII

 

LES MÊMES, à l’exception des cœurs pétrifiés

 

La déesse descend de dessus l’autel : les artistes, les cultivateurs l’entourent, leurs filles la désarment.

LE CHŒUR.

Cédons à la beauté, cédons à la jeunesse
L’honneur de désarmer le bras de la déesse.

Minerve, désarmée, plante avec force sa lance derrière l’autel ; la lance se change en olivier plein de vie.

La déesse prend la main de Plutus, et le place à côté d’elle sur l’autel. Il cueille avec précipitation les rameaux de l’arbre céleste, et les remet à Minerve, qui les distribue.

ARISTOPHANE.

Je veux faire une pièce de ce qui vient de se passer sous mes yeux ; et à la manière dont les spectateurs la recevront, je verrai bien quel parti les domine.

MERCURE.

Aristophane, il n’en est plus qu’un.

Les artistes, les cultivateurs, leurs compagnes dansent autour de l’autel ; Aristophane, les vieillards tressent les rameaux qu’ils ont reçus, et couronnent les deux divinités, en se groupant au-dessus d’elles.

CHŒUR CÉNÉRAL.

Plutus assez longtemps, au gré de son caprice
Prodigua des trésors profanés par le vice,
Et c’était à Minerve à les purifier.
Le véritable autel du dieu de la richesse
Est l’autel que partage avec lui la sagesse
Sous le pacifique olivier.

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