Le Médecin volant (Edme BOURSAULT)
Comédie en un acte, en vers.
Représentée pour la première fois en 1661.
Personnages
CLÉON, Amant de Lucresse
LISE, Servante de Lucresse
LUCRESSE, Maîtresse de Cléon
CRISPIN, Valet de Cléon, Médecin Volant
FERNAND, Père de Lucresse
PHILIPIN, Valet de Fernand
CANTEAS, habile Médecin
La Scène est devant la Maison de Fernand.
Scène première
LISE, CLÉON
LISE.
N’insultez point, de grâce, au malheur de Lucresse,
Je sais qu’elle a pour vous une forte tendresse :
Mais enfin de son père elle craint le pouvoir,
Et ne peut se résoudre au plaisir de vous voir.
Une fille bien née a toujours de la crainte...
CLÉON.
Que veux-tu ? la douleur dont mon âme est atteinte,
Rend ma plainte équitable, et me fait murmurer
Contre un objet charmant que je dois adorer.
Mais Lise, à sa fenêtre une prompte escalade
Peut m’ouvrir une voie...
LISE.
Elle fait la malade,
Monsieur ; et le vieux Reître est parti du matin
Pour chercher par la ville un expert Médecin.
Sans rien escalader, pour voir une Maîtresse,
Un Amant dans sa manche a toujours quelque adresse ;
Mettez tout en usage, et puissance, et savoir ;
Sans choquer son honneur essayez de la voir.
Il n’est point de moyens que l’amour n’autorise,
Surtout... mais du vieillard je crains une surprise ;
Adieu, pensez à vous, et vous ressouvenez
Qu’il n’est rien d’impossible aux cœurs passionnés.
Scène II
CLÉON, seul
Aux cœurs passionnés il n’est rien d’impossible,
Je l’avoue ; et je trouve un moyen infaillible
De donner à mon âme un moment de repos ;
Il faut... mais, ô Crispin, que tu viens à propos !
Scène III
CRISPIN, CLÉON
CRISPIN.
Je vous cherche partout pour vous rendre réponse,
Monsieur.
CLÉON.
Si tu savais ce que Lise m’annonce,
Cher Crispin...
CRISPIN.
Il m’a dit que tantôt sur le soir...
CLÉON.
Quand on a de l’amour, et qu’on a de l’espoir...
CRISPIN.
Je vous dis, et redis qu’il m’a dit de vous dire...
CLÉON.
Pour des charmes si doux lorsqu’une âme soupire.
CRISPIN.
Vous plaît-il que je parle, ô babillard maudit ?
Ou ne dirai-je mot ?
CLÉON.
Tu m’en as assez dit ;
Le temps m’est précieux, et ma flamme me presse ;
Raisonnons entre nous ; je me meurs pour Lucresse.
CRISPIN.
Mourez-vous ?
CLÉON.
Son visage a des attraits puissants,
Elle asservit mon âme, elle charme mes sens ;
En un mot je l’adore, et son père me l’ôte,
Tu le vois.
CRISPIN.
Il est vrai, mais ce n’est pas ma faute.
CLÉON.
D’accord, de mon malheur je ne puis t’accuser ;
Mais tu connais son père, il le faut abuser.
Qu’en dis-tu ?
CRISPIN.
Moi, Monsieur ? abusez, que m’importe ?
CLÉON.
Il la tient enfermée, et je veux qu’elle sorte :
Mon cœur pour cet effort ne s’adresse qu’à toi.
Car enfin...
CRISPIN.
À présent il m’importe, ma foi.
À moi, Monsieur ?
CLÉON.
À toi, rends mon âme charmée.
CRISPIN.
Ne me dites-vous pas qu’il la tient enfermée ?
CLÉON.
Oui.
CRISPIN.
Je n’y puis que faire. En quel lieu du logis ?
CLÉON.
C’est dessus le derrière.
CRISPIN.
Oui ?
CLÉON.
Oui.
CRISPIN.
Oui ?
CLÉON.
Oui.
CRISPIN.
Tant pis.
CLÉON.
Je t’ai dit ma pensée, instruis-moi de la tienne.
CRISPIN.
Elle est enfermée ?
CLÉON.
Oui.
CRISPIN.
Que la belle s’y tienne,
Voilà ce que je pense.
CLÉON.
Ah ! c’est trop s’amuser.
Écoute, sans scrupule il te faut déguiser.
CRISPIN.
Me déguiser, Monsieur, et pourquoi ?
CLÉON.
C’est pour cause.
Je veux bien en ce lieu t’informer de la chose.
Pour faire pleinement réussir mon dessein,
Il faut être aujourd’hui Médecin.
CRISPIN.
Médecin.
Bons Dieux !
CLÉON.
Sans perdre ici d’inutiles paroles,
Ce service rendu te vaudra six pistoles ;
Si le gain t’encourage, avise, les voilà.
Examine.
CRISPIN.
Mon Dieu, ce n’est pas pour cela.
Médecin !
CLÉON.
Médecin, je n’ai point d’autre ruse.
CRISPIN.
Mais il faut de l’esprit, et je suis une buse ;
Et de plus...
CLÉON.
C’est à tort que tu prends de l’effroi,
Le père de Lucresse a moins d’esprit que toi.
Ce vieillard chassieux connaît peu ton visage ;
Et tu sais... Il avance, il me voit, j’en enrage ;
Je le vais aborder, va m’attendre chez moi,
J’aurai soin de m’y rendre aussi vite que toi.
CRISPIN.
Mais, à moins de m’instruire, apprenez...
CLÉON.
Va, te dis-je,
Je te suis.
Il sort.
Scène IV
CLÉON, FERNAND, PHILIPIN
CLÉON.
La douleur de Lucresse m’afflige,
Monsieur ; quoique mes soins lui soient indifférents,
Je viens vous informer de la part que j’y prends :
Heureux, quoique toujours sa beauté me captive,
Si pour d’autres que moi j’aperçois qu’elle vive,
Et toujours trop heureux si les vœux que je fais
D’un secours nécessaire avancent les effets.
Adieu.
Scène V
FERNAND, PHILIPIN
FERNAND.
Ma pauvre fille, elle va rendre l’âme,
Philipin.
PHILIPIN.
C’est à vous que j’en donne le blâme.
À la pourvoir d’un homme on a trop retardé,
Un pucelage nuit quand il est trop gardé,
C’est cela qui l’étouffe, et ces sortes de choses...
FERNAND.
Point, point, sa maladie a de plus justes causes :
Mais retourne au plus vite, et va voir, Philipin,
Si l’on attend bientôt ce savant Médecin :
J’appréhende si fort que Lucresse ne meure...
PHILIPIN.
S’il était de retour il viendrait tout à l’heure ;
On l’a dit.
FERNAND.
Il est vrai, mais apprends mon souci.
D’autres peuvent l’attendre, et l’emmener aussi ;
Et pour lors tout mon cœur accablé de tristesse,
Si Lucresse endurait...
PHILIPIN.
Peste soit de Lucresse.
Elle a le choix de vivre, ou du moins de mourir ;
Quel plaisir elle prend à me faire courir !
FERNAND.
Surtout ne reviens point que tu ne me l’amènes ;
Je t’en prie.
Scène VI
FERNAND, seul
En mon âge, ô bons Dieux que de peines !
Et que dans mes vieux ans...
Scène VII
CRISPIN, FERNAND
CRISPIN, en soutane.
Pythagore, Platon,
Mâche-à-vide, Pancrace, Hésiode, Caton...
FERNAND, bas.
Quel serait ce Docteur ? Écoutons.
CRISPIN.
Caligule,
Polyeucte, Virgile, Anaxandre, Lucule...
FERNAND, bas.
Ô Dieux !
CRISPIN.
Robert Vinot, Scipion l’Africain,
Jodelet, Mascarille, Aristote, Lucain,
Médecins de César, assassins d’Alexandre,
Vous voyez un phœnix qu’a produit votre cendre.
FERNAND, bas.
Serait-ce un Médecin ? il en parle.
CRISPIN.
Approchez,
Venez voir, grands Docteurs, les mystères cachés
De l’Encyclopédie, et de la Médecine.
FERNAND.
C’en est un.
CRISPIN.
Venez voir ce que c’est que racine
De la mer Arabique, et le flux et reflux.
FERNAND, à Crispin.
Monsieur...
CRISPIN.
Que voulez-vous ? Ego sum Medicus.
Médecin passé Maître, Apprenti d’Hippocrate,
Je compose le baume, et le grand mitridate,
Je sais, par le moyen du plus noble des Arts,
Que qui meurt en Février n’est plus malade en Mars.
Que de quatre saisons une année est pourvue,
Et que le mal des yeux est contraire à la vue.
FERNAND.
Je ne saurais douter d’un si rare savoir.
Si j’osais vous prier...
CRISPIN.
De quoi ? Parlez.
FERNAND.
De voir
Une fille que j’ai, que chacun désespère.
CRISPIN.
Vous avez une fille ! Et vous êtes son père,
À ce compte ?
FERNAND.
Oui, Monsieur ; et j’ai peur de sa mort.
CRISPIN.
Elle est donc fort malade ?
FERNAND.
Oui, Monsieur.
CRISPIN.
Elle a tort.
Je lui veux conseiller qu’elle cesse de l’être.
Qui domine sur nous s’en veut rendre le maître.
Or le mal dominant par d’occultes ressorts,
Il corrompt la matière, il ravage le corps,
L’individu qui souffre au moment qu’il s’épure,
D’un peu d’Apothéose entretient sa nature...
La vapeur de la terre opposée à ce mal,
Dans l’humaine vessie établit un canal.
Le cancer froidureux rend l’humeur taciturne ;
Le vaillant Zodiaque envisage Saturne :
Et s’il faut qu’avec eux j’en demeure d’accord,
Rien n’abrège la vie à l’égard de la mort.
Ce sont de ces Auteurs les leçons que j’emprunte.
Votre fille, à propos, serait-elle défunte ?
FERNAND.
Non, Monsieur.
CRISPIN.
Mange-t-elle ?
FERNAND.
Un petit, grâce aux Dieux.
CRISPIN.
Elle n’est donc pas morte ?
FERNAND.
Elle ? Nenni.
CRISPIN.
Tant mieux,
Je m’en réjouis fort.
FERNAND.
Et de quoi ? Cette vie
Avant la fin du jour lui peut être ravie.
CRISPIN.
Tant pis ; l’a-t-on fait voir à quelque Médecin ?
FERNAND.
Nullement.
CRISPIN.
Elle a donc quelque mauvais dessein,
Puisqu’elle veut mourir sans aucune ordonnance ;
De ces sortes de morts notre École s’offense :
Quand un homme se trouve en état de périr,
Toujours un Médecin doit l’aider à mourir ;
Et c’est faire éclater des malices énormes,
Que vouloir refuser de mourir dans les formes.
Instruisez votre fille, et lui dites du moins
Pour mourir comme il faut, qu’elle attende mes soins.
Son âme à déloger est trop impatiente,
Monsieur.
FERNAND.
Permettez-moi d’appeler sa suivante.
CRISPIN, bas.
Appelez. Je le tiens, ô le franc animal !
FERNAND.
Holà, Lise.
Scène VIII
LISE, FERNAND, CRISPIN
LISE.
Ah, Monsieur, votre fille est fort mal.
FERNAND.
Que fait-elle ? Je tremble.
LISE.
Elle se plaint du ventre ;
Elle sort de son lit, puis après elle y rentre ;
Se promène, se sied, veut dormir, veut veiller.
Malgré moi de ce pas je la viens d’habiller...
FERNAND.
D’habiller !
LISE.
D’habiller ; sa boutade m’étonne.
Apercevant Crispin.
Je crois... Mais ce gredin vous demande l’aumône,
Monsieur.
FERNAND.
Ah juste Ciel quel blasphème tu fais !
C’est l’exemple parfait des Médecins parfaits,
Que j’ai bien du sujet de louer sa rencontre !
LISE.
Médecin ?
CRISPIN.
Médecin, ma soutane le monstre.
Mais sans perdre ma peine à prouver qui je suis,
Par ma seule doctrine aisément je le puis.
De la fille égrotante apportez de l’urine,
Apportez.
FERNAND, à Lise.
Allez vite en quérir.
Lise sort.
CRISPIN.
J’examine
Ce que cette malade à peu près peut avoir ;
Mais je vois de l’urine, et je vais le savoir.
Scène IX
CRISPIN, FERNAND, LISE
CRISPIN.
Approchez.
FERNAND.
De frayeur j’ai mon âme alarmée.
LISE, avec de l’urine.
En voilà.
CRISPIN.
Voyez-vous, comme elle est enflammée.
Mauvais signe.
FERNAND.
Ô bons Dieux, il en boit.
CRISPIN, après avoir tout bu.
Je crois bien,
Mais qui boit pour si peu, ne comprend jamais rien.
Allez en quérir d’autre.
FERNAND, à Lise.
Allez vite.
Lise sort encore.
CRISPIN.
Mon Prince,
Assez d’autres Docteurs d’une étoffe plus mince
Se seraient contentés du rapport de leurs yeux ;
Mais à croire sa langue on en juge bien mieux :
Bois-Robert nous enseigne en sa belle Plaideuse
Que le goût est solide, et la vue est trompeuse ;
Et qu’un grand Médecin quand il fait ce qu’il doit,
Il sent mieux une chose à la langue qu’au doigt.
FERNAND.
À ces fortes raisons je n’ai point de réplique.
Scène X
LISE, CRISPIN, FERNAND
LISE, avec encore un peu d’urine.
À pisser comme il faut ma Maîtresse s’applique,
Monsieur, et cependant je n’en ai qu’un filet,
Voyez.
CRISPIN.
Pauvre pisseuse !
Après avoir encore bu, il dit.
Allez au robinet
En tirer.
LISE.
Mais, Monsieur...
CRISPIN.
Mais que cette pisseuse
Fasse une ample pissée, et qui soit copieuse,
Copieuse.
LISE.
Ma foi ma Maîtresse ne peut ;
On n’a pas le pouvoir de pisser quand on veut.
C’est donner à Lucresse une peine trop grande
Que vouloir...
FERNAND, à Lise.
Dites-lui que Monsieur le commande,
Courez vite.
LISE.
Monsieur, votre fille n’a pu ;
Mais enfin pour vous plaire à l’instant elle a bu :
Si Monsieur veut attendre à lui rendre service,
Au plus tard dans une heure il faudra qu’elle pisse.
CRISPIN.
Elle a raison.
LISE.
De plus pour chasser son souci,
Elle s’est résolue à venir jusqu’ici.
Elle vient.
Scène XI
LUCRESSE, FERNAND, CRISPIN, LISE
LUCRESSE.
Ah mon père !
FERNAND.
Ah ma fille !
LISE.
Courage.
LUCRESSE.
Je me meurs.
CRISPIN.
Je lui trouve un passable visage ;
Serviteur ; si pour vous nos remèdes sont vains,
Vous aurez le plaisir de mourir par mes mains ;
Consolez-vous.
LUCRESSE.
Hélas !
CRISPIN.
Votre bras, que je tâte
Si pour vous il est vrai que la mort ait si hâte ;
Donnez, dis-je.
Au lieu de prendre le bras de Lucresse, il prend celui de son père et dit.
Tudieu ! comme il bat, votre pouls !
J’aurais bien de la peine à répondre de vous,
Et votre maladie est sans doute mortelle ;
Prenez-y garde.
FERNAND.
Ô Dieux ! quelle triste nouvelle ;
Je suis donc bien malade, ô Monsieur ?
CRISPIN.
Vous, pourquoi ?
FERNAND.
Vous n’avez pris le bras à personne qu’à moi.
CRISPIN.
Et cela vous étonne ? Une tendresse extrême
Rend la fille le père, et le père elle-même :
Entre eux deux la nature est propice à tel point,
Que le sort les sépare, et le sang les rejoint ;
Étant vrai que l’enfant est l’ouvrage du père,
Sa douleur sur lui-même aisément réverbère ;
Et le sang l’un de l’autre est si fort dépendant,
Que l’enfant met le père en un trouble évident.
FERNAND.
Il est vrai.
CRISPIN.
Cependant quoique mon savoir brille,
Je veux bien me résoudre à tâter votre fille ;
Votre bras.
FERNAND.
Le voilà.
CRISPIN.
Je m’en étais douté,
Il ne vous manque rien que beaucoup de santé,
Sans cela...
LUCRESSE.
J’ai la mort sur le bord de la lèvre,
Monsieur.
CRISPIN.
Que je tâte, avez-vous de la fièvre ?
LUCRESSE.
Je ne sais.
CRISPIN.
Non ?
LUCRESSE.
Non.
CRISPIN.
Fi.
FERNAND.
De quoi ?
CRISPIN.
Mauvais régal ;
Parfois sans qu’on le sache on se porte fort mal,
Voyez-vous.
FERNAND.
De ses maux que je sache la cause.
CRISPIN.
C’est la fièvre, ce l’est, si ce n’est autre chose,
Mais soit fièvre, ou migraine, ou cangrène, ou mal chaud,
Allez, pour la guérir, je sais bien ce qu’il faut.
FERNAND, à Lise.
Une plume, de l’encre.
CRISPIN.
Et pourquoi ?
FERNAND.
L’ordonnance,
Monsieur...
CRISPIN.
Vous vous moquez, je les fais par avance.
Je me tiens toujours prêt contre tous accidents ;
En voilà pour les yeux, pour le flux, pour les dents ;
Mais ignorant son mal, il lui faut, ce me semble,
Une ordonnance propre à tous les maux ensemble ;
Il faudra que le sien se rencontre parmi.
Il donne une ordonnance.
FERNAND.
Charitable Monsieur, c’est agir en ami,
Cela ; quel honnête homme.
CRISPIN.
En quel lieu couche-t-elle ?
FERNAND.
Elle a sur le derrière une chambre assez belle.
LISE.
Oui vraiment, une chambre assez belle en effet
Si sombre !
CRISPIN.
Croyez-moi, le devant est son fait,
Qu’on l’y mène, aussi bien la journée est malsaine.
Scène XII
PHILIPIN, FERNAND, CANTEAS, CRISPIN
FERNAND, voyant venir Philipin.
Philipin, aide à Lise.
PHILIPIN.
À la fin je l’amène,
Le voici.
Après que Philipin a dit cela, il aide à ramener Lucresse.
CRISPIN.
Qui donc ? qu’est-ce ?
FERNAND.
Un savant Médecin.
CRISPIN, bas.
Médecin, malepeste.
CANTEAS.
Excusez ; ce matin
L’Intendant d’un Seigneur m’a contraint de me rendre,
Monsieur...
FERNAND.
Mon bon Monsieur, je n’ai pu tant attendre ;
Au retour de chez vous pour causer mon repos
Ce fameux Médecin s’est offert à propos,
Je l’ai pris.
CANTEAS.
Monsieur ?
CRISPIN.
Oui, mais qu’il a de mérite,
Si vous saviez...
CANTEAS.
Je loue, et je plains ma visite,
Je me tiens malheureux d’avoir pu me ravir
Au plaisir que j’aurais de pouvoir vous servir ;
Et de voir la fortune à mes vœux trop cruelle
M’arracher au bonheur de vous prouver mon zèle :
Mais à voir qui pour vous a daigné s’occuper,
Je me tiens trop heureux qu’il ait pu m’échapper.
Le plaisir que je goûte est mêlé dans le vôtre ;
Si je perds d’un côté, je recouvre de l’autre ;
Puisque enfin de Monsieur le sublime entretien
D’être un jour tout à vous m’offrira le moyen.
Apercevant qu’il est au milieu, il dit à Crispin.
Mais, Monsieur, pardonnez, ce n’est point par audace ;
Je n’ai garde avec vous d’occuper cette place ;
C’est à vous qu’elle est due.
CRISPIN.
Ah !
CANTEAS.
Monsieur...
CRISPIN.
Palsambleu,
Ah !
CANTEAS.
Sans cérémonie, on vous doit le milieu,
Crispin par deux fois étant au milieu, comme Canteas veut parler, il s’écoule par derrière lui, et reprend sa première place.
Et de grâce ! Hippocrate... Hé Monsieur, je vous jure
Qu’au lieu de m’obliger, c’est me faire une injure ;
Je vous prie. Hippocrate... À quoi bon tout cela ?
Conservez votre place, hé Monsieur, la voilà,
Empêchez à vos yeux que ma honte n’éclate.
Je reprends ma parole, et je dis qu’Hippocrate,
Qui de la Médecine est l’illustre ornement,
De cet Art salutaire a parlé doctement.
Médecine est, dit-il, une longue science,
Tout à fait dangereuse en son expérience ;
Car, touchant notre vie, elle passe sitôt
Qu’on n’a pas le loisir d’en juger comme il faut.
Vita brevis, ars vero longa, occasio autem præceps,
Experimentum periculosum, judicium difficile.
Je me plais à l’étude, et j’ai l’âme assidue
À vouloir de cet Art pénétrer l’étendue :
Mais dedans cet abîme un esprit se confond.
Plus on l’approfondit, plus il semble profond
Cette utile science en enferme tant d’autres,
Qu’il faudrait que mes yeux égalassent les vôtres,
Ou que de leurs rayons vous pussiez m’éclairer,
Pour m’offrir un moyen de ne pas m’égarer.
CRISPIN.
Ho, ho, ho.
CANTEAS.
De plaisir on a l’âme ravie
Alors que d’un malade on prolonge la vie ;
Et d’un grand Médecin rien n’égale le sort,
Quand sa seule présence intimide la mort,
Quand il est l’ennemi que la Parque redoute,
Quand sa haute science en détourne sa route,
Et qu’enfin le trépas qui nous fait tous trembler,
Pour ne pas le combattre aime mieux reculer.
Mortem medicamentis removet Medicus expers.
Je ne puis approuver l’importune méthode...
Mais peut-être, Monsieur, je vous suis incommode ;
Car enfin comme vous les esprits élevés
Aux emplois importants sont toujours réservés.
CRISPIN.
Ho, ho, ho.
CANTEAS.
Je sors donc, mais j’ose me promettre
Qu’étant moins occupé vous pourrez me permettre
De chercher un prétexte à me faire jouir
Du plaisir qu’on reçoit quand on peut vous ouïr.
Scène XIII
FERNAND, CRISPIN
FERNAND.
Eh bien, ce Médecin, vous voyez comme il cause,
Qu’en dites-vous ?
CRISPIN.
Il sait quelque petite chose.
FERNAND.
Daignez-moi, je vous prie, informer de cela ;
Touchant la Médecine est-il expert ?
CRISPIN.
Là là.
Passable.
FERNAND.
Il n’a donc pas la science parfaite ?
Pour qui passerait-il près de vous ?
CRISPIN.
Pour Mazette.
FERNAND.
Mais durant qu’il parlait vous ne disiez mot ?
CRISPIN.
Moi !
Dites-vous ?
FERNAND.
Oui, vraiment je dis vous.
CRISPIN.
Je le croi.
Pour pouvoir de cet homme éprouver la science,
J’ai voulu me résoudre à garder le silence :
Mais enfin si le drôle eut voulu s’arrêter,
Allez, vous m’auriez vu diablement caqueter.
À dessein d’empêcher qu’un malade ne meure,
J’allais débagouler du Latin tout à l’heure ;
Voir quel temps il fera dans un vieil almanach ;
Réciter tout par cœur les Quatrains de Pibrac ;
Et pour mieux vous montrer qu’il est vrai que j’excelle,
Je sais qu’un lavement fait aller à la selle ;
J’ai cent fois en ma vie acheté du séné ;
Et je dis que le diable est un diable damné :
Je soutiens que le corps est le frère de l’âme ;
Que Sénèque et Pauline étaient l’homme et la femme ;
Que Narcisse en personne autrefois se noya,
Et semper quoniam tuos alleluia.
FERNAND.
Je ne puis rien comprendre à ces phrases d’élite.
CRISPIN.
Je m’en aperçois bien, mais adieu je vous quitte,
Je verrai votre fille ou ce soir, ou demain.
FERNAND lui veut bailler de l’argent.
Monsieur...
CRISPIN.
Ah !
FERNAND.
Recevez ces louis de ma main.
CRISPIN.
Je n’ai garde.
FERNAND.
Prenez, je vous dois récompense,
Monsieur.
CRISPIN.
Je ne suis pas un marchand de science.
FERNAND.
Hé de grâce.
CRISPIN.
Non, non ; je vous suis serviteur.
Il s’en va.
Scène XIV
FERNAND, seul
Que cet homme est habile, et qu’il est grand Docteur !
Ne point prendre d’argent pour des choses si bonnes !
Il ne ressemble pas ces tueurs de personnes,
Ces méchants Médecins, qui par un triste sort
En curant notre bourse, enrichissent la mort.
Voyons ce qu’au logis sa science a fait naître,
Et sachons...
Scène XV
FERNAND, CRISPIN
CRISPIN, en habit de valet.
Au plus vite attrapons notre maître ;
Réjouissance... ô Dieux ! C’est Fernand que je crois !
C’est lui-même !
FERNAND.
Est-ce pas mon Docteur que je vois ?
C’est lui-même, c’est lui : votre mine est pleureuse,
Qu’êtes-vous ?
CRISPIN, pleurant.
Moi, Monsieur ? un pauvre homme qui gueuse.
FERNAND.
Quoi ! tu gueuses ?
CRISPIN.
Monsieur, mes malheurs sont si grands...
FERNAND.
Mais dedans cette ville as-tu point de parents ?
CRISPIN.
Ah ! Monsieur, des parents on n’a guère de grâce,
Je suis frère à mon frère, et c’est lui qui me chasse.
FERNAND.
Il faut donc que sans doute il en ait du sujet ;
Qu’as-tu fait ?
CRISPIN.
Répandu la moitié d’un Julet.
FERNAND.
Il est donc Médecin ?
CRISPIN.
Oui, Monsieur.
FERNAND.
Il me semble
Que ce frère en colère à peu près te ressemble.
CRISPIN.
Oui, Monsieur.
FERNAND.
Penses-tu qu’on le puisse apaiser ?
CRISPIN.
Non, Monsieur.
FERNAND.
Si tu veux, je lui vais proposer...
CRISPIN.
Il ne souffrira pas que jamais je le voie,
Monsieur.
FERNAND.
Si je m’en mêle il aura de la joie ;
Je le viens de quitter, il est fort mon ami.
CRISPIN.
S’il est vrai je ne sens ma douleur qu’à demi :
Car, Monsieur, je vois bien que vous êtes brave homme ;
Vous aurez de la peine à souffrir qu’il m’assomme.
FERNAND.
Attends-moi, de ce pas je m’en vais le chercher.
CRISPIN.
Moi, Monsieur ? Point du tout, je m’en vais me cacher.
FERNAND.
Mais il te faut te montrer.
CRISPIN.
Ah ! Monsieur, je ne l’ose,
Sans savoir si vos soins auront fait quelque chose,
Je m’en vais, s’il vous plaît, vous attendre à l’écart.
Scène XVI
FERNAND, seul
Ce garçon malheureux est venu sur le tard :
Deux minutes plus tôt je l’accordais sur l’heure :
Foin de moi ; je ne sais où son frère demeure :
Mais toujours je l’attends sur le soir...
Scène XVII
CRISPIN, FERNAND
CRISPIN, en soutane.
Ah ! maraut
Je vous jure...
FERNAND.
Ah ! Monsieur, vous venez comme il faut ;
Vous pouvez en ce lieu m’accorder une grâce.
CRISPIN.
Moi, Monsieur ; il n’est rien que pour vous je ne fasse ;
Commandez.
FERNAND.
Votre frère, il a tant de douleur,
Que j’ai droit d’espérer...
CRISPIN.
C’est un coquin, Monsieur.
FERNAND.
Il a tort, il l’avoue ; il se nomme coupable ;
Mais, Monsieur, une faute est toujours pardonnable ;
Désormais, il en jure, il veut être meilleur ;
Vous aimer, vous servir...
CRISPIN.
C’est un fripon, Monsieur.
FERNAND.
Ne vous puis-je résoudre à la miséricorde ?
CRISPIN.
C’est un pendard, Monsieur, qui mérite la corde.
FERNAND.
C’est manquer de parole aux plus rares Amis.
S’il vous en ressouvient vous m’avez tout promis,
Monsieur, ce n’était donc qu’une pure grimace.
CRISPIN.
Il est vrai, ma parole en effet m’embarrasse.
C’en est fait, je pardonne à ce traître, il vous plaît.
FERNAND.
Il ne tiendra qu’à vous de le voir comme il est.
CRISPIN.
Moi, Monsieur, moi le voir en présence du monde !
Quand je vois ce coquin, mon courroux se débonde ;
Je ne puis.
FERNAND.
Hé, Monsieur, il ne faut qu’un instant...
CRISPIN.
Je ne le puis, vous dis-je, un malade m’attend ;
Mais touchant ce maraut, je consens qu’il revienne.
Serviteur.
Scène XVIII
FERNAND, seul
Quelque effet qui jamais en advienne,
À ce pauvre garçon qui frissonne d’effroi,
Je veux faire accorder le pardon devant moi :
Que son frère est honnête, il s’en vient de l’absoudre,
Et j’ose...
Scène XIX
CRISPIN, FERNAND
CRISPIN, en pleurant, et en habit de valet.
Hé bien, Monsieur, a-t-il pu s’y résoudre ?
Dois-je devant ses yeux ne paraître jamais ?
Dois-je...
FERNAND.
Ne pleure point, j’ai su faire ta paix.
CRISPIN.
Vous croirai-je, Monsieur, n’est-ce point moquerie ?
FERNAND.
Quoi, tu peux...
CRISPIN.
Ah ! Monsieur, je connais sa furie ;
Il a bien de la peine à pouvoir pardonner.
FERNAND.
Aussi ne veux-je pas te laisser retourner ;
Je veux qu’il te pardonne en ma propre présence.
CRISPIN.
Du pardon de ma faute avez-vous l’assurance
Monsieur ?
FERNAND.
Oui.
CRISPIN.
C’est assez que mon frère ait parlé :
De vos soins obligeants je serais querellé,
Monsieur ; votre bonté pourrait mal me remettre.
FERNAND.
Mais il peut oublier ce qu’il vient de promettre,
Puis après...
CRISPIN.
Point, Monsieur, je le vois fort exact ;
Quand on a sa parole elle vaut un contrat ;
Désormais de sa part je ne crains nul outrage,
Monsieur.
FERNAND.
J’ai résolu d’achever.
CRISPIN, bas.
J’en enrage.
FERNAND.
Entre sur ce derrière.
CRISPIN.
Hé, Monsieur, où le voir
À cette heure ?
FERNAND.
En tout cas, il viendra sur le soir.
Entre, dis-je.
Il entre, et Fernand ferme la porte à clef.
Scène XX
FERNAND, seul
En ceci ma charité se montre ;
Mais de notre Docteur recherchons la rencontre,
Il faut battre le fer cependant qu’il est chaud.
Scène XXI
CRISPIN, à la fenêtre
Me voilà, grâce à Dieu, raisonnablement haut !
Trop obligeant Grison, ta douceur m’assassine.
Maudit moi, maudit Maître, et maudite Doctrine,
Et maudite Lucresse, et maudits dix louis,
Par qui mes yeux tentés se sont vus éblouis ;
Maudit... quoi... je commence à connaître ma faute :
Tête-bleu ! d’ici là le moyen que je saute ?
Il le faut toutefois ; Taupe à tout.
Il saute de la fenêtre en bas.
Scène XXII
PHILIPIN, qui sort
À présent
Je viens dire... ma foi ce sauteur est plaisant :
Mais il sort de chez nous, il n’a rien que je sache ;
Il faut pour l’épier qu’un moment je me cache.
Mais j’entends que l’on parle, attrapons quelque coin.
Scène XXIII
CRISPIN, FERNAND, et PHILIPIN au bout du Théâtre
CRISPIN, en soutane, dit à Fernand.
Pour un gueux comme lui vous prenez trop de soin :
Il mériterait bien qu’on punît son audace,
Le Vaurien.
FERNAND.
C’est là haut qu’il attend votre grâce :
Moi je vous la demande ; à la charge d’autant,
Si jamais...
CRISPIN.
En quel lieu dites-vous qu’il m’attend ?
Le coquin.
FERNAND.
Voyez-vous cette grande fenêtre ?
CRISPIN.
Il m’entend, le bourreau ; mais il n’ose paraître ;
De m’avoir offensé l’insolent est confus :
Je n’ai pas le pouvoir de vous faire un refus.
Ouvrez, j’entre.
FERNAND.
Avec vous faut-il pas que je monte ?
CRISPIN.
Pour le bien châtier faisons-lui cette honte ;
Montez ; oui montez... Non ; épargnons ce Maraut ;
Écoutez seulement, je lui parlerai haut,
C’est assez.
Crispin entre seul.
FERNAND.
Je le veux ; refermons cette porte,
Et voyons...
Scène XXIV
PHILIPIN, FERNAND, et CRISPIN dans la maison
PHILIPIN, à Fernand.
Quoi ! Monsieur, vous craignez qu’il ne sorte ?
Malepeste ! le Drille ; il sait bien d’autres tours,
Le Manœuvre !
FERNAND.
Pourquoi me tiens-tu ce discours ?
Ou respecte cet homme, ou redoute ma canne.
PHILIPIN.
Quand on est Baladin, porte-t-on la soutane,
À propos ? Dites donc : Vous riez.
FERNAND.
Si je ris
Sot.
PHILIPIN.
Votre ensoutané saute mieux qu’un cabri.
Je le sais ; mais chez vous que peut-il aller faire ?
Répondez, s’il vous plaît ?
FERNAND.
Pardonner à son frère,
Il était en courroux pour certains accidents...
PHILIPIN.
À ce compte, son frère est aussi là-dedans ?
N’est-ce pas ?
CRISPIN, à la fenêtre.
Ah fripon friponnant...
FERNAND, à Philipin.
Tiens, écoute.
CRISPIN, continuant.
Voyez ce qu’aujourd’hui votre faute me coûte ;
J’aurais eu le plaisir de jamais ne vous voir,
Si Monsieur dessus moi n’avait pas tout pouvoir.
Mais je l’honore plus que personne du monde.
FERNAND, à Philipin.
Tu vois bien.
PHILIPIN.
Pour le moins que son frère réponde,
Il le doit.
FERNAND, à Crispin.
Votre frère à son tour ne dit mot ;
Qu’il parle.
CRISPIN.
Entendez-vous, beau pleureux, maître sot ?
Si ma juste colère est si tôt adoucie...
Déguisant sa voix, et pleurant.
Monsieur, je vous rends grâce et je vous remercie,
Je n’ai pas à dessein répandu... Taisez-vous.
Si jamais... Paix, vous dis-je, et craignez mille coups.
Je puis... Taisez-vous donc. Mais mon cher frère... Encore ?
PHILIPIN.
Comment diable fait-il, le futé ? je l’ignore.
FERNAND.
Ils sont deux.
PHILIPIN.
Il le semble ; il n’en est pourtant rien,
Mais de bien le savoir je découvre un moyen,
Dites que devant vous il embrasse son frère.
CRISPIN.
N’était Monsieur Fernand que je veux satisfaire,
Pécore...
FERNAND.
Il aurait tort de vous plus offenser ;
Mais, Monsieur, pour me plaire il le faut embrasser,
Et toujours...
CRISPIN.
L’embrasser !
PHILIPIN.
Que cela l’embarrasse !
Voyez.
FERNAND.
De votre part je prétends cette grâce.
CRISPIN.
Il serait trop honteux si ce bien peu commun...
PHILIPIN.
Je vous jure, ma foi, qu’ils ne sont ma foi qu’un ;
Le madré ! gardez-vous des finesses qu’il brasse.
FERNAND, à haute voix.
Seras-tu trop honteux si ton frère t’embrasse,
L’enfermé ?
CRISPIN.
C’est à lui... Paix, Monsieur le badaut,
Paix fripon, paix bélître ; et venez ici haut :
Crispin met son chapeau sur son coude, et puis l’embrasse si adroitement, qu’il semble que ce soit une autre personne.
C’est moins par amitié que ce n’est par contrainte ;
Venez, dis-je.
FERNAND, à Philipin.
Tu vois, ce n’est pas une feinte.
PHILIPIN.
Je n’y vois ma foi goutte, et ne sais ce que c’est.
CRISPIN, à Fernand.
À présent...
FERNAND.
À présent descendez s’il vous plaît ;
Je vous ouvre.
PHILIPIN.
Épions ; car ou bien je suis ivre,
Ou bien...
CRISPIN, descendu.
J’ai fait défense au coquin de me suivre,
J’en aurais de la honte, il viendra par après ;
Adieu.
Il sort, et met bas la soutane, puis comme Fernand est entré croyant faire sortir un autre frère, Crispin prend l’occasion, et monte fort diligemment par la fenêtre, et ensuite sort avec Fernand comme si en effet il était frère du Médecin.
FERNAND.
Je suis ravi d’avoir fait cette paix :
Mais faisons sortir l’autre.
PHILIPIN, ramassant la soutane de Crispin.
Ah je tiens votre gaine,
Doctissime.
CRISPIN, en habit de valet.
Est-il loin ?
FERNAND.
Assez loin.
CRISPIN.
Que de peine,
Monsieur !
FERNAND, à Philipin.
Hé bien ?
PHILIPIN.
Hé bien, sont-ils deux ?
FERNAND.
Ah, vraiment...
PHILIPIN, montrant Crispin et sa soutane.
Voilà l’un, voilà l’autre.
CRISPIN.
Ah ! grands Dieux !
FERNAND.
Quoi ? comment ?
Que dis-tu ?
PHILIPIN.
Qu’à merveille il grimpe une fenêtre.
FERNAND.
Ah perfide...
CRISPIN.
Ah ! Monsieur, sachez tout de mon maître,
Le voici.
Scène XXV
FERNAND, CLÉON, LUCRESSE, CRISPIN, PHILIPIN, LISE
FERNAND.
C’est Cléon ! c’est ma fille ! ah rusé ;
Ce Cléon l’a séduite, et tu m’as amusé,
Médecin de malheur.
CLÉON.
Quoi ! Monsieur...
FERNAND.
Je te jure.
Que tu l’épouseras, ou je te défigure.
LUCRESSE.
Daignez...
FERNAND.
Point de quartier, il sera ton époux,
Ou du moins...
CLÉON.
Cet hymen a des charmes si doux,
Monsieur...
CRISPIN.
Sans affecter compliment, ni surprise,
Vous le fait de Lucresse, et moi le fait de Lise ;
Confondant tout ensemble et nos biens et les leurs,
Faisons des Médecins, ou Volants, ou Voleurs.