L’Infortunée (Denis DIDEROT)
Plan d’une Tragédie, inédit.
Personnages
L’INFORTUNÉE
SON AMANT
UNE JEUNE FILLE
DES VOISINS
Une femme a tout sacrifié pour un homme, amis, connaissances, parents, état, fortune, considération, réputation.
Elle vit seule avec lui dans une situation très étroite et dans la solitude la plus obscure. Cet être est tout ce qui lui reste au monde et il lui suffit.
Elle n’a jamais pu l’épouser, cependant elle en a des enfants.
Elle n’a pour toute compagnie qu’une jeune fille qui vit avec elle, et que quelques voisins qui fréquentent chez elle sans presque la connaître.
Cette jeune fille devient la cause innocente de son malheur.
Son amant s’en éprend, et pour devenir tranquille possesseur de sa passion nouvelle, il cherche à se délivrer de l’objet malheureux de sa passion ancienne, en accumulant sur lui toutes les douleurs imaginables.
Pour cet effet, en gardant toutes les apparences de l’attachement le plus vrai, il appelle sur cette femme la haine des parents de la jeune fille qui vit avec elle ; il réveille en même temps la persécution de sa famille ; et il met en péril avec les restes de sa fortune, sa liberté.
Il espère l’amener par ces périls qu’il lui suscite et dont il l’avertit à une séparation qui les ferait cesser. Mais cela ne lui réussit pas. Perdre tout, s’il le faut, mais le conserver ; voilà la ferme résolution de cette femme.
Alors le monstre se retourne. Il la faut informer qu’il est lui-même le moteur de tous ses troubles. De moment en moment le voile se déchire et lui montre l’homme affreux auquel elle s’est livrée. Son affliction en est grande ; mais son attachement n’en souffre pas. Elle n’a jamais mécontenté son amant. Les motifs d’une conduite aussi extraordinaire que la sienne lui sont inconnus. Elle espère son repentir et son retour. Elle attendra ; aussi bien, que devenir ?
Son amant méprisé peut-être, mais toujours aimé, en vient à la dernière corde qui lui reste. C’est la révélation de son amour pour la jeune fille. Il se sert de cette jeune fille même pour cela.
Notre infortunée ne résiste point à ce coup.
Elle en devient folle.
De la folie elle passe au désespoir, et se résout à tomber dans le gouffre qui lui est ouvert, en se faisant empoisonner de la main même de son amant, qui commet ce forfait, l’ignorant ou le sachant comme il me conviendra.
Elle voit auparavant ses enfants. Ses voisins sont les machines du scélérat...
Ils feront un grand rôle dans cet ouvrage.