Garanti dix ans (Eugène LABICHE - Philippe GILLE)

Vaudeville en un acte.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 12 février 1874.

 

Personnages

 

MARTABAN, médecin

CHAPONAIS

ERNEST DE PONTFARCY

LOMBARD, domestique de Chaponais

HENRIETTE, femme de Martaban

NINETTE CHAPONAIS

 

La scène est à Paris, chez Chaponais.

 

Un salon bourgeois. Guéridon avec plume et papier. Fauteuils, porte au fond. Portes latérales. Un paravent, sonnette à gauche de la porte du fond.

 

 

Scène première

 

CHAPONAIS, LOMBARD, puis MARTABAN

 

Au lever du rideau, Chaponais a les pieds dans l’eau. Lombard, assis près de lui, fait la lecture d’un journal, un paravent est ouvert derrière eux.

LOMBARD, lisant, un journal à la main.

« Depuis quelques années un fléau s’est abattu sur la France, un fléau qui laisse après lui la ruine et la misère... »

CHAPONAIS, à lui-même.

La politique...

LOMBARD, continuant.

« J’ai nommé le Phylloxéra vastatrix... »

CHAPONAIS.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

LOMBARD.

Il paraît que c’est une petite bête qu’on ne voit pas et qui ronge continuellement la vigne. Les préfets ont beau prendre des arrêtés... l’animal ronge toujours.

CHAPONAIS.

Et le vin augmente.

Apercevant Martaban qui entre par le fond.

Ah ! voilà mon docteur !

MARTABAN.

Eh bien ! comment nous trouvons-nous ce matin ?

CHAPONAIS.

Vous voyez... je prends mon bain de pieds à la moelle de bœuf.

MARTABAN.

Très bien... L’eau est à la température prescrite ?

LOMBARD.

Oui, monsieur, trente degrés, voilà le thermomètre.

Il tire un thermomètre du bain de pieds et l’y remet après l’avoir montré au docteur.

CHAPONAIS.

Combien de temps m’avez-vas dit de rester là-dedans ?

MARTABAN.

Quarante minutes.

CHAPONAIS.

C’est bien ennuyeux... Mais Lombard me lit le journal.

MARTABAN.

Dans une heure n’oubliez pas de prendre vos pilules au sang de bœuf...

CHAPONAIS.

Mais vous me traitez toujours par le bœuf...

MARTABAN.

Régime fortifiant, tonique...

CHAPONAIS.

Ah ! c’est que vous avez intérêt à ne pas me laisser mourir...

MARTABAN.

Je crois bien ! D’abord je vous aime.

Il lui tâte le pouls.

CHAPONAIS.

Oui... et puis je vous ai fait par traité une rente annuelle de dix mille francs... tant que je vivrais...

MARTABAN.

Je vous ai garanti dix ans...

CHAPONAIS.

C’est bien peu.

MARTABAN.

Après nous ferons un nouveau bail... mais à une condition, c’est que vous suivrez ponctuellement mes ordonnances...

CHAPONAIS.

Oh !... je n’ai que ça à faire.

MARTABAN.

Pour mieux vous surveiller, je suis venu m’installer dans la maison... Je demeure au-dessus... je vous fais cinq visites par jour... et comme je passe presque toutes mes journées ici, j’ai fait établir une sonnette de communication entre mon appartement et le vôtre...

LOMBARD, désignant la sonnette qui est près de la porte d’entrée.

La voilà !...

MARTABAN.

Quand j’ai des clients là-haut, on me sonne et je monte... Quand vous avez besoin de moi, vous me sonnez et je descends... C’est très commode.

CHAPONAIS.

En effet, c’est très...

Retirant le thermomètre.

Il n’y a plus que vingt-neuf degrés.

MARTABAN, à Lombard.

Réchauffez !

Lombard prend une petite bouillotte et réchauffe.

MARTABAN, à Chaponais.

Qu’est-ce que vous avez mangé ce matin ?

LOMBARD.

Monsieur n’est pas raisonnable... Du homard.

MARTABAN.

Du homard.

Il se lève.

Malgré ma défense, malgré nos conventions... car enfin nous avons signé un traité, vous n’êtes pas libre... Du homard ! Cela frise l’indélicatesse !

CHAPONAIS.

Qu’est-ce que vous voulez ?... je l’aime... et puis j’avais du chagrin... et quand j’ai du chagrin, je mange du homard.

MARTABAN, vivement.

Du chagrin !... Je vous l’ai défendu ! Voyons, qu’est-ce que vous avez ?

CHAPONAIS, bas.

Plus tard.

Montrant Lombard.

Pas devant lui !

MARTABAN, bas.

Très bien... Ce sera pour ma seconde visite... à midi...

Appelant.

Lombard...

À Chaponais.

Vous permettez que je lui donne quelques instructions ?

CHAPONAIS.

Faites donc !

MARTABAN, prenant Lombard à part.

Veille bien sur lui et instruis-moi de toutes ses imprudences... Tu sais nos conventions... je te donne vingt sous par jour... tant qu’il vivra !

LOMBARD.

Oh ! monsieur ! je le soignerai comme une mère !

MARTABAN.

Je ne t’en demande pas plus.

Haut à Chaponais.

Au revoir... à tantôt !

Il sort par le fond.

 

 

Scène II

 

CHAPONAIS, LOMBARD

 

CHAPONAIS.

Combien y a-t-il de temps que je suis là ?

LOMBARD.

Vingt-deux minutes... vous en avez encore dix-huit à tremper.

CHAPONAIS.

Mon Dieu ! que c’est long !

LOMBARD.

Il faut convenir que vous avez trouvé un fier moyen de vous faire soigner... mais c’est un peu cher... Dix mille francs !...

CHAPONAIS.

Que veux-tu ? ma santé, c’est ma seule dépense ; j’ai remarqué que les médecins venaient me voir cinq minutes, regardaient mes tableaux au lieu de me regarder, empochaient mon argent en ayant l’air de me dire : Crève si tu veux ! Alors, j’ai songé à lier le docteur Martaban à mon existence, aussi il est aux petits soins pour moi, il m’examine de fond en comble... je dirai même qu’il me dorlote trop... Si je l’écoutais, je me mettrais dans une boîte... avec de la ouate.

Regardant le thermomètre.

Vingt-huit degrés... Réchauffe...

LOMBARD, réchauffant.

Voilà ! voilà !

CHAPONAIS.

Que fait ma femme ?

LOMBARD.

Madame Chaponais est dans son oratoire... Elle lit La Femme de feu.

CHAPONAIS.

Ah ! je n’aime pas ça !... ça lui monte l’imagination, et dame !... un malheur est si vite arrivé !

LOMBARD.

Oh ! Madame est d’un âge à ne plus vous inspirer d’inquiétudes...

CHAPONAIS.

Mon ami, il n’y a pas d’âge pour les femmes de bonne volonté... et si tu savais...

LOMBARD.

Quoi ?

CHAPONAIS.

Rien... J’entends ma femme... Laisse-nous.

LOMBARD, tirant sa montre.

Monsieur a encore quatorze minutes. À onze heures douze... j’entre, je ne connais que ma consigne.

CHAPONAIS.

Ah ! tu es un brave serviteur, toi !

LOMBARD, à part, sortant.

Dame ! vingt sous par jour !

Il sort.

 

 

Scène III

 

CHAPONAIS, MADAME CHAPONAIS, puis LOMBARD

 

MADAME CHAPONAIS, entrant.

Tiens ! tu es encore dans ton bain de pieds, mon gros bibi ?

CHAPONAIS.

Laissons le gros bibi, madame, et causons...

MADAME CHAPONAIS.

Qu’y a-t-il ?...

CHAPONAIS.

Il y a, madame, que depuis quelque temps un jeune homme vous poursuit de ses assiduités... et le gros bibi n’aime pas ça !...

MADAME CHAPONAIS.

Un jeune homme ! Qui donc ?...

CHAPONAIS.

Ne faites pas l’étonnée... M. Ernest de Pontfarcy...

MADAME CHAPONAIS.

Ah ! tu es sûr ?...

CHAPONAIS.

Absolument...

MADAME CHAPONAIS, à part.

Pauvre enfant ! je ne l’avais pas remarqué...

CHAPONAIS.

Il nous suit partout... Hier encore, il était au Théâtre-Français, et, sous prétexte de venir saluer le docteur, qui nous accompagnait avec sa femme, il est entré dans notre loge...

MADAME CHAPONAIS.

Eh bien ! où est le mal ?...

CHAPONAIS.

Savez-vous comment il s’y est comporté dans cette loge ?...

MADAME CHAPONAIS.

Non !...

CHAPONAIS, se dressant sur son bain de pieds.

Madame, il a glissé un billet dans votre étui à lorgnette...

Tirant un billet de sa poche.

Le voici !

MADAME CHAPONAIS, à part.

L’imprudent !

CHAPONAIS, se rasseyant.

Donnez-moi mes lunettes...

Avec colère.

Mes lunettes ! là !... sur ma table !...

MADAME CHAPONAIS.

Ne te fâche pas... les voici... Voyons ce qu’il dit ?...

CHAPONAIS, mettant ses lunettes, lisant.

« Ange !... »

MADAME CHAPONAIS, à part.

Ange !...

CHAPONAIS, consultant son thermomètre.

Vingt-quatre degrés... Réchauffez...

Madame Chaponais verse de l’eau chaude.

CHAPONAIS, reprenant sa lecture.

« Ange !... »

S’interrompant.

Appeler ange une femme de quarante-deux ans...

MADAME CHAPONAIS.

Quarante et un, d’abord...

CHAPONAIS.

Et quatre mois...

Lisant.

« Je n’y tiens plus, je vous aime !... Vos beaux yeux me rendent enragé... »

MADAME CHAPONAIS, souriant.

Oh ! l’enfant !...

CHAPONAIS.

Écoutez ceci.

Lisant.

« Quant à votre mari, je m’en moque !... c’est une momie... »

MADAME CHAPONAIS, étouffant un rire.

Ah ! ah ! c’est bien vrai !...

CHAPONAIS, se dressant de nouveau dans son bain.

Ainsi, madame, voilà le fruit de vos coquetteries, de vos agaceries, de vos roulements d’yeux...

MADAME CHAPONAIS.

Monsieur !...

CHAPONAIS

Il est temps de nous expliquer !

LOMBARD, entrant.

Monsieur, il est onze heures douze...

CHAPONAIS, se rasseyant.

Ah ! très bien ! Sors-moi de l’eau... Nous reprendrons cette conversation, madame !...

MADAME CHAPONAIS.

Quand vous voudrez, monsieur !

Lombard replie le paravent qui le cache ainsi que Chaponais.

 

 

Scène IV

 

CHAPONAIS et LOMBARD, cachés, MADAME CHAPONAIS, puis ERNEST DE PONTFARCY

 

MADAME CHAPONAIS, seule.

Je suis compromise... Je ne m’y attendais plus... Il est très bien, ce jeune homme, très distingué... l’air anglais... il sait le nom de tous les chevaux... Oh ! c’est égal, je le raisonnerai, je le gronderai ! mais c’est très gentil de sa part.

ERNEST, paraissant à la porte avec une serviette d’avocat sous le bras.

Madame...

MADAME CHAPONAIS.

Lui !... Chut !...

ERNEST.

Quoi ?...

MADAME CHAPONAIS, bas.

De la prudence !...

ERNEST, à part.

Qu’est-ce qu’elle a ?

Haut.

Je vous rapporte un mouchoir brodé que vous avez laissé tomber hier, à la sortie du théâtre, en montant en voiture.

MADAME CHAPONAIS, montrant le paravent.

Plus bas ! Il est là !

ERNEST.

Ah ! Qui ?...

MADAME CHAPONAIS.

Mon mari !

ERNEST, à part.

Eh bien ? qu’est-ce que ça me fait ?

Haut.

J’ai deviné qu’il vous appartenait en voyant le chiffre.

Tirant un mouchoir de sa poche.

Un N et un C cela fait bien Ninette Chaponais.

MADAME CHAPONAIS, à part.

Il sait mon petit nom !

Lui tendant sa main à baiser.

Je vous pardonne... Partez !...

ERNEST, à part.

Mais qu’est-ce qu’elle a ?...

MADAME CHAPONAIS, à part.

Il n’ose pas.

Lui tendant de nouveau sa main à baiser.

Je vous pardonne... Partez !...

 

 

Scène V

 

MADAME CHAPONAIS, ERNEST, CHAPONAIS et LOMBARD

 

CHAPONAIS, ouvrant le paravent.

Vous ici, monsieur je devais m’y attendre...

MADAME CHAPONAIS.

Monsieur me rapportait un mouchoir j’ai perdu hier...

CHAPONAIS.

Naturellement...

ERNEST.

Et comme je passais dans votre rue, je suis monté.

CHAPONAIS.

Naturellement... Retirez-vous, madame... J’ai à causer avec monsieur.

MADAME CHAPONAIS.

Je vous laisse, monsieur.

Bas à Ernest.

Niez tout.

Elle sort à gauche.

ERNEST.

Quoi ?...

CHAPONAIS, indiquant son bain de pieds à Lombard.

Emporte ceci.

LOMBARD, bas à Chaponais.

Surtout, Monsieur, ne vous faites pas de bile, ces accidents-là arrivent à tout le monde ainsi.

Il sort par le fond en emportant le bain de pieds.

 

 

Scène VI

 

CHAPONAIS, ERNEST

 

CHAPONAIS.

Je dois vous prévenir, monsieur, que votre petit manège est éventé...

ERNEST.

Quel manège ?...

CHAPONAIS.

Je connais les motifs qui vous attirent dans cette maison...

ERNEST, étonné.

Ah !...

CHAPONAIS.

Vous poursuivez une femme qui n’est pas libre.

ERNEST.

Moi ?...

À part.

Comment sait-il que j’aime la femme du docteur ?

CHAPONAIS.

Je suis très clairvoyant, moi, monsieur... Je vois tout, rien ne m’échappe... Je veille, je surveille...

ERNEST.

Ah çà ! monsieur, je ne sais pas de quoi vous vous mêlez...

CHAPONAIS.

Ah ! c’est joli...

ERNEST.

Je n’aime pas qu’on s’immisce dans mes affaires... et à ceux qui seraient assez indiscrets pour le tenter, je n’hésiterais pas à infliger une correction... vous me comprenez.

Il sort avec beaucoup de dignité en oubliant la serviette qu’il a posée en entrant.

 

 

Scène VII

 

CHAPONAIS, puis MARTABAN

 

CHAPONAIS, seul.

Comment ! il me menace ! moi, le mari ! Je trouve que cela peint toute une époque ! Il m’a presque proposé un duel. Ah ! je suis d’une colère !... Cela va me faire perdre tout le bénéfice de mon bain de pieds...

MARTABAN, entrant par le fond.

Eh ! bien ! comment nous trouvons-nous ? sommes-nous plus calme ?

CHAPONAIS.

Plus calme, vous me voyez anéanti, suffoqué...

MARTABAN.

En effet, vous êtes tout rouge... On dirait que vous avez pris votre bain de pieds par la tête.

CHAPONAIS.

Il y a bien de quoi être rouge et de toutes les couleurs... Docteur, j’ai peut-être un duel sur la planche.

MARTABAN, vivement.

Un duel ! Vous n’avez pas le droit de vous battre !... Et notre traité... Il faut faire des excuses !

CHAPONAIS.

Par exemple ! jamais ! Un petit drôle !

MARTABAN.

J’arrangerai l’affaire...Son nom ?

CHAPONAIS.

Ernest de Pontfarcy...

MARTABAN.

Mon client... un jeune homme charmant... associé d’agent de change.

CHAPONAIS.

Il fait la cour à ma femme !

MARTABAN.

Allons donc ! c’est impossible ! Madame Chaponais est d’un âge...

CHAPONAIS.

Oh ! l’âge !... j’ai mes opinions là-dessus... Et d’ailleurs j’ai des preuves !...

MARTABAN.

Non... c’est impossible !...

CHAPONAIS.

Mais, sacrebleu !... quand je vous dis !

MARTABAN.

Ne vous emportez pas ; vous vous ferez mal...

CHAPONAIS.

C’est vrai... je devrais me mettre en colère avec plus de calme... Tenez, tâtez mon cœur, comme il bat...

MARTABAN, lui mettant la main sur le cœur.

Oh ! oh ! battements fréquents et irréguliers... palpitations accentuées... Je vais vous mettre à la digitale, et je vous défends par-dessus tout la jalousie...

CHAPONAIS.

Mais si ma femme me trompe ?...

MARTABAN.

Dans ce cas-là, je vous permets une contrariété... modérée... égayée par quelques distractions... Mais, je vous le répète, madame Chaponais est incapable...

CHAPONAIS.

Ah bien ! oui, vous ne la connaissez pas ! une femme qui lit des romans !...

MARTABAN.

Ah ! si ce sont là vos preuves !...

CHAPONAIS.

Pourquoi ce jeune homme nous suit-il partout ? Est-ce pour mes beaux yeux ? Avant-hier à l’Opéra-Comique, hier aux Français...

MARTABAN.

Qui vous dit que c’est pour votre femme ? La mienne était aussi à l’Opéra-Comique... et aux Français...

À part.

Calmons-le...

CHAPONAIS.

Tiens ! au fait !

MARTABAN.

Et, sans vouloir déprécier madame Chaponais, ma femme est plus jeune...

CHAPONAIS.

Plus jolie, plus gracieuse...

Avec effusion.

Ah ! mon ami, si c’était vrai, quel plaisir ça me ferait !...

MARTABAN.

Je vous remercie bien...

À part.

Il est plus calme.

CHAPONAIS.

Ah çà ! vous n’êtes donc pas jaloux ?

MARTABAN.

Non... ça me fait mal à l’estomac... Faites comme moi, ayez confiance. Je vous reverrai tantôt en descendant... Au revoir.

Il sort.

 

 

Scène VIII

 

CHAPONAIS, puis MADAME MARTABAN

 

CHAPONAIS, seul.

Si c’était pour madame Martaban ! Elle est jeune, jolie, coquette... Oui, mais ce billet trouvé dans l’étui !...

MADAME MARTABAN, entrant.

Bonjour, monsieur Chaponais...

CHAPONAIS.

Elle !...

À part.

Comment faire pour savoir ?...

MADAME MARTABAN.

Madame Chaponais est-elle chez elle ?

CHAPONAIS.

Oui... Vous allez la trouver encore tout émue, toute bouleversée...

MADAME MARTABAN.

Qu’est-il donc arrivé ?

CHAPONAIS.

Nous venons de recevoir la visite d’un jeune homme, M. Ernest de Pontfarcy...

MADAME MARTABAN.

Ah !...

CHAPONAIS.

Vous le connaissez, je crois ?...

MADAME MARTABAN.

Oh ! très peu... C’est un client de mon mari...

CHAPONAIS.

En sortant, son pied a glissé... il est tombé et il a failli se casser la jambe.

MADAME MARTABAN, s’oubliant.

Ah ! mon Dieu ! Pauvre Ernest !

CHAPONAIS, à part.

Elle a dit : Pauvre Ernest !... C’est bon signe...

MADAME MARTABAN.

Où est-il ?... Il faut sonner mon mari...

CHAPONAIS.

Rassurez-vous, il va bien... tout à fait bien...

MADAME MARTABAN.

Ah ! tant mieux... parce qu’enfin, on a beau ne pas connaître les gens... une jambe cassée...

CHAPONAIS.

Oui, ça remue...

Se reprenant.

C’est-à-dire : Ça ne remue pas...

MADAME MARTABAN.

J’entre chez madame Chaponais... À tantôt !

Elle sort par la gauche.

 

 

Scène IX

 

CHAPONAIS, puis ERNEST

 

CHAPONAIS, seul.

Je crois que je suis sur une piste... Son trouble, son émotion et ce cri : Pauvre Ernest !... Oui, mais ce billet trouvé dans l’étui !... Si je pouvais les mettre en présence... moi caché dans un petit coin... Mais comme un imbécile, j’ai renvoyé M. Ernest... Il ne reviendra pas... et je ne saurai jamais...

ERNEST, paraissant au fond, très froid.

Monsieur...

CHAPONAIS, à part.

Tiens ! c’est lui !

ERNEST.

Je m’étais juré de ne jamais remettre les pieds dans votre maison...

CHAPONAIS, riant.

Oh ! pourquoi ? pourquoi ?...

ERNEST.

Mais j’ai laissé chez vous la serviette que je portais sous le bras.

CHAPONAIS, la prenant vivement.

La voici... mais je ne vous la rends pas.

ERNEST.

Comment, monsieur ?...

CHAPONAIS.

Je ne vous la rends pas avant que vous ne m’ayez pardonné ma petite vivacité de tantôt...

ERNEST.

Il faut convenir que vous m’avez parlé sur un ton...

CHAPONAIS.

Que voulez-vous ? j’étais nerveux, surexcité... je venais de prendre un bain de  pieds à la moelle de bœuf...

ERNEST.

Du moment que vous reconnaissez vos torts...

CHAPONAIS.

Tout à fait...

ERNEST.

Ne parlons plus de ça... et rendez-moi ma serviette...

CHAPONAIS.

Pas encore... J’ai une idée sur les Lombards... Avez-vous la cote de la Bourse ?

ERNEST, à part.

Une affaire !

Haut.

Les Lombards... bonne valeur, monsieur... qui regagnera son coupon dans huit jour...

Tirant de sa poche une carte.

Voici la cote, monsieur, voici la cote !

CHAPONAIS, la prenant.

Très bien...

Lui rendant la serviette.

Je vous demande la permission d’y jeter un coup d’œil dans mon cabinet...

ERNEST.

Faites donc, monsieur, faites donc.

CHAPONAIS.

Je reviens... et j’espère vous donner un ordre important.

ERNEST, remerciant.

Ah ! monsieur !...

CHAPONAIS, seul.

Je vais lui envoyer madame Martaban... et je serai là !...

Il sort à gauche.

 

 

Scène X

 

ERNEST, puis MADAME MARTABAN, et CHAPONAIS caché derrière le paravent

 

ERNEST, seul.

Mais il est très aimable, cet homme-là, quand il ne prend pas de bains de pieds à la moelle de bœuf... Il m’a effrayé ce matin... j’ai cru qu’il avait découvert mes assiduités auprès de madame Martaban... J’ai trouvé un moyen ingénieux pour la voir tous les jours chez elle... je me suis offert une gastro-entérite... et comme le mari est médecin, ça me donne mes entrées... Il me crible de pilules, de poudres... Je les fais prendre à mon concierge... pour voir l’effet... Il dépérit à vue d’œil... mais je la vois, elle !... Nous n’en sommes qu’à la seconde période... la première c’est :

Voix de femme.

Monsieur, j’aime mon mari ! Elle ne dure pas longtemps celle-là ! La seconde :

Voix de femme.

Oh ! j’ai trop peur, on finirait par le savoir ! et la troisième :

Voix de femme.

Tu m’aimeras toujours, n’est-ce pas ?

MADAME MARTABAN, entrant par la gauche.

Comment ! Vous ici, monsieur ?

ERNEST.

Ah ! quel heureux hasard !

CHAPONAIS, entre par la droite et se tient derrière le paravent.

Je les tiens !

MADAME MARTABAN, à Ernest.

M. Chaponais m’avait dit que mon mari m’attendait dans ce salon.

ERNEST.

Non, je ne l’ai pas vu.

MADAME MARTABAN.

Comment va votre jambe ?

ERNEST, étonné.

Ma jambe ?... mais non, c’est l’estomac ! ou plutôt c’est le cœur qui est malade

Lui prenant la main.

et si vous le vouliez, je serais bientôt guéri...

MADAME MARTABAN.

Oh ! non ! j’ai trop peur !... on finirait par le savoir !...

Elle passe.

ERNEST, à part.

Voilà ! Seconde période !

Haut et vivement.

Mais vous n’avez rien à craindre avec moi, je suis discret, prudent... et je vous aime tant !... J’aimerais mieux mourir que de vous causer l’ombre d’un chagrin !...

CHAPONAIS, à part, montrant sa tête épanouie par-dessus le paravent.

Il va bien, le petit !...

MADAME MARTABAN.

Non, je ne devrais pas vous écouter.

ERNEST.

Ah ! vous serez cause d’un malheur !... car, comme je vous le disais hier, je deviens fou, enragé...

MADAME MARTABAN.

Vous n’avez pas dit ça hier...

ERNEST.

Dans le billet que j’ai glissé dans votre étui à lorgnette...

MADAME MARTABAN.

Je ne l’ai pas reçu... Il est vrai que je n’ai pas ouvert ma lorgnette.

CHAPONAIS, à part, se montrant par-dessus le paravent.

Il s’est trompé de lorgnette ! Je me tords de joie !...

ERNEST, elle passe.

Henriette, je vous en prie, ne me repoussez pas... laissez-moi vous aimer...

Il lui prend la taille.

MADAME MARTABAN, faiblement.

Non... finissez !...

CHAPONAIS, à part, par-dessus le paravent.

Sapristi ! ils me montent la tête !

MADAME MARTABAN, se dégageant.

Il est temps de nous quitter, je rentre chez moi !...

ERNEST.

C’est l’heure de ma consultation... je vous rejoins dans un instant... J’attends un ordre de M. Chaponais.

MADAME MARTABAN.

Mais je dois vous prévenir que si vous ne vous possédez pas plus qu’hier...

ERNEST.

Qu’est-ce que j’ai donc fait ?

MADAME MARTABAN.

Vous m’avez embrassé la main !

ERNEST.

Ah !...

CHAPONAIS, à part.

Oh !...

MADAME MARTABAN.

Je sonnerai... et comme mon mari sera ici... il montera immédiatement.

CHAPONAIS, à part, par-dessus le paravent.

J’ai envie de casser la sonnette !

ERNEST.

Je serai sage, réservé !... je vous le promets... je vous le jure... mais vous ne sonnerez pas ?...

MADAME MARTABAN, remontant.

Cela dépendra de vous... je ne m’engage à rien... Adieu !...

ERNEST.

Adieu ! ange !...

Il lui envoie des baisers.

MADAME MARTABAN, de la porte.

Voulez-vous finir !...

À part.

Il est vraiment bien gentil...

Elle sort par le fond.

 

 

Scène XI

 

ERNEST, CHAPONAIS

 

CHAPONAIS, par-dessus le paravent.

Non, écoutez... jamais !... jamais je n’ai passé un quart d’heure plus agréable...

ERNEST.

Comment ! vous étiez là... et vous avez entendu ?...

CHAPONAIS, radieux.

Tout !...

ERNEST.

Mais c’est de l’espionnage !... Je croyais vous avoir prévenu ce matin...

CHAPONAIS.

Ne vous fâchez pas !... Je ne dirai rien... Ce pauvre docteur !... ça lui ferait mal à l’estomac. Seulement voulez-vous me permettre de vous donner un conseil ?

Il sort de derrière le paravent.

ERNEST.

Eh ! monsieur !

CHAPONAIS.

J’ai de l’expérience, moi !... je suis un vieux malin... vous avez tort de prendre vos rendez-vous dans le domicile conjugal... C’est dangereux.

ERNEST.

Où voulez-vous que je les prenne ?

CHAPONAIS.

Louez une petite chambre... dans un quartier éloigné... trente francs par mois, sous un faux nom. Prenez le mien si vous voulez...

ERNEST.

C’est une idée...

CHAPONAIS.

Avec un escalier de service... pour faire filer la dame, en cas d’alerte... Voilà ce que je faisais quand j’étais garçon... mais je n’allais jamais chez le mari !

ERNEST.

Au moins, monsieur, puis-je compter sur votre discrétion ?...

CHAPONAIS.

Parbleu !...

ERNEST.

Au reste, vous vous êtes mépris sur mes sentiments pour madame Martaban... C’est de l’amitié !... l’amitié la plus pure...

CHAPONAIS.

Farceur !...

Lui remettant un papier.

Tenez, voici la cote de la Bourse...

ERNEST, tirant son carnet.

Combien de Lombards ?...

CHAPONAIS.

Non, j’ai réfléchi... Pas de Lombards... Achetez-moi un Midi... c’est une valeur qui doit vous plaire...

ERNEST, à part.

Tout ça !...

CHAPONAIS.

Je vous quitte... Il faut que j’aille prendre mes pilules au sang de bœuf... L’amitié la plus pure... farceur, va !...

Il entre à droite.

 

 

Scène XII

 

ERNEST, MADAME CHAPONAIS, puis MARTABAN

 

ERNEST, seul.

Courons rejoindre madame Martaban... Pauvre femme... si elle se doutait...

Il remonte.

MADAME CHAPONAIS, entrant.

Ah ! monsieur Ernest... encore ici...

ERNEST.

Pardon... une affaire...

MADAME CHAPONAIS.

Comment va votre jambe ?

ERNEST, étonné.

Ma jambe ?...

MADAME CHAPONAIS.

J’ai appris, par madame Martaban, que vous aviez fait une chute... et vous m’en voyez tout agitée...

ERNEST.

Rassurez-vous, madame... je n’ai fait aucune chute...

MADAME CHAPONAIS.

Alors c’était un prétexte pour rester...

ERNEST.

Quoi ?...

MADAME CHAPONAIS.

Expliquez-vous, il n’est plus là.

ERNEST.

Qui ?

MADAME CHAPONAIS.

Mon mari...

ERNEST.

Non, il est allé prendre ses pilules au sang de bœuf...

MADAME CHAPONAIS, à part.

Il est déjà au courant de ses petites habitudes...

Haut.

Monsieur Ernest, avouez qu’il est bien triste pour une femme de voir son existence rivée à celle d’un homme malade...

ERNEST.

Certainement, madame...

MADAME CHAPONAIS.

D’une momie... comme l’a fort spirituellement dit quelqu’un de ma connaissance...

ERNEST.

En effet, c’est une position...

MADAME CHAPONAIS.

Et le monde, si impitoyable qu’il soit, ne saurait jeter la pierre à une pauvre femme qui songe à égayer sa chaîne...

ERNEST.

Mais comment donc...

À part.

Qu’est-ce que ça me fait, tout ça ?...

MADAME CHAPONAIS,
jouant avec ses mains, pour se les faire embrasser.

Et d’ailleurs pourrait-on trouver à redire à certains témoignages d’une affection contenue...

ERNEST, suivant son jeu de mains, et à part.

C’est un tic !...

MADAME CHAPONAIS, agitant de plus en plus sa main.

Tant qu’on ne sort pas des bornes d’une sympathie douce et réservée...

ERNEST, à part.

Décidément, elle a un rhumatisme !...

Lui prenant la main.

Vous souffrez beaucoup ?

MADAME CHAPONAIS, le regardant tendrement.

Non... pas dans ce moment...

ERNEST.

Quand le temps change ?...

MARTABAN, paraissant au fond.

Me voici !...

MADAME CHAPONAIS, retirant vivement sa main.

Du monde !...

Bas à Martaban.

Oh ! docteur, ne me perdez pas !...

Elle sort très émue.

 

 

Scène XIII

 

ERNEST, MARTABAN

 

MARTABAN, à Ernest.

Ma foi ! je ne vous fais pas mon compliment...

ERNEST.

Quoi donc ?...

MARTABAN.

Une femme de cet âge-là... vous qui êtes jeune et joli garçon...

ERNEST.

Moi ! je vous jure...

MARTABAN.

Allons donc ! vous la suivez partout... Hier encore, au Théâtre-Français...

ERNEST.

Ah ! par exemple ! vous avez cru...

MARTABAN.

Dame ! à moins que ce ne soit pour ma femme.

ERNEST, vivement.

Oh ! non !

MARTABAN.

Alors, si ce n’est pas pour ma femme, c’est pour madame Chaponais, je vous défie de sortir de là...

ERNEST, faisant un effort.

Eh ! bien ! oui !... là... c’est pour madame Chaponais...

À part.

Sapristi ! c’est dur !

Haut.

Gardez-moi le secret !

MARTABAN.

Mon ami, permettez-moi de vous donner un conseil... j’ai de l’expérience... je suis un vieux malin...

ERNEST.

Parlez...

MARTABAN.

Vous avez tort de prendre vos rendez-vous dans le domicile conjugal... C’est dangereux...

ERNEST, à part.

Tiens, comme l’autre !

MARTABAN.

Louez une petite chambre dans un quartier éloigné...

ERNEST.

Trente francs par mois...

MARTABAN.

Sous un faux nom... Prenez le mien si vous voulez...

ERNEST, à part.

Ma parole, ils se seraient donné le mot...

MARTABAN.

Ayez un escalier de service pour...

ERNEST.

Faire filer la dame...

MARTABAN.

En cas d’alerte... Voilà ce que je faisais...

ERNEST.

Quand vous étiez garçon !...

Lui serrant les mains.

Je vous remercie du conseil, j’en profiterai...

MARTABAN.

Surtout, je vous le demande en grâce, n’abrégez pas les jours de ce pauvre Chaponais... J’ai des raisons de les prolonger...

ERNEST.

Soyez tranquille... je serai prudent...

Il remonte.

MARTABAN.

Comment va votre gastrite ?...

ERNEST.

Oh ! pas bien !... je n’ai pas dormi de la nuit...

MARTABAN.

Vous avez pris mes pilules ?..

ERNEST, s’oubliant.

Oui, mon concierge...

Se ravisant.

trouve que je maigris !...

MARTABAN.

Bon signe !... Allez m’attendre chez moi, nous en causerons...

ERNEST, vivement.

Tout de suite !...

MARTABAN.

J’ai une petite consultation à donner à Chaponais... je vous rejoins dans un quart d’heure.

ERNEST.

Oh ! ne vous pressez pas, j’ai le temps !...

Il sort par le fond.

 

 

Scène XIV

 

MARTABAN, puis CHAPONAIS, puis MADAME CHAPONAIS

 

MARTABAN.

Quelle chose curieuse que le cœur humain !... Ma femme est jeune, jolie, aimable, il n’y fait seulement pas attention... il tombe sur madame Chaponais !... Après ça, si personne ne cultivait les vieilles terres !

CHAPONAIS, entrant.

Ah ! vous voilà, docteur ?...

Il est pris d’un fou rire en le regardant.

MARTABAN.

Tiens, vous êtes gai...

CHAPONAIS, riant de plus belle.

Oui... c’est plus fort que moi... c’est nerveux... Oh ! là là !... Vous n’avez pas vu M. Ernest ?

MARTABAN.

Si... Il m’attend là-haut...

CHAPONAIS.

Il vous attend là-haut !...

Il est repris de son fou rire.

Oh ! là là là !... oh ! là là là !...

Il tombe sur une chaise.

MARTABAN.

Prenez garde... ce rire convulsif... c’est une contraction du diaphragme...

CHAPONAIS, se tenant le ventre.

Non... ce n’est pas ça !...

MARTABAN, inquiet.

Voilà un accident nouveau... Votre maladie change de face.

Tâtant le pouls à Chaponais.

Oh ! oh ! le pouls est capricant... Je vais vous changer de régime... Nous allons quitter les toniques pour passer aux émollients.

Coup de sonnette.

CHAPONAIS.

Dites donc, on sonne chez vous !

À part.

Il paraît que le petit s’émancipe !

MARTABAN.

Oui, c’est un client... Je vais vous faire une ordonnance.

Il se met à la table, écrit. Nouveau coup de sonnette plus violent.

CHAPONAIS, à Martaban.

Je crois qu’on s’impatiente là-haut...

MARTABAN.

Il n’y a pas de mal à faire attendre un peu les clients.

Se levant et lui remettant l’ordonnance.

Voilà... Boire d’heure en heure un verre d’eau de graine de lin... Prendre demain matin un bain à la graine de lin.

CHAPONAIS.

Ah ! ah ! nous quittons le bœuf pour la graine de lin ?...

MARTABAN.

Oui... Nous y reviendrons plus tard.

La sonnette s’agite de nouveau avec fureur.

CHAPONAIS, à part.

Nom d’un petit bonhomme !

Haut.

Je n’ai pas de conseils à vous donner, mais à votre place j’irais voir mon client...

MARTABAN.

Oh ! ça ne presse pas !

MADAME CHAPONAIS, entrant.

Quel est ce vacarme ?... On va décrocher la sonnette.

La sonnette cesse d’aller.

MARTABAN.

Ce n’est rien...

Bas à Madame Chaponais.

Votre mari n’a plus de soupçons... mais soyez prudente !...

MADAME CHAPONAIS, à part.

Il a mon secret !

CHAPONAIS, à part.

On ne sonne plus... Pauvre homme !...

MARTABAN.

Adieu, je vais à ma consultation.

Il remonte, Ernest paraît au fond.

 

 

Scène XV

 

MARTABAN, CHAPONAIS, MADAME CHAPONAIS, ERNEST

 

Ernest entre en tenant sa main sur sa joue.

CHAPONAIS.

Qu’avez-vous donc ?...

MARTABAN.

Vous êtes blessé ?...

ERNEST.

Non... rien... je me suis cogné dans l’escalier.

À part.

J’ai reçu une énorme gifle...

Souriant.

Mais je ne la regrette pas.

MADAME CHAPONAIS.

Pauvre jeune homme !... Vite une compresse d’arnica !

Elle s’approche d’Ernest et lui dit bas.

On sera demain à deux heures au musée du Louvre devant L’Enlèvement des Sabines !...

Elle va au fond prendre une compresse et elle passe.

ERNEST, bas.

Oh ! merci !...

Au public.

Je vous donne ma parole d’honneur la plus sacrée que je n’irai pas !...

MARTABAN, bas à Ernest.

N’oubliez pas ma recommandation... louez une chambre.

ERNEST.

Convenu !...

CHAPONAIS, le prenant de l’autre côté.

Surtout louez une chambre...

ERNEST, à part.

Deux chambres !... Oh ! non ! c’est contraire à ma constitution !

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