On demande des culottières (Eugène LABICHE - MARC-MICHEL)

Folie-vaudeville en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal, le 2 mars 1851.

 

Personnages

 

PAULIN, sous-lieutenant de dragons

FLACHART, capitaine

FALAISE, dragon de Paulin

CASSOLETTE, ouvrière

CEINTURON, ouvrière

FLANQUINE, ouvrière

NINI, apprentie majeure

ZOZO, ouvrière

TAPOTTE, ouvrière

POCHETTE, ouvrière

UN DRAGON

 

À Paris, chez Paulin, près de la caserne des dragons.

 

Un salon. Porte au fond. À droite deux portes ; entre les deux portes, une cheminée avec une glace. À gauche, premier plan, une armoire ; deuxième plan, une fenêtre ; troisième plan, une porte. À droite, sur le devant, une petite table, avec ce qu’il faut pour écrire. Sur la table, un chapeau d’officier, un casque de dragon et deux paires de gants. Neuf chaises.

 

 

Scène première

 

PAULIN, FALAISE, puis UN DRAGON

 

PAULIN, entrant vivement par la gauche ; il est en tenue militaire.

Falaise !... allons donc, Falaise !...

FALAISE, entrant par la droite, en se brossant ; il est également en uniforme.

Voilà ! voilà ! mon lieutenant !...

PAULIN, lui présentant son dos.

Brosse-moi.

FALAISE.

Tiens ! justement j’étais en train...

PAULIN.

Dépêche-toi !

FALAISE, lui donnant un coup de brosse.

Vous êtes pressé ?...

PAULIN.

Oui...

FALAISE, se donnant un coup de brosse, à part.

Moi aussi.

Pendant les répliques suivantes, il brosse alternativement l’habit de Paulin et le sien.

PAULIN.

Tu ne m’attendras pas... je dîne en ville...

FALAISE, à part.

Tiens ! moi aussi...

PAULIN.

Peut-être coucherai-je dehors...

FALAISE, à part.

Tiens ! moi aussi...

PAULIN.

Mon chapeau !

FALAISE, vivement.

Nos chapeaux ? voilà nos chapeaux !...

Il donne le chapeau à Paulin après s’être coiffé de son casque.

PAULIN.

Mes gants !

FALAISE, vivement, les prenant sur la table.

Nos gants ?... voici nos gants !... Tous deux mettent leurs gants sur le devant de la scène.

PAULIN, examinant Falaise.

Mais je ne t’avais pas remarqué... tu es luisant comme un soleil !...

FALAISE.

Mon lieutenant est bien bon... je m’ai passé au tripoli !...

PAULIN.

Oui-da ! Eh ! mais... tu as coupé tes moustaches !...

FALAISE.

Et la barbiche aussi... je m’ai rasé à blanc pour être plus velouté... La barbe, ça les pique, mon lieutenant...

PAULIN.

Ça les pique ?... qui ça ?

FALAISE.

Les femmes, mon lieutenant.

PAULIN.

Ah ! ah ! farceur !... tu as donc des projets !...

FALAISE.

Féroces !... Et vous ?...

PAULIN.

Atroces !... Ça s’explique, un lieutenant de dragons qui vient de passer dix-huit mois en Afrique...

FALAISE.

Soixante-deux degrés... à l’ombre !...

PAULIN.

Et qui est en garnison à Paris, depuis deux jours !...

FALAISE, transporté.

Oh ! cré nom !... Paris ! cré nom !...

Air du Retour des chansons.

PAULIN.

Calmez-vous donc ! modérez-vous, Falaise.

FALAISE.

Oui, mon lieut’nant, excusez mon ardeur.

L’ sol africain est une vrai’ fournaise,

Où dix-huit mois a rissolé mon cœur,

J’ n’ai fréquenté dans ces lieux solitaires

Qu’ beaucoup d’ chameaux, à l’ombre du palmier,

Et je ressens un plaisir singulier,

En me disant : Je quitt’ des dromadaires,

Et j’vais r’trouver les femm’s de mon quartier.

PAULIN.

Ah ! mon gaillard !... tu vas aussi courir les aventures !...

FALAISE.

Un petit peu... Je vais tâcher de retrouver Flanquine...

PAULIN.

Flanquine !... Qu’est-ce que c’est que cet animal-là ?...

FALAISE.

C’est une ancienne que j’ai laissée à Paris, il y a trois ans.

PAULIN.

Trois ans !... quelle fidélité !... Mon cher, quitte les dragons et enrôle-toi dans les caniches !...

FALAISE.

Il paraît que mon lieutenant n’a pas laissé de souvenirs dans la capitale ?

PAULIN.

Si !... je dois en avoir un vieux... dans quelque coin... Mais moi j’ai un principe... quand j’ai fini un volume, je ne le recommence jamais !...

FALAISE.

Cependant, quand le volume est amusant ?

PAULIN.

Alors, je le fais durer... je l’épèle !...

FALAISE.

Oh ! Dieu !... si madame votre tante vous entendait !...

PAULIN.

Bah ! elle est aux Eaux-Bonnes... avec sa bonne...

FALAISE, à part.

Je suis fâché qu’elle ait emmené la bonne...

PAULIN.

Cette brave tante !... elle m’a prêté son appartement pour trois mois... Les fenêtres donnent juste en face de la caserne, c’est très commode...

FALAISE.

Le fait est que nous ne sommes pas mal ici... Nous fumons,

Mettant le pied sur une chaise.

nous marchons sur les meubles... voilà le vrai confortable !...

PAULIN.

À la dragonne !... Mais nous perdons notre temps ! En route ! De quel côté vas-tu ?...

FALAISE.

Au Gros-Caillou.

PAULIN, riant.

Au Gros-Caillou ?... Et moi rue Vivienne !... Chacun sa chasse !

ENSEMBLE.

Air nouveau d’Hervé.

En avant ! en avant !

En chasse !

En avant,

Et gare devant !

C’est l’treizième dragon qui passe !

En avant ! en avant ! en avant !

Tous deux remontent vers la porte du fond.

UN DRAGON, paraissant à la porte du fond, remettant une lettre à Paulin.

De la part du capitaine.

Il sort et referme la porte.

PAULIN, redescendant à droite.

Une invitation à déjeuner, sans doute... Je refuserai... Voyons !

Lisant.

« Mon cher et très bon Paulin, veuillez, je vous prie, me faire l’amitié de garder les arrêts pendant quinze jours. »

Parlé.

Hein ?

Lisant.

« Votre très dévoué et ami, le capitaine Flachart.»

Parlé, et avec humeur.

Qu’est-ce que cela veut dire ?... quinze jours d’arrêts !... Pourquoi ?... C’est une plaisanterie... une mauvaise charge !... Nous allons voir !

FALAISE, cherchant à le consoler.

Mon pauvre lieutenant !... croyez que je suis désolé... Allons, du courage ! je tâcherai de revenir ce soir...

PAULIN.

Comment ! tu sors ?

FALAISE.

Dame ! je ne suis pas aux arrêts, moi !

PAULIN.

Qu’est-ce qui t’a dit cela ?... Avance à l’ordre !...

FALAISE, s’avançant, à part.

Quelle est son idée ?...

PAULIN.

Mon cher et très bon Falaise, veuillez, je vous prie, me faire l’amitié de garder les arrêts pendant quinze jours...

FALAISE.

Ah bah !

PAULIN.

Y es-tu, maintenant ?

FALAISE.

Mais qu’est-ce que j’ai fait ?

PAULIN.

Eh bien ! et moi ?...

FALAISE, avec humeur.

Bigre de nom d’un nom !...

Il va s’asseoir à droite et frappe du pied avec humeur.

PAULIN.

Un jour qui s’annonçait si bien !... Je suis furieux ! je suis...

Il s’assied à gauche. Brusquement à Falaise.

Ne tape donc pas du pied !... ça m’agace.

Falaise s’arrête. À lui-même.

A-t-on jamais vu ce capitaine Flachart !... un imbécile ! un ami !... Oh !...

Il frappe du pied à son tour.

FALAISE, à part.

Il me dit : Ne tape donc pas du pied... et il piaffe comme un cheval !... Heu !...

PAULIN.

Falaise !

FALAISE.

Lieutenant ?

PAULIN.

Est-ce que tu n’es pas furieux, toi ?...

FALAISE.

Autant que la discipline le permet... j’écume !

PAULIN.

Quinze jours sans amours, sans aventures !...

FALAISE.

Quinze jours de pain sec, quoi !

PAULIN, se levant tout à coup.

Oh !...

FALAISE, de même.

Vous vous êtes blessé ?

PAULIN.

J’en aurai, Falaise ! nous en aurons !...

FALAISE.

De quoi ?

PAULIN.

Des aventures !...

FALAISE, avec transport.

Mâtin !!!

PAULIN.

Modérez-vous, Falaise !

FALAISE.

C’est impossible, lieutenant !... Mais comment ?...

PAULIN.

Ah ! on nous empêche d’aller les chercher !... eh bien ! nous les ferons venir !...

À Falaise.

Mets-toi là et écris... Y es-tu ?

FALAISE, s’asseyant à la table et prenant vivement la plume.

Avec ivresse !

PAULIN, dictant.

« Avis au public !... On demande des modistes. »

FALAISE, avec langueur.

Ah ! oui ! beaucoup de modistes !

PAULIN, dictant.

« S’adresser au lieutenant Paul... »

S’interrompant.

Non ! ça ne va pas... À qui diable allons-nous les adresser ?...

FALAISE.

À moi !

PAULIN.

Ah !...

Dictant.

« S’adresser à madame veuve Sabredache. »

FALAISE, finissant d’écrire.

« ...bredache... » Où prenez-vous la veuve Sabredache ?...

PAULIN.

Nous en trouverons une.

Dictant.

« Rue de Lille, 57. »

FALAISE, avec transport.

Chez nous !... Je saisis !... Ah ! cré nom !...

PAULIN.

Modérez-vous, Falaise.

Dictant.

« En face la caserne du 13e dragon. »

FALAISE, écrivant.

Qui arrive d’Afrique... Ça fera très bien !...

PAULIN, dictant.

« Post-scriptum. On reçoit... »

S’interrompant.

Falaise, à quelle heure pouvons-nous recevoir ?

FALAISE.

À toute heure.

PAULIN.

Gourmand !

Dictant.

« On reçoit de midi à minuit... »

FALAISE.

C’est bien peu !

PAULIN.

« Affranchir. » Fais-moi copier cette affiche à cinquante exemplaires... et va me la coller sur les murs de la capitale !

FALAISE, se levant et courant vers la porte.

J’y cours... sur l’aile des zéphyrs...

S’arrêtant.

C’est que... vous m’avez mis aux arrêts...

PAULIN.

Je les lève pour trois quarts d’heure... dans l’intérêt du service !

REPRISE DU CHŒUR.

En avant ! en avant ! etc.

Falaise sort vivement par le fond.

 

 

Scène II

 

PAULIN, puis LE CAPITAINE FLACHART

 

PAULIN, seul.

Eh bien, je suis enchanté de mon idée !...

Au public.

Croyez-vous qu’il en vienne... des modistes ?... Moi non plus !... Après ça, qui sait ?... Sapristi !... pourvu que Falaise n’aille pas me planter là !... Je le flanquerais à la salle de police jusqu’à la fin de ses jours !!!

LE CAPITAINE, passant sa tête par la porte du fond.

Peut-on entrer ?...

PAULIN, à part.

Le capitaine Flachart, mon tyran... Soyons sec !

LE CAPITAINE, entrant gaiement.

Bonjour, Paulin !

PAULIN, sèchement.

Bonjour, monsieur.

LE CAPITAINE.

Tu es fâché ?... tu m’en veux ?...

PAULIN.

Il me semble que je n’ai pas sujet de tirer un feu d’artifice...

LE CAPITAINE.

Je t’ai mis aux arrêts... c’est vrai !... Mais je suis gentil : je viens faire ta partie de piquet...

PAULIN, sèchement.

Merci.

LE CAPITAINE.

As-tu de l’absinthe, chez toi ?

PAULIN.

Non.

LE CAPITAINE.

Alors je m’en vais... Pas d’absinthe, pas de capitaine !... Bonsoir !

PAULIN, avec humeur.

Eh bien ! si, j’en ai... en voilà !...

Il indique la cheminée. Le Capitaine prend la bouteille et deux verres qu’il place sur le guéridon, auprès duquel ils s’asseyent un instant.

Mais, au moins, daignerez-vous m’expliquer, monsieur, le motif d’une rigueur... ?

LE CAPITAINE, embarrassé, tout en préparant son absinthe.

Mais, dame !... parce que... parce que...

PAULIN.

Quoi ?...

LE CAPITAINE.

Tu es sorti hier en pantalon de nankin.

PAULIN.

Moi !... je n’en ai pas !...

LE CAPITAINE.

Eh bien ! alors... c’est pour autre chose !...

PAULIN.

Dites...

LE CAPITAINE.

Tu le veux !... soit !... Eh bien ! tu as un satané défaut !...

PAULIN.

Moi !

LE CAPITAINE.

À peine ai-je jeté mon dévolu sur une femme... crac ! tu me la souffles !

PAULIN, à part.

Ce pauvre capitaine !

LE CAPITAINE.

Je n’y comprends rien... car enfin tu es maigre, tu es grêle, tu manques de torse... tandis que chez moi, le torse abonde...

PAULIN.

Oui, mais vous, vous êtes heureux au jeu... vous me gagnez toujours au piquet...

LE CAPITAINE.

Eh bien !

PAULIN.

Eh bien ! je prends ma revanche... aux dames...

LE CAPITAINE, se levant.

Enfin, dernièrement, en arrivant à Marseille... je flaire une marchande de tabac... dans un quartier éloigné... je me dis : Il ne viendra pas la chercher là... Très bien ! je fais ma cour, j’envoie des bouquets... Et le soir, quand je me présente au rendez-vous... qu’est-ce qui m’ouvre la porte ?... Monsieur !... en robe de chambre !...

PAULIN, se levant et riant.

Capitaine ! je vous jure que j’ignorais...

LE CAPITAINE, lui prenant les mains avec effusion.

Parbleu ! je le sais bien... ce n’est pas ta faute... un ami !... aussi ce n’est pas toi que j’accuse !... J’accuse...

PAULIN.

Le piquet ?

LE CAPITAINE.

Non ! la fatalité, le guignon ! voilà onze fois que tu me coupes l’herbe sous le pied !... je n’ose pas me marier...

PAULIN, à part.

Il a raison... c’est comme un fait exprès !...

LE CAPITAINE.

Mais nous voilà à Paris !... et cette fois j’ai pris mes précautions.

PAULIN.

Ah ! tant mieux !... ça me fait plaisir... Lesquelles ?...

LE CAPITAINE, gaiement.

Je t’ai campé aux arrêts !...

PAULIN.

Comment ! c’est pour ça ?

LE CAPITAINE.

Mon cher, je n’ai rien trouvé de mieux... au moins quand je te saurai là, dans ta petite chambre, bien chaudement... eh bien ! je serai tranquille, rien ne me gênera.

PAULIN.

Oui, mais...

LE CAPITAINE.

Je viendrai te voir tous les jours.

PAULIN, à part.

Ça ne sera pas plus gai...

LE CAPITAINE.

Je te raconterai mes aventures, mes progrès... Dis donc, j’ai déjà levé deux poulettes...

PAULIN.

Vraiment !... contez-moi donc ça...

LE CAPITAINE.

Oh ! mais cette fois il s’agit de deux femmes honnêtes !... elles m’ont donné rendez-vous. La première est une dame du monde... mariée... à un notaire.

Riant.

Ces pauvres notaires !...

PAULIN, riant, à part.

Ce pauvre capitaine !...

LE CAPITAINE.

Je l’ai rencontrée hier au Luxembourg, nous avons marivaudé... elle m’a dit : Capitaine, croyez-vous que nous ayons encore du trouble ? Je lui ai répondu : Ah ! Madame ! il n’y en aura que dans mon cœur !

PAULIN.

C’est gentil, ça !...

LE CAPITAINE.

Ce madrigal la fit rougir... et elle me donna son adresse...

PAULIN.

Peste !

LE CAPITAINE, riant.

Ces pauvres notaires !

PAULIN, à part.

Ce pauvre capitaine !

LE CAPITAINE.

Nous avions pris rendez-vous pour le soir même... au pied de la colonne... une attention... comme je suis militaire !... J’y fus...

PAULIN.

Eh bien !...

LE CAPITAINE.

Personne !

PAULIN.

Devant l’Empereur !... c’est pénible !...

LE CAPITAINE.

Une femme mariée !... elle aura été retenue par son chinois de tabellion... mais j’ai son adresse, et je compte l’inviter à souper pour ce soir.

PAULIN.

Ah çà ! et l’autre ?

LE CAPITAINE.

Oh ! je ne veux pas te la nommer.

PAULIN.

Pourquoi ?

LE CAPITAINE.

Elle n’a jamais voulu me dire son nom... mais je crois l’avoir deviné...

PAULIN.

Qu’est-ce qu’elle fait ?

LE CAPITAINE.

Chut !...

Mystérieusement.

Elle joue la tragédie...

PAULIN.

Sans balancier ?...

LE CAPITAINE.

Je n’ose pas encore me flatter... mais à son profil il m’a semblé reconnaître...

PAULIN.

Qui ?

LE CAPITAINE.

Chut !...

Il lui dit un nom à l’oreille.

PAULIN.

Ah bah !...

Il se détourne pour rire.

LE CAPITAINE.

Tu comprends ? quel honneur !... elle doit jouer demain l’Ours et le Pacha.

PAULIN.

La tragédienne ?

LE CAPITAINE.

À un bénéfice, sans doute...

PAULIN.

C’est probable.

À part.

On n’est pas plus bête que cet animal-là...

LE CAPITAINE.

Elle m’a promis de venir aujourd’hui à midi étudier son rôle autour du bassin des Tuileries,

Avec sentiment.

près des Cygnes !...

PAULIN, de même.

Et des poissons rouges !... Tenez, capitaine, je vais vous faire une proposition : Levez mes arrêts...

LE CAPITAINE.

Par exemple ! du tout !

PAULIN.

Écoutez donc !... je vous jure de ne pas saluer une seule femme avant de lui avoir adressé ces deux questions : Madame, êtes-vous l’épouse d’un notaire ? Madame, auriez-vous le malheur de jouer la tragédie ?

LE CAPITAINE.

Non, non, non ! la destinée ferait encore des siennes... L’heure de mon rendez-vous... je te laisse.

FALAISE, entrant vivement et apercevant LE Capitaine.

Oh !...

PAULIN, apercevant Falaise.

Ah !...

Falaise cache vivement son pot à colle derrière lui et salue militairement le Capitaine avec la main qui tient le pinceau.

LE CAPITAINE.

Je reviendrai tantôt.

Ensemble.

Air : Que ton bonheur (Folleville).

LE CAPITAINE.

Ami généreux et sincère,

Va, sur mon cœur compte toujours.

Je reviendrai pour te distraire

Ici tous les jours,

Te raconter mes amours !

PAULIN.

C’est affreux ! c’est de l’arbitraire,

Je vous en veux et pour toujours !

Et dans ma prison je vais faire,

Pendant quinze jours,

Des vœux contre vos amours.

FALAISE, à part.

Je viens de coller mon affaire,

Par la ville et par les faubourgs ;

Mais cachons à son œil sévère,

Cachons toujours,

Le pot à colle des amours.

Le Capitaine sort sans voir Falaise collé contre le mur et toujours dans la même attitude.

 

 

Scène III

 

PAULIN, FALAISE

 

PAULIN, à Falaise dès que le Capitaine est sorti.

Eh bien ?

FALAISE.

Ça y est ! c’est collé ! voici l’affiche !...

PAULIN, prenant l’affiche.

Voyons !...

Lisant.

« Avis au public... On demande des culottières... »

Parlé.

Qu’est-ce que c’est que ça ?... j’avais demandé des modistes !...

FALAISE.

Ah ! je vas vous dire... je me suis permis une petite variation... parce que Flanquine... mon ancienne... elle n’est pas modiste... elle ne fait pas de chapeaux... au contraire...

PAULIN.

Ah ! très bien ! je vois sa branche !...

FALAISE.

Alors j’ai pensé à elle... ça me ferait tant de plaisir de la revoir... et puis, je me suis dit : des modistes ou des culottières... qu’est-ce que ça fait au lieutenant ?... c’est toujours du beau sexe.

PAULIN.

Au moins sont-elles un peu gentilles... tes culottières ?...

FALAISE.

Oh ! mon lieutenant... des Vénus ! des callipyges !...

PAULIN.

C’est égal, j’aurais préféré des modistes... Enfin !... nos lignes sont tendues... crois-tu que ça morde ?

FALAISE.

Quoi ?...

PAULIN.

Les culottières ?

FALAISE.

La culottière, lieutenant, c’est comme le goujon... ça mord en tout temps... tandis que la modiste... c’est bien modeste...

PAULIN, examinant l’affiche qu’il tient, et riant.

« S’adresser à madame veuve Sabredache... »

Tout à coup.

Ah ! sapristi !... nous n’avons pas la moindre Sabredache.

FALAISE.

Qu’est-ce que ça fait ?...

PAULIN.

Nous avons promis une Sabredache, nous devons livrer une Sabredache.

FALAISE.

Voulez-vous que j’en aille louer une ?

PAULIN.

Imbécile !...

FALAISE.

Puisque nous leur livrons deux dragons... elles ne perdent pas au change...

PAULIN.

Oui, mais notre uniforme va les faire envoler comme une volée de pierrots...

FALAISE, avec fatuité.

Ce n’est pourtant pas son habitude.

PAULIN.

Il n’y a qu’un moyen... la garde-robe de ma tante est par là...

FALAISE.

Où allez-vous ?...

PAULIN.

Me déguiser en Sabredache.

FALAISE.

Ah çà, et moi ?

PAULIN.

Toi ? tu seras la bonne... la Normande !...

Ouvrant l’armoire.

Justement elle a laissé des robes... Choisis !

FALAISE, regardant.

Je choisis la rose.

Il ôte vivement son habit, son col et son casque qu’il jette sur une chaise à droite, près de la table.

PAULIN, tirant de l’armoire une robe et un tablier et posant le tablier sur une chaise, à gauche.

C’est ça !... cachons le dragon sous la rose !...

L’aidant à passer sa robe.

Endosse ça... et relève ton pantalon...

FALAISE, passant la robe.

Aïe ! ça craque !...

PAULIN, l’aidant toujours à s’habiller.

Dépêche-toi !...

FALAISE.

Ah ! prenez garde !... vous me chatouillez... je suis très chatouilleux !...

PAULIN.

Je ne te touche pas.

FALAISE, se tordant.

Ah ! cré nom !... ah ! ah ! finissez donc !... ah ! ah !... ça me rappelle Flanquine...

PAULIN.

Tais-toi donc, grande bête !...

FALAISE, à part.

Comme il traite sa bonne...

PAULIN.

Maintenant, il te faut un nom... voyons, lequel ?...

FALAISE.

Oh ! un joli petit nom !... un nom de fleur... si ça se peut ?...

PAULIN.

Veux-tu Réséda... Camélia ?...

FALAISE.

Pouah !... il y en a un que j’aurais bien aimé à porter si j’avais été du beau sexe.

PAULIN.

Lequel ?...

FALAISE, d’une voix langoureuse.

Chabraque !

PAULIN.

Tu appelles ça un nom de fleur ?... va pour Chabraque !

Lui plantant sur la tête un grand bonnet de Cauchoise.

Tiens ! couvre-toi...

FALAISE.

Quel est ce monument ?...

PAULIN.

Maintenant, te voilà prêt... À mon tour !... dans deux minutes la veuve Sabredache va paraître !...

Avant de sortir.

Dieu ! que tu es laid comme ça !...

Il entre vivement dans la chambre de gauche.

 

 

Scène IV

 

FALAISE, seul, prenant le tablier

 

Comment ! je suis laid !... à quoi cela peut-il tenir ?...

Il s’examine.

Ah ! j’y suis !... je n’ai pas de tablier !...

Il le met.

Il me manquait un tablier... Là...

Mettant les deux mains dans les poches.

Comme ça, j’ai l’air d’une folle soubrette !...

Trouvant des gants.

Tiens ! des gants !...

Les essayant.

Ils me vont !... mâtin ! elle doit être belle femme, la Normande !... je suis fâché qu’elle soit allée aux eaux... Eh bien ! eh bien ! et Flanquine ?... Bah ! depuis trois ans !... je sais bien qu’elle m’avait promis d’être fidèle... oui, mais elle est si gourmande ! si gourmande !... un homard la fait trébucher !... et les chemins de fer en amènent tant à Paris !...

On frappe discrètement à la porte du fond.

Oh ! cachons ça !...

Il jette son casque et son habit dans la chambre du premier plan à droite.

Entrez !

 

 

Scène V

 

FALAISE, NINI

 

NINI, au fond, timidement.

Madame veuve Sabredache, s’il vous plaît.

FALAISE, à part.

Tiens ! une grosse femme !

Haut.

C’est ici, madame.

NINI, s’avançant.

Je suis demoiselle.

FALAISE.

Ah !...

À part.

Eh bien si elle veut se marier il n’est que temps.

NINI.

Vous êtes la bonne ?...

FALAISE.

Femme de chambre !

Faisant une révérence.

Mademoiselle Chabraque.

NINI.

Ah ! le joli nom !

FALAISE, à part.

Elle a encore de la prunelle c’te femme-là...

NINI.

Je travaille dans un atelier... nous avons lu ce matin l’affiche de madame veuve Sabredache qui demande des... couturières...

FALAISE, à part.

Oh ! elle n’ose pas dire le mot !... chipie !...

NINI.

Alors ces demoiselles m’ont dit : Nini... (c’est mon nom), toi qui as de l’éducation, une robe fraîche et de la finesse... le fait est que je suis assez fine...

FALAISE, à part.

Pas de taille !...

NINI.

Tu vas te présenter chez madame veuve Sabredache et prendre quelques renseignements sur la moralité... et la nourriture.

FALAISE, à part.

La nourriture !... Flanquine doit en être.

Haut, se posant.

Mademoiselle !... potage gras, trois plats garnis de forts légumes, et un carafon de vin !...

NINI, timidement.

Pas de dessert !... je suis très chatte...

FALAISE.

Pruneaux le dimanche !

NINI.

Quant à la moralité !

FALAISE.

Nous sommes des dragons...

NINI.

Hein ?

FALAISE, se reprenant vivement.

De vertu !... Madame est bégueule...

NINI.

Ah ! vous me rassurez... il faut vous dire que nous quittons notre atelier parce que là-bas, le patron nous faisait de l’œil... je n’aime pas ça... ça m’intimide...

FALAISE, à part.

Tu vas finir !

Haut.

L’œil... à vous ?

NINI.

À toutes... et comme je suis la dernière venue... l’apprentie...

FALAISE, à part.

L’apprentie ! sapristi ! ça m’inquiète !...

Air : Un homme pour faire un tableau.

À part.

Mazette ! il faut se méfier !

Haut.

Pardon, agréable sirène...

Quel âge a donc votre atelier ?

NINI.

Vingt ans.

FALAISE.

Quoi ! pas plus ?

NINI.

En moyenne.

FALAISE.

En moyenne !

À part, la regardant.

Mais dans ce calcul,

Elle fait un si gros bénéfice

Que victim’s d’un pareil cumul,

Les autr’s, bien sûr, sont en nourrice.

NINI, remontant.

Je vais rendre compte de ma mission et ramener ces demoiselles...

Revenant.

Ah ! je voulais vous demander... peut-on sortir... le dimanche... pour aller voir sa famille ?

FALAISE.

C’est expressément défendu... c’est moi qui ai la clef...

NINI.

Ah ! c’est vous ?...

Très aimable.

Cette bonne Chabraque... je l’aime, moi, cette petite Chabraque...

FALAISE, à part.

Je te vois venir... c’est pour me pincer la clef.

NINI, câlinant.

Adieu, Chabraque...

FALAISE.

Adieu, mademoiselle...

NINI, de la porte.

Adieu, ma petite Chabraque !

FALAISE.

Adieu, mademoiselle !

Nini sort.

 

 

Scène VI

 

FALAISE, puis PAULIN

 

FALAISE, seul.

C’est une belle femme... mais trop majeure.

PAULIN, paraissant habillé en femme, et avec sa barbe.

Me voilà !... Sapristi ! que c’est gênant !

FALAISE.

Ah ! très bien ! parfait !

PAULIN.

Mon pantalon ne passe pas ?

FALAISE.

Non... Dites donc, ça a mordu !

PAULIN.

Quoi ?

FALAISE.

Les culottières !... elles viennent d’envoyer un éclaireur...

Apercevant tout à coup la barbe de Paulin et poussant un grand cri.

Ah !...

PAULIN.

Mon pantalon passe ?

 

FALAISE.

Non ! votre barbe !...

PAULIN.

Mille sabredaches !... je l’ai oubliée !... Est-ce que ça se voit ?

FALAISE.

En plein.

PAULIN.

Bah ! nous avons de vieilles femmes qui en portent.

FALAISE.

Oui ; mais pas tant que ça !...

PAULIN.

Je dirai que j’ai vu le jour dans les colonies.

FALAISE.

On vous reconnaîtrait... faut jouer du rasoir !...

PAULIN.

Ça m’ennuie ! j’y tenais.

FALAISE.

Dépêchez-vous ! ces demoiselles vont venir... j’en ai déjà vu une...

PAULIN.

Jolie ?...

FALAISE.

Comme ça !...

PAULIN.

Pour toi !

FALAISE.

Non, pour vous !...

PAULIN.

Son âge ?...

FALAISE.

Dans le brouillard !...

PAULIN.

Pour toi !

FALAISE.

Pour vous !... Elle venait prendre des renseignements sur la nourriture... j’ai promis trois plats.

PAULIN.

Il y a un canard, on le coupera en trois...

FALAISE.

Quant à votre caractère... j’ai répondu que vous étiez...

PAULIN.

Gaillarde !

FALAISE.

Non... bégueule.

PAULIN.

Je demande des dommages et intérêts !...

FALAISE.

Chut ! on monte l’escalier... les voici !

PAULIN.

Bravo ! je les attends !

FALAISE.

Mais votre barbe !

PAULIN.

J’y vais !... et toi de la tenue... baisse les yeux !

Il disparaît à gauche.

 

 

Scène VII

 

FALAISE, NINI, CEINTURON, FLANQUINE, ZOZO, TAPOTTE, POCHETTE

 

CHŒUR.

Air du Caïd (dans la Mariée de Poissy).

Gaiement, allons-y !

Entrons, c’est ici

Qu’ la veuv’ Sabredache,

Nous prend à la tâche.

Travail et vertu,

V’là notr’ dévolu !

CEINTURON.

À pousser l’aiguille,

On sait que je brille.

ZOZO.

J’excelle, dit-on,

À mettre un bouton.

TAPOTTE.

J’ai l’talent piquant,

D’ chanter en piquant.

FLANQUINE.

Moi d’ coudre en croquant.

FALAISE, à part, parlé.

Sont-elles croustillantes !...

Reprise de l’ensemble.

LES OUVRIÈRES.

Gaiement, allons-y,

Car c’est bien ici

Qu’ la veuv’ Sabredache,

Nous prend à la tâche.

Travail et vertu,

V’là notr’ dévolu !

FALAISE.

Gaiement, allez-y !

Oui, c’est bien ici

Qu’ la veuv’ Sabredache

Vous prend à la tâche.

Travail et vertu,

C’est notr’ dévolu !

CEINTURON.

Madame veuve Sabredache, s’il vous plaît ?

FALAISE, au milieu d’elle.

C’est ici, mesdemoiselles... c’est parfaitement ici... Madame va venir, elle fait sa barbe.

TOUTES.

Hein !

FALAISE, se reprenant vivement.

Sa toilette !...

CEINTURON.

Nous ne sommes pas pressées...

Aux autres.

Dites donc, c’est gentil ici... des glaces, ça a l’air comme if.

FALAISE.

Comme if ?

POCHETTE

Comme il faut !

CEINTURON.

Ces Normandes, elles ne savent pas le français !

Se tournant vers la fenêtre.

Et en face une caserne de dragons !... Voilà qui est chic !

NINI, avec pruderie.

Mademoiselle Ceinturon, vous vous affichez...

CEINTURON.

Chipie !... moi, j’ai le courage de mes opinions !!!

Air nouveau d’Hervé.

J’aime l’uniforme !

En ell’ m’éblouit,

Son éclat, sa forme ;

En ell’ tout m’ séduit.

TOUTES.

J’aime l’uniforme, etc.

CEINTURON.

Le sabr’ qui résonne

Sur le macadam,

L’éperon qui sonne,

Me piqu’nt droit à l’âm’ !

TOUTES.

J’aime l’uniforme, etc.

CEINTURON.

J’aim’ voir dans la plaine,

L’ dragon qui reluit !

L’ coursier qui l’entraîne

M’entraîne après lui !

TOUTES.

J’aime l’uniforme, etc.

FALAISE, à part.

Pristi, je suis fâché d’être en Normande !

Chantonnant et gesticulant.

J’aime l’uniforme, etc.

CEINTURON, à Nini, montrant Falaise.

Qu’est-ce que c’est que ce gros phénomène qui gigote là-bas ?

NINI.

Chut !... c’est Chabraque... celle qui a la clef !...

TOUTES.

Ah !...

Saluant Falaise.

Mademoiselle !...

Falaise leur fait des révérences.

FLANQUINE, aux autres et tout en croquant une pomme.

Elle n’a pas l’air fort... faut la mettre dans nos intérêts...

CEINTURON.

Comment ?

FLANQUINE.

Je m’en charge.

S’approchant de Falaise.

Mademoiselle, peut-on vous offrir une pomme.

FALAISE.

Certainement, je...

Tout à coup.

Oh !...

À part.

Flanquine !

FLANQUINE, le regardant.

Ah !

Aux femmes.

C’est extraordinaire... le nez de Falaise !

CEINTURON.

Je ne trouve pas...

FLANQUINE, à Falaise.

Est-ce que vous avez un frère dans la cavalerie ?

FALAISE, tournant sur lui-même
pour éviter les regards de Flanquine qui suit son mouvement en l’examinant.

Non, mam’zelle, non...

Au milieu.

Je suis fille unique.

CEINTURON, riant.

Vraiment ?

Air : À mes goûts d’ancien troubadour.

Fille unique ?... je comprends ça,

En vous voyant, mademoiselle,

On conçoit que m’sieur votr’ papa,

Après vous ait tiré l’échelle...

Quoiqu’ uniqu’, vos attraits... si hauts,

Valent un’ nombreuse famille...

Et coupée en trois, vos morceaux

F’raient encor’ trois beaux brins de fille.

TOUTES.

Et coupée en trois, etc.

FLANQUINE, à part.

Quelle grande girafe !

Les femmes remontent à droite. Tirant un paquet de sa poche.

Tenez... mettez-moi ça de côté...

FALAISE.

Qu’est-ce que c’est ?...

FLANQUINE.

C’est un n’homard... qu’on m’a fait cadeau.

Elle remonte.

FALAISE, à part.

Sacrebleu ! je suis homardé !!!

PAULIN, en dehors, appelant.

Chabraque !

TOUTES.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

FALAISE.

Attention ! c’est la patronne !...

CEINTURON, bas à ses compagnes.

À droite alignement !... les yeux à quinze pas !... guide à gauche !

Les femmes se mettent en rang.

FALAISE, au fond, annonçant Paulin.

Madame veuve Sabredache !

Paulin entre par la porte de gauche.

 

 

Scène VIII

 

LES MÊMES, PAULIN

 

PAULIN, entrant et à part.

Il s’agit de prendre un petit air Gymnase.

CEINTURON, à part.

Mâtin ! cassure faubourg Saint-Germ’ !

PAULIN, haut, appelant.

Chabraque !

FALAISE, s’oubliant.

Lieute...

Se reprenant.

Madame ?

PAULIN.

Je ne suis pas contente de vous, mademoiselle... vous êtes sortie hier soir sans ma permission.

FALAISE.

Moi ?

PAULIN.

Si cela vous arrive encore... je vous chasse...

FALAISE.

Mais...

PAULIN.

Assez... taisez-vous !...

Bas.

Dis donc, mon pantalon ne passe pas ?...

FALAISE, bas.

Non. Bravo ! continuez...

CEINTURON, aux autres.

Quel air sévère !

FLANQUINE, bas.

Je ne ferai pas de vieilles dents ici, moi !...

Elle croque une pomme.

PAULIN, feignant d’apercevoir les femmes.

Hein ?... quoi ?... Mesdemoiselles ?...

NINI.

Nous sommes les ouvrières que vous avez demandées...

PAULIN, à part.

Tiens ! je connais cette boule-là !...

NINI, à part.

J’ai vu cette dame-là quelque part.

PAULIN, à part, regardant les femmes.

Eh ! eh ! elles ne sont pas piquées des escargots.

Haut, les passant en revue.

Bonjour, mes enfants, bonjour... Sommes-nous bien laborieuses et bien raisonnables !... Chez moi, je veux qu’on soit raisonnable.

TOUTES.

Oh ! madame !...

CEINTURON, à part.

Tâche !

PAULIN.

Très bien !... je suis satisfait...

Falaise lui donne un coup de coude.

-te !...

FALAISE, à part.

Pristi !

PAULIN.

Nous allons commencer par prendre vos noms... cela nous aidera à faire connaissance.

FALAISE, l’admirant, à part.

Est-il comédien !... Est-il comédien !

PAULIN, lui donnant un carnet.

Chabraque ! écrivez !

FALAISE.

Je suis prêt...

Paulin lui donne un coup de pied.

-te...

PAULIN, commençant par la gauche.

Vous vous nommez ?...

CEINTURON.

Ceinturon... de Saint-Austerlitz.

PAULIN, à part.

C’est une belle fille !...

Haut, à Falaise.

Écrivez.

À une autre.

Et vous ?

TAPOTTE.

Tapotte.

PAULIN, lui donnant des petites tapes sur la joue.

Tapotte ?... Oh ! j’aime ce nom !... Et vous ?

POCHETTE.

Pochette !...

PAULIN.

Écrivez Pochette.

ZOZO, à Paulin.

Zozo !

PAULIN.

Je ne crains pas Zozo.

À part.

Elle a l’air d’un petit épagneul.

Il lui prend le menton.

FALAISE, à part.

Il écrème ! Il écrème !...

PAULIN, à Flanquine lui tapant sur les joues, à part.

Eh ! eh ! est-elle potelée, celle-là !

Haut.

Eh bien ! est-ce que nous n’avons pas de petit nom ?

FLANQUINE.

Flanquine !

PAULIN, se tournant vers Falaise.

Ah bah !

FALAISE, lui faisant de loin un signe affirmatif.

Hum ! hum !

PAULIN, à la dernière.

Et vous ?

NINI, baissant les yeux.

Nini !

PAULIN, à part.

Nini !... mon ancienne ! connu !

Il lui tourne brusquement le dos et rejoint Falaise qui lui rend son carnet.

 

 

Scène IX

 

LES MÊMES, CASSOLETTE

 

CASSOLETTE, dans la coulisse.

Et youp piou piou, tra la, la, la, la !

TOUTES.

Cassolette !

CASSOLETTE, entrant par le fond en dansant et en chantant.

Et youp piou piou, tra la, la, la, la...

FALAISE, à part.

Qu’est-ce que c’est que cette sauterelle-là ?...

PAULIN, à part.

Elle a un petit air modeste qui me pince.

CASSOLETTE, s’avance jusqu’à la rampe et se place au milieu.

Et youp piou piou, tra la, la, la, la !

Aux femmes.

Bonjour mesdemoiselles !... je viens de l’atelier, on m’a dit que la ruche s’était envolée pour venir s’abattre en face la caserne du 13e dragon... j’ai répondu : ça me va !... j’ai repris mon pas de gymnastique, et me voilà.

Dansant sur place.

Et youp piou piou !...

FLANQUINE, l’arrêtant.

Tais-toi donc ! Madame est bégueule.

CASSOLETTE.

Bégueule !... je déménage !

Elle fait une pirouette et remonte en dansant.

Et youp piou piou, tra, la...

PAULIN, l’arrêtant.

Un instant !...

À part.

Sa candeur me pince énormément !

Haut.

Pauvre petit chat ! vous voulez donc me quitter...

Toutes les autres remontent avec Falaise.

Je vous fais peur... vous verrez que je suis une bonne pâte de femme...

Il lui pince la taille.

CASSOLETTE, poussant un cri.

Ah !...

TOUTES, redescendant.

Eh bien ! eh bien !

PAULIN, à part.

Redevenons Gymnase.

Haut.

C’était une fourmi qui grimpait au long de son corsage...

Feignant de l’écraser avec son pied.

Voilà son sort.

FALAISE, à part.

Oh Dieu ! moi aussi j’en ai, des fourmis.

Il pince Flanquine.

FLANQUINE.

Pristi !

TOUTES.

Qu’est-ce que c’est ?

Falaise remonte et vient se placer à côté de Cassolette.

PAULIN, à Cassolette.

Allons ! c’est décidé, vous restez avec nous ? Qu’est-ce que vous savez faire ?

CASSOLETTE.

Oh ! bien des choses !

Air des Truands (Notre-Dame de Paris).

J’ sais en riant comme on débrouille

Le fil du destin ;

Et j’ sais aussi comme on gazouille

Un gai refrain.

Au richard qui marchande

Un doux regard ;

J’ dis : R’passez plus tard.

Au bon garçon qui d’mande

C’ cœur-là,

J’ sais dir’ :

Le v’là !

Puis je sais encor,

Et youp ! et youp !

À l’accord

Du cor,

Et youp ! et youp !

Comment, sans effort,

Et youp ! et youp !

Au quadrille (bis),

On brille,

Et sous l’œil moral,

Et youp ! et youp !

Du municipal,

Et youp ! et youp !

D’un pas virginal,

Donner dans le bal

Le gai signal (bis).

TOUS.

Et sous l’œil moral, etc.

Pendant cette reprise, tout le monde marque sur place un mouvement de danse contenu.

PAULIN, à part.

Son youp me pince énormément.

Haut.

Mesdemoiselles, je vous arrête toutes pour quinze jours.

TOUTES.

Vive madame Sabredache !

CEINTURON, prenant la taille de Paulin.

Si j’étais homme, je vous manquerais de respect !

PAULIN, à Ceinturon.

Ne vous gênez pas !...

Aux autres.

Mes petites chattes, vous serez nourries, logées, éclairées.

FALAISE, prenant la taille des deux femmes placées près de lui.

Et chauffées au charbon de terre !

PAULIN.

Mesdemoiselles, faites comme chez vous... ôtez vos bonnets, vos châles.

Toutes remontent à droite.

NINI.

Et de l’ouvrage ?... Madame ne nous a pas donné d’ouvrage !...

TOUTES.

Oui, oui !... de l’ouvrage !

PAULIN et FALAISE.

Allez toujours, nous vous en trouverons.

PAULIN.

Revenez sur-le-champ.

Reprise.

ENSEMBLE.

Et sous l’œil moral, etc.

Elles entrent à droite, troisième plan.

 

 

Scène X

 

FALAISE, PAULIN

 

PAULIN, après avoir follement dansé quelques pas, s’arrêtant le pied en l’air.

As-tu de l’ouvrage, toi ?...

FALAISE.

Non !

PAULIN.

Des culottières ?... si je me faisais prendre la mesure d’une douzaine de pantalons ?

FALAISE.

Oui, chacun sa douzaine ; mais pour ça, il faudrait de l’étoffe.

PAULIN.

C’est juste !... Attends... j’ai mon affaire !...

Il court au cabinet de droite, premier plan, et en tire plusieurs pantalons d’uniforme qu’il jette au milieu de la scène.

FALAISE.

Qu’est-ce que vous faites ?

PAULIN, prenant un pantalon.

Prends et fais comme moi !

Il déchire et met en morceaux les pantalons.

FALAISE, l’imitant.

Ah ! je comprends !

PAULIN, mettant le pied sur un pantalon et l’arrachant.

Ah ! elles veulent de l’ouvrage !... tiens !... tiens ! en voilà !

FALAISE, même jeu.

Tiens ! tiens ! en voilà... !

PAULIN, s’arrêtant.

Crois-tu qu’il y en ait pour quinze jours ?...

FALAISE.

Pas encore.

PAULIN.

Continuons !

FALAISE.

Continuons !

Ils déchirent avec acharnement.

 

 

Scène XI

 

PAULIN, FALAISE, TOUTES LES FEMMES

 

Les femmes, deuxième plan.

TOUTES LES FEMMES, entrant.

Eh bien ! qu’est-ce que vous faites donc là ?...

PAULIN.

C’est que... mon coupeur vient de se casser une jambe...

FALAISE.

Oui, pauvre homme !

TOUTES.

Oh ! pauvre homme !

PAULIN.

Et... nous coupons !...

FALAISE.

Nous coupons !

PAULIN.

Chabraque ! donnez de l’ouvrage à ces demoiselles !...

FALAISE, distribuant les pantalons.

Voilà ! voilà !...

PAULIN.

En place, et travaillons !

TOUTES.

Oui ! oui !

Les femmes s’asseyent en demi-cercle, à gauche, dans l’ordre suivant : Nini, Tapotte, Ceinturon, Zozo, Flanquine, Pochette et Cassolette. Paulin et Falaise debout, à droite, sur le devant. Falaise a descendu la table sur le devant, et place dessus une corbeille à ouvrage.

Ensemble.

Air : premier chœur du Songe.

LES OUVRIÈRES.

Allons du cœur, point de paresse,

Au travail qu’il soit procédé ;

Pour contenter notre maîtresse,

Jouons de l’aiguille et du dé.

PAULIN et FALAISE.

Par cette troupe enchanteresse,

Je sens mon cœur affriandé ;

Qui, sous la guimpe qui le presse,

Palpite comme un possédé.

PAULIN, à Falaise.

De Ceinturon l’œil me chatouille l’âme...

FALAISE, bas à Paulin.

Joli morceau !

PAULIN.

De Cassolett’ le sourire m’enflamme !

FALAISE.

Moi c’est Zozo !...

Reprise de l’ensemble.

PAULIN, à part.

Pristi ! le joli petit escadron !

FALAISE, à part.

Ça me donne soif !

Il va à la cheminée et boit un verre d’absinthe.

CASSOLETTE, travaillant.

Eh bien ! et vous, mère Sabredache, est-ce que vous ne travaillez pas ?

PAULIN.

Moi ?... Si... Oh ! Dieu !...

À part, s’asseyant à gauche de la table.

Me voilà culottière à présent...

Il prend un dé dans la corbeille.

CEINTURON, à Paulin.

Où diable mettez-vous votre dé ?... au pouce ?

PAULIN.

Ça pousse mieux !...

TOUTES, riant.

Ah ! ah ! ah !...

FALAISE, à part.

C’est égal ! je trouve qu’il s’avilit !...

PAULIN.

Chabraque !... allons, ma fille !... allons ! à l’ouvrage !...

FALAISE, à part, prenant une chaise.

Raccommoder des culottes !... Je proteste !

PAULIN.

Tais-toi ! ou je t’envoie en course !...

Prenant une paire de lunettes dans la corbeille à ouvrage.

Voilà les besicles de ma tante !

Il les met.

FALAISE, à part, s’asseyant à droite de la table.

Les lunettes de la Normande !

Il les met.

Reprise du chœur.

CASSOLETTE, à Paulin.

Eh bien ! avancez-vous ?

PAULIN.

Oui... ça commence...

À part.

Sacrédié ! je ne puis pas enfiler mon aiguille !

Il se lève.

FALAISE, se levant.

Moi non plus !... Je proteste !...

Ils font tous deux des efforts comiques pour enfiler leurs aiguilles.

PAULIN, se piquant.

Aïe !...

FALAISE, se piquant aussi.

Bigre de bigre !...

PAULIN, lançant un coup de pied à Falaise, bas.

Veux-tu te taire !

TOUTES.

Hein ?...

FALAISE, montrant son aiguille.

Tiens ! ça l’a fait entrer ! la voilà !

PAULIN, lui prenant son aiguille enfilée.

Merci !

FALAISE, réclamant à demi-voix.

C’est à moi, lieutenant !

PAULIN, bas.

Tais-toi, ou je t’envoie en course !...

FLANQUINE.

À quelle heure dîne-t-on ?... j’ai des crampes !

CASSOLETTE.

Dites donc, mère Sabredache... là, j’ai envie de faire un surjet ?

PAULIN, à part.

Un surjet ?...

À Falaise.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

FALAISE, bas.

Ni moi non plus !...

CASSOLETTE.

Tenez, venez voir.

PAULIN, se levant et allant à elle.

Oui... oui... je ferais un surjet... voilà le cas ou jamais de faire un surjet...

Il embrasse Cassolette.

CASSOLETTE, à part, se frottant la joue.

Tiens ! ça pique !

Paulin embrasse la voisine de Cassolette.

FALAISE, à part.

Il continue à écrémer... Je demande à en être.

Il se lève et va à Cassolette.

Voyons le surjet... Ah ! le joli surjet !

L’embrassant.

Voilà pour le surjet !

Paulin continue sa tournée ; il embrasse Flanquine.

FLANQUINE, à part, se frottant la joue.

Tiens ! ça gratte !...

PAULIN, à Ceinturon, après avoir embrassé Zozo.

Oh ! c’est bousillé, ça, mon enfant... c’est bousillé !

Il l’embrasse.

CEINTURON, à part, se frottant la joue.

Tiens ! ça brosse !...

FALAISE, à Ceinturon,
après avoir embrassé Pochette, Flanquine et
Zozo.

Ah ! qué bousillage ! qué bousillage !

L’embrassant.

Voilà pour le bousillage !

Paulin et Falaise embrassent Tapotte, puis, arrivés à Nini qui est la dernière, s’approchent, l’un à droite, l’autre à gauche, pour l’embrasser ; ils s’aperçoivent, font une pirouette, se sauvant à toutes jambes, reviennent à leur place et se remettent à coudre.

NINI, à part, avec amertume.

Madame a des préférences...

On entend le son de la trompette au-dehors, sous la fenêtre.

TOUTES LES FEMMES.

Qu’est-ce que c’est ?

FALAISE.

Rien... le régiment de dragons qui va passer l’inspection des armes...

TOUTES, se levant et jetant leur ouvrage.

Des dragons ! des dragons !... allons voir !

Elles se groupent devant la fenêtre. Cassolette monte sur une chaise.

CHŒUR.

Air nouveau d’Hervé.

Tara ta ta !

Entendez-vous,

Ta ra ta ta,

Ce bruit si doux.

Toutes redescendent.

C’est le son

Du clairon,

Ta ra ta ta,

Entendez-vous,

Dépêchons-nous,

Ta ra ta ta !

Vite courons,

Voir les dragons.

Ta ra ta ta ta ta ta ta.

PAULIN et FALAISE.

Ta ra ta ta,

Qu’a de si doux,

Ta ra ta ta !

Ce bruit pour vous,

C’est le son

Du clairon.

Ta ra ta ta !

Où courez-vous,

Écoutez-nous ;

Ta ra ta ta !

Car les dragons,

Sont des démons.

Ta ra ta ta ta ta ta ta.

Elles entrent vivement à gauche.

 

 

Scène XII

 

FALAISE, PAULIN

 

FALAISE.

Eh bien, elles nous plantent là !...

PAULIN.

Si elles tiennent tant à voir des dragons... on peut leur en montrer à domicile.

FALAISE.

Et gratis...

PAULIN, se détirant.

Cré nom ! que j’ai envie de fumer une pipe !

FALAISE.

Et moi donc ! j’en sèche !

PAULIN.

Ce parfum pourrait nous trahir.

FALAISE.

Croyez-vous ? Le tabac, ça ne sent rien !

PAULIN.

Au fait ! puisqu’elles ne sont pas là...

FALAISE.

Ça y est-y ?

PAULIN.

Ça y est !

Ils relèvent en même temps leurs robes, Falaise du côté gauche et Paulin du côté droit, et prennent chacun une pipe dans la poche de leurs pantalons. Ce jeu de scène et les suivants doivent être exécutés simultanément par les deux acteurs.

PAULIN.

Bourrons !

FALAISE.

Bourrons !

PAULIN.

Et du feu ?

FALAISE.

J’en ai !

PAULIN.

Moi aussi.

Ils relèvent en même temps leurs robes, Falaise du côté droit, Paulin du côté gauche, et prennent dans leurs poches une petite boîte contenant de l’amadou chimique, ils allument leurs pipes, retournent chacun une chaise, et s’assoient à cheval dessus. Ils se trouvent nez à nez pour fumer leurs pipes.

PAULIN, à Falaise.

Tiens ! mon vieux ! veux-tu que je te dise... tout ça, c’est froid ! ça ne marche pas !

FALAISE.

C’est vrai ! nous raccommodons des culottes, nous nous piquons des aiguilles dans les doigts... ce n’est pas de la vraie amour.

PAULIN.

À deux on ne peut pas causer... J’ai envie de t’envoyer en course...

FALAISE, réclamant.

Ah ! lieutenant !

PAULIN.

Écoute donc ! c’est moi qui en ai eu l’idée.

FALAISE.

Oui, mais c’est moi qui l’ai collée. Un moyen !

Tous deux se lèvent et rangent leurs chaises.

PAULIN.

Lequel ?

FALAISE.

Si nous divisions l’escadron en deux pelotons ?...

PAULIN.

Au fait ! Pourquoi pas ?... Partageux, va !

 

 

Scène XIII

 

FALAISE, PAULIN, CASSOLETTE

 

CASSOLETTE, rentrant.

Dites donc, dites donc, mère Sabredache.

PAULIN, à part.

Oh !

Bas et vivement à Falaise.

Cache donc ta pipe, animal...

Falaise fourre vivement sa pipe allumée dans la poche de son tablier. Tous deux soufflent en l’air pour dissiper la fumée.

CASSOLETTE.

Vous qui nous prêchez la sagesse, pourriez-vous me dire d’où vient cet instrument militaire... chez une veuve...

Elle montre un clairon qu’elle cachait derrière elle.

FALAISE, à part.

Bigre ! mon clairon !

Haut.

C’est à Madame.

PAULIN.

À moi ?...

À Cassolette.

Ah ! oui !... Il faut vous dire que mon mari... feu Sabredache, était dans la musique.

FALAISE, poussant tout à coup un cri.

Aïe ! cré nom !

CASSOLETTE et PAULIN.

Quoi donc ?

FALAISE, tirant sa pipe de sa poche.

Je me suis brûlé !

CASSOLETTE.

Vous fumez !...

PAULIN, à part.

Brute !

Haut.

Oui... je le lui permets... c’est une Alsacienne...

CASSOLETTE, apercevant la pipe que Paulin tient à la main.

Eh bien ! et vous ?

PAULIN.

Moi !... j’ai... mal aux dents...

À part.

Nous sommes collés.

CASSOLETTE.

Et la pipe encore !... pouah !...

Tirant de sa poche une cigarette.

Vous permettez !...

Elle l’allume à la pipe de Paulin.

PAULIN, à part.

Elle fume !

FALAISE, à part.

Je la demanderai.

PAULIN, de même.

Je la prendrai !

 

 

Scène XIV

 

FALAISE, PAULIN, CASSOLETTE, CEINTURON

 

CEINTURON, entre en traînant un grand sabre.

Il a donc passé de la cavalerie par ici ?

PAULIN, à part.

Mon bancal !... Repincé !

Haut.

Oui ! je sais ce que c’est... c’est à Chabraque !

FALAISE.

À moi ?

PAULIN.

Comment, mademoiselle !... je vous avais défendu de recevoir des militaires chez moi !

FALAISE, baissant les yeux.

Je l’avoue... mais il doit m’épouser !

CEINTURON, à Falaise.

Jeune fille ! méfiez-vous de la cavalerie...

Tirant une cigarette de sa poche.

Vous permettez ?

Elle allume sa cigarette à la pipe de Falaise, Cassolette rallume la sienne à la pipe de Paulin.

FALAISE, à part.

Sont-elles gentilles !...

Les deux femmes remontent en fumant. Bas à Paulin.

Pristi ! lieutenant, donnez-moi ma brigade...

PAULIN, à Cassolette.

Où sont ces demoiselles ?

CASSOLETTE.

Je vais les appeler.

Elle sonne de la trompette. Pendant ce temps, Paulin et Falaise font le mouvement de relever leurs poches pour serrer leurs pipes. Paulin s’arrête tout à coup et glisse sa pipe dans son estomac. Falaise le regarde et l’imite. Jeu muet.

 

 

Scène XV

 

FALAISE, PAULIN, CASSOLETTE, CEINTURON, TOUTES LES FEMMES, arrivant au son de la trompette

 

TOUTES, entrant.

Quel est ce bruit ?

PAULIN, à part.

Je vais leur faire une proclamation.

Haut.

Soldats !

TOUTES.

Hein ?

PAULIN.

Soldats de la couture !... l’ouvrage ne marche pas !... regarder défiler les dragons... c’est un beau coup d’œil... mais ce n’est pas une profession... Pour mieux distribuer le travail, nous avons résolu de vous séparer en deux escouades. L’une sera placée sous la surveillance de mademoiselle Chabraque... jeune fille modeste.

Falaise fait la révérence.

La seconde servira sous mes ordres. Le premier nom appelé passera à gauche, côté Chabraque ; le second à droite, côté Sabredache. Attention ! je vais faire l’appel.

Musique en sourdine à l’orchestre.

FALAISE, à part.

Je suis bien ému !

PAULIN, lisant sur son carnet.

Mademoiselle Pochette !

FALAISE.

Côté Chabraque !

La prenant par la main, l’examine et la fait passer à sa gauche. À part.

La beauté du diable.

PAULIN, lisant.

Mademoiselle Ceinturon !

Ceinturon passe à la droite de Paulin.

FALAISE, à part.

Mâtin ! je l’avais ginginnée !

PAULIN.

Mademoiselle Tapotte.

FALAISE.

Côté Chabraque !

La faisant passer.

Allons !

À part.

Je la crois spirituelle.

PAULIN, lisant.

Mademoiselle Cassolette !

Elle passe.

FALAISE, à part.

Pas de chance ! je l’avais encore ginginnée.

PAULIN, lisant.

Mademoiselle Zozo !

FALAISE, la faisant passer, à part.

Je la crois économe.

PAULIN.

Mademoiselle Flanquine !

Paulin a gagné le milieu.

FALAISE, réclamant, bas.

Ah ! mais, non... pas celle-là !... Flanquine ! mon ancienne.

PAULIN, de même.

Je te cède Nini, qui est bien plus ancienne...

FALAISE, la faisant passer.

Allons, ho !

À part.

Il me flanque tout le chétrin.

PAULIN.

Tu as la plus grosse part... de quoi te plains-tu ?

FALAISE, à part.

Je vais les malmener !... j’serai pas galant !

FLANQUINE.

Je continue à avoir des crampes !... À quelle heure dîne-t-on ?...

PAULIN.

Il y a un canard, il faudrait le plumer ! Mesdemoiselles ! qui est-ce qui sait plumer ?

TOUTES.

Moi ! moi ! moi !

PAULIN, à part.

Comme le naturel se trahit !

FALAISE, à son lot.

Suivez-moi, vous autres !...

À part.

Je vais les mettre au canard !

Haut.

Allons, ho !

Il marche militairement à la tête de son peloton, et entre avec elles à gauche, troisième plan, pendant le chœur suivant.

Ensemble.

Air de la polka du Sopha (Hervé).

PAULIN.

Ici, restons,

Petits démons,

Frais et mignons.

Dans ce salon, moi je bivouaque,

L’ouvrage ira

Mieux comme ça,

On travaill’ra

Comme chaque

Chef l’entendra.

FALAISE.

Allons, marchons,

Jeunes tendrons,

Suivez la petite Chabraque.

Châtains ou blonds,

L’ouvrage ira, etc.

LES FEMMES DE PAULIN.

Ici restons,

Oui, divisons

Les escadrons.

C’est ici que le sien bivouaque, etc.

LES FEMMES DE FALAISE.

Allons, marchons,

Oui, divisons

Les escadrons.

Suivons la petite Chabraque, etc.

 

 

Scène XVI

 

PAULIN, CASSOLETTE, CEINTURON, FLANQUINE

 

PAULIN, à part.

Enfin me voilà seul avec mon lot... je flotte comme le berger Pâris... À qui vais-je adjuger la pomme ?...

Il les regarde toutes trois en hésitant, puis se décide pour Cassolette qu’il attire à gauche.

Bonjour, ma petite chatte.

CASSOLETTE.

Bonjour, madame Sabredache.

PAULIN, à part.

Quelle carnation !

N’osant l’embrasser.

Les deux autres m’intimident !

Haut.

Ah ! mon enfant, que vous avez donc là une jolie robe !... ah ! que voilà une jolie robe !... Combien le centimètre ? Il tâte sa robe et se penche pour embrasser Cassolette.

CEINTURON, arrêtant Paulin et l’attirant à droite.

Dites donc, mère Sabredache, dimanche, je vous demanderai la permission de sortir... pour acheter du coton.

PAULIN, à part.

A-t-elle le fil !

N’osant l’embrasser.

Les deux autres m’intimident !

Haut.

Ah ! que vous avez donc une pommade qui embaume !...

CEINTURON.

Œillet d’Inde !

PAULIN.

Œillet d’Inde !... Oh ! permettez que je flaire !...

Il se penche comme pour sentir, et va l’embrasser. Flanquine l’arrête et l’attire à elle.

FLANQUINE.

Mère Sabredache !

PAULIN, à part.

Ah ! mais, c’est embêtant !

FLANQUINE.

J’ai des crampes !... à quelle heure dîne-t-on ?

Paulin va pour embrasser Flanquine.

CASSOLETTE, l’arrêtant.

Mère Sabredache !...

PAULIN, à part.

Encore !...

LES TROIS FEMMES.

Mère Sabredache ! mère Sabredache !...

PAULIN, à part.

Ah ! mais ! ah ! mais !... sapristi !... je vais en envoyer deux en course...

Haut.

Mes enfants, je vais vous donner deux commissions... j’ai besoin de mouron...

TAPOTTE, arrivant très effrayée.

Ah ! mesdemoiselles !... mesdemoiselles !... si vous saviez !...

TOUTES.

Quoi donc ?...

TAPOTTE.

La bonne...

TOUTES.

Eh bien ?

TAPOTTE.

C’est un dragon !...

TOUTES.

Un dragon !...

TAPOTTE.

Elle a des bottes !

TOUTES, à Paulin.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

PAULIN.

Un dragon chez moi !

À part.

Je vais me trouver mal !

Haut.

C’est affreux !... c’est épouvantable !... Ah ! j’étouffe ! je suffoque !...

Il tombe sur une chaise à droite et feint de perdre connaissance. Les femmes l’entourent sans le masquer.

FLANQUINE, vivement.

La pauvre femme !

CEINTURON.

Elle se trouve mal !

CASSOLETTE.

Il faut la délacer ! vite ! vite !

En cherchant à lui porter secours, les femmes arrachent le casaquin de madame Sabredache, qui leur reste dans les mains. Alors Paulin paraît dragon par le haut et femme par le bas.

TOUTES, reculant effrayées.

Ciel !!!

PAULIN, sur sa chaise, à part, stupéfait.

Dépouillé !...

TOUTES.

Un homme !...

CHŒUR.

Air final du premier acte de Badigeon Ier.

Ah ! c’est effroyable !

C’est abominable !

Ah ! quel tour pendable !

Quelle trahison !

Pour notre âme neuve,

Quelle rude épreuve !

Cette honnête veuve,

C’était un dragon !

CEINTURON, à elle-même, sur le devant.

Je disais aussi... ça embaume la cavalerie !

FLANQUINE.

Mesdemoiselles, filons !

TOUTES.

Oui ! oui !

PAULIN, se levant pour les retenir.

Un instant !

CASSOLETTE.

Tendre un piège à de pauvres jeunes filles !... c’est affreux ! c’est abominable !... Laissez-nous sortir !

Les femmes ont gagné la porte du fond et vont la franchir.

PAULIN, leur barrant la porte.

On ne passe pas !...

 

 

Scène XVII

 

PAULIN, CASSOLETTE, CEINTURON, FLANQUINE, POCHETTE, NINI et ZOZO, poursuivies par FALAISE qui est toujours en femme

 

FALAISE.

Mais je vous dis que non !... c’est une erreur !...

En voyant Falaise, toutes les femmes poussent un cri et se sauvent par la droite, troisième plan.

PAULIN, criant plus fort que les femmes et simulant la frayeur, à Falaise.

N’approchez pas !... un homme ! un dragon ! n’approchez pas !!!

Il entre après les femmes, et ferme la porte sur le nez de Falaise.

 

 

Scène XVIII

 

FALAISE, puis LE CAPITAINE

 

FALAISE, seul.

Eh bien ! il me les prend toutes à présent !... Le pot aux roses est découvert !... c’est le bas de mon pantalon qui est retombé !

Il met son pied sur une chaise, à gauche, premier plan, et relève le bas de son pantalon.

LE CAPITAINE, entrant par le fond, et à lui-même.

Voilà deux heures que je me promène aux Tuileries... autour de la pièce d’eau... et pas la moindre tragédienne !...

Apercevant Falaise de dos.

Tiens ! une Normande !... Pristi ! la jolie taille !

Il s’approche doucement et lui prend la taille.

Eh ! eh ! petite mère !...

FALAISE, se retournant.

Dites donc, vous !

À part.

Oh ! Le capitaine !

Il salue militairement, puis se rappelant qu’il est en femme, il ramène vivement sa main dans la poche de son tablier.

LE CAPITAINE.

Dieu ! la belle fille !... est-ce que je te fais peur ?

FALAISE, à part.

Il ne me reconnaît pas !

Haut, baissant les yeux.

Oh ! non, monsieur !...

LE CAPITAINE, à part.

Quelle fraîcheur !... il n’y a que la Normandie pour produire une pareille végétation !

Lui prenant la taille.

Si tu veux être bien gentille...

FALAISE, à part.

Cristi ! il me chatouille !

LE CAPITAINE.

Je te donnerai une belle croix d’or pour mettre le dimanche...

FALAISE, se tordant.

Ah ! cré nom !... ah ! ah ! finissez donc !... ah ! cré nom !

LE CAPITAINE.

Comment t’appelles-tu ?

FALAISE, d’une voix flûtée.

Chabraque !...

LE CAPITAINE, lui prenant de nouveau la taille.

Chabraque, laisse-moi t’embrasser...

FALAISE, chatouillé.

Non ! non... non...

Se tordant.

Ah ! ah ! ah !... cré nom !... assez ! assez !... ah ! ah !

Il lui donne une vigoureuse tape sur la main et s’arrête avec effroi. À part.

Frapper un supérieur ! peine de mort !...

LE CAPITAINE, se frottant le bras.

Ah ! friponne ! tu vas me le payer !

Il s’empare de la main de Falaise et l’embrasse.

Ah ! quel parfum ! ça sent la verte prairie.

FALAISE, à part.

J’ai remué du foin à ce matin.

LE CAPITAINE.

Je gage que tu es moins sévère pour le lieutenant... il est aux arrêts... et tu le consoles ?...

FALAISE, pudiquement.

C’est mon frère de lait !

LE CAPITAINE.

Le pauvre garçon !... il s’ennuie... mais je lui ai ménagé une surprise.

À part.

Un petit souper... j’invite tout le corps d’officiers !...

Trouvant sur une chaise à droite le casaquin arraché à Paulin.

Tiens !

FALAISE, à part.

Oh !

LE CAPITAINE, prenant le casaquin.

Ah ! çà !... il y a donc des femmes ici ?

FALAISE.

Je suis seule de mon sexe !

LE CAPITAINE, à part.

Hum !...

Montrant le casaquin.

Ça sent la chair fraîche !... Parbleu ! je veux en avoir le cœur net... je vais fouiller toute la maison.

Haut.

Je m’en vais... je suis attendu !... Adieu Chabraque !... adieu, ma petite Chabraque !...

Il feint de sortir et se glisse dans la porte du troisième plan à gauche.

 

 

Scène XIX

 

FALAISE, seul, puis PAULIN et TOUTES LES FEMMES

 

FALAISE, seul.

Oh ! oh ! ces jupons me compromettent ! s’il savait qu’il a baisé la main d’un dragon, il serait furieux... Reprenons les attributs de mon noble sexe !... Fichue idée qu’a eue là le lieutenant !

Il sort à droite, premier plan. Entrée de Paulin, garrotté avec des écharpes de femmes et des boas et attiré sur la scène par les femmes.

CHŒUR.

Air : final du 2e acte des Tentations d’Antoinette.

Point de merci, point de quartier !

Le traître est notre prisonnier.

Dans les fers, laissons-le gémir,

Vengeons-nous à plaisir !

PAULIN.

Je demande grâce et quartier !

Épargnez votre prisonnier !

Barbares, laissez-vous fléchir ;

Voyez mon repentir !

À Ceinturon.

Ah ! d’un captif, sauvez, sauvez la tête !

CEINTURON.

C’est en vain que ta voix implore tes vainqueurs.

PAULIN.

Secourez-moi, sensible Cassolette !

CASSOLETTE.

Ainsi que ses lauriers, la guerre a ses horreurs !

Reprise du chœur.

Pendant la reprise, on lie Paulin, les mains derrière le dos, sur une chaise, à gauche.

PAULIN.

Mesdemoiselles, mesdemoiselles, je demande à capituler.

TOUTES.

Non ! non !...

FALAISE, rentrant en dragon, avec son bonnet de Normande sur la tête.

Mon lieutenant dans les fers !... voulez-vous lâcher !...

TOUTES.

Voilà l’autre !... prisonnier ! prisonnier !

Plusieurs femmes s’emparent de lui et le garrottent comme Paulin, sur une chaise à droite, pendant la reprise du chœur.

CHŒUR.

Point de merci, etc.

Paulin est assis et lié à gauche, Falaise, de même à droite. Les femmes sont placées ainsi : Nini à côté de Paulin, Zozo derrière lui, et Cassolette à sa gauche. Ceinturon, près de Falaise, à sa droite, Pochette et Tapotte derrière lui, Flanquine à sa gauche, à droite de la scène.

PAULIN et FALAISE.

Nous protestons ! nous protestons !

CASSOLETTE.

Silence dans les rangs !

CEINTURON.

Le premier qui bouge ! fusillé !... crrrebleu !

TOUTES.

Crrrebleu !

PAULIN, riant.

Oh ! elles me font rougir !

FALAISE, riant.

Les bédouines !

PAULIN, implorant.

Cassolette !

FALAISE, de même.

Flanquine !

NINI, émue.

Je demande grâce pour eux !

CEINTURON.

Qu’on leur mette les menottes !

CASSOLETTE.

Les menottes ?... voilà !

Cassolette met sur le nez de Paulin un morceau de bois fendu que les soldats appellent drogue. Ceinturon en fait autant à Falaise.

PAULIN, avec abattement.

Waterloo !!!

FALAISE, de même.

Je suis pincé !

PAULIN.

J’ai envie de me moucher... Je demande une commutation de peine.

FALAISE.

Cré coquin, lieutenant ! comme vous parlez du nez !

CASSOLETTE.

Silence ! le conseil de guerre va délibérer.

Nini, Ceinturon et Cassolette se groupent au fond, au milieu.

PAULIN.

Ah çà, mais, ça m’embête !

PAULIN et FALAISE.

À nous les dragons ! à nous les dragons !

 

 

Scène XX

 

LES MÊMES, LE CAPITAINE

 

LE CAPITAINE.

Qui est-ce qui appelle les dragons ?

LES FEMMES, criant.

Encore un ! encore un !

Les femmes reprennent leurs places comme ci-dessus.

PAULIN, à part.

Pristi ! Le capitaine !

FALAISE, à part.

Il va me reconnaître !

LE CAPITAINE.

Que vois-je !... un essaim de beautés !... le paradis de Mahomet !

PAULIN.

Côté des culottières.

LE CAPITAINE.

Hein ! qui est-ce qui a parlé ?... Paulin !... que diable fais-tu là ?

PAULIN.

Je drogue !...

FALAISE, à part.

Nous droguons !

NINI, à part.

Pauvres jeunes gens !

CEINTURON.

C’est notre prisonnier, capitaine !

LE CAPITAINE.

Ah ! mon Dieu !... ma femme de notaire !

PAULIN, se levant et se détachant.

Ah bah !

Falaise en fait autant et remonte.

CEINTURON, saluant.

Mademoiselle Ceinturon... culottière !

CASSOLETTE.

Un truc !...

LE CAPITAINE.

Ah ! grand Dieu !... ma tragédienne !... l’Ours et le Pacha !

PAULIN, riant.

Ah bah !

CASSOLETTE, saluant.

Mademoiselle Cassolette... culottière !

CEINTURON.

Un chic !

LE CAPITAINE.

C’est incroyable ! c’est-à-dire que ce gaillard-là ne m’en laissera pas une !... Enfin, je l’enferme, je l’encage, et il trouve moyen...

PAULIN.

Mais, capitaine, ce n’est pas ma faute... que diable ! numérotez vos passions, marquez-les... mettez dessus : Retenu.

LE CAPITAINE.

Où est la bonne !... sa sœur de lait... il l’aura peut-être respectée.

Appelant.

Chabraque !

FALAISE, le bonnet de Cauchoise sur la tête, s’approchant timidement, et saluant.

Présente, capitaine !

LE CAPITAINE.

Hein !...

FALAISE.

La petite Chabraque, trompette au 13e dragon.

LE CAPITAINE.

Animal !

Il lui jette son bonnet à terre. Rire général.

LE CAPITAINE.

Oh ! je me vengerai !

TOUTES, suppliant.

Capitaine !... capitaine !

LE CAPITAINE.

Je vous invite toutes à souper...

LES FEMMES, avec pruderie, refusant.

Oh !...

LE CAPITAINE, continuant.

Avec le corps d’officiers.

LES FEMMES, avec satisfaction, acceptant.

Ah !...

CASSOLETTE.

Capitaine, nous nous plaçons sous leur protection !

CEINTURON.

Sont-ils vertueux ?

LE CAPITAINE.

Tous mariés !

PAULIN, à part.

En Afrique !

TOUTES.

À la bonne heure !!!

FALAISE, à la fenêtre.

Les voici !...

CHŒUR FINAL.

Reprise d’une partie de celui de la scène XI.

Ta ra ta ta !

Oui, les dragons,

Ta ra ta ta !

Sont bons garçons !

Ta ra ta ta ta ta ta ta !

PAULIN, au public d’un air humble et tremblant.

Air nouveau d’Hervé.

Messieurs, la peur me talonne...

Se redressant et gaiement.

Bah ! nous sommes tous Français !...

Disons que la pièce est bonne,

Que les acteurs sont parfaits...

Enlevons tous le succès

À la dragonne (bis) !

TOUS.

Enlevons tous le succès, etc.

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