L’Opéra de village (DANCOURT)
Comédie en un acte.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain le 20 juin 1692.
Personnages
THIBAUT, Fermier
LOUISON, Fille de Thibaut
COLIN, neveu de Thibaut
MARTINE, sœur de Colin
LA FLÈCHE, valet de chambre d’un Colonel
GALOCHE
LE MAGISTER
LE CARILLONNEUR
LE MENESTRIER
LA NYMPHE DU CHÂTEAU
CLAUDINE
PIERROT
Troupes de PAYSANS et de PAYSANNES
La Scène est dans un Village, proche de Lyon.
Scène première
THIBAUT, COLIN
COLIN.
Palsangoi, mon oncle, il n’en faut pas faire à deux fois. Notre nouveau Seigneur arrive aujourd’hui, hé morgué, que la petite réjouissance que je l’y voulons bailler, serve aux fiançailles de ma cousine Louison, avec ce grand Nicodème de Pierrot. M’est avis que son père, notre Bailli, se porte un tantinet mieux que de coutume ; et si vous l’y marmuriez quelque chose de ce mariage, je crois, Dieu me pardonne, que ce serait une affaire bientôt bâtie.
THIBAUT.
Il vient de m’envoyer prier de passer cheux lui, notre Bailli, et ce pourrait bian être pour ça. Oui, mon neveu Colin, ce grand Piarrot-là est bian assotté de notre fille Louison.
COLIN.
Morgué, mon oncle, à la bonne heure. Ne barguignez pas à vous en défaire, ma cousine est diablement fringante, oui ; et quand les oisiaux sont drus une fois, tatigué ils sont bientôt dénichés, voyez-vous.
THIBAUT.
Louison est une fille sage, neveu, et si je précipite de la marier, ce n’est pas que j’aie appréhension...
COLIN.
Hé non d’accord, il n’y a point d’appréhension à avoir : mais il est toujours bon de prendre garde. Il y a ici deux drôles qui n’y restont pas pour enfiler des parles : ils la lorgnont, et ils ne la lorgnont pas pour des prunes.
THIBAUT.
Je n’ai point remarqué qu’ils la lorgnifiaient, moi, et je ne vois pas.
COLIN.
Vous avez donc la barlue, mon oncle ; car je sais fort bian moi que ce petit Monsieur Bouvillon, qui fait tant le grand Seigneur, avec son factotum, Monsieur Galoche, en voulont à queuque fille ; et comme ma cousine est la plus gentille du Bourg... tenez, mon oncle, je me donne au diable, il ne faut point s’affier à ces gens-là.
THIBAUT.
Morgué que tu es défiant, Colin, tu as peur de ton ombre.
COLIN.
Mais aussi, que faisont-ils ici ? Au lieu d’aller où ils ont affaire, ils demeuront dans notre Village à manger bian de l’argent au cabaret. La peste m’étouffe, il y a là-dessous queuque manigance.
THIBAUT.
Est-ce que tu ne sais pas qu’ils attendont une recrue de filles, pour établir ce Buriau de musique qu’ils allont avoir à trois lieues d’ici ?
COLIN.
Et c’est justement ça qui me chagrine, ils enrôleront peut-être la cousine, et ils l’emmèneront peut-être avec la recrue.
THIBAUT.
Paix, tais-toi, voilà le factotum.
Scène II
THIBAUT, COLIN, GALOCHE
GALOCHE.
Serviteur à Monsieur Thibaut, et à Monsieur Colin.
THIBAUT.
Je vous baisons les mains de bien bon cœur, Monsieur Galoche.
COLIN.
Morgué, je ne l’y baise rien, moi, mon oncle, son menton pointu et sa face ambicoin m’affligent ; sarviteur.
GALOCHE.
Monsieur Colin me paraît de mauvaise humeur aujourd’hui.
THIBAUT.
C’est un petit mièvre qui fait le fantasque, comme vous voyez.
GALOCHE.
Hé bien, Monsieur Thibaut, c’est donc aujourd’hui que votre Monsieur le Marquis vient prendre possession de sa nouvelle Seigneurie ?
THIBAUT.
On nous le fait espérer, Monsieur Galoche ; et vous ne serez pas fâché de voir cette petite sarimonie-là ?
GALOCHE.
Non vraiment. C’est une des raisons qui nous ont fait demeurer ici, Monsieur Bouvillon et moi, et nous nous promettons beaucoup d’une petite espèce de fête qu’on dit que vous lui préparez.
THIBAUT.
Oh ! Dame nos Opéra ne sont pas daignes des vôtres. À gens de Villages, trompettes de bois, Monsieur Galoche, vous vous gobargerez de nous peut-être : mais qu’importe, aux champs, comme aux champs, je sommes à la campagne ; je chanterons ; je danserons, avec votre permission dà Monsieur Galoche ; je ferons tout ce que je pourrons : enfin, n’an dit que notre Monsieur le Marquis aime la Musique et la Danse comme un enragé.
GALOCHE.
Votre fille l’aimable Louison sera sans doute une des Actrices du divertissement ?
THIBAUT.
Je le prétends bien comme ça. Depuis cinquante ans je sommes les Farmiers du Château, de père en fils, c’est à nous de faire les honneurs de la fête.
GALOCHE.
Assurément. Vous avez donc disposé toutes choses ?...
THIBAUT.
Écoutez, Monsieur Galoche, je ne sais comme cela ira franchement ; et si vous voulez fourrer un tantinet votre nez, vous qui êtes du métier, çà n’en serait peut-être pas plus mal, non.
GALOCHE.
Qu’est-ce que votre divertissement ?
THIBAUT.
Morgué, je n’en sais rian ; car quoique je soyons tous gens d’esprit, c’est pourtant un jeune gars de Paris qui a manigancé la chose.
GALOCHE.
Et qui est-il ce jeune gars ?
THIBAUT.
C’est le factotum d’un Colonel qui passa dernièrement ici, comme vous êtes le factotum de Monsieur de Bouvillon, vous ; et il attend une recrue d’hommes justement tout comme vous attendez une recrue de filles. Il entend morgué la Danse et la Musique à merveilles.
GALOCHE.
C’est donc lui qui a réglé toutes vos affaires ?
THIBAUT.
Ma foi, chacun y a mis du sien, il n’a baillé que le sujet, notre Magister a fait des vars, notre Carillonneur de la musique, notre Ménestrier des ballets, et moi j’y chante ; çà ne sera-t-il pas drôle ?
GALOCHE.
Assurément.
THIBAUT.
Tout ce qui m’en déplaît, c’est que le Carillonneux dit sue les vars ne sont pas bons, le Magister dit que la musique ne vaut pas le diable, et le Ménestrier dit qu’ils avont raison : à ce compte-là, Monsieur Galoche, le jeu ne vaudrait pas la chandelle. Hé pargué tenez, tenez, vela le factotum du Colonel, notre Bailli m’attend, je vais voir ce qu’il me veut, de factotum à factotum il n’y a que la main, je vous laisse ensemble.
GALOCHE.
Voilà un visage qui ne m’est pas inconnu.
LA FLÈCHE, arrêtant Thibaut.
Où allez-vous donc, Monsieur Thibaut ?
THIBAUT.
Je vais faire un tour, j’ai une petite affaire, en attendant que je revienne, contez à ce Monsieur, pour vous divartir, toues les belles choses que j’allons faire.
Scène III
LA FLÈCHE, GALOCHE
LA FLÈCHE.
Je connais cet homme-là, si je ne me trompe.
GALOCHE.
C’est lui-même.
LA FLÈCHE.
Justement.
GALOCHE.
Monsieur de la F...
LA FLÈCHE.
Monsieur Ga...
GALOCHE.
Flèche.
LA FLÈCHE.
Loche.
GALOCHE.
Hé que faites-vous en ce pays-ci, Monsieur de la Flèche ?
LA FLÈCHE.
Palsambleu, qu’y faites-vous vous-même ? Un Prévôt d’Opéra sur la route de Piémont : venez-vous voir une bataille, Monsieur Galoche ?
GALOCHE.
Il n’y a, ma foi rien qui ne se pût faire, Je n’en ai jamais vu, premièrement.
LA FLÈCHE.
Et vous ferez bien de n’en jamais voir, quelque coup de mousquet ou dans les reins, ou dans les jambes, gâterait furieusement votre fortune ; dans la tête encore, ce ne serait qu’une bagatelle, et vous n’y perdriez pas grand’chose.
GALOCHE.
Monsieur de la Flèche est toujours railleur.
LA FLÈCHE.
Hé vous êtes fait à la raillerie, il y a longtemps que vous l’entendez ; c’est ce qui vous a le plus fait connaître.
GALOCHE.
Mais sérieusement, que faites-vous ici ?
LA FLÈCHE.
J’attends l’équipage de mon maître. Il a pris les devants, le bagage vient derrière, et je suis par conséquent dans le milieu.
GALOCHE.
Avouez-moi de bonne foi la chose, la petite fille de Monsieur Thibaut a bonne part au séjour que vous faites dans ce Village ? votre maître y a passé, et je soupçonne...
LA FLÈCHE.
Palsambleu je vous trouve admirable, s’il y avait à soupçonner quelque chose, vous vous mêlez de plus d’un métier, Monsieur Galoche : Enfin Monsieur Bouvillon est ici, à ce que j’ai ouï dire ; c’est un chercheur d’aventures, et vous ne lui êtes pas inutile.
GALOCHE.
Vous m’offensez, Monsieur de la Flèche.
LA FLÈCHE.
Nous savons un peu vos allures, vous êtes bon Prince, Monsieur Galoche, et je veux bien vous l’avouer, puisqu’aussi bien vous vous en doutez : c’est à la petite fille en question que nous en voulons. S’il vous arrive de l’approcher, ni de dire un mot du secret que je vous confie, je ne vous menace point, Dieu m’en garde, je sais tout le respect que mérite Monsieur Galoche : mais voilà un justaucorps que mon maître vous donna l’année passée, je suis encore en droit de le nettoyer, prenez-y garde.
GALOCHE.
Monsieur, Monsieur de la Flèche, il me fera raison de la manière...
LA FLÈCHE.
Bon, parce qu’il vous fait souper avec lui quelquefois, vous croyez qu’il est de vos amis : vous connaissez bien peu les gens de qualité, vous les réjouissez, ils vous souffrent dans leurs débauches : ils vous noieraient le lendemain pour satisfaire leur moindre caprice.
GALOCHE.
S’il ne me veut pas faire justice, Monsieur Bouvillon n’est pas sans crédit.
LA FLÈCHE.
Ah ! morbleu, oui, le crédit de Monsieur Bouvillon, dites-lui que mon maître aime la petite fille, il ne la regardera qu’avec respect, sur ma parole. Il sait ce qu’il en coûte pour se mal adresser, et chat échaudé craint l’eau froide.
GALOCHE.
Cela suffit, Monsieur de la Flèche, faites de votre côté tous vos efforts, sûr que nous n’épargnerons rien du nôtre.
LA FLÈCHE.
Vous n’avez qu’à faire la moindre démarche, je devine où cela aboutira.
Scène IV
LA FLÈCHE, seul
Ce maroufle-là ne laisse pas de me chagriner, il est stylé à attraper des petites filles ; baste mon maître vient d’arriver, toute la question est d’emmener la petite fille : mais pour le faire à moins de risque, il faut jeter sur nos rivaux les soupçons de l’enlèvement. Le neveu Colin est déjà prévenu contr’eux, donnons au père la même défiance. Le voici de retour fort à propos.
Scène V
LA FLÈCHE, THIBAUT
THIBAUT.
Hé bien, qu’est-ce, Monsieur de la Flèche, qu’a-vous donc fait de ce Monsieur avec qui je vous ai embouché ?
LA FLÈCHE.
Ah ! vraiment, ce que j’en ai fait ; si vous saviez ce qu’il a voulu faire de moi, vous seriez dans une belle colère.
THIBAUT.
Hé, morgué, qu’aurait-il fait, dites ?
LA FLÈCHE.
Il m’a voulu corrompre, et me mettre d’une partie qu’ils ont projetée.
THIBAUT.
Accoutez, le neveu Colin dit qu’il ne faut point trop s’affier à ces drôles-là.
LA FLÈCHE.
Il a bien raison. Ils ont dessein, Monsieur Bouvillon et lui, d’enlever votre fille, et il me sollicitait de leur prêter main forte.
THIBAUT.
D’enlever ma fille ! ce n’est que ça ! par la morguoi je les en dépite.
LA FLÈCHE.
Prenez-y garde, vous dis-je.
THIBAUT.
Je les en dépite, encore un coup, ma fille est mariée.
LA FLÈCHE.
Votre fille est mariée ?
THIBAUT.
Parguenne autant vaut, puisqu’alle est promise. Je vians de donner ma parole au Bailli pour son petit fils Piarrot, qui est grand comme une parche. Tatigué que c’est un beau brin d’homme.
LA FLÈCHE.
Ne nous voilà pas mal, surcroît d’embarras ; le grand Pierrot...
THIBAUT.
Vela ma fille, ne lui parlez de rian. Je voulons que ce soit son prétendu qui ly dise les premières paroles.
LA FLÈCHE.
Je suis discret, ne vous mettez pas en peine.
Scène VI
THIBAUT, LOUISON, LA FLÈCHE
THIBAUT.
Hé bien, Louison, comment te va ? queu rêve as-tu fait cette nuit, mon enfant ?
LOUISON.
Je ne m’en souviens pas tout à fait, mon père : je sais seulement que j’ai rêvé des choses qui m’ont fait beaucoup de plaisir.
THIBAUT.
Cela est admirable : queuque prévoyance ! On a beau dire, il y a toujours morgué du vrai dans les songes.
LA FLÈCHE.
Assurément.
THIBAUT.
Lui dirai-je la chose ? La langue me démange. Non, palsanguenne, il faut la mordre, je sommes convenus du contraire.
LOUISON.
Que dites-vous, mon père ?
THIBAUT.
Rien, Louison, ce n’est qu’une bagatelle. Oh ! çà, Monsieur de la Flèche, comme vous entendez mieux ça qu’un autre, faites-ly un peu chanter ces petites drôleries. Alle est la parle du pays, voyez-vous, et je serai bien aise qu’alle fasse mieux que pas une.
LA FLÈCHE.
Oh ! pour cela, je vous en réponds : songez seulement à la répétition que vous devez faire.
THIBAUT.
Ça est tout songé. Je prierons ce Monsieur Galoche de s’y trouver, ça sera des marveilles.
LA FLÈCHE.
Oui : mais si vous m’en croyez, allez vous-même prendre un peu garde que la Musique ne s’enivre, elle est sujette à cela ordinairement.
THIBAUT.
J’y aurai l’œil ; mais, je vous prie, faites chanter Louison, pour voir comme ça fera, seulement.
LA FLÈCHE.
Cela est fort bien...
À Louison.
J’ai quelque chose à vous dire.
LOUISON.
Mon père...
LA FLÈCHE, à Louison.
J’ai à vous parler, vous dis-je.
THIBAUT.
Hé bien quoi, mon père ?
LOUISON.
Je ne saurais chanter devant vous, je suis toute honteuse.
THIBAUT.
Morgué comment feras-tu donc devant les autres ? il faut s’enhardir, mon enfant.
LA FLÈCHE.
Laissez-moi la faire chanter en particulier, je l’enhardirai sur ma parole.
THIBAUT.
Morgué, je vous en prie, Monsieur de la Flèche. Si alle allait faire la sotte devant Monsieur le Marquis, cela ne vaudrait pas le diable.
LA FLÈCHE.
Ne vous mettez pas en peine. Vous n’avez point encore acheté de petits rubans pour vos Danseurs, comme je vous avais dit ?
THIBAUT.
Je n’y avais pas songé.
LA FLÈCHE.
Allez donc vite dévaliser tous vos petits Merciers ; c’est le bel air de la Danse que les rubans ; et tel que vous voyez Monsieur Galoche il en dévalise tous les ans toutes les garde-robes de sa connaissance, aussi est-il bien aimé de tous les valets de chambre.
THIBAUT.
Hé bian donc, je m’en vais faire rafle dans toutes les boutiques ; mais au moins ayez soin de ma fille, je vous la baille en garde.
LA FLÈCHE.
Elle est en bonnes mains, je vous en réponds.
Scène VII
LA FLÈCHE, LOUISON
LOUISON.
Hé bien, mon pauvre la Flèche, qu’as-tu à me dire ?
LA FLÈCHE.
J’ai bien des nouvelles à vous apprendre.
LOUISON.
Et quoi encore ?
LA FLÈCHE.
Mon Maître est arrivé depuis une heure.
LOUISON.
Il est arrivé ! où est-ce qu’il est ?
LA FLÈCHE.
Je n’ai pas voulu qu’il parût dans le Village. Je lui ai dit de demeurer au bout de a grande allée du Château, à côté du petit bois : voyez si vous voulez lui venir parler, et consentir qu’il vous emmène avec lui dans sa chaise de poste ?
LOUISON.
Qu’il m’emmène ! je ne consentirai point à cela, je crains trop la médisance. Dès qu’une fille s’en va avec un homme, on en dit d’abord mille sottises. Oh ! Dame il y a de méchantes langues dans notre Village, voyez-vous.
LA FLÈCHE.
Cela est horrible : mais cependant si vous aimiez véritablement mon maître...
LOUISON.
Je l’aime bien, mais...
LA FLÈCHE.
Quoi, mais ?
LOUISON.
S’il m’enlevait, serait-ce pour m’épouser ?
LA FLÈCHE.
Hé vraiment oui. Est-ce qu’on enlève pour autre chose ?
LOUISON.
Et s’il m’épousait, serait-ce pour toujours, et ne se démarierait-il point ?
LA FLÈCHE.
Et quand il le voudrait, le pourrait-il ? c’est un garçon qui n’a ni père ni mère, et qui est en âge d’épouser vingt femmes.
LOUISON.
Voici ma cousine, laisse-nous.
LA FLÈCHE.
Mais quelle réponse faire à mon Maître ? Si je ne la lui porte, il viendra la chercher lui-même.
LOUISON.
Laisse-nous, te dis-je, et reviens ici dans un moment, j’aurai quelque chose à te dire.
Scène VIII
MARTINE, LOUISON
MARTINE.
Ah ! ma cousine, je t’apporte une bonne nouvelle !
LOUISON.
Qu’est-ce qu’il y a ?
MARTINE.
Réjouis-toi, tu vas être mariée.
LOUISON.
Il y a bien là de quoi se réjouir, vraiment ?
MARTINE.
Assurément il y a de quoi se réjouir : que peut-on souhaiter de mieux à notre âge ? À qui en as-tu donc ? te voilà bien rêveuse ?
LOUISON.
J’ai quelque chose dans la tête qui m’embarrasse, ma cousine.
MARTINE.
Ne serais-tu pas amoureuse de quelque Monsieur, hem ? tu ne dis mot : j’ai deviné, n’est-ce pas ?
LOUISON.
Puisque tu t’en doutes, je veux bien te le dire : mais n’en parle à personne, ma cousine.
MARTINE.
Et qui est-ce encore ?
LOUISON.
Ce jeune Comte qui passa il y a huit jours par ici...
MARTINE.
Qui logeait chez nous quand tu y vins ?
LOUISON.
Oui.
MARTINE.
Qui fut si ravi de te voir ?
LOUISON.
Lui-même.
MARTINE.
Et dont le valet de chambre est encore chez nous à attendre son équipage ?
LOUISON.
Justement.
MARTINE.
Ce Monsieur le Comte ne t’épousera point, ma cousine, il est de qualité.
LOUISON.
Qu’est-ce que la qualité fait, quand on aime bien. Il est ici depuis une heure, et il veut m’emmener avec lui ; conseille-moi, que faut-il que je fasse ?
MARTINE.
Garde-toi bien d’y consentir.
LOUISON.
J’aurais pourtant bien du penchant pour cela, ma cousine.
MARTINE.
Je ne te conseille pas de le faire.
LOUISON.
Tant pis, c’est que tu ne m’aimes pas autant que je t’aime ; et si tu étais à ma place, ma cousine, je te conseillerais tout au moins, d’aller lui parler au bout de la grande allée, où il m’attend.
MARTINE.
Il t’emmènerait.
LOUISON.
Hé ! bien ce ne sera pas ma faute ; car je n’irais moi, que pour lui parler ; et s’il me faisait quelque violence, on n’est pas responsable de cela, ma cousine.
MARTINE.
Voilà son valet de chambre.
Scène IX
LOUISON, MARTINE, LA FLÈCHE
LA FLÈCHE.
Hé bien, avez-vous pris vos décisions ?
LOUISON.
Mon pauvre la Flèche, je suis bien embarrassée.
LA FLÈCHE.
Est-ce la cousine qui vous gêne ? je vais vous en défaire, vous n’avez qu’à dire.
LOUISON.
Non, non, je n’ai rien de caché pour elle, et je lui ai tout dit.
LA FLÈCHE.
Et vous avez tout gâté. Mais enfin viendrez-vous parler à mon Maître ?
MARTINE.
Garde-t-en bien, ma cousine.
LOUISON.
Hé pourquoi ?
MARTINE.
S’il va t’enlever ?
LOUISON.
Viens avec moi, il ne nous enlèvera pas toutes deux ensemble.
MARTINE.
Que fait-on ? ce sont de terribles gens que ces jeunes Officiers, il ne faut s’y fier que de la bonne sorte.
LA FLÈCHE.
Hé bien, en cas qu’il vous enlève, je consens à vous épouser moi.
MARTINE.
Je ne veux point épouser un valet de chambre.
LA FLÈCHE.
Qu’est-ce à dire un valet de chambre ? vous épouserez le cousin de mon maître.
MARTINE.
Comment donc, le cousin de votre Maître ?
LA FLÈCHE.
Hé ! vraiment oui, si Clitandre épouse votre cousine, vous deviendrez la cousine de Clitandre.
MARTINE.
Hé bien ?
LA FLÈCHE.
Et si je vous épouse, ne serai-je pas aussi leur cousin, moi ? il n’y a rien de plus clair, nous serons tous cousins et cousines.
LOUISON.
Il a raison, viens seulement.
MARTINE.
Mais mon frère Colin est allé au-devant de Monsieur le Marquis, s’il nous trouve en chemin...
LA FLÈCHE.
Il ne vous trouvera point, ne craignez rien, les Acteurs du divertissement vont venir répéter ici.
LOUISON.
Il faut donc que nous demeurions, car nous en sommes.
LA FLÈCHE.
On vous fera répéter en particulier, ne vous mettez pas en peine. Je crois que voici votre père, je vais l’amuser un moment, et j’irai tout aussitôt vous rejoindre.
LOUISON.
Au moins venez le plus tôt que vous pourrez, mon cousin.
LA FLÈCHE.
Je suis à vous dans un moment, ma cousine, allez vite. Parbleu ne me voilà pas mal en cousine et en femme ; ne nous hâtons pourtant pas pour le mariage, et allons doucement pour l’enlèvement. Ces sortes d’affaires sont un peu trop délicates pour nous autres ; et pendant qu’on fait le procès du maître, le valet de chambre est pendu par provision ? ne nous embarquons point mal à propos, attendons sans faire semblant de rien le dénouement de l’aventure.
Scène X
THIBAUT, LA FLÈCHE
THIBAUT.
Voila tout notre monde, ou peu s’en faut, qui venons sur mes talons : allons, Monsieur de la Flèche, c’est à ce coup qu’il en faut découdre ; notre Monsieur le Marquis va arriver, j’avons déjà député le neveu Colin au-devant de ly, je voulons, morgué drès qu’il sera venu ly aller faire la révérence en musique.
LA FLÈCHE.
Ce sera fort bien fait, vous avez raison.
THIBAUT.
Nos garçons et nos filles avons tretous mis leurs habits des Dimanches, çà essayons un peu nos petites drôleries tout comme si c’était tout de bon. Mais à propos morgué, qu’a vous fait de ma fille, Monsieur de la Flèche, m’est avis que je vous l’avais baillé en garde ?
LA FLÈCHE.
Oui, je la faisais chanter comme vous m’en avez prié, sa cousine Martine est venue, qui l’a emmenée, elles sont allées quelque part ensemble apparemment.
THIBAUT.
Ces filles avont toujours queuque chose à se dire ; c’est une sotte engeance, on est bienheureux d’en être défait.
LA FLÈCHE.
Oh ! assurément, et on ne peut trop récompenser ceux qui nous aident à nous en défaire même.
THIBAUT.
Oh ! c’est morgué bian dit : mais pourtant comment ferons-je ? car j’avons affaire d’elles.
LA FLÈCHE.
Quelques chanteuses subalternes feront leurs rôles. Les chanteuses d’importance ne se trouvent pas aux répétitions si régulièrement que les autres.
THIBAUT.
Hé bian soit, je commencerons toujours, vela déjà les entrepreneux du divertissement.
Scène XI
THIBAUT, LA FLÈCHE, LE MAGISTER, LE CARILLONNEUR, LE MÉNESTRIER
THIBAUT.
Oh çà, Monsieur notre Magister, par où faut-il que je commencions, s’il vous plaît ?
LE MAGISTER, ivre.
Faut commencer par le commencement, Monsieur Thibaut, et nous finirons par la fin. Je réglerai cela, laissez-nous faire.
LA FLÈCHE.
Monsieur le Magister se porte bien.
LE CARILLONNEUR, ivre.
Vous réglerez ça ! de quel droit, s’il vous plaît ? C’est à moi de régler ; car j’ai fait la Musique, moi, et la Musique...
LE MÉNESTRIER, ivre.
Monsieur le Carillonneur, je ne serai donc qu’un sot, moi qui ai fait la danse ? Est-ce que la danse est une carogne, à votre avis ?
LA FLÈCHE.
Tout votre Opéra est ivre, Monsieur Thibaut, je vous avais bien dit d’y prendre garde.
THIBAUT.
Morgué c’est ce qu’il me semble : mais tatigué qu’est-ce que tout ça veut dire ? Est-ce que je suis un chien, moi qui vous mets en besogne ?
LA FLÈCHE.
Monsieur Thibaut a raison, Messieurs, c’est lui au nom de qui tout se fait, et c’est à ses ordres que vous devez vous soumettre. Allons, voyez, Monsieur Thibaut, à mettre les choses par ordre : vous n’avez qu’à parler, vous êtes le maître.
THIBAUT.
Moi morgué, qu’ils en fassent à leur tête, je sis le maître, vela qui est bien : mais qu’est-ce que ça fait ; je ne sais pas par quel bout m’y prendre.
LA FLÈCHE.
Tant pis, vraiment : s’il est ainsi, votre divertissement ira à tous les diables.
THIBAUT.
Oh ! point, point, vela à propos Monsieur Galoche à qui je vas donner cette commission-là, à moins que vous ne vouliez la prendre.
LA FLÈCHE.
Moi ? Non. Je vous ai donné le sujet, cela suffit. Je n’entends rien au reste.
Scène XII
THIBAUT, LA FLÈCHE, GALOCHE, MÉNESTRIER, LE MAGISTER, etc.
THIBAUT.
Soyez le bian venu. J’avons besoin de vous, Monsieur Galoche, et vous m’avez promis de mettre un tantinet le nez dans nos affaires, morgué, taillez, rognez comme il vous plaira, je ne sommes pas difficiles ; je trouverons tout bian, faites seulement.
GALOCHE.
Volontiers. Mais Monsieur de la Flèche s’acquitterait bien mieux que moi.
LA FLÈCHE.
C’est votre métier, Monsieur Galoche.
LE CARILLONNEUR.
Qu’il ne se mêle que de celui-là, personne n’aura rien à ly dire.
THIBAUT.
Mais à propos, il faudrait que queuqu’un se boutît à la place de Monsieur le Marquis ; car c’est pour ly que la fête se fait.
LA FLÈCHE.
Hé bien, Monsieur le Marquis ce sera l’assemblée.
THIBAUT.
Hé bian que l’assemblée accoute donc mieux qu’il n’accoutera ly-même. Allons, enfant, baillez-nous du meilleur, et que les Ménestriers brimballiont un peu l’ouverture.
LA FLÈCHE.
Et je vais cependant changer d’habit moi, pour notre entrée.
GALOCHE.
Voyons d’abord votre Prologue.
THIBAUT.
Qu’est-ce que c’est que le Prologue ? m’est avis que je n’avons point de ça, Monsieur le Magister ?
GALOCHE.
Vous n’avez point de Prologue ?
THIBAUT.
Non, palsangué, et qu’est-ce qu’un Prologue ?
GALOCHE.
C’est l’essentiel d’un divertissement, qui suit immédiatement l’ouverture, et qui sert de base à plusieurs Actes qui sont mêlés d’intermèdes, ou d’espèces de fêtes qui conviennent au sujet.
THIBAUT.
Vela morgué bian des affaires que j’avons oubliées, Monsieur le Magister. Je vous le disais bian tantôt, Monsieur Galoche, Je n’y charchons point tant de façons, ablativo tout en un tas, j’avons tout mis ensemble. Allons donc, morgué cette ouvarture.
On joue l’ouverture.
THIBAUT.
Que veut celle-ci, par exemple ?
LA NYMPHE chante.
Je sis la Nymphe du Châtiau.
D’un vieux Seigneur l’himeur trop minagère,
Faisait argent de tout ce que j’ons de plus biau,
Aussi me vela faite en Nymphe potagère ;
Mais le nouviau venu ne veut vignes ni bleds.
Il fera de biaux jardinages
De tous nos meilleurs pâturages
En parterre, il boutra nos prés,
Choux et poiriaux seront sablés.
THIBAUT.
Qu’en dites-vous ?
GALOCHE.
Il faudrait là un chœur qui répétât les quatre derniers vers, cela ferait des merveilles.
THIBAUT.
Oh ! cela serait trop biau, Monsieur Galoche, vous en seriez jaloux peut-être.
GALOCHE.
Mais, il nous faut quelque entrée après ce récit.
THIBAUT.
Hé morgué il y en aura aussi, baillez-vous de l’air, vous n’étoufferai pas, Monsieur Galoche.
GALOCHE.
Hé bien quelle danse avez-vous ? voyons.
THIBAUT.
Quelle danse ? palsangoi je fons danser tous les États du Village. Notre Carillonneux danse pour la Justice, notre Ménestrier pour les Dîmes, Monsieur de la Flèche pour la Noblesse, le neveu Colin pour les Bourgeois, ly ; stanpandant ils sont quatre, ça ne fait-il pas le compte, Monsieur Galoche ?
GALOCHE.
Cela doit être fort joli, voyons.
THIBAUT.
Oh ! Il faut que je chante auparavant, s’il vous plaît ; car c’est moi qui fais la harangue.
Il chante.
Monseigneur, tout de même
Que le lait ne vaut pas tant que la crème,
Tout de même il nous est avis
Que vous êtes la crème des Marquis.
Tout le Village, tout le Village
Venons vous rendre leur hommage.
Votre présence, Monseigneur,
Nous boute à tous la joie au cœur.
Allons, à vous, Messieurs le jarret souple.
Marche des Paysans et des Paysannes.
THIBAUT.
Vela du plus fin, Monsieur Galoche, qu’en dites-vous ?
GALOCHE.
Assurément voilà du plus fin ; et nous avons intérêt qu’on ne fasse point de jolies choses si proche d’une Ville où nous avons dessein de nous établir. Je vais rendre compte à mon associé de ce que j’ai vu.
THIBAUT.
Oh ! palsanguenne allez, si cela ne vous accommode pas, on s’en gobarge.
GALOCHE.
Vous avez là encore une symphonie des plus complètes, et à moins que vous ne nous envoyiez votre petite fille Louison nous faire quelques civilités là-dessus, je ne prévois pas que nous laissions passer votre divertissement.
THIBAUT.
Vous envoyer ma fille ? Oh palsangoi si vous attendez après cela, vous attendrez longtemps, Monsieur Galoche.
GALOCHE.
Je vais donc avertir mon associé.
THIBAUT.
Au diable, Monsieur Galoche, au diable. Çà, Claudine...
Scène XIII
THIBAUT, COLIN, LE MAGISTER, etc.
COLIN.
Oh palsangoi, vous chantez-là bian à votre aise ; mais voici d’autres chansons, mon oncle.
THIBAUT.
Qu’est-ce qu’il y a ?
COLIN.
Tatigué vous avez fait de belles affaires.
LA FLÈCHE.
Nous approchons du dénouement.
THIBAUT.
Hé parles donc, neveu, qu’est-ce que tu veux dire ?
COLIN.
N’étais-je pas assez bon pour aller tout seul au-devant de notre Monsieur le Marquis, pourquoi y envoyer ma sœur Martine et la cousine Louison.
LA FLÈCHE.
C’est justement l’affaire, tenons ferme.
THIBAUT.
Ma fille et ma nièce ?
COLIN.
Hé ! morgué oui, votre fille et votre nièce. Oh ! palsanguenne allez, alles sont cause d’un biau grabuge.
THIBAUT.
Explique-toi donc ?
COLIN.
Patience.
LA FLÈCHE.
Comment cela aura-t-il fini ?
COLIN.
Je m’en allais tout bellement au-devant de notre Monsieur le Marquis sur notre grand jument qui est pleine : j’ai trouvé envars ici à l’autre bout de la grande allée un jeune Monsieur que je connais de visage, qui enfarmait Martine et Louison dans une petite charrette de cuir comme dans un coffre.
THIBAUT.
Que veut dire ceci ?
COLIN.
Je leur ai demandé où alles allions : Au-devant de Monsieur le Marquis, m’ont-elles fait. C’est moi qui suis le dépité du Village, ç’ai-je fait ; je sommes les dépitées des filles, m’ont-elles fait. J’alliemes comme ça tout en disputant ensemble : mais ce Monsieur n’aime pas la compagnie, car il m’a sanglé cinq ou six coups de fouet sur les épaules, et il m’a prié brusquement de me retirer. Je n’en ai voulu rian faire ; bref tantia que pour le faite court, je sommes arrivés au détour, où j’avons trouvé nez à nez le carrosse de Monsieur le Marquis. Son premier laquais le cousin la Brie est venu à mon secours avec ses camarades, le Monsieur a tiré l’épée, Monsieur le Marquis est descendu, et moi je les ai laissés tous là qui se battont comme des enragés ; ne voulez-vous pas les venir séparer ?
THIBAUT.
Si je le voulons ? ma hallebarde ?
LA FLÈCHE.
Je n’ai point trop mal fait de demeurer.
COLIN.
Attendez. Vela ma sœur Martine.
Scène XIV
THIBAUT, COLIN, MARTINE, LA FLÈCHE, LE MAGISTER, etc.
MARTINE.
Ne vous alarmez point, mon oncle, ce Monsieur qui enlevait ma cousine, ne l’enlevait que pour l’épouser, c’est un des meilleurs amis de notre Monsieur le Marquis, et son neveu, je pense. Ils viennent tous d’entrer au Château, où ils disent que vous alliez les trouver, pour leur donner ce petit divertissement que vous avez préparé.
THIBAUT.
Hé morgué je n’ons pas encore répété. Ils venont trop tôt, qu’ils se donniont patience, j’allions voir comment ça ira. Allons, Claudine, courage, et trémoussons-nous bien tretous d’importance.
Chanson de CLAUDINE.
Je vivons sans inquiétude,
Je prenons le temps comme il vient.
Je ne sons coquettes, ni prudes,
Mais, j’aimons bien quand l’amour nous tient.
Je nous font une habitude
D’être joyeux soir et matin ;
Rire et chanter c’est toute notre étude,
Et si j’ons peu d’esprit ; du moins, j’ons bon instinct.
Entrée.
Chanson de Thibaut et de Pierrot.
PIERROT.
La bonne chose que le vin,
Morgué se peut-il qu’on s’en lasse ?
Avec un verre à la main
On a toujours bonne grâce.
La bonne chose que le vin,
Morgué se peut-il qu’on s’en lasse ?
THIBAUT.
Qui s’en lasse est un vilain,
Je bois toujours à pleine tasse,
Et je n’en répands jamais brin.
La bonne chose que le vin,
Morgué se peut-il qu’on s’en lasse ?
PIERROT.
À la santé de Catin,
Elle en deviendra plus grasse.
THIBAUT.
Volontiers.
PIERROT.
Allons.
THIBAUT.
Tope.
PIERROT.
Masse.
TOUS DEUX.
La bonne chose que le vin,
Morgué se peut-il qu’on s’en lasse ?
Entrée.
Chanson de pierrot et de Claudine.
PIERROT.
Tant que l’y aura des vignes, et des vignerons,
L’y aura de la vandange et des biberons.
CLAUDINE.
Tant que l’y aura des filles, l’y aura des garçons.
PIERROT.
Morgué vive les vignes et les vignerons.
CLAUDINE.
Vive aussi les filles, vive aussi les garçons.
ENSEMBLE.
Les uns pour les autres, tretous je vivons.
Et jamais par faute je ne chômerons.
PIERROT.
Morgué, vive les vignes et les vignerons.
CLAUDINE.
Vive aussi les filles, vive les garçons.
Entrée.
LA FLÈCHE.
Ma foi, vivat, monsieur Thibaut.
THIBAUT.
Ça n’est peut-être pas trop biau, mais c’est à ce factotum de Monsieur Galoche qu’il faut s’en prendre.