L’Oiseleur et le pêcheur (Pierre CARMOUCHE - Ferdinand LALOUE - Joseph-Xavier Boniface SAINTINE)
Sous-titre : la bague perdue
Vaudeville en un acte.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Variétés, le 10 août 1822.
Personnages
LE PÈRE LAGLU, dénicheur et marchand d’oiseaux
BARBILLON, pêcheur
FINOT, fils de Laglu
TOINETTE, fille de Barbillon
BOURDON, carillonneur
UN PAYSAN
VILLAGEOIS
Le théâtre représente une place de village, des maisons de chaque côté, la rivière dans le fond, et sur la gauche, une petite montagne qui conduit à l’extrémité de la terrasse du château.
Scène première
BOURDON, sa caisse sur l’épaule, descend la petite montagne du fond
Ma foi, je m’ennuie d’être là haut sur ce belvédère du château... depuis trois heures, je suis là le nez en l’air pour voir passer le courrier ordinaire de monsieur le baron ; je ne me suis cependant pas trompé.
Il tire un papier de sa poche.
« Bourdon se lèvera demain avant l’aurore, et ira au belvédère attendre la colombe qui doit rapporter à son cou une bague de diamant, signal heureux de mon mariage et de mon bonheur ».
P. S. Deux louis pour Bourdon. C’est très bien, mais je veux mourir si depuis ce matin j’ai vu autre chose que des hirondelles ; c’est comme un fait exprès, quand ce diable de pigeon n’apporte que des poulets, il est d’une exactitude... et aujourd’hui qu’il m’apporte deux louis !... Il n’y a cependant pas de danger qu’un semblable postillon perde son temps au cabaret.
Air : De Marianne.
Volant toujours à tire d’aile,
Messager d’un sincère amant,
Toujours discret, prompt et fidèle,
Il revient à nous promptement.
Et fendant l’air
Comme l’éclair,
Au point du jour il reparût hier ;
Mais malgré moi de ce retard
J’augure ici quelque fâcheux hasard.
L’Oiseleur.
Je crains pour lui mainte anicroche,
Car quelque chasseur sans amour
A peut-être mis en ce jour
Le facteur à la broche.
Scène II
BOURDON, VILLAGEOIS, VILLAGEOISES, MUSICIENS
CHŒUR.
Air : De la Montagnarde.
Le plaisir nous engage,
J’ quittons notre village
Pour fêter l’ mariage
Qu’on va faire c’ matin.
BOURDON.
Ça n’ sera p’t êtr’ pas de même
Qu’à la noce de Germain,
Où l’on sonna l’ baptême
Le lendemain
D’ l’hymen.
CHŒUR.
Le plaisir, etc.
BOURDON.
Eh ! mes amis vous êtes de parole... vous venez pour le carillon du mariage de Finot avec la petite Toinette ; je serons vot’ tambour major et vot’ chef d’orchestre.
Air : Je loge au quatrième étage.
J’avons deux genr’s d’industrie,
D’abord j’ somm’s tambourineur ;
Et quand un queuqu’ z’un se marie,
De la paroisse j’ sis sonneur.
J’ sis précieux pour les ménages,
Et mes talents sont ben r’connus ;
La veille j’ sonn’ les mariages,
Le lend’ main les objets perdus.
Allons, en avant vous autres, et en mesure.
Il chante avec le chœur en s’accompagnant de son tambour.
Air : Au p’tit point du jour.
Nous venons ici fêter
Un nouveau mariage.
En mesure il faut chanter,
Valser,
Nous trémousser.
Toinette et Finot
J’ souhaitons qu’ l’hymen qui vous engage,
Nous donne un marmot
Comm’ vous dispos, frais et rougeot.
Scène III
LAGLU paraît à sa fenêtre à droite, BARBILLON, à sa fenêtre à gauche
Les Musiciens jouent une aubade de village.
BARBILLON.
Qu’eu tintamarre, qu’est-ce qu’ils font donc là bas.
LAGLU.
Ah ! ben, mes amis, c’est très joli !... V’là un charivari qui vous fait honneur.
UN PAYSAN.
Bonjour, père Laglu, et vous pareillement, monsieur Barbillon.
BOURDON.
C’est pour le mariage de vos enfants.
BARBILLON.
Est-ce qu’il y a besoin de faire tant de train.
LAGLU.
C’est bien, messieurs, nous sommes ben reconnaissants, et nous vous invitons tous à la noce.
TOUS.
Ah ! ben obligés...
BARBILLON, à part.
Qu’est-ce qu’il dit ?... il veut donc se ruiner, le père Laglu ? Oui, mes enfants, vous êtes tous invités à l’église.
LAGLU.
En attendant, vous allez vous rafraîchir, n’est-ce pas ?
BOURDON.
Ça n’est pas de refus.
BARBILLON.
Est-ce que vous trouvez qu’il fait chaud aujourd’hui ? c’est le vent du nord...
BOURDON.
Oui, mais voyez-vous une symphonie ça altère.
BARBILLON.
Allons, mes amis, puisqu’il faut absolument vous rafraîchir, entrez,
Bourdon, les villageois vont pour entrer chez le père Barbillon
entrez chez le père Laglu.
Ils vont pour entrer chez Laglu.
LAGLU.
Eh ! eh ! un moment, mes enfants, ce serait avec bien du plaisir...
BARBILLON.
Le père Laglu a une cave superbe.
LAGLU.
Superbe, oui, mais il n’y a dedans que du lard et des légumes.
FINOT, paraissant à la fenêtre au-dessus de son père.
Bonjour, mon père.
LAGLU, levant la tête.
Ah ! ah ! te voilà Finot... vous vous levez ben tard ; est-ce qu’un jour de mariage...
FINOT.
Ah ! j’ vas vous dire... j’ viens d’ préparer mon costume de noce, je l’ai retiré de la vieille malle et j’ lui fais prendre l’air à cause des papillons.
BARBILLON, appelant au-dessus de sa tête.
Toinette ! Toinette !
TOINETTE.
Me v’là, me v’là, bonjour père et la compagnie, bonjour monsieur Laglu, bonjour Finot...
FINOT.
Bonjour, mon épouseuse.
LAGLU, lui tendant la main de sa fenêtre.
Bonjour, ma fille, bonjour.
UN JEUNE GARÇON, venant près de la maison de Laglu.
Dis donc Finot, veux-tu m’ prendre pour le premier garçon d’la noce.
LES AUTRES.
Non, non, c’est moi.
LAGLU.
Est-ce que ça se peut, vous vous mettez quinze pour faire le premier garçon.
UN GARÇON.
Ah ! cependant tu m’avais bien dit que c’était moi... j’sis ben sûr que j’aurais la jarretière.
LAGLU.
Pardi, un gaillard comme ça qui monte au mât de cocagne.
FINOT.
Du tout du tout, y a pas d’ dispute à avoir ; la mariée n’en aura pas... là...
LAGLU.
Mes enfants... on dînera à midi, dans le grand genre... Ah ! ça il faut s’occuper du dîner. Finot allez tendre mes filets du côté de la coupée de chanvre.
BARBILLON.
Puisqu’il faut absolument leur donner un repas, Toinette va préparer la senne et les gros hameçons.
LES ENFANTS.
Oui papa.
Ils se retirent de la fenêtre.
BOURDON.
Dans tout ça, il paraît qu’il faut s’en aller à sèche.
LAGLU.
Comment vous en aller ? du tout, vous pouvez rester... si vous n’avez pas affaire.
BOURDON.
Nous nous rattraperons ce soir, mais c’est tout d’même ben ennuyant.
TOUS.
Oui, c’est ennuyant.
Ils reprennent le chœur en s’en allant.
Le plaisir nous engage, etc.
Ici, les amants paraissent chacun sur le seuil de sa porte, ils portent des filets et un panier, les pères ferment leur fenêtre.
Scène IV
FINOT, TOINETTE
FINOT.
Dis donc, Toinette !... hé ! hé !
TOINETTE.
Quoi Finot ! oh ! oh !
Ils se rapprochent un peu.
FINOT.
Dis donc, Toinette, est-tu contente ?
TOINETTE.
Oh ! jarni et toi ?
FINOT.
Jarnigoi j’ sis aussi joyeux que la première fois que je t’embrassis dans la saulée là-bas...
TOINETTE.
Qué bonheur, dis donc, de demeurer toujours ensemble... depuis l’ matin jusqu’au soir...
FINOT.
Oui...et depuis l’soir jusqu’au matin.
Sautant.
Ahais ! ahais ! il me semble que j’y suis déjà... mon cœur joue du violon.
TOINETTE.
Et moi je danse déjà en dedans.
FINOT.
Air : Ah ! si ma dame me voyait.
D’puis cinq mois que j’ sis ton amant,
Toinette tu fus si sauvage,
Que le jour de not’ mariage
À mon cœur tardait joliment. (bis.)
J’ te d’mande qu’un p’tit baiser bien tendre
Acompt’ sur c’ mariage là.
Toinett’ veux-tu m’ l’ laisser prendre.
Parlé.
Allons, dis qu’oui.
TOINETTE.
Un’ jeun’ fille, n’ doit pas dir’ ça... (bis.)
Finot l’embrasse.
FINOT.
Deuxième Couplet.
J’ l’avons promis à mon parrain,
D’ mon amour tu s’ras satisfaite ;
Et pour aimer ma p’tite Toinette
J’n’irons pas chercher le voisin. (bis.)
De moi tu s’ras toujours chérie,
J’ te s’rai fidèl’ je le sens là ;
Le s’ras tu comm’ moi, p’tit’ amie.
TOINETTE.
Un’ jeun’ fill’ n’ doit pas dir’ ça. (bis.)
FINOT.
J’entends mon père ... et les filets que j’oubliais... sauvons-nous.
Scène V
FINOT, TOINETTE, LAGLU, arrivant des plantes à la main
LAGLU.
Vous êtes encore là, monsieur le drôle, et le dîner.
FINOT.
V’là que j’ m’en va le chercher ; c’est que voyez-vous, Toinette... les oiseaux... j’en d’ viens bête.
Scène VI
LAGLU, seul
Ces pauvres enfants, sont-ils gentils ? Ca fera un fameux couple... le père Barbillon est un avare, il doit être riche ; je n’ai pas le sou... cela m’arrange très fort ; nous mettrons ca dans les mariages d’inclination, et tout sera dit... justement le voilà.
Scène VII
LAGLU, BARBILLON
BARBILLON.
Ah ! voisin, j’allais chez vous.
LAGLU, avec importance.
Je viens d’herboriser, voisin, comme vous voyez.
BARBILLON.
Vous vous occupez toujours à chercher des brins d’herbes.
LAGLU.
Oui, je possède une petite botanique de volière, à l’usage des oiseaux.
BARBILLON.
Ah ! ah !
Regardant les plantes.
Voilà, du millet, du mouron.
LAGLU.
Du tout, du tout, Panicum miliaceum, anagallis, arvensis.
BARBILLON.
C’est du mouron, ben sûr.
LAGLU.
Anagallis !... Est-ce que monsieur de Buffon m’aurait jamais dit : va me chercher du mouron pour les oiseaux, il me disait : pater Laglusis, va me cherchare anagallis, pour les moignotis... et cœteratis, et cœtoratis.
BARBILLON.
Comment, vous connaissez donc le latin ?
LAGLU.
Pas particulièrement ; mais j’en ai beaucoup entendu parler chez monsieur de Buffon, où...
BARBILLON.
Causons de nos affaires avant la noce, il faut savoir un peu ce que nous donnons à nos enfants.
LAGLU.
Ce que c’est que la sympathie, j’y songeais, car voyez-vous une dot, il n’y a que ça qui fait les bons ménages ; qu’est-ce que vous donnez à votre fille ?
BARBILLON.
Air : De Julie.
Elle a déjà r’çu pour partage
De jolis yeux et d’ la vertu,
Un joli pied, le plus charmant corsage,
Des sentiments, un bras dodu...
Un petit menton de chanoine.
LAGLU.
Pour peu qu’ j’en donne autant d’ mon côté,
Ils s’ront bien sûrs en vérité,
De n’ pas manger leur patrimoine.
BARBILLON.
Ça ne se borne pas là, je lui donne encore, mais pas toute entière...
LAGLU.
Ah ! aussi, je disais...
BARBILLON.
Je lui donne une partie... c’est-à-dire, l’espace d’un quart de lieue... je lui donne toute la rive droite de la rivière...
LAGLU.
Comment, mon cher Barbillon, est-ce que vous auriez des terres situées sur la rive droite... n’est-ce pas ce petit coteau ?...
BABILLON.
Vous ne m’entendez pas, je lui donne tous les poissons qui sont dans cet espace là ; quant aux filets pour les prendre... elle sait en faire.
LAGLU.
Ah ! ah ! c’est d’un bien bon père... vous voulez sans doute par là, lui faire entendre qu’il faut travailler pour vivre, que la rivière coule pour tout le monde, qu’il y a là dedans à boire et à manger, à prendre et à laisser.
BARBILLON.
Ça coule de source.
LAGLU.
Enfin, c’est un bien allégorique.
Avec fierté.
Moi, mon ami, je ne prétends pas rabaisser la dot de votre fille, mais je donne à mon fils une superbe collection d’oiseaux rares et curieux... tels que : le perroquet de Madagascar, le héron des Florides, le colibri des Indes, le rossignol d’Arcadie, etc. et puis des oiseaux de table, tels que des mauviettes, une grande quantité de pinsons, de bouvreuils, de roitelets, de pierrots, de fauvettes, de chardonnerets, ce qui rentre encore dans les mauviettes, mais s’ils sont gras, on en peut faire des ortolans très facilement... en fait d’oiseaux, voilà à peu près tout ce que je donne à mon fils.
BARBILLON.
C’est déjà bien gentil.
LAGLU.
Je ne pouvais pas faire moins, pour répondre à l’honneur de la vôtre ; quant à la manière dont il les attrapera, ça le regarde... s’il peut les prendre au vol, tant mieux ; en outre de cela je lui donne une partie de mes appâts... dix livres de glu, et je crois que c’est bien honnête.
BARBILLON.
Air : Tout le long, le long, etc.
Vot’ dot vraiment n’est pas l’ Pérou.
LAGLU.
La vot’ ne vous coût’ pas un sou.
BARBILLON.
À vot’ fils vous donnez, morguenne,
Les oiseaux qui sont dans la plaine.
LAGLU.
Vous n’êt’s pas plus généreux j’ crois.
BARBILLON.
Songez donc qu’ vot’ filș grâce à moi,
Trouv’ra chaqu’ jour un’ rente viagère,
Tout le long, le long, le long de la rivière.
LAGLU.
Nos enfants s’aiment, ils possèdent la plus belle richesse.
BARBILLON.
C’est vrai, alors, nous allons donc appeler le notaire ?
LAGLU.
D’après les dots respectives, je crois que cela devient inutile.
BARBILLON.
Quelles que soient les propriétés, entre honnêtes gens, la parole suffit...
LAGLU.
J’ vas relever mes filets ; je reviendrai rapporter ce qu’il y aura pour le premier service... vous, père Barbillon, occupez vous de la friture.
BARBILLON.
Oui, soyez tranquille, c’est comme si elle était dans la poêle.
Laglu sort par le fond.
BARBILLON, seul.
Enfin, v’là une fameuse affaire de terminée, toujours...qu’il est doux pour un père de faire le bonheur de sa fille, sans qu’il lui en coûte une centime.
Scène VIII
BARBILLON, FINOT, TOINETTE
TOINETTE.
Papa, papa, l’épervier et la senne sont préparés.
FINOT.
Tiens, ous qu’est donc mon père ?
BARBILLON.
Il est allé relever ses trébuchets et ses lacets ; toi, ma fille, va mettre tes beaux affiquets, v’là les violons qui vont arriver.
FINOT.
Moi, j’ vas mettre mon habit de noce, c’est-à-dire, celui de papa, car c’est avec celui-là, qu’il a épousé maman.
TOINETTE.
Air : Dam’, il fallait me voir danser.
Nous allons bientôt danser,
Et nous trémousser.
BARRILLON.
Mais faut vous presser.
FINOT.
Oh ! comme nous allons danser,
Et nous trémousser.
Tu verras mes bonds
Et mes rigaudons,
Et mes petits pas
Et mes entrechats.
J’veux sauter si haut,
Qu’on dira Finot
Ensemble.
Est celui qui sait l’ mienx danser
Et se trémousser.
BARBILLON, TOINETTE.
Mais faut { vous presser,
{ nous
Ça va commencer.
Barbillon, Toinette et Finot rentrent chacun chez eux ; Laglu paraît dans le fond, et les laisse sortir avant de s’avancer.
Scène IX
LAGLU, seul, arrive triste et rêveur
Personne ne me suit ?... Personne ne m’a vu ? non... voyous ma proie.
Il découvre un pigeon qui a autour du cou une faveur à laquelle est une bague.
Un diamant magnifique attaché au cou de cet innocent individu... comme il brille !... M’ v’là donc riche, enfin.
Montrant la colombe, considérant son diamant avec un mouvement de peur.
Hein ! qui va là ? Personne, j’ m’en vas bien vite aller à la ville pour le vendre, et puis... si j’achetais un cabinet d’histoire naturelle... du tout... ce serait une mauvaise spéculation... j’aime mieux la placer sur ma tête... mais on vient... renfermons vite mon pigeon dans la cage, mon secret dans mon cœur, et mon diamant dans ma poche.
Scène X
BARBILLON, LAGLU
BARBILLON.
Ah ! ah ! c’est vous voisin, eh ! ben, le premier service est il attrapé ? Il faut qu’il soit bon, car s’ils ont aussi faim qu’ils avaient soif, toutes les mauviettes du département y passeront ; c’ matin, j’ai cru qu’ tous les gens d’ la noce avions la pipie.
LAGLU, distrait.
Plaît-il ? ah ! la pipie ? j’ vous demande excuse, mon ami, c’est que je ruminais...
BARRILLON.
Ruminez, si ça peut vous faire plaisir, mais c’te noce.
LAGLU, regardant son diamant.
C’te noce, comme il brille, je n’y vois que du feu.
BARBILLON.
Il faudrait que nous nous dépêchissions.
LAGLU.
On y pensera, bon homme.
BARBILLON.
Tiens, c’ ton, bon homme, vous même, entendez-vous ? C’est qu’ vous avez un air...
LAGLU.
J’ai un air ?... Qu’ voulez vous que j’y fasse, j’ai toujours eu cet air là, l’air d’un naturaliste... mais voisin, que vaut le terrain dans ce pays-ci ?
BARBILLON.
Le terrain ? eh ! bien, qu’est-ce que ça vous fait ? Est-ce que vous êtes chargé...
LAGLU.
Si je vous le demande, c’est que j’ai mes raisons à moi connues.
BARBILLON, à part.
Est-ce qu’il serait devenu riche tout-à-coup, ou si c’est encore queuq’ lubie qui lui passe.
LAGLU.
Père Barbillon, j’ai réfléchi sur le mariage projeté. Dites moi, si vous étiez à ma place, donneriez-vous pour beau-père à vot’ fils, un simple pécheur, qui ne donne pour dot à sa fille, que de l’eau claire ; vous avez trop de bon sens pour vous allier à une famille !... de naturalistes, enfin, qui pourrait rougir de vous, et vous faire des affronts en société... le dimanche au cabaret.
BARBILLON.
Ah ! ça, il est bien possible que vous ne vouliez pas... un mariage annoncé à tout l’ village !...
LAGLU.
Eh ! ben, on dira : retardé par indisposition.
BARBILLON.
Mon dieu, mon dieu, ma pauvre Toinette, allez, vous êtes un vaniteux.
LAGLU.
Vaniteux ! que diable ! soyez donc raisonnable, j’ vous demande, c’ que c’est qu’un pécheur ? À quoi ça mène-t-il ? Vous êtes de là une journée entière...
Il imite la posture d’un homme qui pêche.
Comme ça...
BARBILLON.
Vous croyez que j’ai l’air si bête que ça ?
LAGLU.
Parole d’honneur, et puis au bout du compte, crac ! qu’est ce que vous retirez, un goujon ! C’est pas un état.
BARBILI ON.
J’ vous d’mande excuse... c’était celui d’ mon père et d’ mon grand-père.
LAGLU.
Alors vot’ père et vot’ grand-père étaient des gens sans état.
BARBILLON.
Ça, c’est trop fort.
Scène XI
BARBILLON, LAGLU, FINOT, TOINETTE, en grande toilette, sortent chacun de leur maison
LAGLU, à Finot.
Vous, monsieur, mon fils, j’ voudrais ben savoir si c’est aujourd’hui dimanche, pour que vous vous incorporassiez mon habit d’ noce ; vous voulez donc finir par l’user ?
FINOT.
Papa, c’est vous qui...
LAGLU.
J’ vous demande si c’est aujourd’hui dimanche.
FINOT.
Ah ! ça, est-ce qu’il me prend pour un calendrier, papa ?
LAGLU.
Va r’mettre ta veste !
TOINETTE.
Comment, vous voulez qu’il m’épouse en veste ?
BARBILLON.
Allons, dites leur tout d’ suite qu’ la tête vous a tourné et qu’ vous n’ voulez plus les marier... avec vot’ veste et vos dimanches.
FINOT.
Ah ! ça papa, pas de farces comme ça...
LAGLU.
Paix !
TOINETTE.
Ah ! mon pauvre Finot, c’est affreux !
FINOT.
Air : De l’Écu de six francs.
Ah ! quel malheur ! ah ! quel dommage,
Nous avions si bien commencé...
Bon dieu ! rompre ainsi c’ mariage,
Qu’était pourtant ben avancé. (bis.)
J’ons tant d’ chagrin, j’ons tant d’ colère
Que si vous n’arrangez tout ça,
Un de ces jours on me r’trouvera,
Dans les filets de mon beau-père.
BARBILLON.
N’allez pas faire une chose pareille, ça les abîmerait. Dieu du ciel ! c’est y possible qu’un véritable père fasse des sottises semblables.
Enfonçant son chapeau sur sa tête, et allant vers Laglu.
J’ vous l’ dis, c’est une infamie !
LAGLU, froidement.
Vot’ chapeau est de travers.
BARBILON.
Je l’ sais bien, c’est parce que j’ suis en colère aussi.
LAGLU.
Alors, il est très bien.
BARBILLON.
C’est indigne ! c’est affreux ! Mam’selle ma fille, rentrez à la maison, et plus vite que ça.
Barbillon sort, Toinette rentre chez elle.
Scène XII
LAGLU, FINOT, qui veut s’en aller
LAGLU, le retenant.
Arrête !
FINOT, résistant.
Non, c’est trop vexant, tout ça.
LAGLU, d’un ton d’autorité.
Finot, ici, vous dis-je, qu’est-ce que c’est donc que ça imbécile, est-ce que tu crois que je ne connais pas mon métier de père, est-ce qu’il n’y a pas assez longtemps que je l’exerce. Si je te fais de la peine, c’est parce que je t’aime ; si je t’empêche d’épouser celle que tu aimes, c’est pour ton bonheur.
Mystérieusement.
Sais-tu que je vas devenir, nigaud, peut-être, l’homme le plus puissant du pays.
FINOT.
Bah ! pas possible ! Le plus puissant, vous ne m’avez pas l’air d’en prendre le chemin.
LAGLU.
V’là les bêtises ; pour l’instant il s’agit de bien autre chose, veux-tu épouser la fille du bailli ?
FINOT.
Pourquoi faire ?
LAGLU.
Pourquoi faire ?... aimes-tu mieux la fille du receveur ?... parles...
FINOT.
La fille du receveur ?... bah !... il n’en a pas...
LAGLU.
C’est égal !... C’est pour dire que quand on est riche...
FINOT.
Ah ! ça, papa... dites-moi donc, êtes-vous ben sûr qu’on ne vous a pas jeté un sort ? Vous ne voyez pas devant vous des papillons noirs...
LAGLU.
Devant moi, je vois une bête bien plus grosse.
FINOT.
J’étais bien sûr qu’il y avait queuque chose.
LAGLU.
Tu n’ sais donc pas que not’ fortune est faite... j’ai trouvé un trésor... tiens, imbécile, regarde.
FINOT, étonné.
Oh ! dieu ! qu’est-ce que c’est que ça ?
LAGLU.
Air : Que m’importe ma liberté.
Tu ne vois pas, jeune imprudent,
Les trésors que c’ bijoux renferme,
On y peut trouver cependant,
Un grand clos, une belle ferme,
Des coteaux d’ vigne, un’ rich’ moisson,
Et des troupeaux de toute sorte.
Parlant.
Des bœufs, des vaches.
FINOT, qui a regardé le diamant bien attentivement.
Si j’y vois seul’ment un mouton,
J’veux ben que le diable m’emporte.
FINOT, prenant le diamant.
Comment, c’est ce petit morceau de verre là qui cause le malheur de Toinette et le mien, qui a tout culbuté votre caractère.
LAGLU.
Je t’ai dit que je ne voulais pas que tu épouses une fille qui n’a rien.
FINOT.
Vous m’ostinez ! il arrivera queuq’ malheur.
Il s’éloigne.
LAGLU, courant après lui.
Il arrivera ce qu’il voudra, rends-moi ma bague.
FINOT, sur le bord de la rivière.
Non, vous n’ l’aurez pas.
LAGLU, stupéfait.
Fils rebelle !!! veux-tu ?...
FINOT.
Toinette sera-t-elle madame Finot ? une fois ?...
LAGLU.
Non !...
FINOT.
Deux fois ?...
LAGLU.
Non !...
FINOT jette le diamant dans la rivière.
Vous m’y forcez ?...v’lan ! eh ! ben du moins j’ n’épouserai pas la fille du Bailli.
LAGLU.
Récitatif.
Ô ciel ! ô ciel ! n’ai-je pas la berlue,
Au fond des flots ma bague est descendue.
Air : Je suis d’une colère. (Fragment de l’ouverture de Panurge.)
Mon château, mon troupeau,
Ma fortune est à veau l’eau,
Tout est tombé, (3 fois), dans l’eau ;
Malheureux ! malheureux !
Fuis de mes yeux.
FINOT, revenant doucement.
Mon père !
LAGLU.
Va-t’en !
FINOT.
Mon papa !
LAGLU.
Va-t’en, si tu n’ veux pas attirer sur toi...
FINOT.
Eh ! ben, ça m’est égal... j’avoue que j’ l’ai ben mérité... Frappez si vous voulez... mais j’aime Toinette, v’là ce que vous ni personne au monde ne pourra empêcher. Vous aviez encouragé c’t amour là... m’ôter Toinette, c’est m’ôter la vie...et vous n’ pouvez le vouloir, vous, qui êtes si bon père. Je sens mes torts, je ne devais pas vous faire de la peine, c’est mal, très mal, car vous pouviez faire de moi c’ que vous vouliez, puisque vous m’avez élevé, que vous m’avez éduqué et nourri... si ma pauv’ mère vivait encore elle s’ mettrait avec moi pour vous consoler.
LAGLU, avec sensibilité.
Pauvre Simonnette !...
FINOT.
Vous ne m’en voudriez déjà plus... elle m’aimait tant... ma pauv’ mère... vous l’aimiez tant... j’ai fait là une vilaine action... mais j’ vous demande pardon à genoux... qu’ je n’ perde pas à la fois et Toinette et mon père.
Laglu paraît vivement attendri et s’essuie les yeux.
FINOT, se jetant dans ses bras.
Ah ! je le vois... la nature vous a parlé.
LAGLU.
J’ crois bien... si la nature ne me parlait pas... à un naturaliste. Ô nature tu fais tout ce que tu veux de moi !... j’oublie tes torts, bien plus Finot, t’épouseras Toinette.
FINOT.
C’est-y possible, mon bon petit papa !
Ici l’on voit Barbillon traverser le théâtre ; il porte ses filets dans lesquels se trouve du poisson et porte un gros brochet par les yeux. Il rentre chez lui sans regarder ni Finot ni Laglu.
FINOT, transporté.
Air : Comme ça vient, comme ça passe.
Quel plaisir, quelle ivresse :
Enfin, nous allons être heureux ;
J’épous’rons ma maîtresse,
J’ sis au comble de tous mes vœux.
Descends donc de là haut,
Viens donc ici, ma p’tit’ Toinette,
Descends donc de là haut.
TOINETTE, arrivant.
Quoi, vous riez, monsieur Finot ?
FINOT.
Va, j’avons d’ quoi, j’arnigoi.
TOINETTE, pleurant.
Pleurez tout d’ suite avec moi.
FINOT, sautant de joie.
Nous pouvons tout espérer.
TOINETTE.
Nous n’avons plus qu’à pleurer.
FINOT.
Riez !
TOINETTE.
Pleurez !
FINOT.
Enfin, nous sommes mariés !
TOINETTE.
Quoi, nous sommes mariés.
Est-ce ben vrai, monsieur Laglu, vous consentez ?...
FINOT, appelant.
Monsieur Barbillon, monsieur Barbillon.
TOINETTE.
Mon père mon père !
FINOT.
Nous y là donc remariés.
LAGLU.
Oui, en secondes noces depuis ce matin.
FINOT.
Allons trouver monsieur Bourdon, pour l’y dire de recarillonner notre mariage.
FINOT et TOINETTE.
Quelle plaisir, quelle ivresse, etc.
Ils sortent.
Scène XIII
LAGLU, seul
Les v’là donc mariés, enfin... j’en suis pas fâché mainte nant... et puis un bon père doit faire le bonheur de ses enfants ; Ah ! voilà le cher voisin, il a encore son chapeau de travers, il faut le prendre par la douceur.
Scène XIV
LAGLU, BARBILLON, sortant de sa maison
BARBILLON, à part.
Faut avouer que c’est ben drôle... il y a trente ans que je pêche, et c’est la première fois que ça m’arrive... j’ai t-y été étonné en ouvrant ce diable de brochet... j’en ai encore les yeux troublés... je peux ben dire que j’ai fait là un bon coup de filet.
LAGLU.
Eh ! bien, voisin, qu’avez-vous donc, vous avez l’air tout je ne sais comment ?
BARBILLON.
Je rumine...
LAGLU.
Eh bien, moi, je ne rumine plus... comment, vous ne vous êtes pas aperçu que je voulais rire un instant.
BARBILLON.
Ah ! vous avez voulu rire... eh ! bien, moi je ne ris plus.
LAGLU.
Allons, papa Barbillon, oublions ce qui s’est passé...
BARBILLON, à part.
Je n’ose pas ouvrir ma main, à cause des éblouissements...
Haut.
Se conduire comme ça, parce qu’on a de la fortune... ah ! ça, vous êtes donc bien riche ?
LAGLU.
La fortune, c’est quelque chose... mais la nature a sa voix... la nature parle...
BARBILLON.
Oui, mais vous vous bouchez joliment les oreilles pour ne pas entendre.
LAGLU.
Pour ne pas entendre... moi qui ai écouté, il n’y a qu’un instant, tout ce qu’elle a pris la peine de me dire...
BARBILLON.
Eh ! ben, si vous êtes fortuné, moi, je suis riche... je suis peut-être plus riche que vous, qui faites votre embarras... je peux acheter du terrain...
LAGLU.
Moi, j’y ai renoncé.
BARBILLON.
Vous ne savez donc pas que j’ai un trésor...c’est-à-dire que j’ai deux trésors... parce que ma fille est un trésor...
LAGLU.
Je crois que mon fils peut bien passer pour un trésor aussi...
BARBILLON.
Je suis plus paternel que vous ; je donne tous mes trésors à votre fils, pour qu’il rende ma Toinette heureuse... voyez vous, moi je sais ce que c’est que d’être père... c’est pas de la vanité qu’il faut pour ça, c’est des entrailles... je donne tout, je sacrifie tout, me je saigne pour ma fille...
LAGLU.
C’est bien, père Barbillon, vous me rappelez un oiseau qui se déchire les flancs, pour... donnons-nous la main...
BARBILLON.
Vous voyez ben que la fortune ne me rend pas fier.
LAGLU.
Ça vous est donc venu comme un champignon ?
BARRILLON.
Je vas vous dire, c’est un évènement.
On entend les cloches qui carillonnent.
Scène XV
LAGLU, BARBILLON, FINOT, TOINETTE
FINOT.
Ah ! ah ! nous l’avons trouvé le père Bourdon... entendez-vous les cloches ?
LAGLU.
Mes enfants, inclinez-vous devant ce respectable Barbillon... je te dis de t’incliner toi... plus bas... bien... ce digne père te donne aujourd’hui deux trésors, d’abord Toinette, considérée comme trésor, quant à l’autre, il est convenu qu’il nous le fera voir, et le plutôt est le meilleur...
BARBILLON.
C’est une bague superbe en diamant, que j’ai trouvée dans un brochet... tenez !... La v’là !!!
LAGLU et FINOT.
Air : Quoi, c’est monsieur Menu.
Quel est mon étonnement ?
Vraiment,
C’est { mon diamant.
{ son
BARBILLON.
Qu’est-ce qu’il chante là ! J’ l’ai trouvé dans un brochet.
LAGLU.
J’ vous dis qu’ c’est à moi, j’ l’ai trouvé au cou d’une colombe.
BARBILLON.
Au diable, c’est à moi.
LAGLU.
Il est à moi !
BARBILLON.
Vous ne l’aurez pas !
LAGLU.
Je le r’aurai.
BARBILLON.
Non.
Ils vont pour se jeter l’un sur l’autre, roulement de tambour.
Scène XVI
LAGLU, BARBILLON, FINOT, TOINETTE, BOURDON, suivi de tous LES VILLAGEOIS
BOURDON, battant du tambour.
Air : Et voilà comme tout s’arrange.
Un pigeon, porteur d’un diamant,
S’étant égaré dans sa route,
Queuqu’ villageois ben lestement,
L’aura mis dans un’ cag’ sans doute ;
Mais comm’ ce diamant perdu,
Est à son maître qui le r’demande !
De par la loi, qui l’a voulu,
Demain le voleur s’ra pendu ;
Puis ensuite il paiera l’amende.
Roulement de tambour.
BARBILLON, à Laglu.
Tenez, le v’là vot’ diamant.
LAGLU.
Non, pas, il est à vous, puisque vous l’avez trouvé dans un brochet.
Barbillon le suit pour le lui faire accepter.
BOURDON, continuant.
Même air.
Mais si queuqu’ bourgeois du canton
Ayant rencontré par mégarde,
Et le diamant et le pigeon,
Les tient seul’ment sous sa garde,
À vous ici l’on fait savoir,
Que l’ baron par reconnaissance,
S’il les rapporte avant ce soir,
À sa table le fait asseoir,
Avec une bonne récompense.
Roulement de tambour.
LAGLU, suivant à son tour Barbillon, lui dit d’un air de bonhommie.
Allons, le donnez-vous maintenant.
BARBILLON.
Non, je cours les risques de la récompense... Monsieur Bourdon.
LAGLU.
Monsieur Bourdon, donnez-moi la récompense, j’ai le’ pigeon.
BARBILLON.
Du tout, c’est moi, puisque j’ai le diamant.
BOURDON.
Alors, mes amis, je n’irai pas plus loin... j’ai justement sur moi, la somme accordée.
LAGLU.
C’est à moi, j’ai le pigeon.
BARBILLON.
Non pas... j’ai le diamant.
BOURDON.
Ne vous disputez pas, vous avez chacun une moitié des objets perdus, vous aurez chacun une part de la récompense.
FINOT.
À présent vous v’là aussi riches l’un que l’autre...
LAGLU.
Voisin !
BARBILLON.
Voisin !
LAGLU.
Eh ! bien.
BARBILLON.
Dam !... moi.
LAGLU.
À présent, voyez-vous, ça rentre dans les mariages d’inclination et de convenance.
BARBILLON.
Vraiment ?... eh ! ben alors.
LAGLU.
Alors, en avant la gaîté.
BARBILLON.
Et les violons.
Vaudeville.
BOURDON.
Air : De la Fille mal gardée.
Aux joyeux sons
D’ nos chansons
Étourdissons
La tristesse,
Moquons nous de la richesse
Et gaiement sautons,
Dansons.
CHŒUR.
Aux joyeux, etc.
BOURDON.
Amis, dans un jour si beau,
Marions l’amour, la folie ;
Qu’enfin ici tout s’ marie,
Excepté le vin et l’eau.
CHŒUR.
Aux joyeux, etc.
BARBILLON.
Si de moi tu veux savoir
Chasser dans l’ siècle où nous sommes :
Un’ faveur peut prendr’ les hommes,
Les femm’s se pren’nt au miroir.
CHŒUR.
Aux joyeux, etc.
FINOT.
C’est des oiseaux qu’ les amours,
Mais j’ sais l’ métier de mon père,
Et s’il s’envolent, j’espère
Que j’ les rattrap’rons toujours.
CHŒUR.
Aux joyeux, etc.
LAGLU, au public.
Si vous entendez d’ trop près
Queuqu’oiseaux d’ mauvais augure,
Aidez-moi, j’ vous en conjure,
À les prendr’ dans’ mes filets.
Aux miens j’ n’apprends qu’à parler,
Pour raison qu’ vous d’vinez j’ gage,
Ce s’rait gâter mon ouvrage
Que d’ leur apprendre à siffler.
CHŒUR.
Aux joyeux sons
D’ nos chansons
Étourdissons
La tristesse,
Moquons nous de la richesse
Et gaiement sautons,
Dansons.