L’Enfant perdu (Thomas SAUVAGE)
Vaudeville en un acte.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 10 septembre 1836.
Personnages
FLAMENT, agent d’affaires
JOSEPH
HENRI, commis banquier
MADEMOISELLE MARCILLY, lingère
EUGÉNIE, sa nièce
FIFINE, marchande de pommes
JENNY, demoiselle de magasin
TITI
DEMOISELLES DE MAGASIN
À Paris. 1836.
Une salle par bas. Au fond, portes vitrées donnant dans le magasin de mademoiselle Marcilly. À droite, portes de l’intérieur. À gauche, deuxième plan, porte donnant sur l’allée. Au premier plan, la chambre d’Henri. Au fond, à la gauche de l’acteur, un buffet ; sur le côté, à droite, une table avec plumes, encre, etc. et des livres de commerce ; plus loin, un guéridon.
Scène première
EUGÉNIE, HENRI, JENNY, FIFINE, DEMOISELLES
Les demoiselles achèvent leur toilette devant la glace ; Eugénie, assise à une table, fait des écritures ; Henri est debout derrière la chaise.
JENNY et LES DEMOISELLES.
Air : Travaillons, mesdemoiselles.
Achevons notre toilette ;
Avant d’aller au comptoir,
On doit, sans être coquette,
Un coup d’œil à son miroir.
FIFINE, sortant de la chambre d’Henri.
Votre chambre est faite, M. Henri.
HENRI.
C’est bien, Fifine... voici ton mois ; car c’est fini, je ne loge plus ici.
FIFINE.
Comment ?
EUGÉNIE.
Mon Dieu ! oui... mademoiselle Marcilly, ma tante, dit que dans la maison d’une marchande lingère, loger un jeune homme, avec des portes de communications, ça n’est pas décent, et c’est dangereux.
FIFINE, regardant Eugénie en riant.
Dam ! elle n’a peut-être pas tort, mam’selle Eugénie... mais c’est égal, sa prudence me coûte une pratique, et, quand on ne gagne déjà pas trop.
JENNY.
Tu n’as donc pas retrouvé ton mari, Fifine ?
FIFINE.
Eh ! mon Dieu ! non, mam’selle, et il est ben dur, pour une petite femme de mon âge, de se trouver seule avec un enfant sur les bras.
JENNY.
Pourquoi aussi vas-tu prendre un mauvais sujet ?
FIFINE.
Mauvais sujet, lui ! Joset... pas du tout mam’selle, il n’y touche pas plus qu’un canard à une giroflée ; pas méchant à battre une femme, ni pus ni moins qu’un vieux tapis, comme d’aucuns... quelquefois des bisbilles, des castilles... mais jouer des mains, jamais ! à moins que Paul Niquet s’en mêle.
JENNY.
Qu’est-ce que c’est que Paul Niquet ?
FIFINE.
Paul Niquet...l’ rogome donc ! et il s’en tape ni peu, ni trop, mais assez : c’est au 10e léger’où je tenais la cantine, et oùsqu’il était dans le centre, que j’ai fait sa connaissance ; mais je n’avais pas plutôt gagné une malheureuse pièce de douze sous qu’il se la passait au travers du corps... et puis faigniant, ah... c’est c’ qui m’ l’a fait quitter... j’ fais des ménages le matin, des commissions, j’ vends des quatre saisons ; enfin je me tire d’affaire avec mon Titi...
Scène II
EUGÉNIE, HENRI, JENNY, FIFINE, DEMOISELLES, MADEMOISELLE MARCILLY
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien ! pas encore au magasin ! vous n’êtes pas ici dans la rue Vivienne, mesdemoiselles, mais dans la rue de la Barillerie, dans la Cité, on y a des mœurs et l’on se lève matin.
JENNY.
Encore faut-il le temps de faire sa toilette, c’est dans l’intérêt de l’établissement.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je ne veux chez moi de coquetterie que pour mes marchandises un étalage modeste et de bon goût, qui mette en vue mes nouveautés et vous cache aux flâneurs.
FIFINE.
Est-elle sévère et farouche sur la vertu, la patronne... parce qu’elle a toujours été sage.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Taisez-vous, Fifine, vous qui devriez rougir de votre inconduite.
FIFINE.
Mon inconduite !... par exemple ! qu’est-ce que vous voulez dire ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous parlez toujours de votre mari... où est votre acte de mariage ?
FIFINE.
Mon acque ? au 10e léger.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Si vous osez tenir un pareil langage chez moi, je vous interdirai la maison.
FIFINE.
Pardon excuse, mam’selle, je ne veux pas vous fâcher ; mais, tenez ! mettez qu’on soit coupable, nous autres, pauvres petites filles, abandonnées le matin sur les halles, le soir à la guinguette, nous méritons peut-être plus d’indulgence et de pitié que de colère !
Air de l’Album.
Si vos d’moisell’s vont près du précipice,
Leurs gouvernant’s viendront les avertir ;
Et cependant plus d’une encore y glisse !
Nous, pauvr’s enfants, personn’ pour nous prév’nir,
Et l’on n’ peut pas toujours se retenir.
Du mal qu’arriv’, sans dout’ on est fâchée,
Mais est-c’ not’ faut’ ! c’ s’rait un miracle, hélas !
Quand sur l’cou la bride est lâchée
Q’on ne fit point quelque faux pas.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Elle a raison... allons, soyez plus réservée à l’avenir.
FIFINE.
C’est dit, on s’observera... elle est bonne au fond. À tantôt, mesm’zelles... à l’heure du déjeuner, j’ vous apporterai des poires à la bourgeoise, cuites dans son jus, c’est délicieux.
JENNY.
À tantôt, Fifine.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Allons, mesdemoiselles, au comptoir... disposez les montres, et pas de jour de souffrance pour regarder les clercs et les étudiants.
Air : Oui, c’est bien cela.
Les étudiants
Sont séduisants ;
Mais, fillettes
Coquettes,
Les étudiants
Sont inconstants,
Fuyez-les en tout temps.
« Céder jamais !
« Je le promets... »
De froideur d’abord ou se pique...
Mais c’est à tort...
On est si fort
Quand on a fait sa rhétorique.
C’est une ardeur,
C’est un bonheur,
Qui durent jusques aux vacances ;
Puis les projets,
Dans leurs paquets,
S’en vont bientôt en diligences.
TOUTES.
Les étudiants, etc.
Les demoiselles vont au magasin. Fifine sort par l’allée.
Scène III
MADEMOISELLE MARCILLY, HENRI, EUGÉNIE
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien ! M. Henri, êtes-vous content du travail d’Eugénie ?
HENRI.
Parfaitement... Mademoiselle votre nièce entend fort bien la tenue des livres.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Il n’y a pas d’omissions, d’erreurs...
EUGÉNIE.
Non, ma tante.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est qu’elle est si étourdie, si distraite depuis quelque temps.
HENRI.
Je ne m’en suis pas aperçu, et mademoiselle Eugénie m’a toujours écouté avec une attention...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Oui, vous, je le crois... enfin, vous pensez qu’elle peut se passer de vos leçons, maintenant ?
HENRI.
Oui, mademoiselle.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est bien consciencieux et bien loyal de votre part, M. Henri ; car enfin, c’est le dernier lien de nos relations journalières que vous rompez là, puisqu’aujourd’hui vous cessez d’habiter cette petite chambre que je vous louais...
HENRI.
Je laisse encore quelques effets dans cette chambre ; je viendrai les chercher.
MADEMOISELLE MARCILLY, examinant les livres.
Oh ! quand vous voudrez.
EUGÉNIE.
Pourquoi ne pas dire a. ma tante que vous m’aimez ?... elle veut mon bonheur ; quand elle saurait que je partage vos sentiments, peut-être renoncerait-elle à son projet de m’unir à ce M. Flament, que je ne puis souffrir, et qu’elle préfère à tout le monde, parce qu’il dirige ses affaires, les arrange, les embrouille...
HENRI.
Ah ! chère Eugénie... un secret, un obstacle.
EUGÉNIE.
Vous n’avez rien à vous reprocher, je pense ?
HENRI.
Moi !... oh ! rien ! je vous le jure sur l’honneur, sur l’amour pur et sincère que j’ai pour vous ; et cependant, le monde me repousserait, me traiterait en coupable, s’il savait... Je vais prendre mes papiers, mon portefeuille, dans cette chambre, recommencer mes recherches, et peut-être parviendrai-je à quelque heureux résultat... alors, je viendrai le front levé devant votre tante, je lui demanderai votre main.
On entend Flament dans le magasin.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! voici M. Flament.
HENRI, à part.
Je sortirai par l’allée pour ne pas le rencontrer.
Haut.
Adieu, mesdemoiselles.
EUGÉNIE, à Henri.
Vous viendrez me dire le résultat de vos démarches.
Il entre dans sa chambre.
Scène IV
EUGÉNIE, FLAMENT, MADEMOISELLE MARCILLY
FLAMENT, chargé d’ombrelles, d’éventails, d’un poussah et d’une boite à thé.
Permettez-moi, mademoiselle, de vous offrir ces échantillons de l’industrie, du goût et de la civilisation des Chinois, beaucoup plus avancés que nous, puis qu’ils datent de six mille ans... mais nous les rattraperons, car, pour cette année, nous adoptons les usages du céleste empire.
Air du Baiser au Porteur.
Adieu ! chevelure gauloise !
Le moyen âge est aujourd’hui mesquin ;
On va se mettre à la chinoise,
Nous serons tous habillés en pékin ;
Oui, mesdames, en vrai pékin.
Et, grâces aux nouvelles modes,
Plus de ninons, de bérets, de gigots ;
Nos dames seront des pagodes,
Et nos élégants des magots.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous vous ruinez, M. Flament ?
FLAMENT.
Moi !... pas si bête... j’ai pris cela dans une affaire... un petit jeune homme qui voulait dix mille francs on lui donne pour six mille de ces colifichets...
EUGÉNIE.
Eh ! bon Dieu ! que fera-t-il de tout cela ?
FLAMENT.
Oh ! il n’en sera pas embarrassé, moyennant commission, je les lui placerai, moi, pour cinq cents francs.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous faites donc aussi du commerce ?
FLAMENT.
Je fais de tout... un homme d’affaires, voyez-vous, c’est un avocat sans diplôme, un négociant sans parente ; c’est une espèce d’avoué marron qui fait de la procédure et du commerce ; c’est un état mixte qui tient à la robe et qui touche aux finances, en un mot, l’homme d’affaires est un animal amphibie, qui prend des deux mains, et mange à deux râteliers.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je conçois qu’alors les bénéfices...
FLAMENT.
Sont immenses... tout est bénéfice : pas d’étude à payer un million, comme les notaires ; pas d’étalage et de train de maison, comme les avoués ; aussi l’homme d’affaires se marie selon son cœur, ce n’est pas le prix de sa charge qui dirige ses hommages, les billets de banque qui allument son amour ; libre, indépendant, il peut se permettre, lui, le choix d’une compagne modeste et vertueuse, c’est son faste, son luxe ; il est de bon goût, je crois, et vaut bien celui de ses orgueilleux rivaux.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Comment donc, du sentiment, je ne croyais pas...
FLAMENT.
Moi, je suis sentimental comme un Andalou, et d’ailleurs ici, tout n’inspire-t-il pas le sentiment le plus... le plus touchant... le plus... voilà que je m’embrouille dans le sentiment... vous, si bonne, si vertueuse, mademoiselle Marcilly.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! de grâce...
FLAMENT.
Votre adorable nièce dance, naïve, simple sans prétention, espiègle sans coquetterie... ah !...
EUGÉNIE.
Monsieur !...
FLAMENT.
Ce sera la meilleure petite femme...
EUGÉNIE.
Oui, si je ne suis pas la sienne.
FLAMENT.
Vous me comprenez, mademoiselle Marcilly.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Oui, mon cher Flament.
FLAMENT.
Et vous, mademoiselle Eugénie ?
EUGÉNIE.
Moi, pas du tout, monsieur...
FLAMENT.
Je n’ose m’expliquer plus clairement... mais si mademoiselle Marcilly voulait...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Avant tout, M. Flament, je voudrais causer un peu avec vous...
FLAMENT.
Je suis à vos ordres, mademoiselle, à l’instant... bon ! c’est pour stipuler la dot.
EUGÉNIE.
Là ! ils vont convenir de tout... et M. Henri qui ne revient pas.
Elle sort.
Scène V
MADEMOISELLE MARCILLY, FLAMENT
FLAMENT.
Vous avez donc lu dans mon cœur mademoiselle ? vous avez vu mon amour pour votre charmante pièce, mon désir de m’allier à une personne aussi estimable, aussi vertueuse que vous !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ne parlons pas de moi, je vous prie.
FLAMENT.
Pardonnez-moi ; parce que les bons exemples sont une garantie, et puis, cette sagesse, cette vertu ont fait le bonheur de votre nièce, après vous toute votre fortune lui revient... environ trois cent mille francs, n’est-ce pas ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
M. Flament !...
FLAMENT.
Air de l’Écu de six francs.
Ce n’est pas que de la richesse
Plus qu’il ne faut je fasse cas :
Mais, ajoutée à la sagesse,
C’est un attrait qui ne nuit pas,
Car si la vertu toute nue,
Est fort estimable à mes yeux,
Pour la décence j’aime mieux
La vertu richement vêtue.
MADEMOISELLE MARCILLY
De grâce, veuillez m’écouter.
FLAMENT.
Je suis tout oreilles.
MADEMOISELLE MARCILLY.
J’ai une confidence à vous faire, une confidence nécessaire.
FLAMENT.
Ah ! ah !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous voyez mon trouble, ma rougeur...
FLAMENT.
Ah ! mon Dieu ! vous me faites frémir.
MADEMOISELLE MARCILLY.
De pareils aveux sont si pénibles !...
FLAMENT, à part.
Tiens, est-ce que la jeune personne aurait ?... ça se voit, dans les lingères... c’est j’en suis sûr ce petit monsieur qui lui enseigne la tenue des livres... en parties doubles.
Air : Cet arbre apporté de Provence.
Il faut se méfier d’ordinaire
De ces hypocrites professeurs.
Dans ses calculs, souvent trop légère,
Leur science permet les erreurs.
Auprès d’une gentille écolière
Ces messieurs font gaiement leur métier :
Ils commencent d’abord par soustraire,
Et finissent par multiplier.
Mademoiselle Marcilly a été au fond fermer la porte, puis elle a pris en soupirant un papier dans un secrétaire ; enfin, elle avance des sièges. Ils sont assis.
Ainsi votre nièce !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh ! monsieur, c’est de moi qu’il s’agit.
FLAMENT.
De vous, mademoiselle Marcilly ! par exemple !... je ne m’attendais guère... c’est trop drôle ! qu’est-ce que ça me fait ? pardon, j’écoute.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Il y a vingt-quatre ans...
FLAMENT.
1812, alors.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Oui ; j’étais une pauvre petite ouvrière, fraîche, svelte, assez jolie...
FLAMENT.
Je le crois.
MADEMOISELLE MARCILLY.
On me le disait, et j’écoutais avec plaisir, surtout quand c’était un beau jeune homme, élève à l’École polytechnique ; je le rencontrais souvent au Luxembourg... il appartenait à une grande famille de ce temps-là... fière, orgueilleuse...
FLAMENT.
Comme les grandes familles de tous les temps.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ainsi nul espoir d’union... j’aurais dû le fuir.
FLAMENT.
Et vous ne le quittiez pas... c’est toujours ainsi ! enfin ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Enfin vers mil huit cent treize, à l’époque où il quitta l’école pour l’armée... je n’ai pas la force d’achever...
Lui remettant un papier.
Lisez.
FLAMENT.
Qu’est-ce que c’est que ça ?... mairie du dixième arrondissement, acte de naissance... ah ! diable.
Ils se lèvent.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’était un garçon !...
FLAMENT.
Un garçon !... je vous en fais mon compliment... la perle du quai des Morfondus, la Jeanne d’Arc de la Cité ! ainsi vous avez un...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je voudrais l’avoir, hélas ! ma famille le fit disparaître, et, lorsque je voulus, depuis consulter la sage-femme qui m’avait assisté, elle était mourante et ne put me rien dire de positif.
FLAMENT.
Et le père ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Il avait quitté la France au licenciement de l’armée de la Loire, après m’avoir envoyé une somme de vingt mille francs qui m’aida à commencer ce fond de commerce... depuis, je n’en ai plus entendu parler.
FLAMENT.
Ainsi, cet enfant, qui serait parbleu bien un gaillard de vingt-deux ans, vous ignorez ce qu’il est devenu ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Absolument.
FLAMENT.
Eh bien ! alors de quoi vous inquiétez vous ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! monsieur, pouvez-vous dire cela à une mère !... je serais si heureuse de l’embrasser, de le presser sur mon cœur !...
FLAMENT.
Et votre réputation ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Que m’importe ! c’est mon fils !... le fils de mon Alfred.
FLAMENT.
Et l’établissement de votre nièce dont il vient rogner la fortune ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Voilà, M. Flament, ce qui d’abord m’a conduit à cette révélation... car, en mariant Eugénie, je veux conserver les droits de mon fils.
FLAMENT.
Comment, vous voulez ?... ceci change furieusement la position... vous me permettrez de vous dire que voilà une résolution bien bizarre... c’est prendre les choses trop à cœur... Tenez-moi... moi qui vous parle, à la même époque ma foi, fin de 1813... j’en ai jadis eu un... un garçon aussi, et bien pis, j’avais été obligé de le reconnaître... à cause d’un grand diable de frère dans la garde Impérial... affreux régime que le régime militaire.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien ! qu’est-il devenu ?...
FLAMENT.
Je n’en sais rien... les événements, les circonstances... je quittai Paris ; quand je revins, je n’entendis plus parler de la mère ni de l’enfant.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien ! moi, monsieur, je ne vis pas tranquille, quand je pense que ce pauvre enfant est peut-être dans le besoin... que la misère l’a peut-être conduit au crime, et j’ai compté sur vous pour faire des recherches à cet égard.
FLAMENT.
Sur moi ?... mais songez donc...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je vous en prie, mettez y vos soins, et croyez que je saurai reconnaître...
FLAMENT.
Puisque vous le voulez absolument...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! merci, merci, M. Flament !... maintenant ma nièce est à vous.
FLAMENT.
Vous êtes bien bonne, certainement... mais nous attendrons que nous soyons fixés au su jet de l’enfant... parce que vous sentez bien...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! oui, je comprends... eh ! bien, comme vous voudrez ; occupez-vous toujours du jeune homme.
FLAMENT.
À l’instant... par exemple, si j’avais pensé... vous aurez bientôt de mes nouvelles.
Il sort.
Scène VI
MADEMOISELLE MARCILLY
Je le vois, la diminution de la dot a diminué son amour pour Eugénie... je ne sais si j’ai bien fait de me confier à cet homme intéressé... mais, j’a vais tant besoin d’épancher mon cœur, de m’occuper de ces recherches... y mettra-t-il le même zèle maintenant que la découverte de ce jeune homme détruit ses espérances ?...
Scène VII
MADEMOISELLE MARCILLY, EUGÉNIE
EUGÉNIE.
M. Flament est sorti tout préoccupé... l’air mécontent ; il ne m’a pas regardée... ne se raient-ils pas d’accord ? j’aimerais mieux ça... et puis j’ai vu passer M. Henri.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! te voilà, mon enfant ?
EUGÉNIE.
Vous êtes seule ma tante, et bien triste.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Oui, des idées, des souvenirs...
EUGÉNIE.
Ah ! le voici.
Scène VIII
MADEMOISELLE MARCILLY, EUGÉNIE, HENRI
HENRI.
Ah ! pardon, mademoiselle... je rentrais, je venais de déposer mon portefeuille dans cette chambre, je ne savais pas vous déranger.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Point d’excuse, M. Henri, vous serez toujours bien reçu chez moi !
EUGÉNIE.
Vos courses ont-elles amené quelques résultats ?
HENRI.
Non je n’ai rien pu découvrir.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Qu’est-ce donc ?...
HENRI.
Oh ! rien qui puisse vous intéresser.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Pourquoi ?... tout ce qui vous concerne, ne nous touche-t-il pas... qui sait ?... peut être mes conseils, mon expérience vous seront-ils utiles, voyons, parlez.
EUGÉNIE.
Je la crois brouillée avec M. Flament, du courage !
HENRI.
Ah ! si j’osais !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien !
EUGÉNIE.
Osez !
HENRI.
Eh bien ! mademoiselle.
FLAMENT, en dehors.
Où est mademoiselle Marcilly ? il faut que je lui parle à l’instant,
MADEMOISELLE MARCILLY.
M. Flament.
EUGÉNIE.
Encore !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Déjà ! quel retour précipité... Eugénie, faites-le entrer... nous vous reverrons, M. Henri... venez dîner avec nous, nous vous attendrons... Adieu, M. Henri... que va m’apprendre Flament ?
EUGÉNIE.
Entrez, monsieur...
À part.
Le vilain homme !... je le déteste !... à tantôt, M. Henri.
Henri et Eugénie sortent.
Scène IX
MADEMOISELLE MARCILLY, FLAMENT
MADEMOISELLE MARCILLY.
Qu’est-ce donc ?
FLAMENT.
L’objet de tous vos désirs, retrouvé.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Lui, bien lui !
FLAMENT.
J’en suis certain.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Mais où donc ?
FLAMENT.
Chez le commissaire de police.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! pauvre enfant.
FLAMENT.
Je sortais de chez vous, lorsque tout à coup, je tombe au milieu d’une foule qui partait de l’estaminet du coin et s’étendait jusqu’au réverbère, étoile polaire du commissaire de police... un pressentiment, l’amitié, trois bourrades me précipitent dans le tribunal enfumé. Un limonadier blessé dans son mobilier se plaignait d’un grand gaillard, en tenue un peu militaire et très peu civile. Oui, je suis un enfant de l’amour, disait le grand gaillard, vous comprenez ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Parfaitement.
FLAMENT.
C’est pas une raison pour me mesquiner. – Vous paierez le dégât, criait l’homme à la limonade. – J’ai de l’honneur et des papiers répondait l’accusé, en déposant un portefeuille. – Avez-vous des répondants ? demanda le magistrat en écharpe... moment de silence ! bientôt interrompu par une voix vibrante... c’était la mienne. Moi ! je réponds de tout, car j’avais à la hâte compulsé les papiers et tous les renseignements étaient analogues... sur mon nom, on s’empresse de me livrer le jeune homme et je l’amène dans vos bras, rendant grâce à la providence, car nous n’avons encore qu’elle pour faire de ces corps-là.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ô bonheur ! que de remerciements, véritable ami !
FLAMENT.
Voilà le mémoire du limonadier, il commence par un bol de punch et finit par une glace... trente-huit pouces sur vingt-cinq. Total, 182 francs, pour le déjeuner... j’ai payé.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je vous rembourserai... mais ou est-il ? où est-il donc ?
FLAMENT.
Là, dans l’allée... il attend.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Faites-le donc entrer.
FLAMENT.
Ne vous effrayez pas trop.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Pourquoi ?
FLAMENT.
Son costume...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Qu’importe, pour une mère... est-il bien ?
FLAMENT.
Mais, oui, pas mal.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Me ressemble-t-il ?
FLAMENT.
Pas absolument.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Alors c’est à son père... l’air doux, honnête...
FLAMENT.
À peu près... pourtant, il faudrait éviter qu’on l’aperçut.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh bien, je vais au magasin occuper ces demoiselles... et je reviens... faites-le entrer par cette porte... je reviens.
FLAMENT.
Et moi, je vous laisse à toute votre félicité, et vais m’occuper de la mienne, préparer les actes.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Quels actes ?
FLAMENT.
Ne m’avez-vous pas promis la main de mademoiselle Eugénie, lorsque vous auriez des renseignements positifs sur ce cher enfant ? je me suis empressé de vous procurer mieux que ça, comme vous voyez, et je compte sur votre parole.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! M. Flament, quel désintéressement !... je vous avais mal jugé, vous êtes un excellent homme, mon Eugénie est à vous... allez préparer tout et nous signerons à votre retour.
FLAMENT.
Bien, chère tante.
Air de Victorine.
Avec regrets au moins si je vous quitte,
Je vous laisse heureuse en espoir.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! de plaisir déjà mon cœur palpite,
C’est mon enfant qu’enfin je vais revoir,
Ah ! dans la joie, où ce mot me transporte.
FLAMENT.
Attendez donc... tâchez de vous calmer,
C’est au bonheur que vous ouvrez la porte,
À part.
Elle voudra bientôt la refermer.
Ensemble.
FLAMENT.
Avec regrets enfin, si je vous quitte,
Je vous laisse heureuse en espoir ;
Mais en ces lieux, je reviens au plus vite,
C’est mon bonheur, c’est mon devoir.
À tantôt à revoir.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah, de plaisir, déjà mon cœur palpite,
C’est mon enfant qu’enfin je vais revoir ;
Partez, ami, mais revenez bien vite,
Je veux combler en ce jour votre espoir.
Elle sort.
Scène X
FLAMENT, seul
Oh ! oh ! comme elle y mord... bien ! très bien ! je crois mon idée excellente... vous voulez un enfant ? le voilà ! par exemple, si je sais d’où il vient... je n’ai pas même pris le temps d’examiner ses papiers, mais qu’importe ? le cœur est toujours facile à tromper, il ne réfléchit pas... mais quand j’y pense, cette bonne mademoiselle Marcilly, une excellente mère !
Air : Ces postillons.
Ah ! j’en conviens, j’étais loin de m’attendre
À ce dénouement imprévu.
Ainsi qu’un sot, je m’étais laissé prendre
À ces grands airs d’honneur et de vertu ;
Pourtant, chez nous, il est bien convenu,
Que ce fracas d’ordinaire dérobe
Quelques péchés à grand’ peine expiés :
Comme toujours sous une longue robe,
Vous trouvez de grands pieds.
Maintenant, je me charge de remettre à l’enfant de la main à la main son héritage... pour éviter les formalités, le contrat ne porte aucune clause embarrassante... puis une fois le mariage fait, je démontre qu’une erreur, la précipitation, avec ça le monsieur n’est pas fort intéressant en lui-même ; allons, admirable opération.
Scène XI
FLAMENT, JOSEPH
JOSEPH, bonnet de police, blouson bleu, pantalon garance ; il paraît à la porte de l’allée.
Dites donc, là-bas... c’est-il pour aujourd’hui ? ça commence à m’écœurer de trimer comme ça dans l’allée... je vas chez le minzinguin à votre compte, d’abord.
FLAMENT.
Non, non, entrez... vous êtes chez votre mère.
JOSEPH.
Ah ! c’est ici ? chez ma mère... chez moi... elle est pas mal la cassine.
FLAMENT.
Comportez-vous bien ; montrez-vous doux, poli.
JOSEPH.
Soyez paisible, on connaît la civile et honnête, je puis dire avec orgueil qu’un mouton n’est pas plus doux que moi, quand je suis récent ; mais quand j’ai du vin dans les cheveux, c’est plus ça.
FLAMENT.
Ah ! ça, elle va venir...
JOSEPH.
M’man ?
FLAMENT.
Vous aurez des égards, des attentions pour cette dame.
JOSEPH.
M’man ? tiens, c’te bêtise !... c’te pauvre chère femme, sans doute qu’on lui en donnera des caresses, de l’amitié et on lui fera bonne me sure... car enfin c’est ma mère, n’est-ce pas ?
FLAMENT.
Puisque je vous l’assure.
JOSEPH.
Je vous crois, je ne m’en rappelle pas, d’abord.
FLAMENT, à part.
Et moi, je profite de l’attendrissement, de l’enthousiasme pour enlever la signature... au notaire, au notaire.
Il sort.
Scène XII
JOSEPH, seul
En v’là-t-il un coup, c’ particulier que je ne connais ni de rêve, ni des dents, qui me campe dans une bonne maison, qui m’ fait fils de famille, quand n’ayant ni chez soi, ni cabinet garni, je perche au clair de la lune... mon ami Pierrot... c’est il une chance... c’est pas l’embarras, des pères et mères ça m’ manquait beaucoup... j’en voulais toujours avoir... j’en ai... comme je vas me repasser par le gosier des tas de poulets rôtis, des foules de tasses de café, des énormes petits verres, des omelettes soufflées au lard, un tremblement de comestibles... la noce, la noce quoi ! oui, oui, je me conseille de me dépêcher... car c’est trop beau... pas possible, y aura quelqu’anguille qui croche ; et quand ils en viendront aux informations, queu changement de front ! renvoyé du régiment, 10e léger, c’est pour le coup qu’il faudra tirer ses guêtres...
Scène XIII
JOSEPH, FIFINE, TITI
FIFINE, entrant par l’allée et portant des poires cuites sur un plateau.
Toutes chaudes ! toutes chaudes, mes enfants, elles sortent du four.
JOSEPH, à part.
Dieu ! c’t’organe... ça m’a frappé là comme un coup de poing !
FIFINE.
C’est du sucre, mes enfants, c’est du sucre.
JOSEPH.
Fifine !
FIFINE.
Ah ! c’t’ encolure ! c’est y Dieu possible ! Joset ! je m’abîme, je me fonds.
Elle laisse tomber son plateau.
JOSEPH.
Eh, oui, c’est moi Joset.
FIFINE.
C’est pus fort que moi... je voulais... et je peux pas... non, il y a de la vaccination dans le regard de cet être-là. Il faut que je tombe dans ses bras.
Elle se jette dans les bras de Joseph.
JOSEPH.
Ah, Fifine, ah, Fifine ! Maintenant...
FIFINE, se relevant brusquement et s’éloignant.
Maintenant, dis-moi un peu, qu’est-ce que t’as fait, vaurien, chenapan !
JOSEPH.
Oh, oh !
FIFINE.
Ne mériterais-tu pas d’être appelé de tous les nous imaginables qu’on peut donner aux brigands des forêts ?
JOSEPH.
Paix, paix, chut !
FIFINE.
Qué que tu veux dire avec tes gestes de télégraphe ?
JOSEPH.
C’est silence, que je veux te dire.
FIFINE.
Silence !... c’est pour m’imposer silence que t’es revenu.
JOSEPH.
Écoute donc : t’arrives à propos, comme le petit verre après la demi-lasse. Nous avons de d’ quoi.
FIFINE.
De d’quoi ? qu’est-ce qui t’a donné ce de d’ quoi ?
JOSEPH.
Personne... j’ai retrouvé des parents qui m’adorent et que je n’ connais pas, qui sont rem plis de richesses et d’attention pour moi !
FIFINE.
Pas possible !
JOSEPH.
Vrai ! comme v’là Titi qui mange tes poires cuites.
FIFINE.
Ah ça ! voyons, t’es pas bu.
JOSEPH.
Rien d’puis c’ matin dans l’ garde-manger, qu’un verre de blanc et une croûte.
FIFINE.
Ce que tu me dis-là me fait l’effet d’un coq’mar fantastiche.
JOSEPH.
Réel, et nature que je te dis... d’ailleurs, tu vas en juger : j’attends ici m’man, mais comme elle ne t’attend pas, elle, disparais...
FIFINE.
Disparais ! l’ pus souvent... est-ce que je ne suis pas bonne à voir !
JOSEPH.
Entre nous, je dis pas... mais pour une première représentation...
FIFINE.
Eh ben, dis donc, si je me requinquais.
JOSEPH.
Pas mal vu... t’es comme moi, ta friperie est un peu harassée.
FIFINE.
J’ vas vite jusqu’au Temple.
JOSEPH.
C’est ça, et tu me feras apporter quelque chose de soigné... un charivari... une polonaise... tenue de fournisseur.
FIFINE.
Tout ce qu’il y aura de plus neuf dans l’ hasard.
JOSEPH.
Tu diras qu’on paiera ici... la famille est bonne, on vient, évapore-toi.
FITINE.
Annonce-moi toujours... quand je serai revenue, je tousserai... là, dans c’te chambre.
JOSEPH.
Là ?
FIFINE.
Oui, viens ! j’vas t’ montrer...
Ils entrent dans la chambre d’Henri.
Scène XIV
MADEMOISELLE MARCILLY seule, puis JOSEPH
MADEMOISELLE MARCILLY.
Comme le cœur me bat... il est là, le fils de mon Alfred ; mais je ne le vois pas, où donc est-il ?
JOSEPH, sortant de la chambre un portefeuille à la main.
Fameuse trouvaille, par exemple !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Qu’est-ce que c’est que ça ?
JOSEPH.
Du monde... de la tenue et bon genre...
Il met le portefeuille dans sa poche.
C’est moi.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Que faisiez-vous, là dedans ? que voulez-vous ? je vais crier au voleur !
JOSEPH.
Ne criez pas, je suis de la maison... je suis l’enfant de la maison.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous, mon fils !
JOSEPH.
Son fils ! c’est m’man ! eh, oui, vot’ fils qui vient pour avoir celui de vous embrasser et de faire votre connaissance.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Oh ! ce n’est pas possible.
JOSEPH.
Callée, bien mise, la bourgeoise ! ça me fera honneur.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est vous que l’on vient d’amener.
JOSEPH.
Oui, m’ man !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Pourtant, si M. Flamant s’était, trompé ? ce ne peut-être là le fils de mon Alfred...
Haut.
Est-ce que vous n’avez pas des papiers, des certificats ?
JOSEPH, à part.
Quand je le disais ; des papiers ?
Haut.
Oui, m’man, que j’en ai... d’aplomb...
À part.
J’ai joliment bien fait...
Tirant le portefeuille.
Les v’là les babillards.
MADEMOISELLE MARCILLY, elle ouvre le portefeuille en tire des papiers.
Un extrait de naissance, 10e arrondissement, père et mère inconnus.
JOSEPH.
C’est clair ! c’est moi !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Une note. « Cet enfant a été remis à la veuve Bignon, sage-femme... c’est bien ça.
JOSEPH.
Tiens, la veuve Bignon !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Que vois-je... quelle écriture ! une lettre d’Alfred ; de son père !
JOSEPH.
Bon, Alfred est mon père... je connais pas !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Adressée à un notaire : il lui remet vingt mille francs, pour l’enfant désigné dans cette note ; excellent cœur.
JOSEPH, à part.
Vingt mille... ça ne me restera pas ; ça sera réclamé.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Il le charge de veiller à son éducation.
À Joseph.
Vous avez donc reçu quelque éducation.
JOSEPH.
Dam ! vous voyez !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Le malheureux !... on l’a abandonné... ce n’est pas sa faute... c’est bien lui, pourtant... et qu’avez-vous fait, jusqu’ici ?
JOSEPH.
Ah ! ben des états... j’ai d’abord été pro meneur d’enfants ; mais les moutards m’embêtaient, je les ai lâchés sur les boulevards... ensuite casseur d’os, et puis allumeur de chalands ; en dernier lieu, garçon de restaurât, chez la femme Croquelard, vous savez, en plein vent, sous la grande halle... moi, qui par goût, j’aime la cuisine, ça m’allait ; c’est pas que la sienne : de la tranche à côté du front et du bouillon ! il faudrait être un fameux maitre d’armes pour lui crever un œil à celui-là ! enfin, confisqué par le recrutement je fus implanté dans le 10e léger... beau régiment, ma foi ! que je ne déparais pas... mais soldat, c’est monotone au possible... gauche droite, gauche droite ! je ne pouvais pas marcher au pas... avec ça le capitaine était toujours sur mes talons, ça me gênait... de-là des choses et des mots... fin finale, je suis libre, indépendant, et inspecteur des trottoirs de Paris, voilà !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! mon Dieu, mon Dieu ! rien de bien ! j’aimerais mieux le voir...
JOSEPH.
Décrotteur, n’est-ce pas ? joli état !
Air de Fanchon.
Les artistes y pâlissent ;
Y a tant d’ gens qui s’ salissent,
Bien plus haut que le soulier.
La bross’ n’y peut suffire ;
Ils auraient beau payer,
Crier :
On peut les fair’ reluire ;
Mais non les nétoyer.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Comment, vous ne savez aucun métier !
JOSEPH.
Je n’ai pas besoin de métier, vous êtes riche ; une fois avec vous, m’man, je m’ formerai... vous me présenterez dans le monde... je suis pas méchant, pas travailleur, par exemple ; mais qu’on me donne à boire et à manger et qu’on me laisse tranquille, į’ d’irai pas l’ mot à un enfant nouveau-né.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Qu’est-ce que je vais en faire à présent ?
On entend tousser dans la chambre.
JOSEPH.
Bien ! v’là Fifine... je lui plais, le moment est opportun !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Hein ! il y a encore quelqu’un là-dedans ?
JOSEPH.
Oui, m’man ! oui, qu’il y a quelqu’un, vous ne connaissez pas encore tout votre bonheur.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Comment ?
JOSEPH.
J’ai d’ la suite, vous allez voir, m’man ! vous allez voir !
Il va ouvrir la porte.
Scène XV
MADEMOISELLE MARCILLY, JOSEPH, FIFINE, en toilette ridicule, TITI, en garde national
JOSEPH.
Pousse-toi au monde, qu’on te voie.
FIFINE.
Qu’est-ce que tu dis, de la mise ?
JOSEPH.
Faxionale et cossue... m’man, c’est mon épouse.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Son épouse, ah ! j’en mourrai !
JOSEPH.
Et mon fils, Titi, que je vous présente.
À Fifine.
Voyons, parle donc ? est-ce que t’as les foies blanches, que tu trembles comme ça.
FIFINE.
Mère de mon Joset, je vous dépose mon respect.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! mon Dieu ! je ne me trompe pas, c’est Fifine !
FIFINE.
Dieu, me pardonne, c’est mademoiselle Marcilly.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Quelle humiliation.
JOSEPH.
Ah ben, c’est bon, puisque vous vous connaissez, ça va plus vite ; n’est-ce pas m’man, que j’ai bien choisi... bonne fille, rieuse, farceuse, elle vous en contera des drôles, elle ferait rire la porte d’une prison, qu’n’y a rien de plus triste... et puis le petit, c’te frimousse... il vous ressemble, vrai !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Par exemple !
JOSEPH.
Oui, oui ; tiens, Titi, c’est grand’maman, Titi.
TITI.
Ça ?
FIFINE.
Tu l’aimeras bien, n’est-ce pas ?
TITI.
Si elle me donne du flan.
JOSEPH.
Hein ? qu’ c’est gentil d’ trouver comme ça une famille toute faite.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est à en perdre la tête !... Malheureuse !... je paie bien cher un moment de faiblesse... Ô ma vertu, ma vertu ! pourquoi m’as-tu abandonnée !
FIFINE.
Ah ça, dis donc, elle n’a pas l’air d’être folle de nous, ta mère... Cependant, j’ crois pas qu’on puisse faire déshonneur à personne...
JOSEPH.
C’est moi, p’t’ être à cause du négligé.
FIFINE.
T’as là d’quoi’ t’ changer.
JOSEPH.
Ça n’ peut pas faire de mal.
On frappe.
Entrez.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Silence !
JENNY, en dehors.
Mademoiselle, la porte est fermée, c’est l’heure du déjeuner.
JOSEPH.
Tiens, c’te petite voix ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Quel embarras ! voilà ces demoiselles, maintenant.
JOSEPH.
Oh ! des demoiselles, bon, j’amènerai des amis, des troupiers, nous danserons la Saint Simonienne, tra la, la, la.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Silence grâce !...
À la porte.
Un instant, je vais ouvrir.
À Joseph et Fifine.
Rentrez dans cette chambre.
JOSEPH.
Encore ? Ah ça, mais m’man, nous avons l’air de jouer à cache-cache.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Rentrez, je vous en prie, ce n’est pas pour longtemps.
JOSEPH.
Si vous me donniez au moins quelque chose pour me désennuyer, du vin, ça fait couler le temps...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Tenez, non, c’est du rhum.
JOSEPH.
Eh ben, pas si désagréable.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Non, ceci, entrez vite !
JOSEPH.
L’un n’empêche pas l’autre.
Il prend les deux bouteilles et sort.
Scène XVI
MADEMOISELLE MARCILLY, EUGÉNIE, JENNY, LES DEMOISELLES
MADEMOISELLE MARCILLY.
Allons, mesdemoiselles, dépêchez-vous de prendre votre déjeuner pour retourner au magasin.
JENNY.
Qu’est-ce qu’elle a donc ? ta tante, elle digonne toujours, à présent !
EUGÉNIE.
Je ne sais, elle m’a renvoyée tout à l’heure.
JENNY.
Ah ! il semble que nous l’avons dérangée. Il y avait peut-être quelqu’un avec mademoiselle ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Avec moi ! qui voulez-vous, curieuse !
JENNY.
Elle est toute troublée !...
On entend Joseph chanter dans la chambre.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! le malheureux.
JENNY.
Tiens ! qu’est-ce que c’est que ça ?
EUGÉNIE.
Ce n’est pas la voix de monsieur Henri, il est sorti.
JOSEPH.
Air : Romance de madame Buzelot.
On voit ici tous les dimanches
D’ la banlieue et des environs
Les vrais lurons.
Pour son p’tit vin, ses gross’s éclanches
C’est qu’on connait un peu, j’le dis,
La mèr’ Radis.
JENNY.
Ah ! quelle chanson... fi ! l’horreur !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je suis au supplice ?...
JENNY.
C’est quelqu’un qui s’est introduit dans la chambre.
EUGÉNIE.
Un voleur, peut-être, je vais appeler au secours.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Taisez-vous petite sotte !
JENNY.
Je vais ouvrir !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
N’ouvrez pas... je sais qui c’est... c’est une personne de province à qui j’ai cédé cette chambre.
JENNY.
Eh bien, elle a de jolies connaissances.
TOUTES.
Air : je n’y puis rien comprendre.
Voyez quelle colère
Sur son front abattu !
Doit-on avec mystère
Cacher un inconnu,
Lorsqu’on est si sévère,
Et qu’on a tant de vertu ?
Scène XVII
MADEMOISELLE MARCILLY, JENNY, EUGÉNIE, FLAMENT
FLAMENT.
Eh bien ! eh bien ! que se passe-t-il donc ici ? je vous trouve toutes en émoi, qu’est-il arrivé ?...
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est mon... c’est le jeune homme.
TOUTES.
Un jeune homme !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous avez votre déjeuner, allez au magasin.
TOUTES, en sortant.
Voyez quelle colère, etc.
Scène XVIII
MADEMOISELLE MARCILLY, FLAMENT, EUGÉNIE
MADEMOISELLE MARCILLY, à l’écart.
Ah ! mon ami... quel enfant ! il est totalement dépourvu de savoir vivre... d’usage...
FLAMENT.
Dam ! dans la maison d’éducation où il a été élevé...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Mais le ton le plus grossier, les manières les plus basses...
FLAMENT.
Vraiment !
À part.
On n’aura pas grand’ peine à s’en détacher.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Il est là, qui fait un tapage à compromettre moi et ma maison...
FLAMENT.
Vous sentez la nécessité d’avoir ici un homme qui puisse imposer à ce gaillard-là... une fois votre neveu je ferai marcher droit le jeune homme.
EUGÉNIE, qui a entendu.
Comment, ma tante ?... je croyais...
FLAMENT.
C’est pour cela que, si vous voulez, nous allons signer tous les trois ce petit compromis que j’ai dressé et qui servira de base au notaire pour le contrat.
Il va s’asseoir près de la table et dépose les papiers.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Volontiers.
EUGÉNIE.
Vous m’aviez pourtant dit... il me semblait...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Mon enfant ce mariage est nécessaire, indispensable... je t’expliquerai cela plus tard.
À Flament.
Mais c’est que c’est bien mon fils, M. Flament.
FLAMENT.
Ne vous l’ai-je pas dit ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
J’en voulais douter, d’abord.
FLAMENT.
Pourquoi donc ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Mais impossible, maintenant... j’ai vu ses papiers, une lettre de son père !
FLAMENT, se levant.
Hein ? comment, comment...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Voyez vous-même !...
Elle lui remet le portefeuille.
FLAMENT, atterré.
Ah ça ! mais, c’est que c’est vrai, parbleu, c’est avoir la main malheureuse... je veux un faux enfant, et je tombe sur le véritable... c’est à se pendre.
MADEMOISELLE MARCILLY, allant à la table.
Aussi, je serai éternellement reconnaissante.
FLAMENT.
Il n’y a pas de quoi... ah ! quelle école !
MADEMOISELLE MARCILLY.
Allons, signe, mon Eugénie, par amitié pour moi.
EUGÉNIE, pleurant.
Qu’exigez-vous, ma tante ?
FLAMENT.
Elle pleure !... mon Dieu, mademoiselle, si pourtant vous éprouvez une si forte répugnance, malgré l’amour que j’ai pour vous...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Enfantillage... vous la rendrez heureuse, j’en suis certaine...
FLAMENT.
Sans doute, elle peut bien compter... mais écoutez, chère tante, ne brusquons rien, laissez-lui le temps de s’habituer à l’idée de m’appartenir.
EUGÉNIE.
Oui, le temps, peut-être !...
À part.
Jamais je ne pourrai le souffrir.
FLAMENT.
Vous voyez !...
À part.
Et moi, j’éclaircirai notre affaire...
Haut.
Allons, mademoiselle Marcilly, c’est moi qui sollicite ce retard.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Puisque vous le voulez.
EUGÉNIE.
Ah ! M. Flament, que vous êtes aimable !...
FLAMENT.
Généreux au moins... et pour vous laisser sur une impression favorable, je ne veux pas vous importuner plus longtemps...
À part.
je vais chercher au greffe le dossier de mon gaillard.
À Henri.
Entrez, monsieur, entrez je vous cède la place.
Il sort.
Scène XIX
MADEMOISELLE MARCILLY, HENRI, EUGÉNIE
MADEMOISELLE MARCILLY, à Eugénie.
Pauvre enfant, tu voudrais bien qu’il parlât sérieusement, n’est-ce pas ?...
EUGÉNIE.
Ah ! ma tante puisque vous avez lu dans mon cœur, pourquoi vouloir me rendre mal heureuse ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Malheureuse ! ma pauvre Eugénie, si je le croyais.
EUGÉNIE.
M. Henri, joignez-vous à moi, suppliez ma bonne tante, elle sait tout.
HENRI.
Me pardonnerez-vous, mademoiselle, d’avoir osé adresser mes vœux à votre nièce.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh mon Dieu ! ce n’est pas l’indulgence qui me manque... mais ce sont mes engagements avec M. Flament qui m’embarrassent ; et puis M. Henri, en épousant ma nièce, vous comptiez peut-être qu’elle était ma seule héritière, mais il n’en est pas ainsi.
HENRI.
Eh ! que m’importerait sa fortune, mademoiselle, si je pouvais concevoir l’espérance... mais vous ne savez pas qui je suis...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Un brave et honnête garçon.
HENRI.
Vous êtes bien bonne... Mais je n’ai pas de famille... je suis un de ces malheureux, abandonnés par leurs parents... en un mot un enfant trouvé.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous !...
HENRI.
Je n’ai jamais su le nom de mon père, ni celui de ma mère... up seul renseignement sur lequel je fondais l’espoir de les découvrir, une lettre de mon père adressée à son notaire, et signée du prénom d’Alfred.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Alfred !... serait-il possible !...
Lui présentant les papiers et le portefeuille.
comment, cette lettre ?...
HENRI.
Elle est à moi !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Et ces papiers ?...
HENRI.
Sont les miens... je les avais laissés dans cette chambre... comment se fait-il ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Ah ! mon fils, mon cher fils !...
Scène XX
MADEMOISELLE MARCILLY, HENRI, EUGÉNIE, JOSEPH, ivre et habillé ridiculement
JOSEPH.
Présent m’man !
HENRI.
Vous ma mère !
JOSEPH.
Tiens ! à lui aussi ? nous sommes donc jumeaux, m’man ?
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous osez soutenir !...
JOSEPH.
Puisqu’l’autre bourgeois l’a dit...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Imposteur !
JOSEPH.
Marâtre !...
Scène XXI
MADEMOISELLE MARCILLY, HENRI, EUGÉNIE, JOSEPH, FLAMENT, LES DEMOISELLES
FLAMENT, accourant des papiers à la main.
Arrêtez, arrêtez, femme trop sensible et trop crédule, arrêtez ! ne le croyez pas... voici son dossier, j’étais bien sûr...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Eh ! non ! je sais tout.
FLAMENT.
On vous trompe, je vous jure ; je n’ai pas pris le temps d’examiner les papiers... mais je vais vous dire... tenez...
Il lit.
Joseph, fils de... Ah ! mon Dieu ! qu’ai-je vu !, il serait possible !...
Il tombe dans un fauteuil.
MADEMOISELLE MARCILLY.
Je vous dis que j’ai la preuve...
FLAMENT.
Et moi aussi !...
MADEMOISELLE MARCILLY.
Vous voyez la mère la plus heureuse.
FLAMENT.
Vous voyez le père le plus infortuné.
MADEMOISELLE MARCILLY.
J’ai retrouvé ce fils que je cherchais.
FLAMENT.
Et moi le mien, que je ne cherchais pas.
MADEMOISELLE MARCILLY.
C’est le meilleur sujet.
FLAMENT.
C’est le plus grand vaurien.
MADEMOISELLE MARCILLY, montrant Henri.
Le voici.
FLAMENT, montrant Joseph.
Le voilà.
JOSEPH.
Bah ! mon papa ! vous êtes donc le mari de m’man ? embrassons-nous tous les trois, tous les quatre.
FLAMENT, le repoussant.
Au diable !
JOSEPH.
Ah ! ça voyons, papa, c’est-il encore une couleur, ou pour de bon c’te fois ?
FLAMENT.
Tu le vois à ma joie, à ma satisfaction, et voilà le dossier qui prouve trop bien que tu m’appartiens.
JOSEPH.
Je vous appartiens ? avec tout ce qui m’appartient alors... Fifine et Titi, venez baiser papa.
Scène XXII
MADEMOISELLE MARCILLY, HENRI, EUGÉNIE, JOSEPH, FLAMENT, LES DEMOISELLES, FIFINE, TITI
FIFINE et TITI, entourant Flament.
Papa ! papa !
FLAMENT.
Qu’est-ce que c’est que ça, bon Dieu !
JOSEPH.
Une intéressante famille, qui ne vous fera pas rougir, car elle est habillée à neuf.
FIFINE.
V’là le mémoire.
FLAMENT.
Un fils, sa femme, son enfant... quelle sottise !... est-on plus maladroit ? Mais qu’est-ce que je vais faire de ce corsaire-là ?... un homme d’affaires.
CHŒUR.
Air du final du Lorgnon.
Plus d’chagrin, de tristesse,
L’ bonheur nous est rendu ;
Sur son cœur chacun presse,
Enfin, l’enfant perdu.
FIFINE, au public.
Air : Je n’ai pas vu ces bosquets.
Joseph et moi, franch’ment nous l’avouerons,
Dans nos façons nous avons d’la rudesse ;
À la barrière, aux porcherons,
On n’ se piqu’ pas toujours de politesse ;
Mais d’ nous corriger tout douc’ment,
Voici l’ moyen... usez-en, je vous prie :
Permettez-nous d’ paraître ici souvent,
Nous prendrons, en vous fréquentant,
Le ton d’ la bonne compagnie.
Reprise du chœur.