L’Arc de triomphe (Louis-Émile VANDERBURCH - Pierre CARMOUCHE)

Tableau-vaudeville en un acte.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 16 décembre 1823.

 

Personnages

 

LE COLONEL ST.-ERNEST

DESCHAMPS, laboureur

DENISE, sa fille

GERMAINE MATREAU, sœur de Deschamps

CHARLOT, son fils, tambour au régiment

LAGRENADE, sergent-major de grenadier

MONSIEUR PI NCEMAILLE

MADAME MALASSIS, loueuse de chaises

FLORE, bouquetière

UN PEINTRE

UN MAÇON

UNE BONNE

UN ENFANT

BOUQUETIÈRES

BOURGEOIS

SOLDATS

PAYSANS

 

La scène se passe aux Champs-Élysées.

 

Le Théâtre représente les Champs-Élysées, près de la Barrière de l’Étoile ; à gauche, une baraque de marchand de vin, ayant pour enseigne : AU RETOUR DES BRAVES.

 

 

Scène première

 

PLUSIEURS OUVRIERS PEINTRES, MAÇONS, CHARPENTIERS, en costume de travail ; les maçons en veste sur l’épaule ; les peintres, avec le bonnet de papier sur la tête

 

Ils sont groupés de diverses manières, et le morceau de pain sous le bras, le couteau à la main ; ils sont occupés à déjeuner.

PREMIER OUVRIER, s’asseyant.

Tout d’même, mes enfants, y a d’l’ouvrage dans une arque de triomphle.

DEUXIÈME OUVRIER.

Oui, mais all’ s’ra belle... tu peux t’en flatter... sitôt qu’elle sera faite...

CHŒUR.

Air : En avant, en avant, en avant toujours.

Déjeunons (bis.)
Vite et sans façons
Déjeunons (bis.)
Peintres et maçons ;
Dépêchons, (bis.)
Plutôt j’travaill’rons,
Et plutôt j’finirons.

UN OUVRIER.

J’ons à faire encor
Tout en lettres d’or
L’nom d’un princ’ juste et sage.

UN AUTRE.

Sous mon pinceau j’dois
R’tracer ses exploits,
C’est moi qu’a l’plus d’ouvrage.

 

Déjeunons, etc.

PREMIER OUVRIER.

La nuit a été fraîche, buvons un coup pour nous, réchauffer.

DEUXIÈME OUVRIER, buvant à la bouteille.

Ça va...

Même air.

J’bois à nos soldats.

UN AUTRE, la prenant.

J’bois à leurs combats.

PREMIER OUVRIER, l’arrêtant.

Tout ça c’est à merveille !
Mais si j’te laissais
Boire à leurs succès,
Tu vid’rais la bouteille.

Il boit à son tour.

Déjeunons, etc.

DEUXIÈME OUVRIER, la bouche pleine.

Dis donc, Mustapha, prête-moi une croûte pour finir.

PREMIER OUVRIER.

Quiens, dis donc, Jean Marie ! c’qu’un peintre comme toi peut manger d’croûtes.

DEUXIÈME OUVRIER.

Allons, c’est bon, t’es joliment goulu va !... tu peux t’en flatter, viens m’emprunter ma brosse, tu verras.

PREMIER OUVRIER.

Dites donc, voilà monsieur Pincemaille, un vieux farceur, dont j’ai fait la connaissance au spectacle gratis à la Gaîté.

DEUXIÈME OUVRIER.

Ah ! ah ! il a une bonne tête...

 

 

Scène II

 

LES MÊMES, PINCEMAILLE, il entre à reculons en regardant en l’air avec une lunette d’approche

 

PINCEMAILLE, regardant.

Oh ! oh ! oh ! diable ! diable ! mais voilà qui est de toute beauté, de toute beauté !...

PREMIER OUVRIER.

Vous trouvez monsieur Pincemaille ?

PINCEMAILLE.

Je ne me trompe pas, c’est monsieur Badigeon, peintre-vernisseur.

TOUS.

Monsieur Pincemaille, vot’ serviteur...

PINCEMAILLE.

J’ai bien l’honneur de vous saluer, Messieurs.

TOUS.

Votre santé est bonne, monsieur Pincemaille ?

PINCEMAILLE.

Mais vous êtes bien honnête.

UN OUVRIER.

Et madame Pincemaille, comment va-t-elle ?

PINCEMAILLE.

Mais vous êtes bien bon, je ne peux pas trop vous dire, attendu que je suis garçon...

UN AUTRE.

À la bonne heure, et vos petits enfants, monsieur Pincemaille.

PINCEMAILLE.

Messieurs, je n’ai jamais eu d’enfants, par mesure d’économie... dans ce siècle ci, la paternité est extrêmement onéreuse... aussi je vis célibataire, depuis que je suis veuf, et je n’ai jamais voulu augmenter mon personnel.

PREMIER OUVRIER.

Oh ! c’est un homme d’esprit monsieur Pincemaille, il sait que deux et deux font quatre.

PINCEMAILLE.

Oui, sans compter les intérêts ; ah ! ça mais, qu’est-ce donc qui vous attire ici, mes enfants, et comment se fait il que vous ne soyez pas eu frairie aujourd’hui... le jour où Paris doit être témoin du retour de l’armée française, et de son Prince généralissime.

PREMIER OUVRIER.

Comment, mais nous le savons ben... vous n’avez donc pas vu l’arc de triomphe de l’Étoile ?

PINCEMAILLE.

Si parbleu !

PREMIER OUVRIER.

Eh ! ben, nous sommes en train d’y travailler.

PINCEMAILLE.

Comment travailler ? tu dis que tu travailles et tu manges... que font ces Messieurs ? ils flânent...

PREMIER OUVRIER.

Tiens, nous déjeunons !...

Air : Ah ! ma mère, est-ce que j’sais ça ?

Dam ! faut ben manger et boire.

PINCEMAILLE.

Quel motif bas et petit !
Quand il s’agit de la gloire,
Pense-t-on à l’appétit ?
Croyez-vous qu’les fils d’Turenne,
Quand l’signal était donné,
Disaient à leur capitaine ;
Nous n’avons pas déjeuné.

PREMIER OUVRIER.

Soyez donc tranquille, nous avons le temps !...

PINCEMAILLE.

Oui le temps, vous ne savez donc pas que les français doivent arriver aujourd’hui...

PREMIER OUVRIER.

Laissez-donc, nous savons les nouvelles aussi.

PINCEMAILLE.

Voilà-t-il pas encore des fameuses têtes de politiques des colleurs de papier... vous allez chercher vos nouvelles dans le pot-à-colle !

TOUS.

Ah ! ça, dites donc, monsieur Pincemaille.

PINCEMAILLE.

Le fait est que plusieurs diplomates de mes amis, qui tiennent leur séance sous l’arbre de Cracovie, m’ont assuré comme une chose officielle, que l’armée arrivait sous l’arc de triomphe, entre midi un quart et midi vingt minutes.

PREMIER OUVRIER.

Allons, allons, aussi, bien notre demi heure est passée.

Air : Tu vas changer de costume, etc. (Pauvre Diable.)

Tôt dépêchons,
Marchons,
Et reprenons
Le pinceau z’en main, remontons à l’échelle ;
Pour nos soldats
Démanchons-nous les bras,
C’est leur triomph’ qui nous appelle.

PINCEMAILLE.

Travaillez fort, puis vous boirez après ;
Que ce matin, chacun se sacrifie :
Il faut savoir, en artiste français,
Rester à jeun pour la patrie.

TOUS.

Tôt dépêchons, etc.

Ils sortent.

 

 

Scène III

 

PINCEMAILLE, ensuite MADAME MALASSIS, UN PETIT GARÇON

 

PINCEMAILLE, les reconduisant.

C’est cela, mes gaillards, et faites-moi quelque chose de joli... ah ! ah ! j’aperçois cette brave loueuse de chaise des Tuileries... madame Malassis, elle vient ici établir son commerce... j’vais lui faire un doigt de cour, afin qu’elle me donne, si c’est possible, une chaise sans aucune rétribution.

MADAME MALASSIS, entre en parlant à la cantonade.

Allons donc, petit garçon... avancez-donc... Fifi, Fifi... ici grand paresseux !

LE PETIT GARÇON, tout couvert de petits bancs et de chaises.

Ahais ! paresseux !... quand je porte la charge d’un âne... c’est tout ce que je peux faire... des chaises, des bancs, des tabourets... vous voyez bien que j’ai les premières loges sous mon bras et les secondes sur la tête.

PINCEMAILLE.

Bonjour, madame Malassis, vous allez ouvrir votre établissement de bonne heure !

MADAME MALASSIS.

Je le crois bien, un jour comme aujourd’hui.

LE PETIT GARÇON.

Dites donc ma tante, vous m’aviez promis quet’chose, si j’portais bien les chaises.

PINCEMAILLE.

Oui, oui, il est bien gentil,

À part.

elle est intéressée... faut la prendre par la générosité.

Haut.

Tiens, mon ami, voilà un beau sou... va-t’en boire un verre de coco... et tu me rapporteras la monnaie.

LE PETIT GARÇON.

Ah ! ben, à la bonne heure, quand on donne pour boire.

Il sort. Madame Malassis, range ses chaises.

PINCEMAILLE.

J’espère que vous allez vous en donner aujourd’hui à crier, asseyez-vous !

MADAME MALASSIS.

Ah ! dam, j’aurai de quoi.

Air : Mon galoubet.

Asseyez-vous, (bis.)
Vieux pères
D’nos jeun’s militaires,
Aujourd’hui vous les r’verrez tous.
Et vous, qui lui fûtes fidèles,
Dans la foule on tombe.
Crainte d’faux pas, Mesdemoiselles,
Asseyez-vous.

Asseyez-vous, (bis.)
Dis-je à tout le monde
À la ronde ;
C’est mon r’frain dans un jour si doux ;
Et vous, prince, dont l’courage brille,
Vous êtes au sein d’votre famille :
Asseyez-vous.

Asseyez-vous, (bis.)
Dirai-je aux enfants de Bellone,
Qui r’vienn’t triomphants parmi nous ;
La paix n’a rien qui vous étonne,
D’Madrid ici, la course est bonne,
Asseyez-vous.

PINCEMAILLE.

C’est très bien, et combien ferez vous payer ça ? avez-vous des places à six, à quatre et à deux ?...

MADAME  MALASSIS.

Je ferais de jolies affaires à ce prix là ! les premières seront à trente sous, les secondes à quinze, et les abonnements généralement suspendus.

PINCEMAILLE.

Ah ! mon dieu, mais c’est exorbitant ; en ce cas là, j’irai au parterre tout bonnement. Mais dites donc, moi qui suis une vieille connaissance, vous me donnerez bien une entrée de faveur ?

MADAME MALASSIS.

En v’là encore d’une bonne, un vieux Harpagon comme vous, pour trente malheureux sous.

PINCEMAILLE.

Trente sous, vous voulez donc me mettre sur la paille, avec vos chaises... au surplus, je me passerai de vous, j’ai des connaissances dans le quartier... et j’en irai emprunter une...

MADAME MALASSIS.

Allez donc, vilain que vous êtes.

PINCEMAILLE.

Vilain ! moi, je suis vilain ! vous me payerez celle là... et je ne vous payerai pas vos chaises.

MADAME  MALASSIS.

Allez donc, grippe sous !

PINCEMAILLE.

Madame Malassis, souvenez-vous que je suis lié avec le commissaire de votre arrondissement.

MADAME MALASSIS.

Je me moque de vous !

On entend une ritournelle.

 

 

Scène IV

 

MADAME MALASSIS, rangeant ses chaises en ligne, LE PÈRE DESCHAMPS, DENISE, LAGRENADE, GERMAINE

 

CHŒUR.

Air : Arrivons tertous. (Soldat Laboureur.)

Allons, mes amis,
Au devant d’nos frères,
Ces brav’s militaires
Revienn’nt à Paris.

DENISE.

Aujourd’hui l’s enfants
Vont trouver des pères,
Les fils r’trouv’nt leurs mères,
Les fill’s leurs amants.

CHŒUR.

Allons, etc.

DESCHAMPS.

Enfin, nous v’là donc arrivés ?

DENISE.

Lâchais moi donc le bras monsieur Lagrenade !...

LAGRENADE.

Vous voulez me quitter, z’adorable Denise ?

DENISE.

J’voulons voir ces beaux jardins, c’est encore plus grand que not’ vigne, oui !

GERMAINE.

Queu plaisir ! nous v’là donc dans ce Paris !... j’allons donc voir aujourd’hui revenir l’armée et mon bon Charlot !... car j’espérons que le ciel me l’aura conservé !...

DENISE.

Oh ! moi aussi, ma tante, je l’espère ben !

DESCHAMPS.

Tais-toi, Denise, ça ne te regarde pas.

GERMAINE.

Pourquoi donc ça, mon frère ? est-ce que mon fils n’est plus son cousin ?

DESCHAMPS, à part.

Détournons la conversation.

Haut.

Eh ben mon vieux Lagrenade, tu ne dis rien... est-ce que ta blessure ?

LAGRENADE.

Moi... je n’y pense pas seulement, sans elle pourtant, je serais déjà au-devant de mes braves camarades, mais j’vas bientôt le rejoindre, j’étais aussi là bas, moi.

DESCHAMPS.

Et tu veux passer sous l’arc de triomphe aussi toi ?

LAGRENADE.

Ça flatte toujours, quoique ce ne soit pas la première fois.

Air : On dit que je suis sans malice.

À ces monuments de la gloire,
Élevés après la victoire,
En l’honneur des soldats français,
Depuis longtemps nous sommes faits.
En Italie, en Allemagne,
En Égypte, en Prusse, en Espagne...
Corbleu, nous en avons laissés
Partout où nous sommes passés.

DESCHAMPS.

Ah ! ça mon vieux... tu as voulu te trouver à Paris, le jour du retour de tes camarades.

LAGRENADE.

Songe donc au plaisir que j’aurais, si je pouvais retrouver parmi eux le brave jeune homme à qui je dois la vie.

DESCHAMPS.

Comment le reconnaître !

LAGRENADE,

Je le reconnaîtrais dans cent mille !

GERMAINE.

Comment, monsieur Lagrenade, vous avez été sauvé...

DENISE.

Oh ! dieux, racontez-moi donc ça... j’aime les batailles...

À part.

quand il y a quelque belle action, il m’semble toujours que c’est Charlot qui l’a fait !...

LAGRENADE.

Je ne l’oublierai jamais !

Air : de Cantorbery.

Me trouvant seul après une victoire,
Il m’en souvient, c’était à Cervera,
Un peu trop loin, j’voulus chercher la gloire,
Et j’ai manqué, corbleu, de rester là.
Sur les fuyards, mon zèle au loin m’entraîne,
Sans réfléchir un instant au péril,
Le sabre en main je cours à perdre haleine,
Et j’suis salué par trois coups de fusil.
Je leur fais face, et je veux me défendre,
Mais mon sang coule et j’tombe dans leurs rangs,
Quand tout-à-coup, de près se fait entendre
L’son du tambour d’un de nos régiments.
Croyant alors qu’on est à leur poursuite,
Et derrière eux même ne r’gardant pas,
Mes agresseurs vont pour prendre la fuite,
Et puis soudain reviennent sur leurs pas ;
Car le tambour, plein d’un’ audac’ guerrière,
Qui v’nait m’sauver dans ce moment affreux,
Comm’ s’il était suivi d’l’armée entière,
Était tout seul, mais il battait comm’deux.
Il fond sur eux, les repouss’, les arrête,
En m’achevant, ils allaient m’dépouiller...
Sur son tambour, il r’pose alors ma tête ;
Pour un soldat, c’est un bon oreiller.
L’rappel alors nous apprend qu’on s’rallie,
Il me relève et me quitte aussitôt,
Adieu, m’dit-il, je t’ai sauvé la vie,
Puis il m’embrasse et disparaît bientôt...
Sans lui, j’allais finir dans la poussière,
Ou, prisonnier, je s’rais mort de douleur,
Je lui dois donc c’que j’ai d’mieux sur la terre,
Les jamb’, les bras, et la vie et l’honneur.

DESCHAMPS.

Mais morguaine, une fois le Prince, aux Tuileries, j’espère que je nous en retournerons chez nous, et que je ne pens’rons plus qu’à not’ grande affaire.

GERMAINE.

Queu grande affaire donc ?

DENISE.

D’puis quinze jours, ils suchottent toujours ensemble. Dites-donc, mon père, quoique c’est-il, hein ? vous savez ben que j’sis curieuse.

DESCHAMPS.

Tu l’sauras plus tard.

LAGRENADE.

Faut pourtant ben qu’elle aye le mot d’ordre... pour quelle suivre la consigne.

DESCHAMPS.

Eh ! ben parguenne, il n’s’agit pas de tant barguigner... c’te grande affaire c’est que j’voulons te donner un mari.

GERMAINE.

Vraiment ?

DENISE.

Ah ! queu bonheur !... tant mieux, tant mieux... vous avez là une fameuse idée, papa !

DESCHAMPS.

Et que c’est mon ancien ami Lagrenade qui t’épous’ra.

DENISE et GERMAINE.

Monsieur Lagrenade.

DENISE, riant niaisement.

Oh ! oh !... monsieur Lagrenade... ah ! ben tant pis, par exemple !

LAGRENADE, à Deschamps.

Il me semble que la petite mère, n’a pas du goût pour le service.

DESCHAMPS.

Laisse-donc... il ne s’agit pas de toutes ces raisons là... J’ai donné ma parole à mon ancien ami, que vous l’aimeriez, Mamselle, et vous savez que Deschamps n’a jamais manqué à sa parole...

DENISE.

J’sais ben, mon père... mais il me semble que... vous auriais ben fait... de me consulter un petit brin, p’t-être.

DESCHAMPS, vivement.

Paix ! Jarni !

DENISE.

V’là que je m’tais, papa.

DESCHAMPS.

J’sais ben c’que tout ça veut dire ; vous pensez encore à vot’ cousin Charlot, qu’est à l’armée ?

LAGRENADE.

Oh ! oh ! un cousin !...

DENISE.

Et qu’ j’aimons joliment encore !

GERMAINE.

Ça c’est vrai, mon frère, qu’ils s’convenaient ben tous les deux.

DESCHAMPS.

C’était d’z’amitiés de cousin à cousine... d’ailleurs, Mamselle, jamais vous ne l’épouserez...

DENISE, pleurant.

Hou !... hou !...

DESCHAMPS.

J’voulons pour gendre un bon garçon, un brave militaire... j’avons d’l’ambition.

GERMAINE.

Sans faire de tort à monsieur Lagrenade, il me semble que not’ fieux a toutes ces qualités-là.

DESCHAMPS.

Eh ben !... mais... il me faut un mari qu’ait la croix d’honneur, et puis quequ’s écus... et vot’ petit étourneau de cousin n’a pas l’sou.

GERMAINE.

Écoutez donc, mon frère...

Air : Fille à qui l’on dit un secret,

Mon Charlot possède un bon cœur,
Et quoiqu’il n’soit pas dans l’aisance,
Sa misèr’ lui fait plus d’honneur
Qu’à ben d’autres leur opulence :
Si mon pauvr’ Charlot n’a pas d’bien,
C’n’est pas un reproche à lui faire,
Faut pardonner aux enfants qui n’ont rien,
Quand ils donnent tout à leur mère.

DESCHAMPS.

Ça m’est égal, j’veux d’un gendre qui soit gradé...

GERMAINE.

Qu’est-ce qui vous dit ; depuis le temps que j’n’en avons eu des nouvelles, qu’il n’s’est pas fait remarquer.

DENISE.

D’abord, il m’disait toujours qu’il voulait devenir caporal.

LAGRENADE.

Écoute donc, j’aime mamselle Denise comme mon drapeau ou comme mon général, la même répétition, mais cependant mille bombes !...

DESCHAMPS.

Oh ! oh ! Denise est ma fille, elle m’obéira ; quant à toi, j’ons ta parole, ainsi y a pas à revenir là-dessus, et vous, ma sœur, suivez moi, j’ai à vous parler.

DENISE, pleurant.

Ah ! mon dieu ! monsieur Lagrenade, vous seriez bien aimable, si vous n’vouliez pas de moi.

LAGRENADE.

Que je ne vous épouse pas ! ah ! vous êtes trop gentille pour ça, Mamselle.

À part.

Corbleu ! que la gloire est une jolie avant-poste quand elle a un corps de réserve comme ça.

Il sort.

 

 

Scène V

 

DENISE, seule

 

Dieux ! mon père est-il taquin : qu’est-ce qu’il a après c’pauvre Charlot !... n’faut-il donc pas qu’j’y pense... du tout, du tout ? oh ! oh ! oh ! c’est embêtant... s’il faut qu’j’épouse monsieur Lagrenade, Je m’périrai, c’est sûr, ou j’m’en sauverai.

 

 

Scène VI

 

DENISE, FLORE, à la tête de quelques bouquetières, UNE BONNE D’ENFANTS, GRISETTES, etc.

 

TOUTES.

Air : Gai, gai.

Gai, gai, c’est aujourd’hui
Qu’nous allons voir les objets d’not tendresse ;
Gai, gai, qu’l’amour nous presse,
Notre bon princ’ les ramène avec lui.

FLORE.

J’vas r’voir mon fourrier,
Et toi, ton lancier,
Toi, ton officier,
Toi, ton grenadier ;
Toi, ton brigadier,
Ton carabinier,
Toi, ton cuirassier,
Toi, ton canonnier.

TOUTES.

Gai, gai, etc.

DENISE,

Oh ! oh ! qu’alles sont heureuses !... elles auront toutes... chacune le sien...

FLORE...

Eh ! ben, quoi qu’elle a donc, c’t’infortunée ; est-ce que vous n’avez point d’amoureux, vous, ma petite mère !

DENISE.

Oh ! qu’si fait... j’en ons deux, mais il n’y en a qu’un que j’aime ; c’est un petit tambour.

TOUTES.

Un tambour !

FLORE.

Eh bien ! y en a d’gentils des tambours.

UNE PETITE.

Moi, j’aime mieux les trompettes.

FLORE.

Taisez-vous, tronquette !... Dites-moi, la paysanne, c’est y le fameux tambour de Logrono qu’est le vôtre.

DENISE.

De Logrono ? je n’sais point.

FLORE.

Rassurez-vous, jeunesse, il reviendra, quoique ces tambours, c est bien sujet à battre en retraite... l’habitude... mais ne pleurez pas, allez, vous le reverrez... il sera avec les autres, et le premier en tête.

LA BONNE.

Après mon sapeur, mamselle Flore...

LE PETIT ENFANT.

Moi, j’n’aime pas ton sapeur... il m’fait peur.

LA BONNE.

Taisez-vous, mon petit Mimi, vous aurez du sucre d’orge.

FLORE.

J’allons t’y avoir de l’agrément. Dis-donc, la Marjolaine, as-tu préparé les fleurs ?

LA PETITE BOUQUETIÈRE.

Oui, ma cousine.

FLORE.

J’dis qu’c’est galant... d’leur avoir tenu des serres chaudes tout exprès pour les fleurir.

Air : Lise épouse l’beau Gernance.

Dégarnissons tout’s nos serres,
Sur les pas d’nos militaires
Allons répandre des fleurs,
Et varions-en les couleurs.
À l’objet qu’a su lui plaire,
Chacun d’ces brav’s s’unira ;
Que d’mariages ça va faire !
N’faut-il pas des ros’s pour ça ?

Ter en chœur.

Pour celui qui les commande,
Mes amis, dans not’ offrande,
Il ne faut pas oublier
Et les lys et l’olivier ;
Ce prince, fils de la gloire,
Qu’nous chérissions tant déjà,
Nous a rendu la victoire,
Il faut des lauriers pour ça.

Notre sol en fleurs abonde,
Comm’ les jeun’s fill’s à la ronde
À cette fête ont pris part,
Ell’s auront aussi leur part ;
Enfin, dans chaque famille,
Un jour comme celui-là,
Les d’moisell’s ne s’ront plus filles,
Faut des grenadiers pour ça.

PLUSIEURS JEUNES FILLES.

Aussi, j’espère bien qu’il y en aura pour tout le monde.

FLORE.

Ça va-t-il faire des noces à c’te Courtille... d’abord la mienne, je me marierai pour sûr avec mon fourrier de chasseurs, ou avec mon tambour-major.

 

 

Scène VII

 

LES MÊMES, PINCEMAILLE, une chaise sous le bras

 

PINCEMAILLE.

Ah ! ah ! déjà du public féminin... vite, vite, mettons ma chaise au premier rang. Ouf !

Il s’assied.

Là, j’ai eu là une bonne idée d’emprunter une chaise à une de mes connaissances, s’il m’avait fallu trotter chez moi et rapporter une chaise de la rue Percée.

UNE GRISETTE.

Dites-donc, mamzelle Flore, regardez donc ce vieux avec sa chaise.

FLORE, riant.

Ah ! ah ! ah ! ce pauvre cher homme, il a pris ses précautions... Pardine, c’est monsieur Pincemaille ; je le connais de la Saint-Louis... Il est un peu de la Saint-Jean ; faut le faire aller.

PINCEMAILLE.

Comme vous dites, Mesdames, j’ai pris mes précautions, et je vous engage à faire comme moi, mais derrière, parce que je veux voir le cortège et que je suis décidé à crier : à bas les chapeaux ! à bas...

TOUTES, riant.

Ah ! ah ! ah !

FLORE.

Il a l’air méchant, le papa.

 

 

Scène VIII

 

LES MÊMES, MADAME MALASSIS, faisant sa tournée

 

MADAME MALASSIS, à Pincemaille.

Ah ! ah ! v’là du monde par ici... Monsieur, votre chaise, s’il vous plaît.

PINCEMAILLE.

Hein ?

MADAME MALASSIS.

Je vous demande votre chaise.

PINCEMAILLE.

Ma chaise, pourquoi faire ?

MADAME MALASSIS.

Pour la payer, trente sous, c’est le prix.

PINCEMAILLE, se levant.

Plaisantez-vous, madame Malassis ! cette chaise est ma propriété, je suis chez moi.

TOUTES LES FEMMES, l’entourent.

Ah ! ah ! il est chez lui.

PINCEMAILLE.

Oui, je suis chez moi, que diable, cette chaise m’appartient.

Air : Voulant par ses œuvres complètes.

Vos procédés sont malhonnêtes,
Madam’, laissez-moi vous parler.

MADAME MALASSIS.

Monsieur, pour la place où vous êtes,
Faut payer ou vous en aller.

PINCEMAILLE.

Encore un coup, c’est d’l’arbitraire,
De la place je n’veux pas bouger,
On n’peut pas m’fair’ déménager
Puisque je suis propriétaire.

MADAME MALASSIS, lui parlant à l’oreille.

Allons ; ça sera vingt-quatre sous pour vous, mais n’en dites rien.

PINCEMAILLE.

Vingt-quatre sous... ah ! ça, il paraît que vous voulez me vexer, mère Malassis, que c’est un parti pris...

UNE JEUNE FILLE, accourant.

Grande nouvelle... je viens de voir un soldat.

TOUTES.

Un soldat !

PINCEMAILLE.

Un soldat !... c’est peut-être l’armée.

TOUTES.

Courons, courons...

FLORE.

En avant les bouquets, je suis votre guide.

PINCEMAILLE.

Voyons donc voir ce que c’est.

Elles sortent par la droite ; il prend sa chaise et les suit.

 

 

Scène IX

 

DENISE, CHARLOT, arrivant du côté opposé

 

CHARLOT.

Air : Je suis le petit tambour.

Je suis le petit tambour
Qu’a fait du bruit en Espagne,
Qui r’vient de sa première campagne
Couvert de gloire et plein d’amour.

 

Que vois-je ! c’est ma Denise.

DENISE.

Eh ! quoi ! c’est toi, mon Charlot ?

CHARLOT.

C’est celle qui m’est promise !

DENISE.

Je n’t’attendais pas sitôt.

CHARLOT.

Mille baguett’s embrassons-nous donc,
Ma chèr’ petit’ cousine,
Je conviens, morbleu ! qu’ ta mine
M’plaît encor plus que l’canon.

Ensemble.

CHARLOT.

Je suis le petit tambour, etc.

DENISE.

Voilà mon petit tambour
Qu’arriv’ triomphant d’Espagne,
Et qui r’vient d’sa première campagne
Couvert de gloire et plein d’amour.

DENISE.

Dieu ! te voilà !... ah ! quel effet ça me fait.

CHARLOT.

Eh ! oui, me voilà, ma chère Denise.

DENISE.

Te v’là tout entier... ils n’t’ont pas blessé ?

CHARLOT.

Ce n’est pas de ma faute, j’ai bien fait tout mon possible pour ça...

DENISE.

Est-il grandi ! a-t-il profité !... a-t-il crû ! dieux ! Comme t’as crû !

CHARLOT.

C’est à la guerre que les soldats deviennent grands ! embrasse-moi donc encore, après une si longue absence, et justement que c’est une commission que j’ai.

Il l’embrasse.

Air : de Partie Carrée.

Quand je partis pour revoir ma famille,
Mes camarades, jaloux de mon bonheur,
M’chargèr’nt pour eux d’embrasser chaqu’ jeun’ fille ;
Tu les vaux toutes dans mon cœur.
Sur ce p’tit minois que j’adore,
Si tu le veux, ma chère, en ce moment,
Me voilà prêt à t’embrasser encore
Pour tout le régiment.

DENISE.

Pour tout le régiment ! ah ! ça m’est égal, embrasse-moi, tant que tu voudras.

CHARLOT.

Qu’est-ce donc ? tu as l’air chagrin, tu ne me regarde pas ? tu pleures.

DENISE.

Non, j’pleure pas, c’est pour de rire.

CHARLOT.

Mais je le vois bien, qu’est-ce que tu as ?

DENISE.

Dieux ! si tu, savais ; eh bien ! oui, là, mon père veut plus que nous soyons mari et femme ; il va m’donner à un autre... Monsieur Lagrenade, un vieux grenadier... qu’est vieux comme tout.

CHARLOT.

Ah ! bien, voilà du nouveau, par exemple, qu’est-ce que c’est que ce Lagrenade ?

DENISE.

J’sais pas, moi, c’est un soldat de la troupe, quoi !...

Air : J’ai perdu mon couteau. (de Bérat.)

Charlot n’pense pas à moi,
Je n’peux pas être à toi, (bis.)
Mon père m’en fait la loi ;
J’t’avais gardé ma foi,
Mais on n’dépend pas d’soi,
Je n’ peux pas être à toi,
Ah ! n’pens’ plus à moi.

CHARLOT.

Eh ! quoi, le pèr’ Deschamps
Trait’ comm’ ça ses enfants,
Il trahit ses serments...

DENISE.

Dam’, il dit comm’ ça, mon père,
Qu’l’y faut un vieux militaire.

CHARLOT.

Corbleu !
J’ai vu le feu,
Et j’lui prouv’rai, morbleu !
Pour c’qu’est d’être amoureux,
Que je vaux mieux
Qu’un vieux.

DENISE.

Oh ! moi, j’crois bien qu’tu vaux mieux, pardine, mais c’est mon père, vois-tu ?

Ensemble.

DENISE, pleurant.

Charlot n’pense plus à moi, etc.

CHARLOT, pleurant.

Faut donc r’noncer à toi,
Tu n’peux pas être à moi,
Tu n’peux pas (bis.) être à moi,
Moi, qui t’gardais ma foi,
Qui vivais sous ta loi,
Mais hélas ! je l’conçois,
On ne dépend pas d’soi,
De colèr’, jarnigoi !
V’là que j’pleure, je crois.
Ah ! ah !

CHARLOT.

Ton prétendu, corbleu !
N’a qu’à bien t’nir son jeu,
Car j’te réponds sous peu...
Que j’vas li battre un’ berloque
Ous qu’il faudra qu’il suffoque ;
J’suis bon enfant, c’est bien,
Mais quoiqu’c’est un ancien,
J’n’entends pas que l’péquin
Mêl’ mon bien avec l’sien.

DENISE.

Tout ça, c’est des bêtises, Charlot, est-ce que tu voudrais te battre, à présent ?

Ensemble.

CHARLOT.

Faut donc r’noncer à toi.

DENISE.

Charlot, n’pens plus à moi, etc.

 

 

Scène X

 

DENISE, CHARLOT, DESCHAMPS

 

DESCHAMPS.

Qu’est-ce que c’est que ça, ah ! te voilà ici, toi, bon sujet ?

DENISE.

Eh ! mon dieu, mon père.

CHARLOT.

Ah ! bien oui, me voilà, j’apprends de jolies nouvelles...

DESCHAMPS.

Si ça n’te convient pas, tu n’as qu’à repartir, tu feras aussi bien.

CHARLOT.

Comment, monsieur mon Oncle, c’est comme ça que vous me recevez, et vous voulez donner Denise à un autre, mais je le verrai cet autre là, et il aura un peu affaire à moi.

DECHAMPS.

Oh ! celui-là ne te craint pas, va.

CHARLOT.

C’est ce que nous verrons, je ne le crains pas non plus, allez...

DESCHAMPS.

Toi, conscrit.

CHARLOT, fièrement.

Il n’y a plus de conscrits en France.

Air : Vaudeville de Turenne.

Sur not’ jeunesse il n’faut pas qu’on nous raille,
Un prince qui nous juge mieux,
Lui-même a dit sous la mitraille :
Les jeunes valent bien les vieux. (bis.)
Ce général, aux champs de la victoire,
A confondu sous les mêmes drapeaux
Et les soldats de nos succès nouveaux,
Et ceux de notre vieille gloire.

DESCHAMPS.

Allons, en v’là assez, a-t-on vu un petit crâne comme ça.

CHARLOT.

Vous m’renvoyez. Eh bien ! j’m’en vas, mais vous entendrez parler de moi et votre grenadier Lagrenade aussi, nous verrons et nous nous alignerons...

DENISE.

Il se battra !

DESCHAMPS.

Va-t’en, va-t’en, tu ferais mieux d’aller embrasser ta mère.

CHARLOT.

Ma mère ? elle est ici ?

DENISE.

Oui, elle est là, chez eune pratique ; que je suis malheureuse ?

CHARLOT.

Air : Tôt tôt tôt, au galop.

Je m’en vais, vous m’chassez,
Ça suffit, c’est assez,
J’vais r’voir une mère
Bien chère...
Mais j’r’viens avant peu,
Et vous saurez, morbleu !
Que j’suis dign’ d’être vot’ neveu.

Ensemble.

CHARLOT.

Je m’en vais, vous m’chassez, etc.

DENISE.

Oh ! mon dieu, finissez,
C’est ainsi qu’vous l’chassez,
Mon père,
Ça me désespère ;
Le voilà tout en feu,
Quoi ! faut-il pour si peu
Traiter comm’ ça votre neveu.

DESCHAMPS.

Partez donc, c’est assez,
Nous s’rons débarrassés,
Vous voulez faire
Le téméraire ;
Si vous rev’nez, morbleu !
Ici, sans mon aveu,
Je vous r’nonce pour mon neveu.

Ici Lagrenade sort de la petite palissade qui est censée fermer le jardin du Marchand de vin, il reste dans le fond, et Charlot entre vivement dans la maison sans l’avoir aperçu.

 

 

Scène XI

 

DENISE, DESCHAMPS, LAGRENADE

 

LAGRENADE.

Eh ben ! eh ben ! qu’est-ce qu’il y a donc, beau-père, vous me laissez me griser tout seul, et v’là Denise qui pleure.

DENISE.

Pourquoi que vous l’avez renvoyé, ce pauvre Charlot ?

LAGRENADE.

Oh ! oh ! le cousin... est-ce que c’est ce petit tapin que j’viens de voir sortir ?

DESCHAMPS.

Oui, ce petit drôle là faisait le mutin.

Imitant Charlot.

J’aime ma cousine, j’veux ma cousine... Je t’en donnerai, moi... Croirais-tu bien qu’il a osé te menacer, toi... dire que tu lui paierais ça ; patati, patata, que nous verrerions.

LAGRENADE.

Vraiment ! ah ! j’vas aller trouver c’cadet-là, je lui ferai voir s’il doit se frotter à deux chevrons bien comptés... corbleu ! si je l’attrape...

DENISE.

Allons, les voilà tous deux comme deux coqs en colère, à présent.

LAGRENADE.

Ah ! ah ! c’est que s’il bat du tambour... j’lui apprendrai à battre le briquet.

Il montre son sabre.

Et d’un’ manière sévère encore.

 

 

Scène XII

 

DENISE, DESCHAMPS, LAGRENADE, GERMAINE, retenant CHARLOT qui veut se montrer

 

CHARLOT.

Non, ma mère, non, laissez-moi, puisque c’est lui je veux lui parler.

GERMAINE.

Je t’en prie, Charlot.

CHARLOT.

Non, non.

LAGRENADE, relevant sa moustache.

Oh ! c’est le petit rantamplan, attendez, nous allons rire.

DENISE.

Air : du Comte Ory. (de M. Guénée.)

Par pitié, M’sieur Lagrenade,
Songez que c’est mon cousin.

LAGRENADE.

Faut que l’petit camarade
Reçoive un’ leçon d’ma main.

DENISE.

Ciel ! v’là Charlot qui s’avance,
Faut-il que j’ayons du malheur !

DESCHAMPS.

Lagrenade, pas d’imprudence.

LAGRENADE.

J’ai mon sabre, sois sans peur.

CHARLOT, le sabre à la main.

Il faut qu’tout ça finisse.

LAGRENADE, tirant son sabre.

J’vais t’apprendre l’service.

Ils s’avancent l’un contre l’autre, s’arrêtent tout à coup et laissent tomber leurs armes.

Ensemble.

LAGRENADE.

Qu’ai-je vu ? c’est bien lui !
Mon sauveur ici.

CHARLOT.

Qu’ai-je vu ? c’est bien lui !
C’est mon vieil ami.

Ils se sautent au cou l’un de l’autre.

DESCHAMPS, GERMAINE et DENISE.

Au lieu d’se battre en ce moment,
Ils s’embrassent... quel changement !

LAGRENADE et CHARLOT.

Oui, quoi, c’est lui,
C’est mon { vieil ami.
                 { jeune

DENISE.

Ils font la paix, quel bonheur !

LAGRENADE.

Oui, mes amis, c’est lui, c’est le jeune tambour qui m’a sauvé la vie sur le champ de bataille.

DESCHAMPS.

Est-il possible ?

CHARLOT.

Je ne m’attendais pas à vous trouver ici, major, et si j’avais su que c’était vous...

LAGRENADE.

Nous ne nous battrons plus, j’espère ?

CHARLOT, tristement.

Non, major.

Air : Ces postillons ; etc.

Quand notre cœur brûle pour une femme,
La posséder, v’là notre seul désir ;
Et pour l’objet de notre flamme,
Je le sens-là, s’battre est un grand plaisir. (bis.)

Montrant Denise.

Son pèr’, l’honneur, tout veut que je l’oublie,
Prenez-la donc j’resterons votre ami :
Je n’vous ons pas, là-bas sauvé,
Pour vous l’ôter ici.

LAGRENADE,

Bien, mon garçon, Deschamps laissez nous seuls, je suis bien aise de causer avec Charlot.

DESCHAMPS.

À la bonne heure, les voilà en pays de connaissance, viens-t-en Denise. Venez, ma sœur.

DENISE.

Vous ne vous battrez pas au moins.

LAGRENADE.

Non, non, il n’y a pas de danger.

Ils sortent.

 

 

Scène XIII

 

LAGRENADE, CHARLOT

 

LAGRENADE.

C’est donc toi, garçon, qui aime une jolie fille, et qui veut la souffler à une vieille moustache.

CHARLOT.

Comment, est-ce que ?...

LAGRENADE.

Embrasse-moi donc encore, brave luron, est-ce que tu rougis d’être mon libérateur ?

CHARLOT.

Moi !

Ils s’embrassent.

LAGRENADE.

Ah ! ça parlons d’affaires, le père Deschamps veut me donner sa fille.

CHARLOT, la main au schakos.

Oui, major.

LAGRENADE.

C’était une affaire arrangée, mais il paraît que tu l’aimes.

CHARLOT, même jeu.

Oui, major.

LAGRENADE.

De son côté la petite cousine qui, comme de raison, aime mieux les jeunes tambours que les vieux grenadiers, te préfère.

CHARLOT.

Oui, major.

LAGRENADE.

Enfin, j’vois qu’si j’épousais ta cousine, nous ne serions pas cousins.

CHARLOT.

Nous serions toujours frères d’armes major.

LAGRENADE.

Oui sans doute, mais ça ne te rendra pas heureux en ménage.

CHARLOT.

Non major, quoique je sois le plus ancien, je suis le plus jeune, c’est à moi de vous céder, je sais ce qu’on doit à un gradé supérieur.

LAGRENADE.

Que dis-tu ?

Air : Vaudeville des Scythes et des Amazones.

Pour me sauver guidé par ton courage,
Tu t’exposais à des périls affreux,
Quand ton bonheur pourrait êtr’ mon ouvrage,
Serais-je donc moins que toi généreux. (bis.)
Ce jour de paix doit-il nous voir en guerre,
Tous les Français doiv’nt être enfin d’accord.
Au champ d’honneur tu t’es montré mon frère,
Dans nos foyers, ah ! sois mon frère encor.
Sois mon frèr’, oui, sois mon frère encor.

CHARLOT.

Corbleu ! mon sous-officier, je serai aussi généreux que vous et je m’en irai.

LAGRENADE.

Je te le défends.

CHARLOT.

J’en mourrai peut être, mais ça m’est égal

Mouvement de Lagrenade.

vous aimez Denise... si, si... j’en suis ben sûr, on ne peut pas la voir sans l’aimer... si vous n’la trouviez pas aimable, il m’semble que j’vous en voudrais... mais j’ai bien vu qu’elle avait su vous plaire... eh ! bien, morbleu, vous êtes vieux déjà... vous avez servi trente ans, il faut que vous vous reposiez, que vous ayez une petite ménagère ben gentille, qui vous donne des petits marmots, qui vous allume votre pipe, l’matin, Denise s’ra vot’ fait... que voulez vous, j’ons vu l’fer des ennemis sur vot’ poitrine, j’l’ons écarté, vot’ sang coulait, j’l’ons étanché, t’nez c’était avec l’mouchoir qu’elle m’avait donné... et si aujourd’hui je suis malheureux, c’n’est pas votre faute, c’est la mienne ; ça ne s’rait à recommencer que je le ferais encore... eh ! bien jarni épousez-la... moi j’suis jeune, j’peux servir longtemps, j’en chercherai une autre que je puisse aimer, je n’en trouv’rai p’t’être point, mais il n’s’ra pas dit que je vous aurai rendu malheureux... embrassez-moi... souv’nez-vous de Charlot, je pars, je ne vous reverrai plus, adieu... et souhaitez moi un bon voyage...

LAGRENADE.

Corbleu, je ne le souffrirai pas... as-tu donc pu croire que je serais un ingrat... tu t’es trompé ventrebleu !

CHARLOT.

Adieu ! adieu ! laissez-moi, laissez-moi.

LAGRENADE.

Reste-là mille bombes... je suis entêté, tu ne partiras pas, il faudra bien que le père Deschamps fasse ce que je voudrai... entends-tu, qu’est-ce que c’est donc qu’un ostiné comme ça.

Air : Je reconnais ce militaire.

L’amour me dit qu’dans cette affaire
Je ne dois plus rien espérer,
Puisque c’est toi qu’elle préfère,
C’est à moi de me retirer.

CHARLOT.

Major, j’vous dois l’obéissance,
Mais je r’fuse un’ pareill’ faveur.

LAGRENADE, le serrant dans ses bras.

Puisque je te dois l’existence,
Au moins tu m’devras le bonheur. (bis.)

LAGRENADE.

L’amour me dit qu’dans cette affaire, etc.

CHARLOT.

Non, l’obéissanc’ militaire
Me dit de n’plus rien espérer,
Et quoi qu’ce soit moi qu’elle préfère,
C’est à moi de me retirer.

LAGRENADE.

Corbleu ! nous allons nous fâcher Charlot.

Il appelle.

Denise ! Denise !

 

 

Scène XIV

 

LAGRENADE, CHARLOT, DESCHAMPS, GERMAINE, DENISE

 

DECHAMPS.

Nous voilà.

LAGRENADE.

Quel petit enragé !

DENISE.

Eh bien, monsieur Lagrenade, que m’voulez vous ?

LAGRENADE.

Voilà celui que vous aimez, je vous le rends. Corbleu ! qu’il soit votre mari...

DENISE.

Ah !...

CHARLOT.

Quel brave homme ? est-ce vexant de ne pas pouvoir le tuer !

DESCHAMPS.

Ah ça, mais je n’entends pas tous ces partages là, moi...

GERMAINE.

Mais, mon frère...

DECHAMPS.

Ma fille n’épousera que Lagrenade.

DENISE.

Mais, mon père, cependant si monsieur Lagrenade me refuse, je ne veux pas d’un mari qui ne veuille pas de moi.

CHARLOT, attendri.

Et moi, mon sergent, je vous dis...

LAGRENADE.

Paix, conscrit...

Air : Ah ! ne croyez pas que j’oublie.

Mes amis, adieu, je vous quitte,
Je dois obéir à mon cœur ;
Il faut ici que je m’acquitte
Envers mon jeun’ libérateur.
Rassur’-toi, mon p’tit camarade,
Je s’rai de r’tour dans un instant ;
Tu connaîtras l’vieux Lagrenade,
Et de lui tu seras content.
Oui, de lui tu seras content.

Ensemble.

LAGRENADE.

Mes amis, adieu, etc.

TOUS.

Eh ! quoi, Lagrenade nous quitte,
Quel projet a formé son cœur.
Faut-il qu’un ami nous évite
Au moment de notre bonheur.

Il leur serre la main et sort par la gauche.

DESCHAMPS, DENISE et GERMAINE.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

DESCHAMPS.

Comme il nous plante là comme ça.

GERMAINE.

Je n’y comprends rien.

 

 

Scène XV

 

CHARLOT, DESCHAMPS, GERMAINE, DENISE, LE COLONEL ST.-ERNEST, suivi de plusieurs officiers, ils entrent par la droite

 

LE COLONEL, aux officiers.

Oui, Messieurs, l’armée suivra la route en droite ligne, et nous allons rejoindre le premier corps au bois de Boulogne.

CHARLOT.

Dieu ! mon colonel, j’ai oublié l’heure... je suis perdu !

LE COLONEL.

Vous êtes encore ici, tambour, pourquoi ce retard, je vous avais donné deux heures.

DESCHAMPS.

Là, voyez-vous, avec toutes ses histoires, il a manqué à son devoir, j’avais raison de le faire partir.

DENISE,

Oh ! monsieur le colonel, c’est pas de sa faute, je vous assure, c’est moi, c’est nous qui l’avons retenu.

GERMAINE.

Ne le punissez pas, monsieur le colonel, c’est mon fils et il était ben naturel que je l’gardions le plus longtemps possible.

LE COLONEL, à Germaine.

C’est votre fils, Madame.

Germaine fait la révérence.

DENISE, même jeu.

Oui, Monsieur, et c’est aussi mon cousin.

CHARLOT.

Mon colonel, recevez mes excuses, mais je n’ai que du malheur aujourd’hui.

LE COLONEL.

Non, Charlot, rassurez-vous, je ne puis punir dans une telle journée, surtout quand le coupable est le plus brave soldat de mon régiment.

DESCHAMPS.

Le plus brave du régiment !

GERMAINE.

Mon pauvre Charlot se serait distingué !...

DENISE.

Ah ! voyez-vous, mon père ? je le disais bien, moi.

LE COLONEL.

Oui, mes amis, c’est lui, c’est Charles Matrau, qui s’est distingué pendant toute la campagne et qui s’est couvert de gloire à Logrono.

TOUS.

Comment... c’est lui.

LE COLONEL.

Air : Et sa main qui n’a point tremblé. (Stanislas.)

Avec un sang-froid tout nouveau,
Ce jeune homme plein de vaillance,
À remporté plus qu’un drapeau,
Car il a pris le pont de Logrono.
L’assaut était donné,
Et nos soldats bouillants d’impatience,
Tenaient environné
Un bastion qu’ils avaient canonné.
Pour tenter un dernier effort,
Sur ses murs l’ennemi s’élance,
Et sur nous, du haut de ce fort,
Cent canons vomissent la mort.
Des vainqueurs un instant,
Les chefs prudents répriment la vaillance,
Seul, et tambour battant,
Matrau s’avance, en criant : en avant !
La fumée a caché ses pas,
Son tambour ne cesse de battre,
Comme le casque d’Henri-Quatre ;
Il guide toujours nos soldats.
Ce courageux enfant
Au régiment
Sert bientôt de modèle,
Plein d’ardeur et de zèle,
Chaque soldat le suit en un instant.
Du trépas qui le menaçait
On croit longtemps qu’il est victime,
Mais de loin sa voix nous anime,
Et son tambour lui répondait.
En avant, suivez-moi !
Criait toujours notre guide
Intrépide ;
Tout-à-coup je le vois
Sur le rempart se montrer sans effroi. }
Surpris, à son secours.                        }
J’accours,                                             } (bis.)
Les ennemis avaient quitté la place,    }
Sur la brèche, chacun l’embrasse        }
Et l’a nommé le Bayard des tambours.}

GERMAINE.

Ah ! monsieur le Colonel, quel plaisir vous me faites !...

DESCHAMPS.

Tu aurais fait ça, mon garçon |...

DENISE.

Vous voyez ben, mon père, quand j’vous disais !...

LE COLONEL.

Ce n’est pas tout mes amis.

Air : le Magistrat irréprochable.

De sa conduite magnanime,
Charles, en ce jour, va recevoir le prix,
Le prince généralissime
L’a distingué devant les ennemis. (bis.)

TOUS.

Le prince !

LE COLONEL.

Oui, de l’honneur, ceux qui furent esclaves,
Auront tous des droits à ses yeux ;
Le prince a dû reconnaître les braves,
Il était toujours avec eux.

GERMAINE.

Not’ brave Duc, a remarqué mon fils !...

LE COLONEL.

Oui, Madame, et il le nomme chevalier de la Légion d’Honneur !...

CHARLOT, au comble de la joie.

Moi ?

DESCHAMPS,

La croix d’honneur !

GERMAINE et DENISE.

Mon Charlot... j’en pleurons de joie !...

DESCHAMPS.

J’n’y tiens plus, embrasse-moi donc aussi, mon brave garçon !...

Ils l’embrassent tous.

LE COLONEL.

Air : de Blanchard.

Un descendant du vaillant Béarnais,
Nous commande et nous encourage,
Car il sait bien, chez le peuple français,
Qu’en l’honorant, on double le courage.
Auprès de lui l’on peut être accueilli
Par l’honneur et par la vaillance,
Et sous ses drapeaux aujourd’hui,
Le malheur trouve son appui,
Et le brave sa récompense.

 

 

Scène XVI

 

LES MÊMES, LAGRENADE

 

LAGRENADE, s’avançant un papier à la main.

Place, place !... je t’apporte une autre récompense, excusez mon Colonel, j’ai demandé aussi une mission au général.

Il prend Charlot et Denise par la main, et lit le papier.

« Je donne au brave Charles Matrau, la permission de se marier.

Signé, le GÉNÉRAL du premier Corps. »

Je t’apporte la permission de te marier et je te donne ma femme, je ne peux rien faire de plus...

DECHAMPS, à Denise.

Embrasse ton mari.

DENISE.

Nous serons donc mariés.

CHARLOT,

Ma chère Denise !

LE COLONEL.

Oui, mes enfants, et tout le régiment fera un repas de corps pour vos noces.

 

 

Scène XVII

 

LES MÊMES, FLORE, SA SUITE, PAYSANS, BOURGEOIS

 

TOUS.

Pour le coup, les voilà, les voilà !

FLORE.

Nous venons de voir de la hauteur, un nuage de poussière.

LE COLONEL.

Partons, Messieurs, allons, Charlot... à ton poste, il faut que ton tambour se fasse entendre encore aujourd’hui.

Il sort.

CHARLOT.

Je vous suis, mon colonel.

 

 

Scène XVIII

 

PINCÉMAILLE, accourt en bonnet de papier sur la tête, un gros pinceau à la main, suivi de quelques ouvriers

 

LES OUVRIERS, riant.

Ah ! ah ! ah !

PINCEMAILLE.

Les voilà, les voilà, nous sommes perdus.

FLORE.

Comment, nous sommes perdus !

DESCHAMPS.

Qu’est-il donc arrivé ?

PINCEMAILLE.

Oui, voilà le prince, toute l’armée, et malgré mes soins, mon zèle, l’arc de triomphe n’est pas fini... je n’en suis pas encore content.

TOUS.

Il n’est pas fini !

DENISE.

Est-il possible !

MADAME MALASSIS.

Quel malheur !

PINCEMAILLE.

Non, et cependant vous me voyez les armes à la main, ils m’ont forcé de me mettre en habit de combat, et j’ai joliment trimé... ils ont prétendu que j’étais le Raphaël des colleurs de papier.

On lui rit au nez.

Oh ! c’est du guignon, moi qui ai travaillé, demandez leur, ils m’ont joliment fait suer, tenez, les gouttes.

Il s’essuie le front.

FLORE.

C’est égal, mes amis...

Air : de Julie.

Que des Français’s, ici, l’amour et l’zèle
Travaille au triomph’ des Français ;
À la ros’ mêlons l’immortelle,
Et l’olivier, symbole de la paix.
Au devant d’eux que chacun m’accompagne,
En revoyant tous nos vaillants soldats,
Nous sèmerons des lauriers sur leurs pas,
Ils s’croiront encore en Espagne...

On reprend en chœur les deux derniers vers.

PINCEMAILLE.

C’est ça, c’est ça...

Vaudeville.

Air : d’une Sauteuse.

LAGRENADE.

Chantons le succès
D’la campagne
Puisqu’en Espagne
Grâce à nos Français
La victoire a conduit la paix.

TOUS.

Chantons le succès, etc.

CHARLOT.

Au milieu des cris
D’l’allégresse
L’peuple s’empresse,
On croit voir, amis,
Rentrer Henri-Quatre à Pâris.

TOUS.

Chantons, etc.

DENISE.

Montre-toi souvent
Près d’ta femme ainsi qu’à la guerre,
Comme auparavant
Dis tambour va toujours en avant.

TOUS.

Chantons, etc.

LAGRENADE.

La mèr’ Malassis
Avec ses chais’s a le béjaune,
Car au tour du trône
Ell’ voit tous les Français assis.

TOUS.

Chantons, etc.

FLORE.

Ces guerriers si chers
Vont faire
Tort à la bouqu’tière,
Étés comme hivers
Leurs lauriers seront toujours verts.

TOUS.

Chantons, etc.

PINCEMAILLE, au public.

J’sais qu’on a chanté
Dans chaqu’ théâtre c’jour d’ivresse,
J’donnerai pour la pièce
Mes vingt cinq sous à la Gaîté.

TOUS.

Chantons, etc.

PINCEMAILLE.

Courons, marchons, volons !...

DES PAYSANS, revenant.

Il n’est plus temps, les voilà, les voilà.

MADAME MALASSIS.

Eh ! mes chaises, mes chaises...

Tout le monde monte sur les chaises.

PINCEMAILLE.

Laissez-moi donc passer.

Il monte aussi.

MADAME MALASSIS.

Mais, Monsieur, on ne monte pas sur les chaises.

TOUS.

Assis ! assis !

PINCEMAILLE.

Prenez donc garde, vous allez me renverser.

PREMIER OUVRIER.

À l’ouvrage.

PLUSIEURS BOUQUETIÈRES.

À l’arc de triomphe !

UN PAYSAN.

Vite ! vite !

PINCEMAILLE.

Silence ! donc, silence ! on n’entend pas la musique

Les femmes sortent toutes, portant des fleurs.

Tout le monde se presse ; Pincemaille est poussé, la chaise sur laquelle il est s’enfonce, il passe au travers ; la foule l’entraîne.

PINCEMAILLE, criant.

Hai ! hai ! j’étouffe ! je suis mort.

 

 

Scène XIX

 

TOUS LES PERSONNAGES

La toile du fond se lève, et laisse voir une partie de l’arc de triomphe, que des hommes, des femmes, des enfants achèvent de parer de fleurs. On entend une marche triomphale.

CHŒUR.

Air : Final de Jeannot et Colin.

Héros, chers à la France,
Vous voilà, vous voilà revenus,
Désormais plus d’absence,
Ah ! ne nous quittez plus.

Le chœur reprend plusieurs fois pendant la marche. Le Colonel paraît au milieu de l’état-major, et décore Charlot, qui embrasse sa famille. Tableau général.

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