Les Eaux de Bourbon (DANCOURT)

Comédie en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue des Fossés Saint-Germain, le 4 octobre 1696.

 

Personnages

 

LE BARON DE SAINT-AUBAIN

MONSIEUR GROGNET, Médecin

MADAME GUIMAUVIN, Veuve d’Apothicaire

LA PRÉSIDENTE

LE CHEVALIER DE LA BRESSANDIÈRE

LA MARQUISE DE FOURBANVILLE

BABET, Fille de Monsieur Grognet

BLAISE, Paysan de Bourbon

VALÈRE, Fils du Baron de Saint-Aubin

LA ROCHE, Valet de Chambre de Valère

JASMIN, petit Laquais

PLUSIEURS MUSICIENS et DANSEURS

 

La Scène est à Bourbon-les-Bains.

 

 

Scène première

 

BLAISE, seul

 

Palsanguenne il faut avouer que je sis un grand fou de me mêler des affaires d’un homme aussi fou que ce vieux Monsieur le Baron de Saint-Aubin qui loge cheux nous. Il viant ici prendre des yaux pour se rétablir le foie, et il y deviant estropié par la cervelle ; les Médecins le guarissont d’une façon, et les femmes le rendont malade d’une autre. Je crois, Dieu me pardonne, qu’il est amoureux de tretoutes, mais il n’y en aura pas une qui devienne amoureuse de ly. Le vela qui viant ici : queu peste de figure !

 

 

Scène II

 

LE BARON, BLAISE

 

LE BARON.

Me voilà quitte de mes petites fonctions de la matinée ; j’ai bu mes eaux, pris mon bouillon, rendu mon remède, et mangé ma petite soupe, je me sens comme un pinson. Hé bien, mon pauvre Blaise, as-tu songé... ?

BLAISE.

Oui, Monsieur : mais ne vous en déplaise vous n’y songez pas ; vous, courir les rues dans l’équipage où vous vela ?

LE BARON.

Pour quoi non ? C’est ici un pays de liberté où l’on vit sans façon et sans contrainte, ah ! l’aimable séjour ! on donne une partie du temps au soin de sa santé, et le reste au plaisir et à la galanterie. Les malades se divertissent mieux à Bourbon, que les gens bien sains ne font ailleurs. Oh ! que j’ai été bien conseillé de venir aux Eaux cette année !

BLAISE.

Oui dà il y a bonne compagnie, n’est-il pas vrai ?

LE BARON.

Tous gens d’esprit, de goût, de plaisir, de bonne chère ; cette Présidente, par exemple, à soixante-dix ans, quelle humeur de femme !

BLAISE.

C’est une gaillarde, oui.

LE BARON.

Et ce Chevalier qui est si beau joueur, et qui me gagne tous les jours mon argent, l’agréable homme !

BLAISE.

Oui dà, il aime itou bian ce pays-ci stilà, il viant aux yaux deux fois l’année, et l’an ne sait pour queu maladie. Morgué s’il a la goutte, ce n’est pas au bout des doigts, je vous en avertis.

LE BARON.

C’est encore un bon original que ce vieux Intendant qui amène ici sa femme pour avoir des enfants.

BLAISE.

Alle n’en aura point de ce voyage-ci, c’est moi qui vous le dis.

LE BARON.

Elle n’en aura point ? comment sais-tu cela ?

BLAISE.

Bon, tatigué, est-ce que je n’avons pas l’expérience ; Tenez, Monsieur, quand des maris amenont ici leurs femmes pour ça, les yaux n’y font rian ? quand les femmes venont toutes seules, les yaux opéront que c’est des marveilles.

LE BARON.

Elles sont admirables ; et depuis que j’en prends, je me sens le corps et l’esprit tout rajeunis.

BLAISE.

C’est ce que je disais tout seul tout à l’heure, vous devenez aussi fou qu’un jeune homme.

LE BARON.

Quand on veut plaire à une jeune fille, il faut avoir des manières jeunes, mon enfant.

BLAISE.

Vous voulez plaire à une jeune fille, Monsieur ?

LE BARON.

Et je lui plairai, je t’en réponds. Je ne m’y prends pas mal, et les petits régals que je lui donne...

BLAISE.

Quoi ! c’est pour ça que vous faites tant de sottises ?

LE BARON.

Comment, des sottises ? ce maraud-là...

BLAISE.

Dame, acoutez, je vous demande pardon, je sommes francs en ce pays-ci. Mais qui est cette jeune file, s’il vous plaît ? Je connaissons tout le monde, et je vous dirai bian si elle sera assez ridicule.

LE BARON.

Pour m’aimer, n’est-ce pas ?

BLAISE.

Oui, Monsieur.

LE BARON.

Ce ne sont pas là tes affaires. M’as-tu amené ces Flûtes, ces Musiciens...

BLAISE.

Ils attendont votre commodité tout ici proche.

LE BARON.

Fais-les venir, et apporte-moi une chaise. Je suis si faible, que j’ai toutes les peines du monde à me tenir sur mes jambes.

BLAISE.

Tatigué que vela des manières bien jeunes !

 

 

Scène III

 

LE BARON, seul

 

Voici la maison de mon Médecin, Monsieur Grognet, les fenêtres de l’aimable Babet Grognet sa fille donnent sur cette place-ci justement, je vais me mettre tout vis-à-vis, afin qu’elle me voie. Ah ! qu’elle va être aise d’entendre de la musique faite exprès pour elle ? Voilà comme on les attrape. Oh ! pour cela je sais bien faire l’amour, c’est grand dommage que je vieillisse, je suis un joli homme.

 

 

Scène IV

 

LE BARON, BLAISE, DES MUSICIENS, etc.

 

BLAISE.

Tenez, Monsieur, vela une chaise pour vos jambes, et de la musique pour vos oreilles. Je fais tout ce que vous me dites, comme vous voyez.

LE BARON, s’assied à un des bouts du Théâtre.

Allons, enfants, ce trio de flûtes, et cet air Italien seulement. Nous verrons tantôt la petite mascarade que je vous ai commandée pour le bal de ce soir.

BLAISE.

Un bal aux yaux ! morgué que je varrons danser de fluxions et de rhumatismes !

La Baron s’endort dans le fauteuil pendant le concert.

Air Italien.

Que gieva
Tra l’aqua
Cercar la sanita,
Quando il cûore
Del fuoco d’amore
S’estrugge ê s’avampa ?

O Belta Cara Belta,
Deth per pieta
Sanate me.

Un Ciglio Vivace
Mi tolze
La pacé
Et con strali severi
Ardenti,
Pungenti,
Il cûor mi feri.

O Belta Cara Belta
Deth per pieta
Sanate me.

 

 

Scène V

 

LE BARON, MONSIEUR GROGNET, BLAISE, LES MUSICIENS

 

MONSIEUR GROGNET.

C’est une chose étrange que la manie de ce pays-ci ; toujours des flûtes, des hautbois, des violons, de la musique, cela me fera renoncer à la Médecine. Le grand plaisir d’avoir des malades qui ne font rien moins que leur métier, et qui ne songent qu’à se divertir !

BLAISE.

Le Médecin Grognet n’aime pas la joie.

MONSIEUR GROGNET.

Est-ce toi, gros coquin, qui m’amène ici ces canailles-là faire leur charivari, qui est le sot qui les paie ?

BLAISE.

C’est Monsieur que vela qui viant dormir en musique, pour plaire à une jeune fille : ne serait-ce pas la vôtre ?

MONSIEUR GROGNET.

C’est Monsieur le Baron de Saint-Aubin, je pense ?

LE BARON, s’éveillant.

Qu’est-ce que c’est ? qu’y a-t-il ? ils ont déjà fini ?

MONSIEUR GROGNET.

Hé ! à quoi songez-vous donc, Monsieur le Baron ; puisque vous avez envie de dormir, vous seriez mieux dans votre lit que dans la rue.

LE BARON.

Dans mon lit, Monsieur Grognet ? quand on donne un petit régal de Musique à quelque belle, la règle est qu’on soit sous les fenêtres.

BLAISE.

Oui : mais la règle n’est pas qu’on y dorme.

MONSIEUR GROGNET.

Vous avez de l’émotion.

LE BARON.

Le moyen de n’en pas avoir, je suis tout feu, Monsieur Grognet.

MONSIEUR GROGNET.

Entrez chez moi pour vous reposer.

LE BARON.

Très volontiers, j’ai mes raisons pour m’y trouver mieux qu’en lieu du monde.

BLAISE.

C’est à Babet Grognet qu’il en veut, je gage.

LE BARON.

Allez, enfants, voilà qui est bien ; tantôt sur le soir ne manquez pas de venir aux Fontaines, et que la Mascarade soit jolie, nous y danserons, nous y danserons.

 

 

Scène VI

 

MONSIEUR GROGNET, LE BARON

 

MONSIEUR GROGNET.

Vous prenez trop sur vous, Monsieur le Baron, et vous me débauchez tous mes malades, vous n’y songez pas, au moins. Leur donner le bal ! vous m’en ferez crever plus de la moitié.

LE BARON.

La joie et le plaisir ne font jamais de mal, Monsieur Grognet ; demandez à Madame la Présidente que voilà, c’est bien la femme la plus enjouée que je connaisse.

 

 

Scène VII

 

LA PRÉSIDENTE, MONSIEUR GROGNET, LE BARON, BLAISE

 

LA PRÉSIDENTE.

Oh, cela est bian changé, mon pauvre Monsieur le Baron, je n’en puis plus ; les eaux me sont mortelles, et l’on m’enterrera ici, je pense.

MONSIEUR GROGNET.

J’ai passé chez vous ce matin sur les dix heures, Madame : mais vous n’étiez pas encore éveillée.

LA PRÉSIDENTE.

Je venais de me coucher, Monsieur Grognet, nous avons joué toute la nuit à la bassette.

LE BARON.

Joué toute la nuit, Madame la Présidente ?

LA PRÉSIDENTE.

Rien ne fait tant de bien, Monsieur le Baron. Avez-vous vu ma sœur aînée, Monsieur Grognet, Madame la Comtesse de la Ratatinière, qui arriva hier, et qui vient prendre des eaux pour son inflammation de poitrine ?

MONSIEUR GROGNET.

Elle dormait aussi, Madame, sans cela j’aurais eu l’honneur...

LA PRÉSIDENTE.

Vraiment, je le crois bien, qu’elle dormait. Cette vieille folle, malade comme elle est, qui s’enivra hier de vin de Canarie.

BLAISE.

Tatigué, que vela de biaux régimes de vie pour de vieilles malades.

LA PRÉSIDENTE.

On dit que vous donnez le bal aujourd’hui, Monsieur le Baron ?

LE BARON.

Oui, Madame.

LA PRÉSIDENTE.

Il n’est pas mal aisé de deviner pour qui la fête se fait ? Vous êtes amoureux, petit badin.

LE BARON.

Ça toujours été votre faible, et le mien, ma chère Présidente.

LA PRÉSIDENTE.

Oh çà, dites-moi donc, Monsieur Grognet, que faut-il que je fasse pour mes maux de tête, et pour ce rhumatisme ? car je m’en meurs, je vous en avertis.

MONSIEUR GROGNET.

Je vous l’ai déjà dit, Madame, la diète est une des choses qui contribuera le plus...

LA PRÉSIDENTE.

À propos de diète, nous faisons cette nuit médianox chez le Chevalier de la Bressandière, il vous l’a fait dire, Monsieur le Baron ?

LE BARON.

Oui, Madame.

LA PRÉSIDENTE.

C’est un joli homme, que ce Chevalier. La tête me fend, Monsieur Grognet, vos Eaux de Bourbon me rendent plus malade que je ne l’étais, quand je suis arrivée.

BLAISE.

Morgué, la vieille Présidente crèvera de débauche, et les yaux de Bourbon en auront le blâme.

MONSIEUR GROGNET.

Entrez au logis, Madame, nous y parlerons de votre maladie, et nous prendrons des mesures...

LA PRÉSIDENTE.

Donnez-moi donc la main, Monsieur le Baron.

BLAISE.

Pargué, le bal de tantôt sera drôle. Vela déjà deux bons Mascarades. Qui est celle-ci, encore ?

 

 

Scène VIII

 

LA MARQUISE, JASMIN, BLAISE

 

LA MARQUISE, avec une servante, et un petit laquais portant des hardes.

Allez, petit garçon, allez, vous savez bien où j’ai coutume de loger, menez-y cette fille.

JASMIN.

N’est-ce pas là-bas, en tournant du côté gauche ?

LA MARQUISE.

Oui, chez la veuve de cet Apothicaire, là auprès de la Fontaine ; qu’on vous donne les mêmes chambres que j’avais l’année passée.

JASMIN.

Je lui dirai, Madame.

 

 

Scène IX

 

LA MARQUISE, BLAISE

 

BLAISE.

Hé pargué, c’est encore une buveuse d’yau de notre connaissance.

LA MARQUISE.

C’est toi, Blaise. Hé bonjour, mon enfant.

BLAISE, en l’embrassant.

Votre valet, Madame la Marquise, et comment vous en va ?

LA MARQUISE.

Tu vois, je reviens encore en ce pays-ci.

BLAISE.

J’avons le bonheur de vous y voir tous les ans ; c’est une rente : mais ce n’est pas les yaux que vous venez prendre cette fois ici peut-être ?

LA MARQUISE.

Non, mon enfant.

BLAISE.

Tant mieux pour vous. Cet abcès que vous aviais à la hanche est donc refarmé pour le coup ?

LA MARQUISE.

Oui, ne parle point de cela, je te prie. Je me porte à merveilles.

BLAISE.

À marveilles ! bon, j’en sis bien aise, et je comprends ce qui vous amène ; c’est queuque mari ou queuque galant que vous venez charcher à Bourbon ? acoutez je n’avons quasi que des malingres cette année, et j’ai bian peur que vous ne trouviais pas votre affaire.

LA MARQUISE.

Tu me crois donc bien difficile ?

BLAISE.

Oui ; vous avez la meine d’une connaisseuse, il vous faut de bonne marchandise, je gage : mais votre hôtesse Madame Guimauvin vous aidera à charcher, c’est une habile femme.

LA MARQUISE.

Pour une personne de Province, elle a autant d’esprit et de savoir-vivre.

BLAISE.

Oh ! morguenne oui, pour ce qui est d’en fait d’en cas de ça c’est la parle du pays : aussi alle a fait ses études à Paris, et dans le Faubourg saint Germain, encore. Tatigué, que n’an dit que c’est une bonne école.

LA MARQUISE.

La voilà, je pense.

BLAISE.

Vous pensez bian, c’est elle-même. Jusqu’au revoir. Vous avez queuque affaire ensemble, morgué dépêchez-vous, je vous en prie, j’ai itou queuque chose à lui dire.

 

 

Scène X

 

MADAME GUIMAUVIN, LA MARQUISE

 

MADAME GUIMAUVIN.

Je ne me trompe point, c’est la Marquise de Fourbanville.

LA MARQUISE.

C’est moi-même, Madame Guimauvin : que j’ai de joie de te revoir, et de t’embrasser !

MADAME GUIMAUVIN.

Vous arrivez apparemment ?

LA MARQUISE.

Je descends de carrosse, et je viens d’envoyer mes hardes chez toi.

MADAME GUIMAUVIN.

Que vous vous portez bien à présent ! c’est plus par habitude que par nécessité que vous venez à Bourbon, n’est-ce pas ?

LA MARQUISE.

J’y viens, j’y viens faire comme beaucoup d’autres, changer de plaisir et d’occupation, respirer un autre air que celui de Paris, faire quelque nouvelle connaissance pour passer l’hiver agréablement ; et que sait-on ce qui peut arriver ? avec un peu d’esprit, quelque agrément, des manières tendres engageantes...

MADAME GUIMAUVIN.

Je vous entends, c’est une dupe que vous venez chasser en ce pays-ci : il s’y en rencontre quelquefois de bonnes ; et si vous étiez arrivée trois jours plutôt seulement, il y avait un vieux goutteux de quinze mille livres de rente, dont on aurait tâché de vous mettre en possession : c’est un Gentilhomme de Quimpercorentin, Seigneur Banneret de Kergrohinizouarn, qui vous aurait fort accommodée.

LA MARQUISE.

Je serais partie plutôt de Paris, sans une partie de lansquenet qui a duré huit jours plus que nous ne pensions.

MADAME GUIMAUVIN.

Une partie de lansquenet qui dure huit jours !

LA MARQUISE.

Oui, mon enfant. Un petit Chevalier de la rue saint Denis, et un jeune orphelin de la huitième des Enquêtes se sont adonnés chez moi pour se mettre dans le monde.

MADAME GUIMAUVIN.

C’est une des plus belles portes par où l’on y puisse entrer, Madame, à ce que j’ai ouï dire.

LA MARQUISE.

Nous avons été près de trois semaines à leur gagner cinq ou six cents mauvaises pistoles qu’ils avaient. Tant que leur argent a duré il aurait été de mauvaise grâce de ne leur pas tenir compagnie.

MADAME GUIMAUVIN.

Que vous êtes complaisante, Madame ! pourquoi ne les pas expédier plus vite ? j’ai vu le temps qu’une bagatelle comme celle-là n’aurait pas tenu vingt-quatre heures.

LA MARQUISE.

Tout dépérit à Paris, ma chère enfant, nous n’avons presque plus de beaux joueurs, les meilleurs même sont en Province, à Turin, à Lyon, à Chambéry. Depuis la paix de Savoie nous avons de gros détachements sur la route.

MADAME GUIMAUVIN.

Il y a ici, depuis quelque temps aussi, un Chevalier de votre connaissance, et qui fait vraiment bonne figure.

LA MARQUISE.

Qui donc ?

MADAME GUIMAUVIN.

Hé là, celui qui faisait l’Abbé l’année passée.

LA MARQUISE.

Ah ! vraiment oui je le connais, c’est son département que les Eaux de Bourbon, il en rend quelque chose à la bourse commune ; il y a deux ans qu’il y était encore en Officier Suisse.

MADAME GUIMAUVIN.

Je m’en souviens, vous avez raison ; il faisait l’hydropique, si je ne me trompe.

LA MARQUISE.

Justement, c’est lui-même.

MADAME GUIMAUVIN.

J’ai aussi quelque idée de l’avoir vu faire le Marchand de bœufs dans le Coche d’Auxerre.

LA MARQUISE.

Cela n’est pas impossible. Et sur quel prétexte vient-il aux Eaux cette année ? quel nom s’est-il donné ?

MADAME GUIMAUVIN.

On l’appelle Monsieur le Chevalier de la Bressandière : il est ici pour une jambe qu’il a eu cassée en Catalogne, par un parti de Miquelets, à ce qu’il dit, à la descente d’une montagne : mais...

LA MARQUISE.

Il ne ment que dans les circonstances. La jambe cassée n’est pas un conte : mais ce fut à Paris, dans la rue de l’Université, par un parti de laquais, à la descente d’une fenêtre, par où les maîtres l’avaient prié de sortir. Il est un peu sujet aux aventures d’éclat, c’est un de ces fripons de distinction...

MADAME GUIMAUVIN.

Le voilà, Madame.

LA MARQUISE.

Oui, je le reconnais, c’est lui-même.

 

 

Scène XI

 

LE CHEVALIER, MADAME GUIMAUVIN, LA MARQUISE

 

LE CHEVALIER.

Madame la Marquise de Fourbanville encore à Bourbon cette année !

LA MARQUISE.

J’y trouve Monsieur l’Abbé Trafiquet changé en Chevalier de la Bressandière !

MADAME GUIMAUVIN.

Vous venez souvent ici l’un et l’autre : mais ce ne sont pas les mêmes raisons qui vous y amènent.

LA MARQUISE.

La fortune y conduit les uns, et l’amour y attire les autres.

LE CHEVALIER.

Pour moi, malheureusement, une vraie blessure...

LA MARQUISE.

Ces canailles-là vous maltraitèrent bien.

LE CHEVALIER.

La guerre est vive en Catalogne ; j’étais poursuivi, je me trouvai sur une éminence.

MADAME GUIMAUVIN.

Au premier étage, peut-être ?

LE CHEVALIER.

Oui justement, de la hauteur d’un premier étage. Je franchis le péril avec intrépidité, je tombai dans une embuscade...

MADAME GUIMAUVIN.

Quelque troupe de laquais qui vous guettait apparemment.

LE CHEVALIER.

Non, de Miquelets, Madame, de Miquelets, en Catalogne, que diable.

MADAME GUIMAUVIN.

Je confonds, Monsieur, je vous demande pardon, c’est que Madame la Marquise me contait dans le moment une aventure de la rue de l’Université à peu près...

LE CHEVALIER.

De la rue de l’Université ! ah ! vous tirez sur vos amis, cela n’est pas bien, Madame la Marquise ; et l’on pourrait par représailles...

LA MARQUISE.

Ne vous fâchez pas, elle est discrète.

LE CHEVALIER.

Elle est discrète : j’en suis bien aise ; il n’y a donc pas d’inconvénient à lui dire que Madame votre mère est la Bouquetière de la pointe saint Eustache.

LA MARQUISE.

Que vous êtes badin, Chevalier.

MADAME GUIMAUVIN.

Ce sont des choses que vous me permettez, Monsieur...

LE CHEVALIER.

Ne vous a-t-elle jamais parlé de Monsieur son frère la jambe de bois, ce fameux ouvreur d’huîtres ?

LA MARQUISE.

Vous êtes un petit ridicule, je me fâcherai à la fin.

LE CHEVALIER.

C’est encore un joli petit Seigneur que Monsieur votre cousin le valet de chambre, Madame la Marquise.

LA MARQUISE.

Oh ! finissez donc ; je vous prie.

LE CHEVALIER.

Ne vous chagrinez pas, elle est discrète.

MADAME GUIMAUVIN.

Ce Chevalier-là est dangereux, croyez-moi, Madame, passez-lui sa jambe de Catalogne, et qu’il laisse en repos votre famille. Il me paraît que vous avez ici tous deux intérêt d’être bien ensemble.

LA MARQUISE.

Ce petit étourdi-là prend si mal les choses, et il est si poquant...

MADAME GUIMAUVIN.

Laissons cela, parlons d’autre chose. Vous avez ici vos vues l’un et l’autre : au lieu de vous détruire, ne pourriez-vous point travailler ensemble à frais communs pour...

LA MARQUISE.

J’aurai peut-être une confidence à lui faire...

LE CHEVALIER.

J’ai déjà nombre de choses à vous dire, et si nous étions en lieu de pouvoir...

MADAME GUIMAUVIN, à la Marquise.

Vous voilà ben embarrassée. Je vous ai fait garder votre appartement, allez y conduire Madame, Monsieur le Chevalier, aussi bien voici un de mes compères qui veut me parler ; car depuis le matin l’on m’a dit qu’il me cherche

LA MARQUISE.

Nous avons besoin de toi, Madame Guimauvin.

MADAME GUIMAUVIN.

Ne vous inquiétez point, et allez m’attendre.

 

 

Scène XII

 

MADAME GUIMAUVIN, BLAISE

 

BLAISE.

Ah, ah ! ce Monsieur le Chevalier qui en sait si long est itou de votre connaissance, ma commère l’Apoticaresse. Oh ! morgué, vos meilleures pratiques ne sont pas celles qui avont affaires des drogues de la boutique, sur ma parole.

MADAME GUIMAUVIN.

Si l’on ne faisait ses petites affaires qu’avec les personnes qui ont vraiment besoin de prendre des Eaux...

BLAISE.

Je ne gagnerions pas de quoi boire de l’yau nous-mêmes.

MADAME GUIMAUVIN.

Il faut bien se prêter un peu à l’humeur et au tempérament de certains malades.

BLAISE.

Et aux nécessités de ceux qui se portont bian, n’est-ce pas ? Morgué que les filles et les femmes qui venont de ce Paris avont d’esprit, et qu’elles sont futées !

MADAME GUIMAUVIN.

N’est-il pas vrai ?

BLAISE.

Acoutez, il m’est avis que celles de ce pays-ci commençont à faire de même, alles se dégourdissont : Il y a notre Madame la Baillive, par exemple.

MADAME GUIMAUVIN.

Hé bien ! Madame la Baillive.

BLAISE.

Alle loge depuis quelque temps cheux alle de certains drôles de malades qui avons plus de santé que Monsieur le Bailly, sur ma parole ; il ne leur faut morgué point d’yaux à ceux-là, et la femme le sait bian dà : mais stampendant ils ne laissons pas d’en boire pour attraper l’homme.

MADAME GUIMAUVIN.

Madame la Baillive n’est pas sotte.

BLAISE.

Hé voirement non, c’est le Bailly qui l’est, je savons bian ça. Vela encore la fille de Monsieur Grognet qui n’est qu’une morveuse, celle-là.

MADAME GUIMAUVIN.

Babet Grognet, la fille du Médecin ?

BLAISE.

Oui, c’est pour elle que je vous cherche : mais motus, au moins.

MADAME GUIMAUVIN.

Non, ne crains rien. De quoi s’agit-il ?

BLAISE.

Morgué, il y a du dégourdissement dans son affaire ; si alle n’était pas d’ici encore, n’an la mènerait aux yaux : mais comme alle est des yaux, ça est chagrinant ; où diable la mèneront-je ?

MADAME GUIMAUVIN.

Tu es un fou, tu ne sais ce que tu dis.

BLAISE.

La vela elle-même. J’ons tous deux de l’esprit ; voulez-vous que je l’y tirions les vars du nez ?

 

 

Scène XIII

 

MADAME GUIMAUVIN, BABET, BLAISE

 

BABET.

Ah ! que je te rencontre à propos, ma chère Madame Guimauvin : je suis accablée de chagrins.

MADAME GUIMAUVIN.

Accablée de chagrins, vous ? à moins que ce ne soit l’amour qui vous les donne, je ne vois pas.

BABET.

Ah ! ma chère Madame Guimauvin.

BLAISE.

Ah ! morguenne oui, c’est le mal d’amour qui la tiant, sur ma parole.

MADAME GUIMAUVIN.

Ne craignez point de vous expliquer, il n’y a rien que nous ne fassions pour vous rendre service.

BABET.

Je vous bouterais pargué dans ma chemise, moi, pour vous faire plaisir.

MADAME GUIMAUVIN.

Parlez ; quel est le sujet de vos chagrins, et que peut-on faire pour y remédier ?

BABET.

Mon père veut me marier, Madame Guimauvin.

MADAME GUIMAUVIN.

Il veut vous marier, et cela vous afflige ?

BABET.

Si vous saviez le mari qu’il me destine, et les engagements où je suis...

MADAME GUIMAUVIN.

Il veut vous donner un magot, et vous aimez quelque joli homme peut-être ?

BABET.

Tu connais ce vieux Baron de Saint-Aubin, qui est à Bourbon depuis trois semaines, et vous vous souvenez tous deux de ce petit homme qui a été tout le Printemps ici à prendre des eaux ?

MADAME GUIMAUVIN.

Qui ? Valère, ce jeune Officier de Dragons ?

BLAISE.

Si je nous en souvenons, il logeait cheux nous, et Monsieur de la Roche son valet de chambre était l’amoureux de la commère.

MADAME GUIMAUVIN.

C’est ce petit homme-là qui vous tient au cœur, apparemment ? et je vous en ai vue vivement éprise, si je ne me trompe.

BABET.

Il y a plus que tout cela, Madame Guimauvin, je suis sa femme.

BLAISE.

Comment, sa femme ? ce ne sont morgué pas là des jeux d’enfants au moins.

MADAME GUIMAUVIN.

Et la Roche ne m’a jamais parlé de cela, est-il possible ?

BLAISE.

Mais palsangué votre père a tort de vous vouloir marier ly, puisque vous vous mariez si bian toute seule.

BABET.

Juge de l’embarras où je suis, Madame Guimauvin.

MADAME GUIMAUVIN.

Si Valère était ici encore.

BABET.

Il y devrait être, il y a quinze jours que je n’ai reçu de ses nouvelles.

MADAME GUIMAUVIN.

Quinze jours ! être si longtemps sans vous écrire.

BABET.

Je ne sais à quoi l’imputer.

BLAISE.

À quoi ? à ce que vous êtes sa femme ; si vous n’étiais que sa maîtresse...

 

 

Scène XIV

 

LA ROCHE, botté, BLAISE, BABET, MADAME GUIMAUVIN

 

LA ROCHE.

Ohé, ohé, ohé. Ah ! la maudite voiture que la Poste, cela n’est bon que pour les lettres, ouf.

BLAISE.

Oh ! palsangué, vela des nouvelles, c’est Monsieur de la Roche en personne.

LA ROCHE.

Votre serviteur, Monsieur Blaise.

BABET.

C’est toi, la Roche. Hé bien, mon enfant, où est ton maître ; vient-il ? est-il arrivé ? quand le verrai-je ? n’as-tu rien à me dire ?

LA ROCHE.

Sa chaise de poste vient de rompre à demi lieue d’ici, Madame, il est au désespoir ; il m’a dit de prendre les devants pour...

BABET.

Tu veux me flatter, mon pauvre la Roche ; il n’a pas tant d’empressement que tu le dis.

LA ROCHE.

Il n’a pas tant d’empressement ? Je me donne au diable si sur toute la route nous n’avons pas crevé trois chevaux, et près de deux Postillons. La peste en revenant de l’armée, nous autres amoureux, nous sommes bien plus pressés que quand nous y allons.

BABET.

Il va trouver en arrivant des chagrins qu’il n’a pas prévus.

LA ROCHE.

Comment, des chagrins ! qu’est-ce à dire ? Monsieur le Médecin saurait-il quelque chose ? le mariage n’a pas eu l’indiscrétion de se déclarer de lui-même, peut-être ? et vous voilà encore d’assez belle taille, à ce qu’il me semble.

BABET.

Voici mon père, éloigne-toi, va te débotter, et reviens ici parler à Madame Guimauvin, ou à moi, on a des choses de conséquence à te dire.

LA ROCHE.

Je ne tarderai pas à vous rejoindre.

 

 

Scène XV

 

MONSIEUR GROGNET, BABET, MADAME GUIMAUVIN

 

MONSIEUR GROGNET.

Avec qui étiez-vous donc là, mademoiselle ma fille ? vous avez toujours quelque affaire que je ne sais pas, voilà qui est étrange.

BABET.

Je suis avec Madame Guimauvin, mon père.

MONSIEUR GROGNET.

Avec Madame Guimauvin, et avec un maître fripon, que je connais pour le valet de chambre de ce petit Officier qui vous muguetait ce Printemps, et que je vous ai défendu de voir.

BABET.

Mon père...

MADAME GUIMAUVIN.

Il en a quelque air, Monsieur cela est vrai, vous avez raison : mais il me semble pourtant que ce n’est pas lui ; l’autre a le nez plus grand et la barbe plus longue.

MONSIEUR GROGNET.

La barbe plus longue. Oh bien pour éviter les querelles que nous pourrions avoir là-dessus, je vous marie dès demain, je vous en avertis.

BABET.

Dès demain, mon père !

MONSIEUR GROGNET.

Et de grand matin, même. Monsieur le Baron va vous donner le bal une vingtaine de mes malades avec qui nous ferons médianox, signeront le contrat que je vais faire dresser, et vous serez mariée en sortant de table, en sortant de table.

BABET.

Quelle extrémité !

MADAME GUIMAUVIN.

Il n’y a rien de mieux concerté. Que Monsieur votre père prend bien ses mesures !

MONSIEUR GROGNET.

Ce Monsieur le Baron de Saint-Aubin est un homme riche, sans enfants, qui lui assure la moitié de son bien, et qui n’a pas deux mois à vivre.

MADAME GUIMAUVIN.

Quelle trouvaille, une demie douzaine de mari comme cela seulement, voilà une fortune faite au bout de l’année.

MONSIEUR GROGNET.

N’est-il pas vrai ?

MADAME GUIMAUVIN.

Assurément.

BABET.

Je suis contente de la mienne, je n’en veux point d’autre, et je me donnerai plutôt la mort que de consentir à ce mariage.

MONSIEUR GROGNET.

Comment, insolente ?

MADAME GUIMAUVIN.

Ne vous emportez pas, Monsieur, et laissez-moi lui parler en particulier, je la réduirai, je vous en réponds.

MONSIEUR GROGNET.

Oui, tu as de l’esprit, tâche de lui faire entendre raison, je te prie.

MADAME GUIMAUVIN.

Je le ferai, je vous assure ; je vous la garantis mariée moi, vous pouvez compter là-dessus, c’est une affaire faite.

MONSIEUR GROGNET.

Si tu viens à bout de la persuader, je reconnaîtrai ce service-là, je te le promets.

MADAME GUIMAUVIN.

Ce n’est point l’intérêt qui me fait agir, Monsieur, et...

MONSIEUR GROGNET.

Tu as chez toi de vieilles drogues gâtées, je les ferai toutes consommer à mes malades, je t’en donne ma parole.

 

 

Scène XVI

 

MADAME GUIMAUVIN, BABET

 

BABET.

Que devenir ? comment faire, Madame Guimauvin ?

MADAME GUIMAUVIN.

Le bonhomme est pressant, cela est incommode.

BABET.

Conçois-tu rien de plus embarrassant que l’état où je suis ?

MADAME GUIMAUVIN.

L’arrivée du petit Officier nous tirera d’intrigue. On ne peut se marier en secondes noces, avant que d’être veuve, une fois, et les maris ne sont pas comme les amants, on ne les prend que les uns après les autres.

 

 

Scène XVII

 

MADAME GUIMAUVIN, BABET, LA ROCHE

 

LA ROCHE.

Me voilà débotté, Madame, et en disposition de recevoir vos ordres. Çà, de quoi s’agit-il ? voyons.

MADAME GUIMAUVIN.

Il s’agit de faire entendre raison à Monsieur Grognet.

LA ROCHE.

Cela sera difficile ; et à propos de quoi, s’il vous plaît ? fait-il le ridicule, et trouve-t-il mauvais que nous ayons pris une alliance secrète dans sa famille ?

BABET.

Il ne sait rien de cette alliance : mais il veut m’en faire prendre une autre.

LA ROCHE.

Quoi ! ce n’est que cela ? voilà une belle bagatelle !

BABET.

Tu traites cela de bagatelle ?

LA ROCHE.

Oui, Madame, la polygamie est un cas pendable à la vérité, mais à cela près elle a son mérite ; et moi qui vous parle, moi dans toutes nos Villes de quartier d’hiver, je ne manque jamais de faire quelque alliance, c’est-là ma folie.

MADAME GUIMAUVIN.

Oh ! cesse de plaisanter, la Roche ; on n’est point dans une situation assez tranquille pour...

LA ROCHE.

Je me donne au diable si je plaisante, cela est comme je vous le dis. Je suis un garçon fort réglé moi, j’aime à tenir ménage partout où je me trouve.

MADAME GUIMAUVIN.

Fort bien. Si le maître et le valet sont de même caractère, vous avez beau jeu, Madame.

LA ROCHE.

Oh ! diablezeau, c’est un petit poli, que mon maître, un fidèle, un pasteur... Sans la fureur qu’il a pour le vin, le jeu, et les femmes, ce serait bien le garçon le mieux moriginé...

BABET.

Je meurs de peur que mon père revienne, et qu’il ne le voie encore avec nous.

MADAME GUIMAUVIN.

Voilà un beau ménagement. Ne faudrait-il pas bien qu’il sache vos affaires ?

BABET.

Qu’il les sache du moins le plus tard qu’il sera possible. Allons chez moi, Madame Guimauvin.

MADAME GUIMAUVIN.

Très volontiers, allons, aussi bien y a-t-il des gens qui m’y attendent.

BABET.

Demeure ici, la Roche, pour attendre ton maître, et sitôt qu’il sera venu, dis-lui qu’il nous vienne trouver, je te prie.

LA ROCHE.

Je n’aurai pas la peine de lui dire deux fois, je vous assure.

 

 

Scène XVIII

 

LA ROCHE, seul

 

Voici pourtant une affaire assez délicate ; et si Monsieur mon Maître par aventure était las de son mariage, comme ce n’est qu’un mariage à la dragonne, nous pourrions bien...

 

 

Scène XIX

 

LE BARON, LA ROCHE

 

LE BARON.

J’ai promis à monsieur Grognet... N’est-ce pas là ce pendard de la Roche ?

LA ROCHE.

Voilà Monsieur le Baron, je pense ?

LE BARON.

C’est le valet de chambre de mon coquin de fils, c’est lui-même.

LA ROCHE.

Qu’est-ce que le bonhomme vient faire ici ? lui aurait-on donné quelque avis de notre mariage...

LE BARON.

Hé la Roche, la Roche ?

LA ROCHE.

Comment c’est vous, Monsieur ? quelle surprise ! à Bourbon vous ! qui diantre vous y amène ?

LE BARON.

Tu ne t’attendais pas de m’y voir, n’est-ce pas ? mais j’y suis venu pour vivre longtemps, et pour vous faire enrager tous tant que vous êtes, à force de santé.

LA ROCHE.

Nous faire enrager à force de santé ! hélas, Monsieur, vous n’en sauriez tant avoir qu’on vous en souhaite, et vous en crèveriez, que nous en serions ravis, je vous assure.

LE BARON.

Tu es un bon maraud ; et qui te fait venir ici toi ? que fait ton maître à présent ? où est-il, dis ?

LA ROCHE.

À présent, Monsieur, il est dans sa chaise de poste.

LE BARON.

Voilà une plaisante réponse, dans sa chaise de poste.

LA ROCHE.

Oui, Monsieur, et si vous en voulez savoir davantage, sa chaise de poste est dans une ornière : mais j’espère qu’elle en sortira, et qu’ils arriveront bientôt ici tous deux ce compagnie.

LE BARON.

Il vient à Bourbon ?

LA ROCHE.

Oui, Monsieur.

LE BARON.

Le fâcheux contretemps ! écoute, va dire à ton maître que je suis ici, que je ne l’y veux point voir, entends-tu ?

LA ROCHE.

Cela ne l’empêchera pas d’y venir, Monsieur ; au contraire, il n’a point d’argent, et nous vous trouvons le plus à propos du monde.

LE BARON.

Oui, oui je lui en donnerai, il n’a qu’à s’y attendre. Écoute, s’il s’avise de se renommer de moi, ni de dire à personne que je suis son père...

LA ROCHE.

Il ne manquera pas sitôt qu’il sera arrivé, Monsieur...

LE BARON.

Je ne le veux point voir, te dis-je.

LA ROCHE.

Vous le verrez, je vous l’amènerai moi-même.

LE BARON.

Je le déshériterai si je le vois, et je te ferai donner cent coups d’étrivières à toi si tu me l’amènes.

LA ROCHE.

Adieu donc, Monsieur, sur ce pied-là je me tiens dispensé de la visite.

 

 

Scène XX

 

LA ROCHE, seul

 

Ouais, que veut dire ceci ? je n’y comprends rien. Comme on nous traite !

 

 

Scène XXI

 

BLAISE, VALÈRE, LA ROCHE

 

BLAISE.

Tenez, Monsieur, alle était ici tout à l’heure, et vela encore Monsieur de la Roche qui vous dira...

VALÈRE.

Que viens-je d’apprendre en arrivant, mon pauvre la Roche ?

LA ROCHE.

Vous ne savez que la moitié des nouvelles, Monsieur, on veut marier votre femme, cela n’est rien ; votre père est ici, c’est le diable.

VALÈRE.

Mon père est ici ! l’as-tu vu ?

LA ROCHE.

Oui vraiment, et nous nous sommes parlé même.

VALÈRE.

Que t’a-t-il dit ?

LA ROCHE.

Que vous êtes un coquin, que je suis un pendard ; qu’il vous déshériterait, et qu’il me ferait donner les étrivières.

VALÈRE.

Il est donc instruit apparemment ?

LA ROCHE.

Non, Monsieur, c’est par abondance de cœur ce qu’il en dit, un petit fond d’estime et d’amitié qu’il vous conserve.

VALÈRE.

Que je suis malheureux ! et la charmante Babet, l’as-tu vue ? t’a-t-elle expliqué le dessein de son père ? sais-tu...

LA ROCHE.

Il veut la marier, c’est tout ce que j’en sais, elle est au désespoir.

BLAISE.

Je le crois bian. Alle perdrait au change, vous valez mieux au bout de votre petit doigt, que sti que n’an ly veut bailler ne vaut en tout son corps. Vous le varrez tantôt, il loge itou cheux nous, c’est Monsieur le Baron de Saint-Aubin qu’on l’appelle.

VALÈRE.

Le Baron de Saint-Aubin !

BLAISE.

Vous le connaissez peut-être ?

VALÈRE.

La Roche, mon pauvre la Roche.

LA ROCHE.

Oh, par ma foi en voici bien d’une autre ; je ne m’étonne plus qu’il soit fâché de nous savoir ici, il ne veut pas que nous soyons de la noce.

VALÈRE.

Mon père, se vouloir marier à son âge !

BLAISE.

Quoi ! ce vieux Baron, c’est Monsieur votre père ?

VALÈRE.

Lui-même.

BLAISE.

Palsangué votre père est un vilain marle.

VALÈRE.

Quelles mesures prendre, mon pauvre la Roche.

LA ROCHE.

Aucunes. Monsieur votre père ne saurait épouser votre femme premièrement.

BLAISE.

Oh ! parguenne non ; on ne baille point de dispense pour ça, il aura biau faire.

VALÈRE.

Mais pour empêcher son mariage, il faudra déclarer le mien.

LA ROCHE.

Sans doute ; et comme la grande affaire est de le déclarer bien à propos, j’en fais la mienne. Mademoiselle Babet vous attend chez Madame Guimauvin, qui est une femme de conseil et d’expédition : allez prendre langue avec elle, et me laissez ici attendre le bonhomme de pied ferme.

VALÈRE.

Je ne sais où demeure Madame Guimauvin.

BLAISE.

Je m’en vais vous y mener, c’est ma commère.

 

 

Scène XXII

 

LA ROCHE, seul

 

Ah ! le vieux pénard qui vient aux Eaux de Bourbon épouser sa bru : il n’y aurait ma foi qu’à le laisser faire, nous verrions de belles choses.

 

 

Scène XXIII

 

LA MARQUISE, LE CHEVALIER, LA ROCHE

 

LA MARQUISE, au Chevalier.

Voilà qui est fait, cela se rencontre le mieux du monde.

LE CHEVALIER.

Exécutons de bonne foi les conditions au moins ? à moi l’argent comptant, à vous la dupe et ses dépendances.

LA ROCHE.

Voici deux personnes de ma connaissance, quel marché font-ils ensemble ?

LE CHEVALIER.

Hé voilà l’homme dont nous parlions tantôt, Madame, le cousin valet de chambre. Serviteur, Monsieur de la Roche.

LA ROCHE.

Ton valet, Lépine. Bonjour, ma cousine la Marquise.

LA MARQUISE.

Bonjour, Monsieur, bonjour... Ne vous avisez pas au moins de faire connaître ici que...

LA ROCHE.

Non, non, je suis bon Prince, je sais vivre, ma cousine.

LE CHEVALIER.

Prends garde aussi, je te prie...

LA ROCHE.

Ne te mets point en peine. Je n’ignore pas aussi le respect que je te dois devant le monde, pourvu que tu le paies.

LE CHEVALIER.

Je suis en fonds, nous ferons bien les choses.

LA ROCHE.

Cela va donc comme il faut ? Y a-t-il ici bien des dupes d’amour et de jeu cette année ?

LA MARQUISE.

Il ne s’y en est jamais moins trouvé, je pense, nous sommes tous deux obligés de nous attacher à la même personne.

LA ROCHE.

Voilà un heureux mortel, il faut qu’il ait bien du mérite, ce Gentilhomme-là, pour s’attirer ainsi une préférence si avantageuse. Hé qui est-il, par parenthèse ? ne pourrai-je point aussi de mon côté... quand nous serions trois à travailler sur le même sujet, les choses n’en iraient pas plus mal, à ce qu’il me semble.

LE CHEVALIER.

C’est un certain vieux Baron de Saint-Aubin.

LA ROCHE.

Monsieur de Saint-Aubin ! vous en revenez-là : vous avez donc rompu avec le grand page ?

LA MARQUISE.

Je ne feignais d’aimer celui-là, que pour animer la passion de l’autre, et pour le déterminer au mariage.

LA ROCHE.

Votre dessein a réussi, il va se marier : mais à la vérité ce n’est pas vous que cela regarde.

LA MARQUISE.

Il va se marier ?

LE CHEVALIER.

À la fille du Médecin, je gage ; ne vous disais-je pas bien que j’en soupçonnais quelque chose ?

 

 

Scène XXIV

 

BLAISE, LA MARQUISE, LA ROCHE, LE CHEVALIER

 

BLAISE.

Hé vite, hé tôt, dépêchez-vous, on a affaire de vous chez la commère Guimauvin, Monsieur de la Roche...

LA MARQUISE.

Chez Madame Guimauvin ? quelles liaisons...

LA ROCHE.

C’est un petit conseil que nous allons tenir contre le mariage de Monsieur de Saint-Aubin, apparemment ; vous y pouvez venir, si vous voulez, vous ne serez point suspecte.

LA MARQUISE.

Je prends trop d’intérêt à la chose pour ne pas être du conseil. Allons.

 

 

Scène XXV

 

BLAISE, LE CHEVALIER

 

LE CHEVALIER.

Voici Monsieur Grognet et le Baron.

BLAISE.

Ils ne s’attendont pas à la pièce que n’an leur va faire.

 

 

Scène XXVI

 

MONSIEUR GROGNET, LE BARON, LE CHEVALIER, BLAISE

 

MONSIEUR GROGNET.

Oui, ma fille signera tantôt, je vous en réponds, on s’est chargé de lui faire entendre raison là-dessus.

LE BARON.

Ah ! vous voilà, Monsieur le Chevalier ?

LE CHEVALIER.

Vous voulez bien, Messieurs, qu’on vous félicite l’un et l’autre de l’heureuse alliance que vous contractez.

LE BARON.

Comment donc, nous ne venons que de signer le contrat, et vous savez déjà la chose ?

BLAISE.

Si n’an la sait ? tous les petits enfants du pays se préparont à faire charivari à votre noce. Queu tintamarre !

 

 

Scène XXVII

 

LE BARON, MONSIEUR GROGNET, LE CHEVALIER, BLAISE, LA PRÉSIDENTE

 

LA PRÉSIDENTE.

Ah ! les petits dissimulés qui viennent ensemble de signer au contrat de mariage, et qui ne m’en avaient rien dit.

MONSIEUR GROGNET.

Le secret est éventé, mon gendre : mais il n’importe.

LA PRÉSIDENTE.

Vous êtes bien content de vous, Monsieur le Baron.

LE BARON.

Je ne me pas d’aise, Madame, et le ravissement où je suis me fait oublier que je suis malade.

LE CHEVALIER.

Il faudra pourtant vous ménager, et dans un avènement...

LE BARON.

Oui, vous avez raison, je ne me porte pas bien. Si nous faisions commencer notre mascarade de bonne heure, j’ai un petit somme à faire avant le médianox.

BLAISE.

Hé pargué vous n’avez qu’à dire, je m’en vas charcher le violoneux, et avartir tout le monde, ne vous boutez pas en peine.

 

 

Scène XXVIII

 

LA PRÉSIDENTE, LE BARON, LE CHEVALIER, MONSIEUR GROGNET

 

LA PRÉSIDENTE.

Ne seriez-vous pas d’avis que nous nous masquassions aussi pour vous divertir ?

LE BARON.

Oui dà, cela n’est pas mal imaginé, qu’en dites-vous, Monsieur le Chevalier ?

LE CHEVALIER.

Moi, je ferai tout ce qu’on voudra, je suis la complaisance même.

MONSIEUR GROGNET.

Et comment nous masquer ?

LE BARON.

Comment ? vous en Cupidon par exemple, Monsieur le Chevalier en Chauve-souris, Madame la Présidente en Satyre, et moi en Bergère.

LE CHEVALIER.

J’ai des habits pour Madame et pour moi, laissez-nous faire. Allons, Madame.

 

 

Scène XXIX

 

MADAME GUIMAUVIN, BABET, MONSIEUR GROGNET, LE BARON

 

MADAME GUIMAUVIN.

Vivat, Monsieur, j’ai persuadé, mon éloquence est triomphante. Voilà Mademoiselle votre fille qui vient de signer le contrat, je l’ai menée moi-même chez le Notaire.

BABET.

Oui, je me soumets à vos volontés, mon père, et je n’ai qu’à vous remercier du choix que vous avez bien voulu faire

MONSIEUR GROGNET.

Je vous l’avais bien dit, Monsieur le Baron, qu’elle serait raisonnable.

LE BARON.

Je suis le plus heureux mortel...

 

 

Scène XXX

 

LE BARON, MONSIEUR GROGNET, LA PRÉSIDENTE, BLAISE

 

BLAISE.

Tatigué, que j’allons nous divartir, vela toute l’infirmerie de Bourbon que je vous amène ; des poumoniques qui jouons de la flûte, des enrhumés qui chantont, et des boiteux qui faisont la capriole.

LE BARON.

C’est la manie du siècle, chacun veut faire ce qui ne lui convient point.

BLAISE.

Morgué, c’est vrai. Vous qui épousez une jeune personne, par exemple... Mais n’an vous corrigera, vous n’y êtes pas encore.

LE BARON.

Que veut donc dire ce faquin-là ?

BLAISE.

Hé morgué, ne vous fâchez pas, vela de la joie.

 

 

Scène XXXI

 

LE BARON, MONSIEUR GROGNET, LA ROCHE, LA PRÉSIDENTE, VALÈRE, MADAME GUIMAUVIN, BLAISE, BABET

 

Marche de la Mascarade.

TOUS LES ACTEURS et ACTRICES de la Mascarade chantent en se plaçant.

Buvons tous rasade de ces eaux,
On dit que c’est un remède à tous maux.

LE BARON.

Voilà une petite drôlerie assez bizarre, et cela n’est pas mal troussé pour la Province.

LA ROCHE, déguisé.

Oh ! diable fines gens s’en sont mêlés aussi ; Et voilà Monsieur votre fils qui a bien voulu lui-même se donner la peine...

MONSIEUR GROGNET.

Comment son fils ?

LE BARON.

Ah ! pendard que tu es, ne t’avais-je pas défendu...

LA ROCHE.

Oui, Monsieur, les visites sérieuses : mais comme tout le monde est bienvenu au bal, nous avons pris l’occasion de vous venir rendre nos devoirs en masque.

VALÈRE, ôtant son masque.

Je ne puis assez vous témoignez, mon père, la joie que me donne le nouvel établissement que vous voulez faire en ce pays-ci, et je vous assure que bien loin de m’opposer...

LE BARON.

Je n’ai que faire de votre compliment, ni de votre aveu, Monsieur mon fils, et...

LA ROCHE.

J’ai pourtant ouï dire que si moi, Monsieur, et je ne crois pas que sans notre permission...

LE BARON.

Qu’est-ce à dire ? Je voudrais bien...

MADAME GUIMAUVIN.

Ils vous la donneront, ne vous fâchez point. Tenez, Monsieur, ne serez-vous pas ravi d’avoir une belle-mère aussi aimable que cette charmante personne ?

VALÈRE.

Ma belle-mère, elle ! tu rêves, Madame Guimauvin, cela ne se peut pas, c’est ma femme.

LE BARON et MONSIEUR GROGNET.

Sa femme !

BLAISE.

Vous ne saviez pas stila, il y a plus de six mois que l’affaire est faite.

MONSIEUR GROGNET.

Qu’est-ce que cela signifie ?

MADAME GUIMAUVIN.

Ils n’étaient mariés que sous seing privé, je pense : mais le contrat que vous venez de faire, ratifie la chose.

LE BARON.

Comment donc le contrat que nous venons de faire ?

LA ROCHE.

Oui, Monsieur, ils l’ont signé aussi, c’est une chose réglée.

MONSIEUR GROGNET.

Mais c’est à Guillaume Évariste de Saint-Aubin que j’ai marié ma fille, moi.

LA ROCHE.

Hé bien, justement, voilà l’affaire, le père et le fils portent le même nom, et nous profitons de la ressemblance.

LE BARON.

Oui... mais je ne prétends pas moi.

BLAISE.

Morgué, ly a du malentendu là-dedans : vous prétendez signer comme mari, et ils prétendons que vous avez signé comme père.

LE BARON.

Oh ! je leur ferai bien voir...

MADAME GUIMAUVIN.

Vous perdrez votre procès, Monsieur, ils ont six mois d’avance.

LE BARON.

Ah ! je crève, j’enrage, et voilà de quoi déranger tout le bien que les eaux de Bourbon m’auraient pu faire.

BLAISE.

Jusqu’au revoir : allez vous coucher, Monsieur le Baron, vous avez un petit somme à faire.

BABET.

C’est avec la dernière confusion, mon père...

MONSIEUR GROGNET.

Les choses ont mieux tourné que tu ne mérites : va je te pardonne.

VALÈRE.

Et moi, Monsieur, puis-je espérer aussi ?

MONSIEUR GROGNET.

Vous avez pris la place de votre père, faites pour lui les honneurs de la Mascarade, et de la noce.

MADAME GUIMAUVIN.

Il les fera mieux que personne.

BLAISE.

Allons, Messieurs des yaux de Bourbon, vive la joie, ce que n’an se baille de plaisir dans la vie fait morgué plus de bian que toutes les yaux du monde.

 

 

Divertissement

 

UNE DES ACTRICES du Divertissement s’avance au bord du Théâtre, avec trois Flûtes, et chante l’Air suivant.

On trouve dans cette fontaine
La source de la santé,
Et son eau guérit sans peine
Le mal dont on est tourmenté ;
Elle ramène
La jeunesse et la beauté.

UN PANTALON prend la place de l’Actrice, et chante.

Heureux malades de Bourbon,
Chantez, dansez, bannissez la tristesse :
Contre la maladie est-il rien de si bon
Qu’une prise d’allégresse ?

Entrée d’une petite Pantalonne, et de deux petits Apothicaires.

UNE ACTRICE du Divertissement, avec une robe rouge de Médecin, une bouteille à la main.

De par la Faculté, je viens défendre l’eau ;
Contre le mal qui vous possède
Je vous apporte pour remède
Un petit doigt de vin nouveau.

L’eau n’est qu’une liqueur ingrate,
Qui mène tout droit au tombeau ;
Les meilleurs juleps d’Hippocrate
Sont ceux qu’on prend dans le tonneau.

Entrée d’un Officier avec des béquilles, d’un Malade dans une chaise, et d’un cul de jatte

Médecin, fermez boutique :
Si l’on nous permet le vin ;
Ce jus divin
Fait rire un mélancolique,
Et danser un paralytique.
Médecin, fermez boutique.
Si l’on nous permet le vin.

Première Entrée d’un Flamand et d’une Flamande.

UN PANTALON et UN POLICHINELLE chantent.

Quel bien devez-vous attendre
De la rhubarbe et du séné ?
On veut vous surprendre
Quand on fait prendre
Un tel récipé.

Un bon lavement
Est toujours un tourment
Qui nous fait pousser bien des cris,
Qu’il faut rendre quand on l’a pris.
Que le remède est précieux,
Qui plaît au goût, ainsi qu’aux yeux !
De-là, je conclus que le vin
Malgré Galien, est le vrai Médecin.

Seconde Entrée du flamand et de la Flamande.

LE PANTALON, chante.

Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’Apothicaire ;
Ces eaux sont dans l’occasion
Un prétexte fort salutaire.
Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’Apothicaire.

Un joueur Normand ou Gascon
Y fait toujours bien son affaire.
Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’Apothicaire.

Près du beau sexe un vieux barbon
N’y fait que de l’eau toute claire.
Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’Apothicaire.

Sans s’attirer mauvais renom
Plus d’une fille y devient mère.
Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’Apothicaire.

Il s’y fait maint petit poupon,
Qui bien souvent a plus d’un père.
Tous les buveurs d’eau de Bourbon,
N’ont pas besoin d’Apothicaire.

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