Deux papas très bien (Eugène LABICHE - Auguste LEFRANC)
Sous-titre : la grammaire de Chicard
Comédie-Vaudeville en un acte.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal, le 6 novembre 1844.
Personnages
POUPARDIN, négociant, père de Camille
TOURTEROT, propriétaire, père de César
CÉSAR, médecin
GÉLINOTTE, avoué
MÉDARD, domestique de Tourterot
CAMILLE, fille de Poupardin
La scène se passe à Châtellerault.
Le théâtre représente un salon avec trois grandes portes ouvertes au fond sur un jardin. Portes à droite et à gauche. Chaises, fauteuils, etc.
Scène première
MÉDARD, seul, puis TOURTEROT
TOURTEROT, en dehors, à droite, parlant à Médard.
Enfin un déjeuner chicocandard !
MÉDARD, près de la porte, à droite, répondant.
Chicocandard... c’est clair... je comprends parfaitement...
Descendant la scène.
Eh bien, non !... à présent que je suis seul... je peux m’avouer ça à moi-même... je n’y comprends rien du tout !... mon nouveau maître a un si drôle de jargon !... Il paraît que c’est depuis son voyage à Paris... Ah ! il a de drôles de mots tout de même chicard... chicandard... chicocandard !... un vrai tintamarre !... quoi... Si bien que je suis toujours à me demander ce qu’il a dit, trois quarts d’heure après qu’il a parlé... C’est ma faute, bien sûr, c’est ma faute...
TOURTEROT, entrant par la droite, un écriteau à la main.
Là !... voilà mon écriteau terminé.. Médard !...
MÉDARD.
Monsieur !
TOURTEROT.
Tu vas m’accrocher ça au-dessous du balcon.
MÉDARD.
Oui, monsieur.
TOURTEROT, montrant l’écriteau.
Qu’est-ce que tu dis de ça, toi ? À brocanter, joli petit bazar entre cour et jardin.
MÉDARD.
Vous avez un bazar à... ?
TOURTEROT.
Mon bazar ou ma souricière, comme tu voudras.
MÉDARD, bêtement.
Ah !
TOURTEROT, l’imitant.
Ah !... Il ne comprend pas !... quel serin que ce Médard ! Mais je te pardonne... tu n’es pas forcé de connaître les progrès de la langue ; tu es de Châtellerault... il faut te parler le patois de Châtellerault... Toi, tu mettrais tout bêtement : À vendre, jolie petite maison, entre cour et jardin.
MÉDARD.
Vous vendez votre maison ?
TOURTEROT.
Oui, je... certainement.
À part.
C’est une couleur, mais qu’il ignore.
MÉDARD.
Eh bien, franchement, je n’aurais jamais compris...
TOURTEROT.
Vous êtes si melons à Châtellerault !
MÉDARD.
Possible ; Mais, quand on s’adresse aux melons... qu’on veut être compris des melons, m’est avis qu’il faut leur parler le langage... melon.
TOURTEROT.
Cet esclave pourrait dire vrai... Alors, va prendre l’ancien écriteau qui est dans le grenier... Mais que va dire mon fils à son arrivée, en retrouvant sa paternité si rococote !
MÉDARD.
Votre fils ?
TOURTEROT.
Oui, mon fils, mon moucheron, qui arrive aujourd’hui de Paris, le foyer du beau langage... Il m’appellera perruque... Ah ! dame ! c’est qu’il en pince crânement, lui !... Si tu l’entendais ! quelle platine !
MÉDARD.
À Paris, tout le monde parle donc comme ça ?
TOURTEROT.
Tout le monde ?... Ah ! non ; les gens de la haute seulement, ceux qui donnent le ton... Il y a dix-huit mois, quand j’ai été passer une quinzaine avec mon jeune homme, alors simple carabin, je sentais mon Châtellerault d’une lieue, j’étais ce que l’on appelle un vrai cruchon ; mais peu à peu je m’y suis mis, je me suis fait présenter dans les meilleures sociétés... Il y avait surtout un ami de César, un nommé le père Lahire... Ah ! les belles fêtes de nuit qu’il nous a données, celui-là, dans son parc, boulevard Montparnasse !... c’était princier... illuminations a giorno, orchestre Musard, montagnes russes et gardes municipaux... toutes les douceurs de la vie !... Ah ! je peux dire que j’ai goûté des plaisirs bien purs dans cette chaumière !... J’y ai vu la jeunesse dorée, tout ce qu’il y a de plus flambart dans la capitale, et il m’en est resté un certain vernis... Ah ! si César n’avait pas cessé tout à coup de m’écrire, je dialoguerais aujourd’hui d’une façon un peu mouchique.
MÉDARD.
Comment ! Est-ce que, dans ses lettres, M. votre fils...
TOURTEROT.
Il écrit comme il parle... Quel style ! comme c’est fignolé !... Tu n’es pas sans avoir entendu parler de Mme Sévigné... Eh bien, franchement, ça la dégotte... Mais je ne sais pas pourquoi, depuis qu’il a été reçu docteur, depuis six mois environ... n-i, ni, fini, bonsoir à vos poules, plus de correspondance... Et moi qui avais besoin d’être entendu dans la chose... je me rouille... je me dégomme... je rentre dans mon vieux cabriolet.
Il tire une tabatière à portrait de sa poche et prend une prise.
MÉDARD, regardant la tabatière.
Ah ! la belle femme !
TOURTEROT, flatté.
Tu trouves ? Eh ! eh ! eh !... c’est mon épouse, la défunte à papa...
Il se désigne du geste.
Un assez beau faciès, hein ?... ça flatte un veuf... Allons, va mettre l’écriteau, va !
MÉDARD.
J’y cours, bourgeois, j’y cours !
Il remonte.
TOURTEROT.
Comment, j’y cours ?... Arrive donc ici, toi, phénomène... Dans le beau monde, on ne dit pas « Je cours !... » on dit : « Je me la casse... » ou bien : « Je me la brise. »
MÉDARD.
Ça suffit, bourgeois... je me la brise.
Il sort par le fond.
Scène II
TOURTEROT, seul, regardant sa tabatière
Jobard ! lui aussi, il croit que c’est ma femme... Allons donc ! elle était grêlée... Mais, un jour, en passant devant le Mont-de-Piété, rue des Blancs-Manteaux... on vendait ceci... ça tient vingt-cinq grammes et ça flatte un veuf... adjugé à papa.
Il prend une prise.
Là !... maintenant, M. Poupardin et sa fille peuvent abouler quand bon leur semblera... Il est cocasse, ce père Poupardin : pourquoi ne pas dire tout bonnement à sa fille : « Voilà... tu es d’âge à prendre un mari... j’y ai songé... j’ai trouvé ton blot... appuie-toi sur mon aile, et en route pour Châtellerault, nous allons piger et le futur... » Eh bien, non... il lui faut des tournures... il a voulu l’amener ici sous prétexte d’acheter un bien-fonds... il veut qu’elle rencontre mon rejeton par hasard... qu’il lui fasse l’œil sans en avoir l’air, et que leur bonheur se bibelote ainsi en douceur et comme sans préméditation... C’est une idée qu’il a, je la respecte... Quant à moi, j’ai tout uniment écrit à César : « Allons, ho ! du lest !... au reçu de la présente, file ton nœud vers le toit paternel ; j’ai levé pour toi une jeune poulette que je brûle de te conjoindre : c’est la fille d’un homme très bien, membre de l’académie d’Étampes, et qui a publié d’immenses travaux sur l’i grec et le point d’exclamation... Quant à la dot, cinquante mille balles, ça doit t’aller, viens-y ! » Et je l’attends, c’est bien plus nature.
Scène III
MÉDARD, TOURTEROT, puis POUPARDIN
MÉDARD, rentrant par la gauche.
Monsieur, l’écriteau est perché.
TOURTEROT.
Et le déjeuner ?
MÉDARD.
Sur le gril.
TOURTEROT, à lui-même.
Et mon fils qui n’arrive pas !... Où peut-il être ?...
MÉDARD, croyant qu’il n’a pas compris, en remontant.
Sur le gril, monsieur.
TOURTEROT.
Quel haricot que ce Médard !
POUPARDIN, sur le seuil, au fond.
« Maison à vendre... » Je touche, ce me semble, au but de mes pérégrinations.
À Médard.
M. Tourterot, rentier ?
MÉDARD, lui montrant Tourterot.
C’est ça, monsieur.
POUPARDIN.
Je viens pour... l’immeuble.
Médard sort par la gauche.
TOURTEROT, s’approchant vivement et gaiement de Poupardin.
Monsieur Poupardin, connu !...
Ils se serrent la main.
Et votre fille... votre accessoire ?
POUPARDIN, mystérieusement.
Il était bon que je la laissasse un moment dans la carriole... ayant une ouverture à vous faire seul à seul.
TOURTEROT.
Ah !... allez.
POUPARDIN.
Personne ne peut nous ouïr ?
TOURTEROT.
Personne.
POUPARDIN, mystérieusement.
J’éprouve le besoin de me mettre à nu devant vous.
TOURTEROT, étonné.
Ah !... allez.
POUPARDIN.
Monsieur, pères tous deux, nous nous distinguâmes, nous nous écrivîmes, nous nous convînmes et bientôt nous caressâmes un projet d’alliance entre votre fils et ma...
TOURTEROT.
Et votre unique.
POUPARDIN.
Précisément ; mais, avant de perpétrer ledit projet... je dois vous dire que ma fille unique n’est pas mon seul enfant... Il peut m’en surgir un nouveau d’un moment à l’autre.
TOURTEROT.
Qu’importe ? Dans notre famille, nous ne tenons pas à la monnaie ; vous couperez le gâteau en deux, voilà tout... Et où est-il, ce jeune biberon ?
POUPARDIN.
Plaît-il ?
TOURTEROT.
L’autre, le numéro 2.
POUPARDIN.
L’autre ? je l’ignore...
Avec fatuité.
Cela tient à des circonstances...
TOURTEROT.
Ah ! gaillard !
POUPARDIN.
J’étais garçon, alors, monsieur, et voyageur de commerce. Or, vous savez que, dans cette arme... Mais je ne sais si je dois...
TOURTEROT.
Allez donc !... je ne suis pas chipie, faites votre jeu.
Air :
Songez donc que vous êtes vieux
Pour bien élever son enfant
Faut avoir connu la bamboche ;
On est toujours plus indulgent
Lorsque l’on n’est pas sans reproche.
Du cœur on pardonn’ les écarts
Quand pour l’amour on fut précoce...
Et, pour bien marier ses moutards,
Il faut qu’un père ait fait la noce.
POUPARDIN.
Au fait, vous pourrez peut-être m’aider à saisir certain fil... Il y a de cela vingt-six ans, un soir, à Châtellerault...
TOURTEROT.
À Châtellerault ? Ici ? Ah ! mais ça me pique... je commence à être piqué...
POUPARDIN.
Dans l’intention évidente d’échapper aux douceurs de ce chef-lieu, plus célèbre par sa coutellerie que par son architecture, j’allais prendre la diligence. À cet effet, enveloppé d’un carrick, et ma valise sous le bras, je longeais un sentier obscur que je n’hésiterai pas à qualifier de ruelle...
TOURTEROT.
C’était la grande rue.
POUPARDIN.
Lorsqu’une petite porte s’ouvre à proximité... une voix flûtée en sort et articule : « C’est toi, Arthur ? » Je me nomme Edgard !... Mais, comme le timbre était flatteur, je réponds : « C’est moi, Arthur ! » Qu’eussiez-vous fait à ma place ?
TOURTEROT.
J’aurais coupé dans le même pont... d’autant plus qu’Arthur, c’est le petit nom à papa.
Il se désigne.
POUPARDIN.
Ah !... Je franchis le seuil, le cœur plein d’émotion et ma valise sous le bras...
Avec gaillardise.
Que vous dirai-je ?...
TOURTEROT, gaiement.
Rien de plus... Compris !
POUPARDIN.
Quelques instants après, une lumière voisine vint, hélas ! trahir mon incognito... À la première lueur de ce gaz inattendu, la belle inconnue poussa un cri... Ah !... Arthur, c’était un autre voyageur qu’elle attendait.
TOURTEROT.
C’est pénible !
POUPARDIN.
Je fis de vains efforts pour la calmer... elle se révolta, s’emporta, se gendarma, et...
TOURTEROT.
Et elle vous flanqua à la porte...
POUPARDIN.
Juste !... J’en fus navré... d’autant plus qu’en débouchant chez MM. Laffitte et Caillard, je m’aperçus que j’avais omis ma valise.
TOURTEROT.
Fichtre !... Elle contenait des valeurs ?
POUPARDIN.
Trois pantalons de nankin et une redingote de bouracan... Déjà j’en avais fait le sacrifice, lorsque, un an après... elle vint me rejoindre à Étampes...
TOURTEROT.
Votre inconnue ?
POUPARDIN.
Non... ma valise.
TOURTEROT.
Avec son contenu ?
POUPARDIN.
Amplifié d’un billet ainsi conçu : « Ne cherchez jamais à me connaître... Une démarche indiscrète pourrait compromettre l’avenir de notre fils. » De notre fils ! Signé...
TOURTEROT.
Signé ?
POUPARDIN.
Trois étoiles.
TOURTEROT.
Nous n’avons personne de ce nom-là !
POUPARDIN.
Je me conformai scrupuleusement à ce vœu. J’avais ma valise et... Mais, en revoyant Châtellerault, je n’ai pu me défendre d’un certain tiraillement... Est-ce l’espérance qui m’agite ?...
TOURTEROT, avec doute.
Oh !
POUPARDIN.
Est-ce le cahot de la voiture ?...
TOURTEROT, affirmant.
Ah !
POUPARDIN.
Je l’ignore... Mais je vous devais cet épanchement. Maintenant, parlons d’autres choses... Voyons... ce mariage...
TOURTEROT.
Il vous bottera... D’abord, voyez-vous, pour ce qui est du César...
MÉDARD, introduisant Camille par le fond.
Voici, mademoiselle.
Il sort.
POUPARDIN.
Chut !... ma fille !
Scène IV
CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT
CAMILLE.
Je vous dérange ?
POUPARDIN.
Mais non ! viens donc !
La prenant par la main.
Permettez que je vous présente ma fille.
TOURTEROT, saluant.
Mademoiselle...
Bas à Poupardin.
Chic !... très chic !
POUPARDIN, étonné.
Hein ?...
TOURTEROT.
Je dis : chic, très chic.
POUPARDIN.
Elle désirait que je la promenasse... j’ai pensé qu’il était bon que je m’exécutasse et que je l’emmenasse...
TOURTEROT, à part.
C’est un subjonctif à jet continu que ce beau-père.
POUPARDIN.
Afin qu’ensemble nous vissions, nous décidassions et nous terminassions...
TOURTEROT.
L’acquisition...
À part.
Il parle comme Napoléon... Landais.
POUPARDIN.
Mais avant tout...
TOURTEROT.
Avant tout, nous casserons bien une petite croûte.
POUPARDIN.
Soit, j’obtempère à ce vœu.
TOURTEROT, appelant.
Médard !
Médard paraît.
Allons, Médard, en avant la gobichonnade !
MÉDARD, à la droite de Tourterot.
On y est, bourgeois.
Fausse sortie.
TOURTEROT.
Et puis tu passeras chez Me Paillotet, le notaire. Tu lui diras qu’il vienne tout de suite.
MÉDARD, revenant à la gauche de Tourterot.
Oui ! Dar... dar... quoi !... dar... dar...
Il sort par le fond.
TOURTEROT.
C’est ça : dar... dar... Eh bien, mais il va, ce petit... il va très bien.
Scène V
CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT
TOURTEROT, prenant Poupardin à part.
Dites donc, elle nous gêne pour causer, votre demoiselle ; est-ce qu’elle ne va pas se pousser un peu d’air ?
POUPARDIN.
Hein ?
TOURTEROT.
Elle nous embarrasse, ôtez-la.
Faisant geste de déplacer quelque chose.
Ôtez-la.
POUPARDIN.
Ah ! très bien !... un tour de jardin, très bien !..
TOURTEROT.
Ça peut se dire aussi comme ça.
POUPARDIN.
C’est rationnel...
TOURTEROT.
Et champêtre.
POUPARDIN, à sa fille.
Dis donc, Camille... dans l’hypothèse où la sérénité de la température t’inviterait à...
CAMILLE, avec une ingénuité maligne.
À m’aller promener... Mais, papa, j’aime mieux rester, si cela vous est égal...
POUPARDIN, avec embarras.
Comment donc !...
CAMILLE, remontant.
Parlez de vos affaires... je n’écoute pas.
POUPARDIN, bas à Tourterot.
Aurait-elle levé notre lièvre ?
TOURTEROT.
J’en ai le trac.
POUPARDIN.
Dépistons-la.
Haut.
Et la contenance de cet immeuble est de... ?
TOURTEROT.
Vingt-deux ares trente-trois centiares... ce qui nous donne...
CAMILLE, revenant à eux.
Bien du mal pour me cacher une chose que je sais parfaitement.
POUPARDIN.
Et quoi donc, s’il vous plaît, ma fille ?
CAMILLE.
Ne faites donc pas le discret : ma tante m’a tout dit avant de partir... Je sais qu’il s’agit d’un mari.
TOURTEROT.
C’est nous qui posions... Elle est bonne, je la trouve bonne, la petite.
POUPARDIN.
Comment ? ta tante... ! Ah ! c’est mal, je vitupère son indiscrétion... Enfin, monsieur, nous pouvons nous ouvrir, maintenant qu’elle sait tout.
TOURTEROT.
Ouvrons-nous, ça me chausse.
POUPARDIN, à part.
Cet homme a une façon d’exprimer sa pensée qui confond mon intellect.
TOURTEROT, à Camille.
Primo, d’abord, et d’un, j’ai l’honneur de vous présenter votre futur beau-père, un petit gris qui n’est pas encore trop déchiré, comme vous pouvez voir.
CAMILLE.
Ah ! c’est M. votre Fils...
TOURTEROT.
Lui-même... un amour d’homme... Vous m’en direz des nouvelles.
CAMILLE.
Ah !... c’est un joli cavalier ?... Et... est-il bien pâle ?...
TOURTEROT.
Je ne pourrais pas vous dire... parce que, comme il a une barbe qui lui prend là... jusque-là... mais il doit être pâle... en dessous.
POUPARDIN.
Et sa clientèle ?... j’aimerais assez que vous touchassiez cette corde.
TOURTEROT.
Sa clientèle ?... Ah ! dame !... dans le commencement, il y a eu du tirage... mais, maintenant, ça boulotte, surtout depuis qu’il a mis une queue à son nom... depuis qu’il se fait appeler le docteur Césarius... vous comprenez, César, Césarius... Il s’est fait Polonais, parce qu’à Paris, en médecine, si on n’est pas un peu Polonais... Il est si ficelle, mon jeune homme...
À Camille.
Vous verrez comme il est ficelle.
CAMILLE, étonnée.
Ficelle !
POUPARDIN.
Ficelle !
CAMILLE.
Et, à Paris... un docteur... ça se met bien, n’est-ce pas... ça suit la mode ?...
TOURTEROT.
Ah ! pour ce qui est de la tenue... tout ce qu’il y a de plus verdâtre : pantalon écossais, burnous algérien, béret montagnard, la blague en sautoir et la bouffarde aux gencives. Quelle sensation il a faite à Châtellerault la dernière fois qu’il est venu me voir !... on louait des fenêtres pour le voir passer. Mais aussi quelle bouffarde !
POUPARDIN.
Bouffarde ! Qu’entendez-vous par ce substantif ?
TOURTEROT.
Sa bouffarde ?... c’est Dagobert, sa pipe favorite, ainsi nommée parce qu’elle est culottée.
POUPARDIN.
À l’envers ?
TOURTEROT, riant.
Farceur !... Ah ! c’est qu’il est très voluptueux sur les pipes... Faut voir chez lui, il en a mis partout, jusque dans la bouche de ses têtes de mort.
CAMILLE.
Il a des têtes de mort ?
TOURTEROT.
Dans tous les coins... C’est gentil, ça meuble.
CAMILLE.
Ah ! l’horreur !
TOURTEROT.
Non... je vous assure que ça fait très bien, surtout à côté d’un petit écorché.
CAMILLE.
Ah ! mon Dieu !... un écorché aussi ?
TOURTEROT.
En cire... Ah ! le bel écorché... c’est parlant ; et puis c’est commode... On entre, on ne sait où placer son chapeau...
Il fait le geste.
Flac !
CAMILLE.
C’est épouvantable... un écorché !... Ah ! papa, je n’épouserai jamais un écorché !
POUPARDIN.
Mais comprends donc, puisqu’il est médecin, tout cela est pour lui d’utilité professionnelle.
TOURTEROT.
C’est avec ça qu’il a appris à disséquer.
CAMILLE.
Il dissèque ?
TOURTEROT.
Comme un ange !... et il vous coupe une jambe que c’est un plaisir ; psitt ! c’est fait !... On ne s’en aperçoit que lorsqu’on veut marcher... dit-on.
CAMILLE, à part.
Quel horrible portrait !
TOURTEROT, à part.
J’espère que je le fais mousser.
CAMILLE, à Poupardin.
Allons-nous-en, papa, je ne pourrais jamais consentir...
POUPARDIN.
Permets, ma fille... les bienséances, les convenances.
À Tourterot.
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur...
TOURTEROT.
Ne parlons pas de ça... J’ai fait prévenir Me Pailloter le notaire, et...
POUPARDIN.
Mais, avant d’aller plus loin, il serait opportun, je crois, que nous appréciassions...
TOURTEROT.
Le futur ?... Je la partage, monsieur, J’y abonde... Mais comment donc !... il va venir, vous pourrez l’allumer sous toutes ses faces... Oh ! mais je suis bien tranquille... il vous empaumera.
POUPARDIN.
Vous dires, monsieur ?
TOURTEROT.
Vous serez paumé, je ne vous dis que ça, vous serez paumaqué.
POUPARDIN.
Paumaqué !
Scène VI
CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT, MÉDARD
MÉDARD, entrant par la gauche.
Monsieur, le déjeuner est servi.
TOURTEROT.
Ah ! ce n’est pas dommage... Et le notaire ?
MÉDARD.
Il va venir... il est en train de passer son habit noir.
TOURTEROT.
Très bien !
POUPARDIN, à part.
Ah ! ce pauvre notaire qui va se déranger.
TOURTEROT.
En attendant, allons toujours tortiller.
POUPARDIN.
Qu’est-ce que vous voulez tortiller, monsieur ?
TOURTEROT.
Des aliments... des comestibles...
POUPARDIN.
Ah ! vous voulez dire satisfaire les organes nutritifs ?... Viens, Camille...
CAMILLE.
Mais, papa...
POUPARDIN, bas.
Bah ! cela n’engage à rien.
Haut.
Ma fille et moi sommes prêts à faire honneur à votre collation.
Ensemble.
Air : Dansons, et même aux cloisons (Trois Péchés du Diable).
TOURTEROT.
Chaud, chaud
Pendant qu’il est chaud,
Il faut
Prendre un déjeuner d’assaut !
Un sot
Pourrait seul rester manchot
Tantôt
En face de mon fricot !
POUPARDIN et CAMILLE.
Chaud, chaud
Pendant qu’il est chaud,
Il faut
Prendre un déjeuner d’assaut !
Bientôt
Nous allons dire au galop
Un mot
À ce qu’il nomme un fricot !
TOURTEROT, Seul.
Boire sans vergogne
Un bourgogne
Qui cogne,
C’est pectoral
Et ça garnit l’ bocal.
Ensemble.
Reprise.
Chaud, chaud, etc.
Ils sortent par la gauche.
Scène VII
MÉDARD, seul, puis POUPARDIN
MÉDARD.
Tiens, ils vont déjeuner !... Il suffit donc de se présenter comme acquéreur pour être invité à... ? C’est bon à savoir ; quand je serai sans place, j’irai marchander des propriétés.
POUPARDIN, à part, en entrant.
Décidément je me fais un vrai scrupule de déplacer inutilement cet officier ministériel.
À Médard.
Jeune homme, vous venez de chez Me Paillotet ?
MÉDARD.
Le notaire... oui, monsieur... un fameux notaire, allez ! il ne fonctionne jamais qu’en habit noir.
POUPARDIN.
Eh bien, auriez-vous l’extrême obligeance de vous y transporter incontinent ?
MÉDARD, faisant mine de sortir.
J’y cours !
POUPARDIN.
Pour lui dire ?...
MÉDARD, même jeu.
Qu’il se dépêche.
POUPARDIN.
Au contraire, pour le prier d’ajourner indéfiniment sa visite.
MÉDARD.
Tiens !
Haut.
Ça suffit, monsieur, je me la casse.
POUPARDIN.
Là ! comme ça, je déjeunerai sans perplexité ; ce pauvre notaire !
Il sort.
MÉDARD.
Il paraît que la souricière ne leur sourit pas... et pourtant, ils déjeunent : ce sont des pique-assiettes.
Scène VIII
GÉLINOTTE, MÉDARD
GÉLINOTTE, entrant, un paquet de lettres à la main.
Je les ai vus entrer ici... j’en suis sûr !
MÉDARD, à part.
Le nouvel avoué de Châtellerault ! Viendrait-il aussi pour la maison ?
GÉLINOTTE, à part.
Un domestique... tâchons de savoir...
Haut.
Dites-moi, jeune indigène ; ils sont ici, n’est-ce pas ?
MÉDARD.
Ici, qui ?
GÉLINOTTE.
Un monsieur d’un âge... chauve... et une jeune personne d’une tournure...
MÉDARD.
Oui, Monsieur, Oui... ils déjeunent.
GÉLINOTTE.
Ah ! ils déjeunent ?
MÉDARD.
Oui ; et je dois vous prévenir que leur intention est aussi d’acquérir.
GÉLINOTTE, à part.
D’acquérir... qu’est-ce qu’il chante là ?
Haut.
Pourriez-vous me fournir quelques renseignements ?
MÉDARD.
Volontiers... je crois que ça fera votre affaire... position magnifique... et assurée.
GÉLINOTTE.
C’est une bonne chose, parce que les assurances... et puis, je la crois gaie.
MÉDARD.
Très gaie... Ah ! dame, vous savez... il y a des jours de souffrance !
GÉLINOTTE.
Qu’est-ce qui n’a pas ses jours de souffrance !
MÉDARD.
Pourvu que ça soit bien bâti et que ça ne fume pas...
GÉLINOTTE.
Parbleu !
MÉDARD.
Ah ! drame, c’est qu’à Châtellerault elles fument toutes.
GÉLINOTTE.
Comment ! les demoiselles... ?
MÉDARD.
Eh non ! les maisons.
GÉLINOTTE.
Je vous parle demoiselles, et vous me répondez...
MÉDARD.
Mais non ! c’est moi qui vous parle maison et vous qui... Ne venez-vous pas pour acheter la propriété ci-incluse ?
GÉLINOTTE.
La propriété ?...
À part.
Elle est à vendre !... au fait, ça me fournit une entrée, et je verrai par moi-même...
Haut.
Eh bien, oui, puisqu’on ne peut rien vous cacher, je viens pour acquérir.
MÉDARD.
Alors, vous allez déjeuner.
GÉLINOTTE.
Moi, Gélinotte ?
MÉDARD.
Vous, Gélinotte ; vous venez pour voir la propriété, vous venez pour l’acheter... pour lors, allez vous mettre à table... c’est l’usage du pays.
GÉLINOTTE, gaiement.
Du moment que ça fait partie du cahier des charges...
MÉDARD.
Allons, dépêchez-vous... Tenez, par là... Moi, j’ai une commission à faire, et, comme ça presse... bon appétit ! je me la brise !...
Il sort.
Scène IX
GÉLINOTTE, seul
C’est elle, plus de doute !... elle que j’ai rencontrée à Étampes, il y a quelques mois... elle que je retrouve à Châtellerault, avec son cœur, avec sa dot... tous deux, je l’espère, exempts d’hypothèques... En voilà un hasard !... J’étais là tranquillement sur la place, à causer avec le facteur, qui me remettait un paquet de lettres venant de Paris... tout un arrérage de correspondance que je me suis fait transmettre ici, depuis que j’y ai planté mes lares... et que je lirai en temps utile... Tout à coup, deux êtres d’âge et de sexe différents frappent mes regards... l’un vieux et laid... c’était le père... l’autre blanche et rose, c’était la fille... Je quitte le facteur, je cours... je les vois entrer ici, je me glisse comme un serpent... et je tiens leur trace... Mais quelle chance ! la retrouver juste au moment où j’aurais tant besoin de quarante-neuf mille sept cents francs pour compléter le prix de ma charge... une charge de cinquante mille francs !... que je ne puis pas payer en reconnaissances du Mont-de-Piété... et je n’ai pas d’autre papier-monnaie... Il est vrai que le père m’a déjà refusé une fois sa main... mais, alors, j’étais sans charge... et, maintenant... je dois quarante-neuf mille sept cents francs... c’est une position, ça... Oh ! il faut absolument...
Air : Un homme pour faire un tableau.
Je lui ferai sommation
De prêter l’oreille à mon dire,
D’admettre, par provision,
L’amour que sa beauté m’inspire ;
Elle invoque l’ajournement ;
Mais je plaide avec tant d’instance,
Qu’enfin j’obtiens mon placement
Avant la fin de l’audience.
Il remonte.
Scène X
CAMILLE, POUPARDIN, GÉLINOTTE
POUPARDIN, entrant par la gauche, suivi de sa fille.
Je n’y veux plus tenir !... ce vieillard a une trivialité d’élocution qui me coupe l’appétit et m’intercepte l’œsophage.
GÉLINOTTE, à part.
C’est elle !
POUPARDIN, à Camille.
Et je doute que son fils te conduise jamais à l’autel.
CAMILLE.
Et moi, je n’en doute pas, mon papa ; j’aimerais mieux n’importe quoi !
GÉLINOTTE, saluant.
Monsieur, mademoiselle...
CAMILLE.
M. Gélinotte !
POUPARDIN.
Que nous possédâmes à Étampes pendant le laps d’un mois.
GÉLINOTTE.
Lui-même.
POUPARDIN.
Comment cela va-t-il ?
GÉLINOTTE.
Mais pas mal, pas mal, surtout depuis que je suis avoué à Châtellerault.
POUPARDIN.
Ah !... je vous offre mes congratulations... Vous voilà sur un bon pied.
GÉLINOTTE.
Vous trouvez ?... Eh bien, monsieur, maintenant, pourquoi refuseriez-vous, pour votre fille, un mari qui serait sur ce pied-là ?
CAMILLE.
Comment ! monsieur, vous pensez encore.
GÉLINOTTE.
À vous ? oui, toujours !... Est-ce qu’on peut oublier cet assemblage fantastique de toutes les grâces ?
POUPARDIN.
Au fait, je me rappelle maintenant, à votre passage à Étampes, vous nourrissiez déjà l’espoir...
GÉLINOTTE.
Et je le nourris toujours, monsieur ; je le nourris plus que jamais, aujourd’hui.
Avec amabilité.
Sans savoir, hélas ! si j’en serai plus gras !
POUPARDIN, à part.
La parole de ce garçon est fleurie... Il me plaît, parce qu’il est fleuri...
Haut.
Permettez, jeune homme, votre apostrophe, quoique brusque, n’est pas froissante, et j’avoue tout d’abord que, si ma fille répondait...
GÉLINOTTE.
Oh ! Monsieur !... je me leurre, peut-être... je me berce sans doute... mais il m’a semblé que, pendant mon court séjour à Étampes, Mademoiselle m’avait écouté avec une oreille...
POUPARDIN, à sa fille, sérieusement.
Tu avais écouté Monsieur avec une oreille ?...
CAMILLE, indifféremment.
Oh ! mon Dieu !...
GÉLINOTTE.
Je croyais pourtant que vous m’aviez vu d’un œil...
POUPARDIN, à sa fille.
De quel œil avais-tu vu Monsieur ?
CAMILLE.
Ma foi, papa, M. Gélinotte ne me déplaisait pas plus qu’un autre.
GÉLINOTTE.
Doux aveu !
CAMILLE.
Et pourvu que Monsieur n’ait chez lui aucune tête de mort.
GÉLINOTTE.
Des têtes de mort, chez moi ?... je n’ai que la mienne.
POUPARDIN.
Parbleu ! un avoué !
CAMILLE.
Pourvu que Monsieur n’écorche personne !
GÉLINOTTE.
Moi !
POUPARDIN, gaiement.
Dame, un avoué ! ah ! ah !
GÉLINOTTE, riant.
Ah ! ah ! ah !... c’est très drôle !
À part.
C’est bête !
CAMILLE.
Je comprends qu’à la rigueur...
POUPARDIN, à sa fille.
Tu vas trop loin !
À Gélinotte.
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur... mais je n’engage pas ma parole... Seulement, s’il arrivait que vos affaires vous appelassent à Étampes, je pourrais consentir à ce que vous nous y reconduisissiez... nous repartons aujourd’hui... Venez, cela vous est loisible.
GÉLINOTTE.
Vraiment ! ah ! monsieur, je prends acte de vos paroles et je cours de ce pas retenir trois places de coupé.
POUPARDIN.
J’y condescends !
Scène XI
CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT, GÉLINOTTE, puis CÉSAR
TOURTEROT, entrant par la gauche. Trémolo à l’orchestre.
Le voilà !... le voilà !... je viens de l’apercevoir de ma fenêtre !
POUPARDIN.
Qui ça ?
TOURTEROT.
Mon fils ! Mon présomptif !
GÉLINOTTE.
Son présomptif !
CAMILLE, effrayée.
Ah ! papa, sauvons-nous !
CÉSAR, entrant, élégamment vêtu et se jetant dans les bras de son père.
Mon père !
Ensemble.
Air :
CÉSAR.
Sans vous, là-bas ma vie
Était remplie (bis)
D’ennui mortel !
J’ai pris la fuite,
Et je m’abrite
Sous le toit paternel !
TOURTEROT et GÉLINOTTE.
Sans nous, là-bas sa vie
Était remplie (bis)
D’ennui mortel !
Mais par la fuite,
CÉSAR s’abrite.
Sous le toit paternel !
POUPARDIN et CAMILLE.
Blâmant déjà sa vie,
Je l’ai flétrie (bis)
Arrêt cruel !
Car, son mérite
Dément bien vite
Le portrait paternel !
POUPARDIN.
Comment ! C’est là M. Votre fils ?
TOURTEROT.
Oui, sans doute...
À César.
M. Poupardin et sa fille.
CÉSAR, saluant.
Monsieur... mademoiselle...
TOURTEROT, bas à César.
Allons, ho ! du combustible !
CÉSAR.
Excusez-moi de me présenter dans un pareil négligé... mais, vous le savez, les voyageurs ont des privilèges...
CAMILLE, à part.
Il est beaucoup mieux que son signalement.
CÉSAR.
Et si quelque chose peut me consoler de m’offrir ainsi à vous avec tout le sans-gêne du débotté, c’est que les rigueurs de l’étiquette auraient retardé le bonheur que j’éprouve à me trouver au milieu de vous.
TOURTEROT, à part.
Est-il devenu fadard !
POUPARDIN, à sa fille.
Mais il a l’air très convenable, ce jeune homme.
TOURTEROT, à César.
Sais-tu que nous t’attendons depuis ce matin... tu nous as fait droguer.
CÉSAR, bas.
Mon père !
GÉLINOTTE.
Ces médecins, ils arrivent toujours trop tard !
CÉSAR.
Gélinotte...
À part.
Diable !
Haut.
Toi, ici ?...
GÉLINOTTE.
Bonjour, César !
Ils se donnent la main.
TOURTEROT.
Qu’est-ce que c’est que celui-là ?
CÉSAR.
Un de mes amis, que je ne m’attendais pas à retrouver ici... Depuis quand as-tu quitté Paris ?
GÉLINOTTE.
Depuis un an.
CÉSAR.
Ah !...
À part.
Voilà qui me rassure sur sa discrétion.
GÉLINOTTE.
Dis donc, je suis avoué ici.
TOURTEROT, à part.
Ça, un avoué ?... oh ! ce coquillage !
CÉSAR.
Mon compliment sincère.
TOURTEROT, bas, à César.
Dis donc, la petite te guigne... Allume ! allume !
CÉSAR, à Tourterot.
Chut !
Gélinotte remonte.
TOURTEROT, bas à César.
Quelle carnation ? ah ! méchant !
À Poupardin.
Il n’est pas encore bien à son gobelet, mais laissez-lui prendre son pivot... vous verrez comme il se met ! Je vous laisse ensemble, vous allez le creuser, creusez-le...
À César.
Hardi là !... du pavillon, du pavillon à mort !
GÉLINOTTE, à Poupardin.
Je vais retenir les trois places de coupé, et je reviens !...
À Camille.
À bientôt, mademoiselle.
TOURTEROT, à César.
Décidément, il me gêne des entournures, ton avoué !
Ensemble.
TOURTEROT, à Poupardin.
Air : Je vous fais mon compliment (Paris voleur)
Il vous plaît assurément,
Avec lui, causez un moment,
Vous vous convaincrez aisément
Qu’il doit faire un mari charmant.
POUPARDIN et CAMILLE, à part.
Il peut plaire, assurément ;
Mais je doute qu’en un moment
Il me prouve facilement
Qu’il doit être un mari charmant !
CÉSAR, à part.
Elle est charmante, vraiment ;
Mais je doute qu’en un moment
Je lui prouve facilement
Que je suis un futur charmant !
GÉLINOTTE, à part.
Je lui plais, assurément,
Il m’aura suffi d’un moment
Pour lui prouver facilement
Que je suis un futur charmant !
Tourterot sort par la droite, et Gélinotte par la gauche.
Scène XII
CAMILLE, CÉSAR, POUPARDIN
CÉSAR.
Pauvre père ! voyez pourtant, monsieur, où peut conduire la contagion du mauvais exemple et les égarements de l’amour paternel... M. Tourterot était, il y a deux ans à peine, l’homme le plus naïf dans ses habitudes, le plus classique dans son langage... son fils, au contraire était un étudiant aux manières débraillées, aux allures sans-gêne... Un beau jour, l’un a déteint sur l’autre... Oui, monsieur, je dois l’avouer... mon père est aujourd’hui une sorte de miroir qui reflète, à ma honte, tout le décousu de ma vie passée... Pardonnez-lui, je suis le seul coupable...
Souriant.
Et c’est moi qui l’ai perdu !
POUPARDIN.
C’est vous qui le métamorphosâtes ?
CÉSAR.
Oui, monsieur... Et, franchement, avant mon arrivée, ne vous étiez-vous pas fait une tout autre idée de ma personne ?
POUPARDIN.
Il est vrai que M. votre père nous avait fait de vous un portrait...
CÉSAR.
Ressemblant... il l’a été... Je fus absolument tout ce qu’il vous a dit que j’étais... mais je me suis transformé... Ai-je gagné au change ?... il ne m’appartient pas d’en juger...
CAMILLE, vivement.
Oh ! certainement, vous avez gagné, beaucoup gagné.
CÉSAR.
Ce témoignage me suffit, et, dût-il être ma seule récompense.
POUPARDIN.
Et y a-t-il longtemps que vous dépouillâtes votre ancienne existence ?
CÉSAR.
Du jour où, après mon temps d’école, abordant une profession sérieuse, je résolus d’adopter des habitudes et des goûts sérieux ; du jour où, voulant entrer dans le monde pour m’y créer une position, je songeai à en épouser le ton, les manières et le costume ; du jour enfin, où, voulant plaire à une jeune personne de bonne famille, d’éducation distinguée, je compris qu’il me fallait rompre irrévocablement avec un passé qui ne m’avait offert que des distractions creuses et des plaisirs sans bonheur...
POUPARDIN.
Et un style sans orthographe... mais aujourd’hui...
CÉSAR.
Aujourd’hui, l’habitué du quartier Latin a fait place à l’austère docteur... celui-ci est ardent à l’étude, comme l’autre était ardent à la dissipation ; celui-ci n’a plus qu’un désir, c’est de se placer honorablement dans les rangs de la science et dans l’estime des honnêtes gens.
POUPARDIN, allant à sa fille.
De l’éloquence, du jugement, une noble ambition et de la grammaire !
CAMILLE.
Et de la tournure...
À part.
Quel dommage qu’il soit médecin !
CÉSAR.
Et, maintenant que je vous vois, mademoiselle, que je comprends tout ce que vous méritez... j’ai bien peur de ne pas être encore digne de vous !
CAMILLE.
Oh ! monsieur...
Vivement et allant à lui.
Vous ne pourriez pas vous faire avoué ?
CÉSAR.
Avoué !
POUPARDIN.
Oh !... puisque Monsieur a étudié la médecine, il ne peut pas...
CÉSAR.
À moins de retourner à l’école... de reprendre mes anciennes habitudes...
CAMILLE.
Oh ! non, non, monsieur... vous en savez assez... C’est que, médecin, c’est bien vilain !
CÉSAR.
Et pourquoi donc ?
CAMILLE.
Vivre continuellement au milieu des crânes, des squelettes et des messieurs écorchés !
CÉSAR.
Rassurez-vous, ce sont là des objets d’étude qui ne sortent pas du cabinet.
POUPARDIN.
C’est de l’ostéologie.
CAMILLE.
Oui, mais, soigner des malades, des mourants, des morts...
CÉSAR, souriant.
Des morts, le moins possible.
POUPARDIN.
C’est de la pathologie...
CÉSAR.
Et ne pensez-vous pas qu’il y ait quelque mérite à donner ses soins, ses veilles et parfois même sa vie...
CAMILLE.
Ah !
CÉSAR.
Pour sauver son semblable ?
POUPARDIN.
C’est de la philanthropie !
Avec émotion.
J’apprécie comme je le dois l’honneur que vous me faites de briguer la main...
Scène XIII
MÉDARD, POUPARDIN, CAMILLE, CÉSAR
MÉDARD, essoufflé.
Ah !... monsieur, j’ai vu Me Paillotet le notaire... il ne viendra pas.
POUPARDIN.
Ah ! mon Dieu ! moi qui ai contremandé...
MÉDARD.
Il venait de passer son habit noir ; je lui ai dit la chose... alors, il a remis sa redingote.
POUPARDIN, à César.
Je ne sais comment vous avouer ... Ce fonctionnaire allait venir pour le contrat... et, ma foi... d’après les renseignements qu’on m’avait donnés sur votre personne, dame !... moi... je... Et... il a remis sa redingote...
CAMILLE.
Que faire ?
CÉSAR.
Eh bien, mais c’est facile ... Il n’a qu’à remettre son habit.
CAMILLE.
Ah ! oui... c’est ça !... un habit, c’est si vite mis !
POUPARDIN.
Au fait !
À Médard.
Va vite lui dire de remettre son habit !
MÉDARD, courant.
Ah ben ! ah ben ! ah ben !...
Il sort.
Scène XIV
CAMILLE, CÉSAR, POUPARDIN, TOURTEROT, puis GÉLINOTTE
POUPARDIN, qui a fait quelques pas pour accompagner Ménard.
Mon cher gendre, croyez que je me félicite sincèrement...
TOURTEROT, entrant par la droite.
Ah ! ah ! encore ensemble !
À Poupardin.
Eh bien, mais ça biche ! Il paraît que ça biche !
POUPARDIN.
Il m’a plu, je lui ai plu... et, dès qu’un beau-père et un gendre se plurent...
TOURTEROT.
Bravo ! bravissimo !... Eh bien, vrai, là... ce n’est pas parce que c’est mon fils, mais vous aurez là un gendre soignemuche !
GÉLINOTTE, qui est entré et a entendu ces derniers mots.
Qu’entends-je !... comment, un gendre ?... et les trois places de coupé que j’apporte ?
POUPARDIN, à Gélinotte.
Monsieur, je me dois à moi-même de vous témoigner tous mes regrets, mais c’est ma fille...
Il montre Camille.
GÉLINOTTE, à Camille.
Comment ! mademoiselle ?...
CAMILLE.
Certainement, monsieur, je suis désolée...
Indiquant César.
Mais c’est Monsieur...
GÉLINOTTE, à César.
Comment ! toi, mon ami ?...
CÉSAR.
Tu avais donc des prétentions sur Mademoiselle ?... Ma foi, mon cher, j’ignorais... ça m’afflige, mais ...
Montrant Tourterot.
C’est mon père...
GÉLINOTTE, à Tourterot.
Comment ! monsieur ?...
TOURTEROT, s’approchant de Gélinotte.
De quoi ? ... vous voulez aussi ?... du flan !
GÉLINOTTE.
Mais permettez, monsieur !...
TOURTEROT, criant.
La Marseillaise !...
Gélinotte remonte.
Il me bassine, cet avoué !
À César.
Il me bassine !
CÉSAR.
Mon père, ça ne se dit plus !
TOURTEROT.
Non ? Eh bien, il me traquemarde !...
À Gélinotte.
Vous me traquemardez... voilà !
CÉSAR.
Impossible de l’arrêter !
GÉLINOTTE, élevant la voix.
Mais mes trois places de coupé ?... j’en serai donc pour mes frais ?... Un avoué !... ça ne se peut pas !... J’en appelle ! j’irai en cassation !
TOURTEROT.
Ne moussez donc pas comme ça, mon brave homme... faut se faire une raison...
Montrant Poupardin.
Monsieur est comme moi, il abomine les avoués...
Gélinotte remonte.
Pour lors, il préfère marier sa fille à un médecin, à mon jeune homme... au docteur Césarius !
GÉLINOTTE, à part.
Césarius ! ... où diable ai-je vu ce nom-là ?
TOURTEROT, à Gélinotte.
Faut en prendre son parti, mon cher, vous êtes fumé !
GÉLINOTTE, avec explosion.
Oh ! mais c’est ça !... j’y suis !... ces lettres que je viens de recevoir...
Tirant une lettre et regardant la signature.
« Césarius ! » Eh ! justement !...
À Poupardin.
Le docteur Césarius ne peut pas épouser votre fille !
CAMILLE.
Pourquoi donc ça ?
TOURTEROT.
Ah ! monsieur l’épanoui... et pourquoi donc ça ?
GÉLINOTTE.
Pourquoi ? Parce qu’il est marié !
TOURTEROT.
As-tu fini, portier !
GÉLINOTTE, donnant la lettre à Tourterot.
Lisez ça !
TOURTEROT, lisant.
« M. le docteur Césarius a l’honneur de vous faire part de son mariage avec Mlle de Follembuche !... » Hein ! eh bien, j’en apprends de belles !
GÉLINOTTE.
C’est écrit.
César remonte en riant.
CAMILLE.
Ah ! papa, c’est affreux !
POUPARDIN.
C’est de la bigamie !
GÉLINOTTE.
C’est de la polygamie !
TOURTEROT, exaspéré.
C’est de la polissonnerie !
CÉSAR, riant et venant au milieu.
Ah ! ah ! ah !...
TOURTEROT.
Il rit, le sans-cœur !
Sévèrement à César.
Est-ce que vous prétendez continuer longtemps cette balançoire ?...
POUPARDIN.
Voyons, monsieur, qu’avez-vous à dire ?
CÉSAR.
Mais c’est une chose toute simple !
CAMILLE et GÉLINOTTE.
Toute simple !
TOURTEROT.
Il est à mettre sous verre !
CÉSAR.
Et mon seul tort, c’est qu’en vous racontant, ce matin, l’histoire de mon passé... j’en ai oublié un chapitre... permettez-moi de le rétablir.
TOURTEROT, avec humeur.
À toi la pose, pousse ton dé.
CÉSAR.
Je venais de passer ma thèse ; j’étais reçu docteur... il s’agissait de s’établir, de se former une clientèle... Un de mes amis était dans la même position que moi... et, malgré trois mois d’efforts, de travail, d’activité, nous ne possédions pas un seul malade à nous deux.
TOURTEROT.
Vous étiez des docteurs panés... quoi !
CÉSAR.
Cela se comprend !... des jeunes gens, des garçons, ça n’inspire de confiance ni aux femmes, ni aux époux ; mais voilà qu’un beau jour, mon confrère se marie, il fait part de sa nouvelle position à tout Paris, et les clients commencent à venir : ce résultat m’ouvrir les yeux, et, ma foi, j’épousai...
TOUS, indignés.
Ah !...
CÉSAR.
C’est-à-dire, j’inventai Mlle de Follembuche... et le docteur Césarius, sans compromettre le célibataire César, eut soin de mettre tout le public dans la confidence de son bonheur... imaginaire.
GÉLINOTTE, à part.
Ah ! c’est une bonne banque, ça !
TOURTEROT, riant.
C’est absurde !
POUPARDIN.
C’est de la diplomatie !
CAMILLE.
À la bonne heure, voilà un mariage qui n’empêche pas...
CÉSAR.
De se marier.
TOURTEROT.
Ah ! vieux bilboquet, va !
POUPARDIN, à sa fille.
Ce jeune homme a la triture des affaires !
CAMILLE, à Poupardin.
Vous verrez, papa, il fera son chemin.
POUPARDIN, allant à Gélinotte.
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur que... mais...
TOURTEROT, à Gélinotte.
Mais on vous chante la Colonne !...
À Poupardin.
Chantez-lui donc la Colonne, et prenons une prise...
Il tire la tabatière de sa poche.
POUPARDIN.
Oui, prenons une...
Apercevant la miniature de la tabatière.
Ah ! mon Dieu ! que vois-je !... ce portrait !...
À part.
C’est mon inconnue de Châtellerault !... ma voix flûtée... « C’est toi, Arthur ?... »
TOURTEROT, avec fatuité.
La légitime à papa... ma défunte !
POUPARDIN.
Votre défunte !... comment ! c’est là votre femme ?
TOURTEROT, de même.
Chouette, hein ! Voilà comme nous les épousions il y a vingt-six ans.
CÉSAR, bas à Tourterot.
Mon père !...
TOURTEROT, bas à César.
Chut ! ça flatte un veuf.
POUPARDIN, à lui-même.
Vingt-six ans ! quel soupçon !...
Regardant César.
Oui, ce nez, ces yeux...
Allant à César.
Jeune homme, votre âge ?
CÉSAR.
Comment ?
TOURTEROT.
Un fier âge, allez, pour le conjugo... vingt-cinq ans aux chasselas.
POUPARDIN.
Juste ! Ah ! j’éprouve un je ne sais quoi !... Il défaille.
TOURTEROT, le soutenant.
Qu’est-ce qui lui prend ?
POUPARDIN, à César, avec effusion.
Ah ! mon ami, s’il était possible que vous connussiez, que vous apprissiez...
CÉSAR.
Quoi ?
TOURTEROT.
Quoi ?
POUPARDIN, regardant Tourterot avec compassion.
Rien... rien...
À part.
Je ne puis pourtant pas lui dire, à ce malheureux..
Haut.
Mais la joie... l’émotion...
CÉSAR.
Que signifie ?
POUPARDIN, à César.
Mon ami !...
À Tourterot.
Arthur ! ne m’en veuillez pas !... les circonstances, la fatalité.
Il saute au cou de César et l’embrasse à plusieurs reprises.
Camille ne peut être votre femme !
GÉLINOTTE.
Ah ! je savais bien, moi !
TOURTEROT.
Et pourquoi ça ?... pourquoi donc ça ?
GÉLINOTTE, à part.
Il est bon, le père... puisqu’il est marié !
CÉSAR, à Poupardin.
Mais, songez-y, monsieur, après votre promesse de tout à l’heure, me défendre d’aimer...
POUPARDIN.
Ma fille !... Au contraire, aimez-la, jeune homme, aimez-la toujours !...
GÉLINOTTE.
Qu’est-ce qu’il dit donc ?
POUPARDIN.
Mais, quant à l’épouser, jamais !
TOURTEROT.
C’est trop fort !
POUPARDIN, allant à Gélinotte.
Voici mon gendre... mon gendre définitif !
TOURTEROT.
Hein ?
À part.
Ah çà ! mais c’est un vieux cheval de bois, il tourne toujours.
CÉSAR, le calmant.
Mon père !
TOURTEROT, exaspéré.
Laisse-moi donc... depuis ce matin qu’il nous mécanise !... En voilà un oiseau !...
POUPARDIN, à Tourterot.
Monsieur, j’apprécie comme je le dois l’honneur que... mais...
GÉLINOTTE, à Tourterot.
Mais on vous chante, comme à moi, tout à l’heure...
À Poupardin.
Chantez-lui donc la Colonne...
POUPARDIN.
Et prenons une prise.
Il va pour ouvrir la tabatière de Tourterot, qui est restée entre ses mains.
GÉLINOTTE.
Oui, prenons une...
Apercevant le portrait et saisissant la boîte.
Ah ! mon Dieu !... je ne me trompe pas !... cette figure !...
TOURTEROT.
La défunte à papa, quoi !
GÉLINOTTE.
Ça ? mais non !
Bien accentué.
C’est maman !
TOUS.
Votre mère !...
GÉLINOTTE.
J’ai la reconnaissance !
Il se fouille.
TOURTEROT et POUPARDIN.
Hein !
GÉLINOTTE.
Mme Gélinotte !... autrefois maîtresse de poste à Châtellerault !
TOURTEROT, à part.
Je suis mordu !
POUPARDIN, à Tourterot.
Mais alors cette défunte n’était donc pas votre femme ?
TOURTEROT.
Eh ben, quoi ! une défunte d’occasion, là !... que j’ai épousée dans une vente pour sept francs... À qui que ça donne des engelures ?
POUPARDIN, regardant Gélinotte.
Mais alors... oui, ce nez... ces yeux... Jeune homme, votre âge ?
TOURTEROT.
Bon ! il va recommencer !
GÉLINOTTE.
Moi ?... j’aurai vingt-cinq ans, comme César, aux vendanges !
POUPARDIN.
Juste !... Ah ! j’éprouve un je ne sais quoi !
Il défaille.
TOURTEROT, le soutenant.
Ah ! mais ça devient fatigant.
POUPARDIN.
La joie ! l’émotion !
TOUS.
Mais qu’y a-t-il ?
POUPARDIN, sautant au cou de Gélinotte, et après l’avoir embrassé à plusieurs reprises.
Camille ne peut être votre femme !
GÉLINOTTE.
Qu’est-ce que vous dites donc ?
TOURTEROT.
Décidément, c’est un tic !
POUPARDIN, bas à Gélinotte.
Mais soyez tranquille, j’aurai l’œil sur vous !
GÉLINOTTE.
Eh ! quand vous aurez votre œil sur moi, ça me fera une belle jambe !
POUPARDIN, de même.
Votre charge n’est pas soldée, on y pourvoira.
GÉLINOTTE.
Bah !
POUPARDIN.
Chut !
Allant à César.
Voici mon gendre, mon gendre définitif !
TOURTEROT.
Eh bien, à la bonne heure ! ça devait finir comme ça !... à force de tourner, on revient... le jeu de l’écureuil.
POUPARDIN.
Quel bonheur ! retrouver après vingt-six ans...
Bas à Tourterot.
Comment le trouvez-vous ?
TOURTEROT.
Qui ça ?
POUPARDIN, bas.
Vous savez bien cette aventure à Châtellerault ?...
Montrant Gélinotte.
C’est lui !
TOURTEROT.
Ah bah ! c’est là le tubercule ?
CÉSAR, CAMILLE et GÉLINOTTE.
Mais, enfin, expliquez-nous donc...
TOURTEROT.
Voilà ce que c’est...
Scène XV
CAMILLE, CÉSAR, POUPARDIN, TOURTEROT, puis GÉLINOTTE, MÉDARD
MÉDARD, annonçant.
Me Paillotet...
TOUS.
Ah ! enfin !
TOURTEROT.
Alors, la main aux dames... la mariée en tête, en avant les quilles ! Il ne faut jamais laisser refroidir... un notaire !
Ensemble.
Air de la Lucie.
Plus de tristesse,
Plus de chagrin
Bonheur certain.
Plus de tristesse,
De chagrin.
Buvons jusqu’à demain.