Brûlons Voltaire ! (Eugène LABICHE - Louis LEROY)

Comédie en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Gymnase, 7 mars 1874.

 

Personnages

 

MARCHAVANT

MAXIME, son neuve

LAMBLIN, notaire

LA BARONNE

ALICE, fille de la baronne

JACQUETTE, femme de chambre

 

La scène se passe à Chignac, aux environs d’Avignon, de nos jours.

 

Un salon de campagne : ameublement riche, mais ancien. Au fond, au milieu, un grand corps de bibliothèque, entre deux portes vitrées donnant sur le parc. Deux autres portes latérales au deuxième plan, dans les pans coupés. Un chevalet et accessoires pour dessiner ; à gauche, table entre deux chaises ; cheminée sans feu à droite ; petite table à ouvrage entre un canapé et une chaise à droite. Toutes les indications de la salle, gauche et droite du spectateur.

 

 

Scène première

 

LAMBLIN, JACQUETTE

 

Au lever du rideau, Jacquette dort, étendue dans la bergère, à droite.

LAMBLIN, entrant par le fond à droite.

Jacquette !... Jacquette !... Tiens ! elle dort... en plein jour.

Il s’approche d’elle et tousse fortement.

JACQUETTE, se réveillant.

Quoi ?... Ah ! c’est Monsieur Lamblin, le notaire !

LAMBLIN.

Il paraît que nous fêtons sainte Paresse aujourd’hui.

JACQUETTE.

Madame la baronne m’a expressément défendu de travailler à quelque chose d’utile les jours consacrés.

LAMBLIN.

Ces dames sont-elles revenues de l’office ?...

JACQUETTE.

Ah bien oui ! il y a aujourd’hui un sermon qui n’en finit pas... sur l’œuvre des bons livres, dont Madame la baronne est présidente. On a fait venir un prédicateur d’Avignon... et on dit qu’il n’a pas d’accent.

LAMBLIN.

Alors, il ne plaira pas... J’ai une bonne nouvelle à annoncer à ces dames, un acquéreur sérieux vient de se présenter à mon étude pour acheter le château.

JACQUETTE.

Tant pis !... Je me plaisais à Chignac.

LAMBLIN.

Vraiment ?

JACQUETTE.

On m’y demande très souvent en mariage.

LAMBLIN.

Tu sais... quand la... catastrophe arrivera... Je ferai ton contrat pour rien.

JACQUETTE.

C’est bien le moins.

LAMBLIN.

Comment ! c’est bien le moins !

JACQUETTE.

Dame !... Vous me l’avez assez promis... sous les grands arbres, les jours de lune... quand vous étiez clerc de notaire.

LAMBLIN, vivement.

Ne parlons plus de ça !... c’est oublié.

Regardant le mobilier.

Jacquette, il y a beaucoup de poussière sur les meubles.

JACQUETTE.

Depuis que je sais que nous allons déménager, le plumeau ne me dit plus rien.

LAMBLIN.

Oh ! moi, ça ne me choque pas... la poussière, dans le Midi... c’est une dame de compagnie, mais c’est pour l’acquéreur... et vois-tu, un acquéreur, c’est comme un amoureux... quand il doit venir, on fait un peu de toilette.

JACQUETTE.

Il y en a qui profèrent la simplicité,

Prenant le plumeau.

mais pour vous faire plaisir... je vais déranger la poussière...

Elle époussette nonchalamment.

Ah ! Monsieur Maxime.

 

 

Scène II

 

LAMBLIN, JACQUETTE, MAXIME

 

MAXIME, entrant. Il est vêtu très modestement et porte un carton sous son bras.

Mademoiselle...

JACQUETTE.

Le professeur de dessin de Mademoiselle.

LAMBLIN, à part.

Mon locataire... un pauvre diable !

MAXIME, saluant.

Je vous demande pardon, Monsieur Lamblin.

LAMBLIN.

Eh bien ! mon cher... êtes-vous content de votre petit logement ?

MAXIME.

Très content... seulement la cheminée fume.

LAMBLIN.

Je le sais... mais vous comprenez qu’une chambre richement meublée pour quinze francs par mois... votre prédécesseur avait l’habitude d’entrebâiller la fenêtre.

MAXIME.

Ah !... Je vous remercie de ce renseignement. Mais elle n’ouvre pas votre fenêtre... l’humidité a fait gonfler le bois.

LAMBLIN.

Ça reviendra avec le soleil... un peu de patience !

MAXIME.

Mais quand le soleil reviendra, je n’aurai pas besoin de faire du feu.

LAMBLIN.

Alors, ça ne fumera plus.

MAXIME.

C’est juste... Je ne sais pourquoi on a eu l’idée d’inventer les fumistes. Voulez-vous avoir l’obligeance de m’annoncer à ces dames, Mademoiselle Jacquette.

JACQUETTE.

Elles ne sont pas encore rentrées... si vous voulez les attendre ici...

MAXIME.

Merci... je vais faire un tour dans le parc... vous me préviendrez aussitôt que ces dames seront de retour.

JACQUETTE.

Soyez tranquille.

MAXIME, saluant.

Monsieur Lamblin... Mademoiselle...

Il sort par le fond à gauche.

JACQUETTE.

Pauvre garçon ! il est d’un timide... voilà un mois qu’il vient ici donner des leçons de dessin à Mademoiselle et...

LAMBLIN.

Et quoi !

JACQUETTE.

Il n’a pas encore osé me dire... que j’avais l’air distingué...

LAMBLIN.

Oh ! c’est inconvenant !

JACQUETTE.

Une chose curieuse ! Il gagne trois francs par leçon et chaque fois qu’il me rencontre seule il me donne vingt francs... sans rien demander.

LAMBLIN.

Ah ! bah !

JACQUETTE.

Je ne sais pas comment il fait pour vivre !

LAMBLIN.

En effet... c’est louche... serait-ce un voleur ?

JACQUETTE.

Mais les voleurs prennent de l’argent et n’en donnent pas.

LAMBLIN.

Il y en a qui amorcent.

JACQUETTE.

Ah ! voici mademoiselle.

 

 

Scène III

 

LAMBLIN, JACQUETTE, ALICE, venant du fond à droite un livre à la main

 

Jacquette sort au commencement de la scène.

LAMBLIN, à Alice.

Arrivez, mademoiselle, vous voyez un homme enchanté, ravi...

ALICE.

Vraiment ? qu’y a-t-il donc ?

LAMBLIN.

J’ai trouvé un acquéreur pour le château !

ALICE.

Cette joie... Vous tenez donc bien à faire un acte ?

LAMBLIN.

Sans cela je ne serais pas notaire... mais cet acte peut en amener un second... bien doux... vous ne comprenez pas ?...

ALICE.

Non...

LAMBLIN.

Vendons d’abord l’immeuble... et une fois le contrat signé, je tombe aux genoux de madame votre mère.

ALICE.

Ah ! mon Dieu ! vous voulez épouser ma mère !

LAMBLIN.

Non !... je tombe aux genoux de madame votre mère et j’ai l’honneur de lui demander votre main.

ALICE.

Ma main ! par exemple !

LAMBLIN.

C’est un projet que je caresse depuis longtemps.

ALICE.

Ah ! ça ! quel rapport y a-t-il entre la vente du château et ma main ?

LAMBLIN.

C’est bien simple... vous êtes copropriétaire de l’immeuble pour les sept dixièmes... du chef de monsieur votre père, la liquidation s’est faite à l’étude.

ALICE.

Eh bien ?

LAMBLIN.

Eh bien ! le château vendu, vous entrez en possession de votre dot... vous devenez liquide.

ALICE.

Hein ?

LAMBLIN.

Comme nous disons dans le notariat... Je vous épouse, je paie mon étude, j’achète un cheval, avec un petit panier... pour faire mes courses... et vous êtes bien heureuse !...

ALICE, ironiquement.

Ah ! je vous en réponds !... mais je croyais... du moins le bruit en a couru... que vous songiez à la fille du receveur particulier...

LAMBLIN.

Oui et non... J’ai eu un moment l’idée de cette union... La petite est gentille.

ALICE.

Et son père très riche... il possède deux fermes dans les environs...

LAMBLIN.

Oui, mais tout cela est grevé... chargé d’hypothèques... J’ai pris mes renseignements.

ALICE.

Je comprends... la fiancée n’est pas liquide.

LAMBLIN, riant.

Ah ! vous me prenez mes mots !... des mots de notaire !... vous avez déjà la vocation !...

ALICE.

Ah ! pas si vite !... si par hasard vous ne me plaisiez pas ?

LAMBLIN.

Allons donc !... Est-ce que c’est possible ?...

ALICE.

Et si j’en avais distingué un autre ?

LAMBLIN.

Un autre !... je suis tout seul !... Il n’y a que moi qui porte des gants dans le pays.

ALICE.

Ah ! voici ma mère !...

 

 

Scène IV

 

LAMBLIN, ALICE, LA BARONNE

 

La baronne paraît au fond, à droite. Tenue sévère, elle a son livre d’offices à la main.

LAMBLIN, saluant avec empressement.

Madame la baronne...

LA BARONNE.

Bonjour, Lamblin.

LAMBLIN.

Avez-vous été satisfaite du nouveau prédicateur ?

LA BARONNE.

Oui... il nous a dit de fort bonnes choses.

LAMBLIN.

Sur les bons livres ?

LA BARONNE.

Et contre les mauvais, et j’ai même promis...

LAMBLIN.

On prétend qu’il n’a pas d’accent.

ALICE.

Oh ! par exemple !...

LA BARONNE.

Très peu... il est de Marseille.

ALICE, riant.

Je l’aurais cru de Saint-Flour...

LA BARONNE, à Alice, sévèrement.

Mademoiselle !... il y a des gens dont le caractère ne doit jamais prêter à la plaisanterie.

ALICE.

Ce n’est pas un crime d’être auvergnat.

LA BARONNE.

Assez !

À Lamblin.

On ne vous a pas vu au sermon...

LAMBLIN.

Non... j’allais partir... lorsqu’un client est arrivé à mon étude... Je l’ai bien regretté.

LA BARONNE.

Vous recevez des clients les jours réservés ?

LAMBLIN.

Pas ordinairement... mais comme il s’agissait d’un acquéreur pour votre château...

LA BARONNE.

Ah !

LAMBLIN.

Un monsieur qui arrive de Paris tout exprès... et qui repart ce soir...

LA BARONNE.

Alors il y a force majeure.

LAMBLIN.

Voulez-vous me permettre de vous offrir quelques petits lots pour votre tombola de l’œuvre des bons livres ?

LA BARONNE.

Comment donc ! avec plaisir !

LAMBLIN, tirant un volume de sa poche.

Les cinq codes, très bien reliés.

LA BARONNE, surprise.

Ah !

ALICE.

Dame ! un notaire !...

LAMBLIN.

Un verre de Bohême,

À part.

fêlé.

LA BARONNE.

Délicieux !

LAMBLIN, à part.

En dessous... ça ne se voit pas. Ces loteries-là, c’est un ramassis de tout ce qui vous gêne.

LA BARONNE.

Vous êtes un homme charmant !

Elle remonte.

LAMBLIN, bas à Alice.

Vous entendez... Je ne le lui fais pas dire.

ALICE.

Ni moi non plus.

LA BARONNE.

Et cet acquéreur... quand me le présenterez-vous ?...

LAMBLIN.

Tout de suite... Il attend à mon étude que vous puissiez le recevoir.

LA BARONNE.

Très bien... J’ai le temps de changer de coiffure.

LAMBLIN.

Oh ! il m’a l’air d’un homme sans cérémonie... tout rond...

LA BARONNE.

C’est égal... il ne faut pas faire peur... Allez le chercher.

Elle entre à gauche.

LAMBLIN, qui a été prendre son chapeau, à Alice.

Ayez bon espoir... nous vendrons le château, mademoiselle, nous le vendrons !

Il sort vivement par le fond à droite.

 

 

Scène V

 

ALICE, puis JACQUETTE, puis MAXIME

 

ALICE, seule.

Mais je n’y tiens pas !... Du moment que ma main fait partie de l’immeuble... il ne me plaît pas du tout ce notaire... quelle différence avec Monsieur Maxime, autant l’un est sot, prétentieux et laid, autant l’autre est timide, respectueux et... et bien...

Jacquette entre avec des bouquets qu’elle met dans les vases.

Pourquoi ces bouquets ?

JACQUETTE.

C’est pour donner du montant à la propriété... à cause de l’acquéreur.

ALICE, à part.

Heureusement ce n’est pas cela qui fera vendre le château !

Haut.

Est-ce que Monsieur Maxime n’est pas encore venu pour la leçon ?

JACQUETTE.

Si, mademoiselle... Il se promène sous les fenêtres depuis une demi-heure.

ALICE.

Va lui dire que nous sommes de retour.

JACQUETTE.

Oui, mademoiselle.

Elle s’approche du fond à gauche et crie au-dehors.

Eh ! là-bas !... vous pouvez venir... on est rentré.

ALICE.

Comme tu lui parles...

L’imitant.

Eh ! là-bas !... Il faut prendre garde de le blesser... précisément parce qu’il est pauvre.

JACQUETTE.

Oh ! il n’est pas susceptible.

MAXIME, entrant et saluant.

Mademoiselle...

ALICE.

Je regrette qu’on vous ait fait attendre... J’ignorais que vous fussiez là.

MAXIME.

Le mal n’est pas grand.

Donnant une pièce à Jacquette et bas.

Tiens, prends ça... et file !

JACQUETTE, à part.

Encore un louis !... mais comment fait-il pour joindre les deux bouts ?

Elle sort par la gauche.

 

 

Scène VI

 

ALICE, MAXIME, puis LA BARONNE

 

ALICE.

Ma mère va venir, monsieur, mais nous pouvons toujours commencer.

MAXIME.

Je suis à vos ordres, mademoiselle.

Il commence à disposer le chevalet.

ALICE, qui a pris un carton.

Trouvez-vous que je fasse quelques progrès ?

MAXIME.

Mon Dieu, mademoiselle, excusez ma franchise... vous réussissez assez bien le nez, les cheveux...

ALICE.

Mais le reste ?

MAXIME.

Moins... après ça les yeux et la bouche ont si peu d’importance...

ALICE.

Oh ! vous trouvez que la bouche et les yeux...

MAXIME.

Oh !... je ne dis pas ça pour...

ALICE, s’asseyant devant le chevalet.

Alors... grondez-moi... vous n’êtes pas assez sévère... Oh ! mon professeur de piano ne se gêne pas, lui !... Il est vrai que c’est un vieux... qui prend du tabac ! Grondez-moi.

MAXIME.

Mais pour vous gronder... il ne faudrait pas vous regarder.

ALICE.

Pourquoi ?...

MAXIME.

On est tout de suite désarmé... il y a tant de douceur, tant de bonté dans vos yeux...

ALICE, bas.

Ma mère !

La baronne paraît.

MAXIME, à part.

Que le diable l’emporte !

Saluant.

Madame la baronne...

LA BARONNE.

Bonjour... Avez-vous déjà commencé ?

MAXIME.

Pas encore, Madame la baronne... je préludais à la leçon par quelques considérations sur l’art ancien comparé à l’art moderne.

ALICE, à part.

Oh ! comme il ment !

LA BARONNE, s’asseyant sur la bergère et prenant une tapisserie.

Qu’est-ce que vous lui faites copier aujourd’hui ?

MAXIME.

Un Ajax...

LA BARONNE.

Toujours des païens !

MAXIME.

Un Ajax insultant les faux Dieux !

LA BARONNE.

À la bonne heure.

MAXIME, à Alice.

Les yeux !... les yeux !... plus d’expression !... attendez, je vais vous tailler votre crayon...

Bas.

Vos jolies mains sont si blanches que ce serait un meurtre de les noircir.

LA BARONNE.

Vous dites ?...

MAXIME.

Je dis à mademoiselle qu’il faut apprendre à tailler son crayon...

À Alice.

Vous voyez... vous le tenez ainsi...

Il lui prend la main.

en allongeant bien les doigts... comme ça !...

ALICE, à part.

Il me semble qu’il m’a serré la main.

MAXIME, continuant sa démonstration.

...Sans y mettre de raideur... de l’abandon... un peu d’abandon...

Il lui serre la main plus fort.

ALICE, poussant un petit cri.

Ah !

LA BARONNE.

Quoi ?

MAXIME, vivement.

C’est mademoiselle qui vient d’estomper l’œil avec sa manche.

ALICE, à part.

Oh ! mais comme il ment !

MAXIME.

Ce ne sera rien... un peu de mie de pain...

Il feint de réparer l’accident.

LA BARONNE.

Allons bien ! Je n’ai plus de laine... Monsieur Maxime...

MAXIME.

Madame la baronne ?...

LA BARONNE.

Voulez-vous avoir l’obligeance de me tenir mon écheveau pour le dévider.

MAXIME.

Comment donc, Madame la baronne.

Il prend entre ses deux mains l’écheveau de la baronne qui le dévide.

LA BARONNE.

Asseyez-vous !... ça me sera plus commode.

MAXIME, s’asseyant.

Vous êtes bien bonne.

ALICE, à part, se voyant abandonnée.

Eh bien ! et moi ?

LA BARONNE.

Monsieur Maxime, est-ce que vous ne songez pas à vous marier ?

MAXIME.

Moi ?...

LA BARONNE.

J’avais songé pour vous à la fille de notre huissier.

ALICE.

Ah ! maman ! elle est rousse !

MAXIME, à la baronne.

C’est une couleur un peu... voyante.

LA BARONNE.

Elle change beaucoup... Dans quelques années elle sera blonde.

MAXIME.

Alors c’est une question d’avenir.

LA BARONNE.

La demoiselle n’est pas jolie... non, pas jolie... mais elle a de très bons principes... on se contenterait de quinze mille francs avec un état.

MAXIME.

Malheureusement je n’ai pas... Je le regrette bien...

ALICE, à part.

Et maman appelle ça une leçon de dessin !

LA BARONNE, à Maxime.

Écartez les mains... c’est ça !... vous n’avez pas de famille ?

MAXIME.

Pardon, Madame la baronne, j’ai un oncle... riche.

LA BARONNE.

Eh bien alors !

MAXIME.

Oui, mais nous sommes en froid.

LA BARONNE.

Ah ! pourquoi ?

MAXIME, embarrassé.

Parce que... parce que nous n’avons pas les mêmes opinions... c’est un philosophe... un libre-penseur.

LA BARONNE.

Ah ! quelle peste que ces gens-là !

MAXIME.

C’est mon oncle, madame. Comme il ne me convenait pas de subir ses idées... je me suis retiré... j’ai préféré la lutte, la souffrance à l’abandon de mes principes !

En gesticulant, il brouille tout l’écheveau.

Oh ! pardon ! j’ai mêlé un peu votre laine !...

Il s’est levé.

LA BARONNE.

Il n’y a pas de mal... c’est dans un pieux mouvement !

Se levant.

Nous en resterons là pour aujourd’hui... j’attends une visite.

Maxime remonte.

ALICE, se levant un carton dans les mains et s’approchant de sa mère.

Mais, maman... la leçon n’est pas à moitié.

LA BARONNE, bas à Alice.

Sois tranquille... Je lui paierai son cachet entier.

MAXIME, tirant une feuille de son carton.

Madame la baronne, voulez-vous me permettre de vous offrir ce dessin pour votre loterie ?

LA BARONNE, se levant et regardant le dessin.

Qu’est-ce que ça représente ?

MAXIME.

Une sainte Cécile.

LA BARONNE.

Ah ! à la bonne heure !

ALICE, regardant le dessin.

Ah !... c’est très joli !... plein d’expression... regarde donc, maman...

LA BARONNE.

Oui, charmant.

À part.

Pas de cadre !

MAXIME, saluant pour se retirer.

Madame la baronne... Mademoiselle...

LA BARONNE, à Maxime.

Vous dînez avec nous aujourd’hui ?

MAXIME, s’inclinant.

Madame...

Il sort par le fond, à gauche.

 

 

Scène VII

 

LA BARONNE, ALICE, puis MARCHAVANT et LAMBLIN, puis JACQUETTE

 

LA BARONNE.

Pauvre garçon ! Un bon dîner... ça lui fera l’estomac.

ALICE.

C’est très bien à lui d’avoir su résister à son oncle.

LA BARONNE.

Certainement... aussi tu vois... Je l’ai invité !

LAMBLIN, paraissant au fond et introduisant Marchavant, qui dépose son paletot sur un meuble.

Veuillez prendre la peine d’entrer...

Les présentant l’un à l’autre.

Monsieur Marchavant, Madame la baronne.

MARCHAVANT, saluant.

Madame... Mademoiselle...

À la baronne.

Ma famille est originaire de ce pays, j’avais depuis longtemps le projet d’y acheter une propriété... lorsque j’ai appris la mise en vente de votre château.

LA BARONNE.

J’espère qu’il vous plaira, monsieur... L’habitation est très complète et si vous avez une nombreuse famille...

MARCHAVANT.

Non, madame, je suis célibataire... je n’ai qu’un neveu, un neveu que j’aime comme un fils, il est en Norvège pour le quart d’heure... J’espère le marier un jour... C’est mon rêve... mais le drôle ne mord pas au mariage... il est continuellement amoureux.

Alice s’est assise à droite.

LA BARONNE, toussant pour le faire taire.

Hum ! hum !...

MARCHAVANT.

Son cœur ne désemplit pas.

LAMBLIN, toussant.

Hum ! hum !

MARCHAVANT.

Je crois, Dieu me pardonne ! qu’il a été bâti avec de la lave. Aussi je l’ai envoyé en Norvège... pour le refroidir...

LAMBLIN.

Hum ! hum !...

Bas à Marchavant, lui montrant Alice.

La demoiselle !

MARCHAVANT.

Ah ! oui... mille pardons... ceci est étranger à l’objet qui m’amène... Madame, je vous préviens que je suis très rond en affaires. Je viens de visiter la propriété, elle me convient... et si nous tombons d’accord nous signerons aujourd’hui même.

ALICE, à part.

Aujourd’hui ! Il me fait peur !

MARCHAVANT, indiquant Lamblin.

Monsieur m’a parlé de deux cent soixante-quinze mille francs, avec le mobilier, sans en excepter un porte-allumettes.

LA BARONNE.

C’est en effet mon prix.

LAMBLIN.

Sauf le linge de table et de corps.

MARCHAVANT.

Naturellement... on m’a annoncé, dans la cave, deux cent vingt bouteilles de madère... du vrai... c’est très rare.

LA BARONNE.

En effet, feu Monsieur le baron l’a rapporté lui-même des Canaries.

MARCHAVANT.

Je ne le cache pas, le madère, c’est mon vin.

LAMBLIN, à part.

Il est bavard !

MARCHAVANT.

Il me réchauffe, il me rajeunit... il me rend presque tendre...

LAMBLIN, toussant.

Hum !

Bas.

La demoiselle !

MARCHAVANT.

C’est juste... On dit le pays joli.

LAMBLIN.

Délicieux !... on ne peut plus le quitter une fois qu’on y est.

ALICE.

Oui... mais le difficile est d’y arriver... les chemins sont impossibles.

MARCHAVANT.

Ah !

LAMBLIN.

On les refait ! On les refait ! Le conseil général est sur le point de voter quarante mille francs...

Bas à Alice.

Taisez-vous donc !

LA BARONNE, à Lamblin.

Monsieur sait-il que nous sommes à cinq minutes de l’église et du presbytère ?

MARCHAVANT, contrarié.

Ah ! ah ! c’est un inconvénient.

LAMBLIN, bas.

La demoiselle !

MARCHAVANT.

Y a-t-il beaucoup de cloches à votre église ?

LAMBLIN.

Pas une... et notre curé est un homme charmant.

MARCHAVANT.

Oh ! ça !

Se ravisant.

Joue-t-il aux dominos ?

Il remonte.

LA BARONNE, à part, scandalisée.

Aux dominos ! comme dans les cafés !

LAMBLIN, bas à la baronne.

Invitez-le à dîner, c’est l’usage.

LA BARONNE, bas.

Vous croyez... c’est qu’il ne me plaît guère.

LAMBLIN, bas.

Il refusera.

LA BARONNE, à Marchavant.

Monsieur nous fera-t-il l’honneur de rester à dîner ?

MARCHAVANT.

Avec plaisir, madame !

LAMBLIN, à part.

Tiens, il accepte.

LA BARONNE.

C’est que... je réclamerai votre indulgence. C’est aujourd’hui maigre.

MARCHAVANT.

Oh ! je suis très tolérant... un plat de viande me suffit.

LA BARONNE, bas à Lamblin.

Un plat de viande... en carême...

Haut.

J’ai une sarcelle et deux poules d’eau.

LAMBLIN.

Bravo ! c’est du poisson, mais ça a l’air de viande.

MARCHAVANT, à la baronne.

Je crois que nous sommes à peu près d’accord.

LA BARONNE.

Tout à fait.

MARCHAVANT, lui tendant la main.

Eh bien ! madame... touchez là.

LA BARONNE, lui tapant dans la main.

Affaire conclue !

LAMBLIN.

Si vous voulez prendre la peine de vous asseoir, je vais rédiger le sous-seing.

Tout le monde s’assoit.

ALICE, à part.

Ah ! mon Dieu ! comme ça va vite !

MARCHAVANT, à la baronne.

Avez-vous un cercle dans cette localité ?

LA BARONNE.

Je l’ignore, monsieur.

MARCHAVANT.

Et que fait-on de ses soirées ?

LA BARONNE.

Nous tricotons des bas de laine.

MARCHAVANT.

Charmante distraction !

LAMBLIN, achevant d’écrire.

Voilà... je passe le préambule et j’arrive à l’objet de la vente.

Lisant.

« Primo. Le château de Chignac avec parc et toutes ses dépendances. Secundo. Tout le mobilier, meubles meublants, literie, vaisselle, bibliothèque, livres. »

LA BARONNE, vivement.

La bibliothèque... Ah ! pardon... J’ai une réserve à faire.

LAMBLIN.

Laquelle ?

LA BARONNE.

Je désire excepter de la vente un ouvrage de la bibliothèque.

MARCHAVANT.

Un souvenir de famille... permettez-moi de vous l’offrir... quelque prix de pensionnat, sans doute ?

LA BARONNE.

Non, monsieur, grâce à Dieu, on ne donne pas encore dans les pensionnats de pareils ouvrages.

MARCHAVANT.

C’est un mauvais livre ?

LA BARONNE.

Les œuvres de Monsieur de Voltaire.

MARCHAVANT.

Ah !... Vous tenez à les conserver ?

LA BARONNE, se levant.

Non !... car j’ai promis... à quelqu’un... promis ce matin même de les brûler.

MARCHAVANT, indigné, se levant.

Brûler Voltaire !... Le patriarche de Ferney !

LA BARONNE.

Lui ! un patriarche !

MARCHAVANT.

Le flambeau de l’humanité, si vous le préférez...

LA BARONNE.

Une torche allumée par l’enfer !

MARCHAVANT.

Ah ! permettez... d’abord l’avez-vous lu ?

LA BARONNE, révoltée.

Jamais !

MARCHAVANT.

Eh bien alors ?...

LA BARONNE.

Il n’est pas nécessaire de lire un ouvrage pour le juger.

MARCHAVANT.

Cependant... c’est encore le meilleur moyen...

LA BARONNE.

D’ailleurs, j’ai promis, solennellement promis de le jeter au feu le jour où je vendrais le château.

MARCHAVANT.

Mon Dieu, madame, j’en suis désolé, mais je ne puis vous accorder ce que vous me demandez...

LA BARONNE.

Comment !

ALICE, à part, avec joie.

Ça se brouille !

Elle se lève ainsi que Lamblin.

MARCHAVANT.

Choisissez un autre ouvrage : Corneille, Racine, Bossuet... ça m’est égal... mais celui-là, jamais !... j’ai des raisons personnelles pour ménager Voltaire.

LA BARONNE.

Et lesquelles ?

MARCHAVANT.

 J’ai fait de ce grand homme un éloge imprimé qui a été couronné en 1865 par l’Académie de Cahors.

ALICE, jouant l’indignation.

L’éloge de ce monsieur, oh !

MARCHAVANT, fouillant à sa poche.

Voulez-vous me permettre, mademoiselle, de vous offrir un exemplaire ?

LA BARONNE, couvrant Alice.

Ma fille ! respectez ma fille !

LAMBLIN.

Voyons... je vous demande pardon si j’interviens... mais c’est comme notaire... il y a peut-être moyen de s’entendre...

ALICE, bas à la baronne.

Maman, ne cédez pas !

LA BARONNE, de même.

Sois tranquille !

LAMBLIN.

Il serait vraiment fâcheux de faire manquer un acte important... un acte de deux cent soixante-quinze mille francs... pour quelques misérables volumes.

MARCHAVANT.

Misérables volumes ! Voltaire !

LAMBLIN.

Je ne suis pas son ennemi... loin de là... Je reconnais qu’il renferme de bons endroits...

LA BARONNE.

Hein ?...

LAMBLIN.

Mais il en a aussi de condamnables... de très condamnables...

MARCHAVANT.

Vous l’avez donc lu ?

LAMBLIN, regardant la baronne.

Jamais !

Bas à Marchavant.

Je compte le lire.

Haut.

Eh bien ! ne pourrait-on pas, à titre de transaction, brûler certains volumes et conserver les autres ?

ALICE, bas à sa mère.

Ah ! quelle lâcheté !

LA BARONNE, bas.

Tais-toi !

Haut.

Je n’excepte pas une virgule !

Lamblin remonte.

MARCHAVANT.

Ah ! permettez, madame, j’invoque mon droit... car enfin nous nous sommes frappé dans la main... Je vous ai acheté tout le mobilier, sauf le linge de table et de corps. Voltaire est-il linge de corps ou de table ? non ! donc il m’appartient ! Donc, on n’en brûlera pas un feuillet !...

LA BARONNE.

Et moi, monsieur, je vous dis qu’on le brûlera !

ALICE.

Oui, on le brûlera !

Elle remonte.

MARCHAVANT.

Non, madame !

LA BARONNE.

Si, monsieur !

MARCHAVANT.

Non, madame !

LA BARONNE.

Eh bien ! il n’y a rien de fait !

MARCHAVANT.

Soit ! il n’y a rien de fait !

ALICE, à part.

Bravo !

LAMBLIN, à part.

Ah ! par exemple, si je m’attendais à ça !

MARCHAVANT.

Petit-fils de Voltaire, je ne courberai pas le front devant une descendante des Croisés.

LAMBLIN.

Monsieur Marchavant...

MARCHAVANT.

Laissez-moi tranquille avec votre vieille bigote.

LA BARONNE.

Bigote !

MARCHAVANT.

Ah ! pardon, ça m’a échappé. Je tenais simplement à vous dire que s’il vous plaît de jouer le rôle d’éteignoir, je ne vous tiendrai pas la bougie.

LA BARONNE.

Je vous salue, monsieur.

MARCHAVANT.

Madame...

LA BARONNE, à part, sortant à gauche.

Idolâtre !

MARCHAVANT, à part, sortant au fond à droite.

Fanatique !

ALICE, lui criant de la porte.

On le brûlera ! on le brûlera !

LAMBLIN, à Alice.

Ne l’excitez donc pas... Je cours après lui... Il me vient une idée qui peut tout arranger.

Sortant.

Monsieur Marchavant ! Monsieur Marchavant !

Il disparaît.

 

 

Scène VIII

 

ALICE, puis MAXIME, puis MARCHAVANT

 

ALICE, seule.

Bravo ! c’est rompu ! ma foi ! je ne connais pas Monsieur de Voltaire, mais c’est un bien brave homme !

Sautant de joie.

Quel bonheur ! quel bonheur !

Maxime paraît au fond à gauche. Il est habillé.

MAXIME.

Ah ! mon Dieu ! quelle joie !

ALICE, interdite.

Ah ! c’est vous... pardon...

MAXIME.

Est-il indiscret, mademoiselle, de vous demander la cause de cette petite sauterie intime ?

ALICE.

Ah ! si vous saviez... on ne vend pas le château !... c’est manqué !

MAXIME.

Je comprends... Vous quittiez à regret vos souvenirs d’enfance.

ALICE.

Ah ! ce n’est pas ça ! mais le château vendu... c’est ma dot... et l’on songeait à me marier.

MAXIME.

Vous marier, vous ! jamais !

ALICE.

Comment ! jamais !... mais je ne veux pas devenir vieille fille !

MAXIME, à part.

Au fait... un mariage !... je n’y avais pas pensé !... Ce que c’est que le manque d’habitude !

ALICE.

Seulement... je veux choisir mon mari moi-même.

MAXIME.

Et vous avez bien raison !

ALICE.

D’abord, je ne veux pas de Monsieur Lamblin.

MAXIME.

Qui ça, Lamblin ? Le notaire ?

ALICE.

Oui, il se met sur les rangs.

MAXIME.

Allons donc ! Un croquant ! un bellâtre de province ! qui met ses gants dans l’antichambre et les retire en sortant... Il vous rendrait ridicule !

ALICE.

Tiens ! vous ne l’aimez pas.

MAXIME.

Naturellement, puisqu’il vous aime.

ALICE.

Ah !...

Le regardant.

Mais qu’est-ce que ça vous fait qu’il m’aime ?

MAXIME.

Comment, ce que ça me fait !... mais c’est-à-dire que... l’animal !

Il remonte un peu.

ALICE.

On dirait que vous êtes jaloux.

MAXIME.

Eh bien ! oui, je le suis ! Quand on vous regarde, il me semble qu’on me vole ! Quand on vous aime, on m’irrite, on me blesse... Hier, votre mère me demandait ce qui m’avait décidé à me fixer dans cette localité... Certes, ce n’est pas le paysage... il est atroce !

ALICE.

Vous trouvez ?

MAXIME.

Tout à fait... le ciel est d’un bleu... bête, les ruisseaux roulent de l’eau chaude, les arbres sont roussis, les oiseaux... n’osent pas chanter, ils craignent la poussière... Et un vent !... Ah !... il ne donne pas aux chapeaux le temps de vieillir, celui-là.

ALICE, riant.

Ah ! si l’acquéreur vous avait entendu !...

MAXIME.

J’allais fuir à toutes jambes cette nature aride, brûlée, desséchée... lorsque dans un pli de terrain, j’aperçus un petit coin de verdure, où s’abritait une fleur... belle, fraîche, épanouie... je me pris à l’aimer, à la cultiver... je lui appris le dessin... que je n’ai jamais su.

ALICE.

Comment ?

MAXIME.

Bah ! à Chignac ! D’ailleurs je n’avais pas d’autre prétexte pour me rapprocher d’elle... je pus la voir tous les jours, m’enivrer de son parfum, sentir ses petits doigts frissonner sous ma main.

Il lui prend la main.

ALICE.

Monsieur Maxime...

MAXIME.

Oh ! ne la retirez pas... je vous aime !... je vous aime.

MARCHAVANT, paraissant au fond, à droite.

Je vous demande pardon...

ALICE, poussant un cri.

Ah !

Elle se sauve par la gauche.

 

 

Scène IX

 

MARCHAVANT, MAXIME, puis JACQUETTE

 

MARCHAVANT.

J’ai oublié mon paletot !...

MAXIME.

Que le bon Dieu !... Tiens ! mon oncle !

Il lui saute au cou et l’embrasse.

MARCHAVANT.

Maxime !...

Lui prenant l’oreille et le ramenant à l’avant-scène.

Comment ! gredin !... Je t’envoie en Norvège pour te refroidir et je te retrouve en Provence, sur le feu !... mais comment es-tu ici ?...

MAXIME.

Mon oncle, c’est tout un poème... ou plutôt une romance... Partant pour la Norvège...

MARCHAVANT.

Il va chanter !

MAXIME.

Je me rendis à la gare du Nord... J’allais prendre mon billet, lorsque j’aperçus dans la salle d’attente une jeune Anglaise...

MARCHAVANT.

Allons, bien !

MAXIME.

Vous la peindrais-je ?

MARCHAVANT.

Non ! ne la peins pas.

MAXIME.

Des yeux, un nez, une bouche... et des cheveux ?... Vous savez que je ne m’enflamme pas facilement.

MARCHAVANT.

Merci !

MAXIME.

La pauvre enfant demandait à tous les voyageurs.

Imitant l’accent anglais.

Le gare de Lyon, if you please, le gare de Lyon, if you please... Et personne ne lui répondait... J’ai appris à votre école qu’un galant homme ne doit, sous aucun prétexte, laisser une femme dans l’embarras.

MARCHAVANT.

Moi ? je ne t’ai jamais parlé de ça !

MAXIME.

Je vous ai obéi, mon oncle, je lui offris mes services, je me dis, après tout, d’Avignon en Norvège... Ce n’est qu’un détour...

MARCHAVANT.

Un détour !...

MAXIME.

Chemin faisant, elle m’avoua qu’elle était demoiselle et qu’elle se rendait à Avignon pour rejoindre sa mère malade. Le voyage fut charmant. Est-ce le beau ciel de la Provence ? Je ne sais... mais la conversation devint vive, enjouée, presque badine...

MARCHAVANT.

Ah ! assez !...

MAXIME.

Il me tardait d’être à Avignon pour ouvrir mon cœur à son excellente mère...

MARCHAVANT.

Comment ?

MAXIME.

Enfin nous arrivons... Il faisait noir... Tout à coup elle pousse un cri et s’élance vers une ombre qui lui tendait les bras...

MARCHAVANT.

Sa mère ?...

MAXIME.

Un sous-lieutenant de cuirassiers de cinq pieds neuf pouces !

MARCHAVANT.

Ah ! c’est bien fait !

MAXIME.

Après une pareille secousse, je sentis le besoin de respirer l’air du midi.

MARCHAVANT.

Je trouve que tu respires beaucoup trop l’air du midi... car lorsque je suis entré... cette demoiselle...

MAXIME.

Oh ! mon ange, celle-là !

MARCHAVANT.

Naturellement... Tu as une chance pour rencontrer des anges...

MAXIME.

Oh ! mais cette fois-ci, c’est sérieux... je veux me marier !

MARCHAVANT.

Allons donc ! Tu me dis ça tous les mois !... Car tu es incurable ! Tiens, pas plus tard que cet hiver, tu t’amouraches d’une Portugaise de trente-cinq ans.

MAXIME.

Superbe femme !

MARCHAVANT.

C’est possible... mais une Portugaise... trente-cinq ans... ça ne m’allait pas... je refuse mon consentement... Alors tu m’écris : « Adieu, mon oncle, vous ne me reverrez plus ! » Un éclair me traverse l’esprit... Le malheureux ! il veut attenter à ses jours !...

MAXIME.

Non, je vous jure...

MARCHAVANT.

Je cours chez toi... J’arrive à temps... déjà tu approchais de tes lèvres la coupe fatale... Je bondis, je la fais sauter d’un revers de main...

MAXIME.

Mais c’était un grog !

MARCHAVANT.

Allons donc ! On ne trompe pas le cœur d’un oncle ! D’abord, un grog, c’est jaune... celui-là était blanc...

MAXIME.

Il était au kirsch.

MARCHAVANT.

Je te serre dans mes bras et je te dis : « Puisque tu le veux, épouse-la !... » et tu me réponds : « Non, maintenant, j’aime une Polonaise !... » mais ce n’est pas de l’amour, ça... c’est de la géographie !...

MAXIME.

Je ne défendrai pas mon passé...

MARCHAVANT.

Ce n’est pas malheureux.

MAXIME.

J’ai pu commettre quelques erreurs, mais je vous le répète, cette fois je veux très sérieusement me marier.

MARCHAVANT.

Mais je ne demande pas mieux, moi... c’est mon rêve... Voilà trois ans que je te tourmente... Voyons, de quelle nation est-elle ?...

MAXIME.

Elle est Française...

MARCHAVANT.

Oh ! tant mieux !...

MAXIME.

Avez-vous remarqué la jeune personne qui sort d’ici ?...

MARCHAVANT.

Oui, elle m’a paru charmante.

MAXIME.

Alors, mon oncle, il faut faire la demande...

MARCHAVANT.

La demande... comme ça... tout de suite... mais à qui ?...

MAXIME.

À la baronne.

MARCHAVANT.

À la baronne !...

MAXIME.

C’est sa fille.

MARCHAVANT.

Ah ! diable !...

MAXIME.

Quoi ?...

MARCHAVANT.

C’est que nous sommes un peu en délicatesse avec la baronne.

MAXIME.

Pourquoi ?

MARCHAVANT.

Elle a des opinions... que je ne puis partager...

MAXIME.

Allons, bien ! vous avez parlé politique !

MARCHAVANT.

Non... des opinions... philosophiques seulement. Elle a voulu m’imposer l’obligation de brûler Voltaire !

MAXIME.

Eh bien ! qu’est-ce que ça vous fait, Voltaire ? Vous n’êtes pas son parent ?

MARCHAVANT.

Mais malheureux, tu ne te souviens donc pas que cette main... cette main qui te parle... a écrit un éloge du grand homme, couronné en 1865 par l’académie de Cahors !

MAXIME.

Ah ! quelle drôle d’idée vous avez eue là ! comment cela vous est-il venu ?

MARCHAVANT.

J’étais malade... Alors la fièvre... l’enthousiasme, le désœuvrement... enfin c’est fait ! Et maintenant il m’est impossible de briser l’idole que j’ai élevée !

MAXIME.

Bah ! puisqu’il est mort... il ne le saura pas.

MARCHAVANT.

Ah ! voilà une raison !

S’échauffant.

Et ma conscience ! et mes convictions !

MAXIME.

Voyons... du calme... tout peut s’arranger... écrivez-lui une lettre bien gentille à cette baronne...

MARCHAVANT.

Je ferais les premières avances...

MAXIME.

C’est une excellente femme au fond... et elle vous a un madère !...

MARCHAVANT.

Authentique !... Le notaire me l’a dit.

MAXIME.

Vous voyez bien que vous ne pouvez pas rester brouillés.

MARCHAVANT.

D’autant plus que j’ai soif... Je suis venu vite et il fait une chaleur...

MAXIME.

Très bien. Je vais faire donner des ordres... mais écrivez-lui un petit mot.

Le faisant asseoir à la table.

Tenez, mettez-vous là...

MARCHAVANT, assis.

Je veux bien lui écrire, mais je ne ferai aucune concession, je t’en préviens.

MAXIME.

On ne vous en demande pas... il s’agit d’une simple demande en mariage.

MARCHAVANT, écrivant.

« Madame... sous la réserve de mes principes... que je ne laisserai jamais entamer... j’ai l’honneur de vous demander la main de mademoiselle votre fille pour mon neveu. » Voilà.

MAXIME.

C’est un peu sec. Bien rédigé, bon style... mais c’est un peu sec !

MARCHAVANT.

Comme son madère.

Il rit.

MAXIME.

Il faudrait un petit mot aimable... pour finir.

MARCHAVANT.

Tu crois ?...

Reprenant la plume et écrivant.

« Je donne trois cent mille francs. »

MAXIME, révolté.

Oh !...

Se ravisant, à part.

Après ça... c’est un mot d’oncle.

Il sonne.

JACQUETTE, paraissant.

Monsieur !...

MAXIME.

Cette lettre à Madame la baronne... Tout de suite.

MARCHAVANT, qui s’est levé.

Et fais-moi donner à boire...

MAXIME.

Oui...

Il donne un ordre à voix basse à Jacquette.

JACQUETTE.

Bien, Monsieur.

Elle sort par la gauche.

 

 

Scène X

 

MARCHAVANT, MAXIME, puis ALICE et JACQUETTE

 

MAXIME.

Vous êtes un oncle adorable !

ALICE, entrant du fond à gauche, à part.

Ce vieux monsieur doit être parti.

Apercevant Marchavant.

Ah ! encore là ?

MAXIME.

C’est elle... Mademoiselle... permettez-moi de vous présenter Monsieur Marchavant, mon oncle...

ALICE.

Comment ! l’acquéreur du château !

MARCHAVANT.

Oui, Mademoiselle... celui qui ne veut pas... éteindre les lumières en allumant le feu...

MAXIME.

Un excellent homme... qui vient d’adresser à Madame votre mère une demande en mariage...

ALICE.

Ah !... Et qu’a-t-elle répondu ?

MAXIME.

Rien encore... Nous attendons...

JACQUETTE, entrant, elle porte une lettre sur un plateau d’argent, à Marchavant.

Monsieur, voici la réponse...

Elle sort.

MARCHAVANT, décachetant la lettre.

Voyons !...

MAXIME.

Vite ! mon oncle !...

ALICE.

Oui, dépêchez-vous.

MARCHAVANT, lisant.

« Monsieur... brûlez Voltaire !... »

MAXIME.

Comment, c’est tout ?

MARCHAVANT.

Absolument.

Froissant la lettre.

C’est une idée fixe, une monomanie !... Je lui demande son château... brûlez Voltaire !... sa fille !... brûlez Voltaire !... Ah !... c’est comme ça !... Eh bien, moi aussi je m’entête... Jamais... vous entendez... jamais !... je ne commettrai un pareil sacrilège...

MAXIME.

Tout est manqué.

MARCHAVANT.

Je ne resterai pas une minute de plus dans ce palais de l’Inquisition ! Où est mon paletot ?

MAXIME, bas à Alice.

Il faut le retenir à tout prix !...

Haut.

Mon oncle... un mot !

MARCHAVANT.

Laisse-moi tranquille !

Jacquette entre avec une bouteille et un verre sur un plateau. À Jacquette.

Mademoiselle, veuillez, je vous prie, dire qu’on attelle ma voiture... Qu’est-ce que vous portez là ?

JACQUETTE.

C’est du madère.

Elle pose la bouteille sur la table.

MARCHAVANT.

Ah...

Avec résolution.

Allez !... ma voiture... tout de suite !

Jacquette sort.

ALICE, qui a rempli un verre, le présentant à Marchavant.

Monsieur Marchavant.

MARCHAVANT.

Non... merci... je n’ai plus soif.

MAXIME.

Regardez donc... quelle couleur !

MARCHAVANT.

Superbe !... mais ce n’est pas pour un verre de madère que je renierai mon passé.

Écartant le verre.

Merci.

ALICE.

Il ne s’agit pas de renier votre passé... ce vin doit être vendu... et nous désirerions, ma mère et moi, être fixées sur sa qualité...

MARCHAVANT.

Ah !... si c’est comme dégustateur... c’est différent.

Il prend le verre et le déguste à petites gorgées.

MAXIME.

Eh bien ?

MARCHAVANT.

Exquis !... C’est du vrai.

ALICE, remplissant le verre.

Encore.

MARCHAVANT.

Volontiers... pour l’approfondir.

Il le déguste lentement, puis il dit à Alice.

Vous pouvez dire à Madame votre mère qu’il y a marchand à vingt francs la bouteille... frais de congé à ma charge !

À Maxime.

Viens-tu ?

MAXIME.

Non... je reste ici.

MARCHAVANT.

Comme tu voudras.

Il remonte.

MAXIME.

Et vous dites que vous m’aimez !

MARCHAVANT.

Mais je crois t’en avoir donné assez de preuves.

MAXIME.

Oui, parce que vous avez pris soin de mon enfance, parce que vous avez payé mes dettes.

MARCHAVANT.

Onze fois !

MAXIME.

La belle affaire ! Il eût mieux valu m’abandonner, m’exposer à la pauvreté, à la misère.

MARCHAVANT.

Comment !

MAXIME.

Vous m’avez traité comme ces victimes qu’on engraisse pour les traîner ensuite au sacrifice... Ah ! ce n’est pas joli ce que vous avez fait là !

ALICE.

Oh ! non ! ce n’est pas joli !

MARCHAVANT.

Ne le croyez pas, mademoiselle, je vous jure...

MAXIME.

Et c’est au moment que j’ai trouvé le bonheur, où je vais vous donner une famille... une nièce... regardez-la donc !... qui vous aurait tenu compagnie les jours de goutte... qui vous aurait appelé mon oncle... mon petit oncle...

ALICE, d’une voix très douce.

Oh ! oui... mon oncle... mon petit oncle...

MARCHAVANT, à part.

Quelle jolie petite voix !

Haut.

Non... je vous en prie... ça ne se peut pas.

MAXIME.

C’est à ce moment que vous venez tout à coup souffler sur ce rêve, briser mon avenir, torturer mon cœur !... pour obéir à je ne sais quel entêtement biscornu !

MARCHAVANT, se fâchant.

Comment ! biscornu !

ALICE, vivement.

Non... déplacé !

MARCHAVANT, se calmant.

Ah !... à la bonne heure !

ALICE.

Ah ! c’est égal... je ne vous croyais pas si méchant.

MARCHAVANT.

Mais, je ne suis pas si méchant ; mademoiselle, si vous me connaissiez...

ALICE.

Moi qui étais prête à vous aimer... je n’ai plus de père... et il me semblait que j’allais en retrouver un.

MARCHAVANT, attendri.

Ah ! mademoiselle... ce que vous me dites là... de mon côté... j’avais rêvé une fille... au lieu d’un neveu... c’est laid un neveu.

MAXIME.

Merci !

MARCHAVANT, à Alice.

Eh ! s’il faut vous le dire... moi aussi, je me sens attiré vers vous... c’est vrai... je vous aime... malgré l’éducation abrutissante qu’ils ont dû vous donner.

ALICE.

Eh bien ! si vous m’aimez, vous ne devez pas hésiter à brûler...

MARCHAVANT.

Jamais !

ALICE.

Ce n’est que du papier, après tout...

MARCHAVANT.

Oui, mais ce qu’il y a dessus !

ALICE, très câline.

Voyons, je vous en prie... mon oncle !... mon petit oncle !...

MARCHAVANT, à part.

Quelle voix !... c’est de la musique...

Haut.

Non... laissez-moi... c’est impossible.

ALICE.

Pourquoi ?

MARCHAVANT.

Vous ne comprenez pas ça, vous autres femmes... mais quand un homme de cœur a une fois chaussé une opinion... bonne ou mauvaise... il lui est bien difficile de changer de drapeau à moins d’y trouver un intérêt majeur... ainsi n’insistez pas... ma voiture doit être là !...

Il remonte.

MAXIME.

Soit ! partez ! mais puisqu’il en est ainsi, vous trouverez bon, mon oncle, que je ne garde aucun souvenir de vos bienfaits !

MARCHAVANT.

Quoi ?

MAXIME.

Voici la montre que vous m’avez donnée... avec la chaîne.

Il la jette dans le chapeau de son oncle.

MARCHAVANT.

Mais toi... comment sauras-tu l’heure ?

MAXIME.

Oh ! moi !... les malheureux n’ont pas besoin de savoir l’heure !

ALICE.

Ah ! c’est bien vrai !

MAXIME, même jeu.

Plus deux bagues... mon porte-monnaie... deux cent quarante-sept francs... c’est tout ce qui me reste... j’allais même vous écrire.

MARCHAVANT.

Il fallait m’écrire ! mais comment feras-tu sans argent ?

MAXIME.

Ne vous inquiétez pas de moi... je ne serai plus à charge à personne... ma résolution est prise !

MARCHAVANT, effrayé.

Ta résolution... Maxime !... tu as une mauvaise pensée... je devine...

MAXIME.

Le grog... oh ! non ! mais je suis décidé.

MARCHAVANT.

À quoi ?

MAXIME.

Il est un asile pour les cœurs blessés... pour ceux que le malheur poursuit.

MARCHAVANT.

Un couvent !

ALICE.

Très bien !... moi aussi.

MARCHAVANT.

Deux couvents !

ALICE.

Et ma mère aussi.

MARCHAVANT.

Trois !

MAXIME.

Cela fera probablement bien plaisir à votre Monsieur de Voltaire...

MARCHAVANT.

Lui ! qui a écrasé le fanatisme... trois couvents !... voyons, pas de coup de tête !

MAXIME.

Ma résolution est inébranlable.

Il s’assied à droite.

ALICE.

La mienne aussi !... on nous connaîtra !

Elle s’assied à gauche.

MARCHAVANT, à part.

Eh bien, si c’est à cela que doit aboutir mon admiration pour toi, ô mon maître !... ça ne se peut pas !

Haut.

Voyons... en supposant que je consente à...

Ils se lèvent.

ALICE.

Ah ! mon oncle !... mon petit oncle !

MARCHAVANT, à part.

Toujours sa petite musique !

Haut.

Ce n’est qu’une supposition... mais, voyez-vous, je ne pourrais racheter ce crime... qu’en faisant renaître le phénix de ses cendres... Je m’engage solennellement à en donner un exemplaire à chaque bibliothèque de l’arrondissement !

MAXIME.

Comment donc ! Mais moi-même... avec tout l’argent que vous me donnerez...

ALICE.

Moi, je vous offre mes économies.

MARCHAVANT, l’embrassant.

Ah ! chère enfant !

À part.

Elle est des nôtres !

ALICE.

Puisque vous êtes bien bon... je vous promets de vous le lire, tous les soirs, au coin du feu.

MARCHAVANT, vivement.

Ah ! non ! ce n’est pas une lecture de jeune fille.

ALICE.

Puisque je serai mariée.

MARCHAVANT.

C’est que... ce n’est pas non plus une lecture de femme mariée.

MAXIME, à Marchavant.

Très bien ! pour vos lectures du soir, nous vous louerons un artilleur !

ALICE.

Alors, je puis prévenir maman ?

MARCHAVANT, hésitant.

Mais...

MAXIME.

Oui, oui, allez !

Il remonte.

ALICE, qui est remontée et appelant.

Maman ! maman !

 

 

Scène XI

 

MARCHAVANT, MAXIME, ALICE, LA BARONNE, JACQUETTE, puis LAMBLIN

 

La baronne paraît à gauche.

ALICE, à la baronne.

Monsieur consent à brûler...

LA BARONNE.

Lui-même ?

MARCHAVANT, avec effort.

Oui... passez-moi la victime.

LA BARONNE, s’approchant de la cheminée.

Jacquette... du bois !

MARCHAVANT, à part.

Elle me fait l’effet du grand Inquisiteur.

MAXIME, qui est monté sur l’échelle devant la bibliothèque.

Mais, Madame la baronne...

LA BARONNE.

Quoi ?

MAXIME.

J’ai beau chercher... je ne vois pas de Voltaire.

TOUS.

Comment !

LA BARONNE.

Si, une reliure verte... tout en haut.

JACQUETTE.

Une reliure verte... mais, madame... Monsieur le baron en a fait brûler secrètement deux paniers l’avant-veille de son décès.

TOUS, avec joie.

Ah ! bah !

MARCHAVANT, à part, radieux.

Brave baron !

Se reprenant.

C’est-à-dire fanatique !

LA BARONNE, piquée.

Monsieur le baron aurait bien pu me laisser cette dernière satisfaction.

À Marchavant.

Enfin, monsieur, puisque c’est fait...

LAMBLIN, entrant, avec une brassée de livres dans les mains.

J’apporte mon idée !

TOUS.

Qu’est-ce que c’est ?

LAMBLIN.

Un Voltaire d’occasion... que j’ai eu pour quarante-cinq francs... il manque La Henriade.

MARCHAVANT.

Pour quoi faire ?

LAMBLIN.

Nous allons le brûler à la place de l’autre... voilà mon idée.

MAXIME.

C’est inutile.

ALICE.

Tout est arrangé.

LAMBLIN, étonné.

Ah ! tout est... alors nous pouvons reprendre la lecture du sous-seing ?

MAXIME.

Certainement... vous allez même faire deux actes au lieu d’un.

LAMBLIN.

Comment, deux actes ?

MAXIME.

Le contrat de vente d’abord, et ensuite, mon contrat de mariage avec mademoiselle.

LAMBLIN.

Comment ! ce n’est pas possible... Madame la baronne...

LA BARONNE.

Puisque le baron a brûlé !

LAMBLIN.

Comment !

TOUS, à Lamblin.

Puisque le baron a brûlé.

LAMBLIN.

Alors, je reste avec un Voltaire de quarante-cinq francs sur les bras.

LA BARONNE.

Je n’ai pas besoin de vous dire ce que vous devez en faire.

LAMBLIN.

J’ai compris, Madame la baronne, j’ai compris.

Au public.

Puisque c’est comme ça... je le lirai... et après... je le revendrai.

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