Le Portefeuille (Thomas SAUVAGE)

Comédie en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 28 décembre 1819.

 

Personnages

 

FRONTIN, sous le nom de DUCHEMIN

LE BARON DE LA JOBINIÈRE, gentilhomme campagnard

EUGÉNIE, sa fille

LE CHEVALIER DE SAINT-FIRMIN, capitaine de Hussards, amant d’Eugénie

LORD DUNDER

MADAME GERVAIS, aubergiste

VINCENT, usurier

ROLLET, huissier

PIERRE, garçon d’auberge

UN NOTAIRE

GARÇONS D’AUBERGE

 

La scène est au Havre, dans l’auberge du Cygne.

 

Le théâtre représente la salle commune d’une auberge. Au fond, la porte d’entrée ; de chaque côté, des chambres numérotées. À droite, une table ronde ; à gauche, une table carrée, couverte d’un tapis ; dessus des registres, encre, plumes, etc. des chaises

 

 

Scène première

 

MADAME GERVAIS, PIERRE, GARÇONS

 

Ils sont en scène au lever du rideau. Madame Gervais est assise à la table à gauche ; elle écrit sur un registre. Les garçons sont au fond du théâtre, occupés à ranger.

MADAME GERVAIS.

Il faut convenir que je suis bien chanceuse ! Mon père me laisse son auberge ; sachant bien qu’une femme ne peut pas faire ses affaires toute seule, j’épouse M. Gervais. Crac ! au bout de six mois, ce pauvre cher homme se laisse mourir, et me voilà, à vingt ans, à la tête de l’auberge du Cygne, la première et la plus achalandée du Havre. C’est un mouvement, un fracas, ah !... De son vivant le défunt en avait par dessus... les yeux ; mais enfin, si peu qu’il en fit, c’était toujours cela, et depuis que je ne l’ai plus, je sens qu’il me manque quelque chose.

Air : J’arrive à pied de province.

J’puis bien régler le service,
Au mond’ faire accueil,
À la cuisine, à l’office,
Donner un coup d’œil ;
Je puis assez bien, j’espère,
T’nir mes livr’s aussi ;
Mais m’faudrait quelqu’un pour faire
C’que f’sait mon mari.

Décidément il faudra que je mette ordre à cela...

Aux garçons.

Voyons, vous autres... Les déjeuners des locataires ?

PIERRE.

Sont servis, madame Gervais : trois côtelettes à ce monsieur qui gronde toujours, au n° 5, et le vieux coq pour un chapon, à celui du premier.

MADAME GERVAIS.

Ah ! le baron de la Jobinière, qui prétend se connaître si bien à tout ?

PIERRE.

Il en a été fort content. Puis une tasse de chocolat à mam’zelle sa fille.

MADAME GERVAIS.

Après ?

PIERRE.

Une bavaroise au quatrième, à cet homme qu’on entend chanter et rire du matin au soir.

MADAME GERVAIS, vivement, et se levant.

M. Duchemin !... Les plus grands soins, les plus grands égards pour ce locataire.

À part.

Ce monsieur Duchemin ; il est aimable, toujours riant ; il me regarde d’un air... me tient des discours... Je crois que si je voulais... Si l’on savait seulement ce qu’il est... C’est égal, laissons-le venir ; nous verrons.

Aux garçons.

Voilà tout ?

PIERRE.

Oui, not’ bourgeoise.

MADAME GERVAIS.

Maintenant, que chacun retourne à son devoir, et n’oubliez pas ce que je vous recommande toujours.

Air : Vaudeville de la Chaumière moscovite.

Activité,
Célérité,
Air prévenant, honnête ;
Oui, c’est ainsi
Qu’il faut qu’ici
Le public soit servi.
À l’office que tout s’apprête ;
Toi, Jean, retourne à ses fourneaux ;
Toi, Pierre, suivant ma recette,
Vas achever le vieux Bordeaux.

Ensemble.

Activité, etc.

LES GARÇONS.

Activité ! etc.

Les garçons sortent.

 

 

Scène II

 

MADAME GERVAIS, LE BARON DE LA JOBINIÈRE, EUGÉNIE

 

LE BARON, sortant de la chambre à gauche, à sa fille.

Je vais voir quelques personnes de cette ville... Si mon gendre arrivait pendant mon absence, tu le recevrais, entends-tu, Eugénie ?

EUGÉNIE.

Oui, mon père.

Le Baron sort.

 

 

Scène III

 

MADAME GERVAIS, EUGÉNIE

 

EUGÉNIE, après avoir vu sortir le Baron.

Vous n’avez pas reçu de lettre pour moi, madame Gervais ?

MADAME GERVAIS.

Non, mademoiselle.

EUGÉNIE.

Il ne vous est pas venu de nouveaux locataires ?

MADAME GERVAIS.

Non, mademoiselle.

EUGÉNIE.

Ah !mon Dieu, il arrivera trop tard.

MADAME GERVAIS.

Voilà bien l’impatience d’une jeune fille qui attend son futur !

EUGÉNIE.

Oh ! ce n’est pas de lui que je parle.

GERVAIS.

Quoi ! ce n’est pas de ce milord qui doit arriver ? Mais non ; j’aurais dû le deviner. Cet air de mystère, cette impatience, tout cela ne peut regarder un futur du choix du papa... Il s’agit plutôt de quelque jeune homme bien aimable ?

EUGÉNIE.

Oh ! le plus aimable.

MADAME GERVAIS.

Bien épris ?

EUGÉNIE.

Il me le disait.

MADAME GERVAIS.

Bien tendre ?

EUGÉNIE.

Il me le paraissait.

MADAME GERVAIS.

Dont on a fait connaissance à quelque bal ?

EUGÉNIE.

Oh ! non, madame Gervais ; je ne donne pas mon cœur si facilement : il y a longtemps que je le connais, c’est même un ami de ma famille ; mais il reste à Paris, et pendant son absence, mon père a promis ma main au neveu d’un de ses amis de Londres ; je n’ai su cet arrangement qu’en quittant le château pour venir ici...

MADAME GERVAIS.

Vous avez écrit les projets de votre père à l’aimable jeune homme, pour qu’il empêche leur exécution, et vous attendez sa réponse ou sa personne ?

EUGÉNIE.

Oui ; mais voilà déjà quatre jours... C’est aujourd’hui qu’arrive ce milord, que je déteste sans le connaître... M’aurait-il oublié ?

Air de Colalto.

J’ai vu les yeux de mon amant
Me peindre une tendresse extrême ;
Depuis n’est-il resté constant,
Et pour moi son amour est-il encore le même ?
Il est dangereux d’être absent ;
Car le cœur d’un amant volage
Est un miroir qui ne garde une image
Que tant que l’objet est présent.

MADAME GERVAIS.

Ce n’est pas vous que l’on oublie ainsi, Mademoiselle ; cependant, les hommes sont si traîtres, si perfides.

EUGÉNIE.

Lui qui, en me quittant, me recommandait tant la constance !

MADAME GERVAIS.

Air : Contentons-nous d’une simple bouteille.

C’ n’est pas que j’veuille détruir’ votre confiance,
Mais j’ dois ici vous prévenir pourtant
Qu’ quand un amant parle tant de constance,
C’est que lui-mêm’ veut d’venir inconstant,
S’lon ces Messieurs, oui tels sont les usages,
Quand il leur plaît, ils peuv’nt rompr’ leur lien ;
Mais nous, nous d’vons toujours à ces volages
Garder not cœur, quoiqu’il n’en fass’nt plus rien.

EUGÉNIE.

Ah ! si je savais qu’il me trahît ! je crois que de dépit j’aimerais le mari que l’on veut me donner. Madame Gervais, si vous apprenez quelque chose qui m’intéresse, je vous en prie, informez m’en à l’instant.

Elle rentre.

MADAME GERVAIS.

Oui Mademoiselle... L’aimable enfant ; ce serait vraiment dommage de donner ça à un Anglais.

 

 

Scène IV

 

DUNDER, GARÇONS, MADAME GERVAIS

 

LES GARÇONS.

Air : Que ce sabiau soit par nous vérifié.

Entrez, Milord, entrez, c’est bien ici,
Chacun de nous tâchera de vous plaire ;
Ordonnez et l’on va vous satisfaire ;
Vous payez bien, vous serez bien servi.

DUNDER.

Yes, yes...

Les garçons sortent. À Madame Gervais.

Madame have you any room to let ?

MADAME GERVAIS.

Plaît-il, Milord.

DUNDER.

Have you any room to let ?

MADAME GERVAIS.

Excusez, Milord, je n’entends pas l’Anglais.

DUNDER.

Oh ! oh ! j’oubliais... Diable de langue que j’avais toujours dans le bouche !... Madame, c’était vous qui étiez...

MADAME GERVAIS.

À votre service, Milord.

DUNDER, à part.

God ! elle était fort gentille !... Je remarquais que depuis que j’avais débarqué moi, je voyais toujours de jolies femmes... Ce était fort réjouissant.

Haut.

Madame, je étais venu ici parce qu’on me avait dit que je trouverais...

MADAME GERVAIS, l’interrompant.

Tout ce que vous pourrez désirer, Milord ; appartement bien décoré, bon lit, bon vin, bonne chère. Milord voyage sans doute pour son plaisir ?

DUNDER.

Yes, pour réjouir moi.

À part.

Je souvenais qu’il fallait pas dire que j’allais marier moi ; on n’aimait pas les maris dans cette pays...

Haut.

Je quittais le Angleterre, parce que le manière de vivre il était trop... monotoneuse...

MADAME GERVAIS.

Peut-être votre gravité nationale se fera-t-elle difficilement à notre gaîté ?... Songez que vous êtes dans le pays de la folie.

DUNDER.

Eh bien ! je deviendrai fol.

MADAME GERVAIS.

Quoi qu’il lui arrive, soit en bien, soit en mal, le Français rit de tout.

DUNDER.

Je rirai toujours, oh ! oh ! oh !... d’ailleurs c’était le commandement de mon docteur pour éviter le spleen.

Air : Adieu, je vous fuis.

Je croyais bien, en vérité,
Que rire est un remède utile
Pour entretenir la santé,
Même pour dissiper le bile ;
Dans le´chagrin on dépérit,
Point de bonheur pour qui soupire ;
Mais dans ce monde, tout sourit
À l’homme qui de tout sait rire.

MADAME GERVAIS.

Au reste, Milord, puisque vous voyagez pour votre plaisir, vous ne pouviez pas choisir un pays plus convenable que la France.

DUNDER.

C’était ce qu’on disait.

Air : Vers le temple de l’Hymen.

S’il faut croire les récits
De personne d’importance,
On trouvait dans cette France
Tous les plaisirs réunis :
Des dames vraiment aimables,
Des marchands fort raisonnables,
Des diners très confortables,
Et des vins chers aux gourmets ;
J’en ai vu l’expérience,
Il n’est rien tel que la France
Pour engraisser les Anglais.

Et j’étais curieux de voir l’effet du pays, oh ! oh ! oh !

MADAME GERVAIS va s’asseoir à une table sur laquelle sont ses livres.

Milord veut-il me dire son nom, que je l’inscrive ?

DUNDER.

Yes, avec beaucoup de volontiers.

MADAME GERVAIS.

Voulez-vous bien aussi me montrer votre passeport ? ce sont de petites formalités que nous sommes obligés de remplir.

DUNDER, cherchant dans ses poches.

Yes, je savais bien... Dans la Grande Britannia, ce était encore bien plus de la difficulté. Mais, oh ! oh ! Est-ce que... ?

MADAME GERVAIS, allant pour écrire.

Milord !

DUNDER.

Je trouvais pas...

MADAME GERVAIS.

Qu’avez-vous donc Milord ?

DUNDER, affectant de rire.

C’était rien... mes papiers... oh ! oh !

MADAME GERVAIS.

Vous paraissez ému.

DUNDER.

God-dem

Riant.

oh ! oh ! c’était plaisant... J’avais peut être oublié à la douane... Mes billets étaient dedans... Oh ! God ! God !

MADAME GERVAIS.

Qu’est-ce donc ?

DUNDER.

Je courais tout de suite.

Riant.

Oh ! oh ! c’était fort drôle... fort singulier.

Il sort en courant.

MADAME GERVAIS.

Où allez-vous donc, Milord ?... Milord !... il ne répond pas...

Le contrefaisant.

C’était fort drôle, fort singulier... Il n’y a que lui de drôle ici.

 

 

Scène V

 

MADAME GERVAIS, FRONTIN

 

FRONTIN entre par la porte du fond, en riant.

Ah ! ah ! ah ! la bonne figure !

MADAME GERVAIS.

Ah ! vous voilà, Monsieur Duchemin ! vous êtes bien gai, ce matin.

FRONTIN.

Ne le suis-je pas toujours, Madame Gervais ? mais chaque fois que je rencontre quelqu’un de ces Anglais qui abondent en France maintenant, je sens redoubler ma gaîté ordinaire.

MADAME GERVAIS.

Pour moi, celui qui sort d’ici m’a mise de fort mauvaise, humeur... Je lui demande son nom, ses papiers ; il ne me répond pas, cherche dans ses poches, et s’enfuit tout-à-coup.

FRONTIN, riant.

Ah ! ah ! parbleu, il serait plaisant que ce fût à lui...

MADAME GERVAIS.

Eh bien ! qu’avez-vous donc encore ?

FRONTIN.

Rien, Madame Gervais.

À part.

Il reviendra sans doute, et alors je pourrai lui rendre...

Haut.

Mais revenons au motif ordinaire qui n’attire auprès de vous, Madame Gervais, à mon amour.

MADAME GERVAIS.

Vous voulez me faire accroire que vous avez de l’amour pour moi, avec cette mine réjouie ?

FRONTIN.

Sans doute, je vous aime ; mais je ne suis pas de ces amants fades et langoureux qui se meurent toujours ; je ne veux pas que vous ayez l’ombre d’un mari, si quelque jour vous m’épousez, comme je l’espère.

MADAME GERVAIS.

Vous l’espérez... Je ne crois pas pourtant vous avoir donné d’espérance.

FRONTIN.

Non, mais vous ne me l’avez pas ôtée, et c’est déjà beau coup, je suis loin, il est vrai, d’être digne de vous.

MADAME GERVAIS.

Vous êtes trop modeste.

FRONTIN.

Non, je sais ce que je vaux... Je ne suis pas beau.

MADANE GERVAIS.

Vous n’êtes pas mal.

FRONTIN.

J’ai une mauvaise tête.

MADAME GERVAIS.

C’est ordinairement la marque d’un bon cœur.

FRONTIN.

Je pousse la gaîté jusqu’à la folie.

MADAME GERVAIS.

Cela fait paraître le temps plus court.

FRONTIN.

Pour la fortune...

MADAME GERVAIS, vivement.

Si vous en manquez, vous avez de l’esprit, de l’intelligence, vous paraissez laborieux, économe, et avec tout cela on en acquiert bien vite.

FRONTIN.

Eh bien ! Madame Gervais, puisque vous me trouvez bien tel que je suis, voilà notre affaire arrangée.

Air : Je suis un garçon.

Attentif,
Fort vif,
Et craignant d’être oisif,
Ne prendre sera lucratif ;
Mon amour naïf,
D’être toujours actif,
Pour mon cœur sera le motif.
Vos livres seront tenus
Avec ordre, intelligence ;
Chargez vous des revenus
J’aurai soin de la dépense.

Ensemble.

Attentif, etc.

MADAME GERVAIS.

Attentif, etc.

Ah ! ça, maintenant, il ne me reste plus qu’à savoir qui vous êtes.

FRONTIN.

Qui je suis, Madame Gervais ?

À part.

Ah ! diable !

Haut.

Qui je suis ?

À part.

Pauvre Frontin, si tu te nommes, adieu le mariage.

Haut.

Je vais vous l’apprendre ; mais qu’importe l’amour ne s’embarrasse ni des rangs, ni des richesses.

MADAME GERVAIS.

Sans doute.

À part.

Il faut que cet homme là soit quelque chose.

Haut.

Mais on est bien aise...

FRONTIN.

Quand je vous dirais que je suis immensément riche...

MADAME GERVAIS.

Ah ! mon Dieu... Serait-il possible ?

FRONTIN.

Vous ne m’en aimeriez pas plus que si je vous disais que je ne suis qu’un pauvre diable sans fortune.

MADAME GERVAIS.

Certainement, une fois que le cœur a parlé... mais...

FRONTIN.

C’est comme moi, vous auriez cinquante mille livres de rente que je ne vous en aimerais pas moins.

MADAME GERVAIS.

Qu’il est aimable ! vous dites donc ?

 

 

Scène VI

 

MADAME GERVAIS, FRONTIN, SAINT-FIRMIN

 

SAINT-FIRMIN.

Madame, faites-moi donner, je vous prie...

Apercevant Frontin.

Eh ! c’est toi, frip...

FRONTIN, l’interrompant.

Eh ! c’est M. le chevalier de Saint-Firmin ! Monsieur, j’ai bien l’honneur... Madame Gervais, tout ce que vous avez de plus beau et de meilleur pour M. le chevalier.

MADAME GERVAIS.

Monsieur, comptez...

À part.

Un chevalier de ses amis !

SAINT-FIRMIN.

Comment ?

FRONTIN

M. le chevalier ne pouvait pas mieux s’adresser... Madame Gervais, les plus grands soins.

MADAME GERVAIS.

Permettez...

FRONTIN.

Les plus grands égards !

SAINT-FIRMIN.

Je voudrais savoir...

FRONTIN.

Vous serez content...

MADAME GERVAIS.

Cependant...

FRONTIN.

Que l’on s’occupe de suite de son dîner.

SAINT-FIRMIN.

Il est inutile...

FRONTIN.

M. le chevalier est connaisseur.

MADAME GERVAIS.

Si Monsieur...

FRONTIN.

La chambre rose...

SAINT-FIRMIN.

Mais peut-être ?...

FRONTIN.

Allez donc, Madame Gervais, allez donc.

MADAME GERVAIS.

Monsieur... Certainement... Je ne sais plus où j’en suis... Dans l’instant vous allez...

À part.

Il a des chevaliers pour amis, c’est un homme très comme il faut...

Haut.

J’y vais, M. le chevalier ; j’y cours.

Elle sort.

 

 

Scène VII

 

FRONTIN, SAINT-FIRMIN

 

SAINT-FIRMIN.

Eh ! mais, M. Frontin, si je ne me trompe, vous agissez en maître, ici ; le seriez-vous en effet ?

FRONTIN.

Pas encore, monsieur ; mais j’espère que cela ne tardera pas, c’est un mariage incognito que je ménage, et je vous crois trop bon pour nuire à ma fortune en me nommant. Je suis ici M. Duchemin.

SAINT-FIRMIN.

Tu crains l’effet de ton nom ?

FRONTIN.

Je crains qu’il ne mette sur mes traces un certain M. Vincent, le créancier le plus acharné !

SAINT-FIRMIN.

Comment, faquin, tu as des dettes ?

FRONTIN.

Oui, monsieur, comme un grand seigneur. J’étais au service de M. Dorval, votre cousin, je me trouvai dans un de ces moments de pénurie qui affligent parfois les plus honnêtes gens...

SAINT-FIRMIN.

Et tu fis bourse commune avec ton maître ?

FRONTIN.

Fi donc, monsieur, fi donc ! Pour qui me prenez-vous ? Votre cousin était en compte courant avec un honnête usurier, je me servis de son nom pour en tirer quelques sommes, que je me proposais bien de rendre. Le maudit Juif, presse de son argent, le demande à mon maître, qui, désapprouvant mon emprunt forcé, se fâche, met la dette sur mon compte et me chasse. Moi, pour éviter mon avide créancier que je ne pouvais satisfaire, je quitte Paris en diligence, el me voilà.

SAINT-FIRMIN.

Tu es en effet bien malheureux.

FRONTIN.

Et pourtant, j’ai tout pour réussir, de l’esprit, de l’effronterie... Mais la destinée...

Air : Ces postillons sont d’une maladresse.

À chaque instant contre le sort je peste,
Quand je vois des sots parvenir :
Oh ! je suis né sous un astre funeste,
Car rien ne peut me réussir.
J’ai culbuté dans une route
Qui conduisit tant d’autres au plaisir,
Et, j’en suis sûr, je ferais banqueroute,
Sans pouvoir n’enrichir.

Mais vous, monsieur, qui vous amène en cette ville ?

SAINT-FIRMIN.

L’amour, mon cher Frontin.

FRONTIN.

L’amour ! vous ! fait pour réussir dans le monde ! pour avoir les aventures les plus scandaleuses et les plus brillantes ! On laisse l’amour aux écoliers.

SAINT-FIRMIN.

J’adore Eugénie.

FRONTIN.

Vous adorez, c’est très bien ; mais n’est-ce pas un meurtre d’enchaîner au sort d’un jeune homme à la mode quel que petite provinciale qui, j’en suis sûr, sera un modèle de constance et de fidélité ?

SAINT-FIRMIN.

Et c’est justement ce qu’il nous faut à nous autres.

Air nouveau (de M. Doche.)

Un mari perfide et trompeur
Fuit sa femme, devient volage ;
Aussitôt maint consolateur
Vient lui présenter son hommage.
L’exemple alors est séduisant,
Souvent la plus forte chancelle ;
Tu vois qu’un époux inconstant,
Plus qu’un autre a besoin vraiment
D’avoir une épouse fidèle.

FRONTIN.

La belle vous aime, sans doute ?...

SAINT-FIRMIN.

J’en ai la certitude ; mais je n’en suis que plus à plaindre.

FRONTIN.

Comment ? Est-ce que le père ?...

SAINT-FIRMIN.

Une lettre d’Eugénie m’apprend que le Baron de la Jobinière l’a promise à un autre. Aussitôt je me mets en route, j’arrive dans cette ville, et je m’établis ici, bien résolu à tout entreprendre pour empêcher cette union.

FRONTIN.

On rencontre partout de ces pères ridicules et opiniâtres... Si vous vouliez m’employer ? Vous connaissez unes petits talents.

SAINT-FIRMIN.

Je te remercie, je ne crois pas en avoir besoin. Plusieurs amis du Baron m’ont promis de lui parler en ma faveur. Puisque tu te charges de retenir et de faire préparer mon logement, je vais voir de suite quel est le résultat de leurs de marches.

Air : Nous verrons, à ce qu’il dit (de Bancelin.)

Ah ! qu’il accorde eu ce jour.
À mon amour
Mon Eugénie ;
Sans elle jamais mon cœur
Ne pourra goûter le bonheur.

FRONTIN.

S’il fallait enfin
Quelque tour malin,
Parlez, je vous en prie ;
À votre secours
Aussitôt je cours ;
Sur moi comptez toujours.

Ensemble.

S’il n’accordait en ce jour
À votre amour
Votre Eugénie,
Soyez sûr que de bon cœur
J’agirais pour votre bonheur.

SAINT-FIRMIN.

Ah ! qu’il accorde, etc.

Saint-Firmin sort.

 

 

Scène VIII

 

FRONTIN, seul

 

Parbleu, M.de Saint-Firmin peut se vanter de m’avoir fait une fière peur ! Il allait m’appeler par mon nom, il avait le mot de fripon sur les lèvres... et s’en était fait de mon mariage, qui, grâce à mon adresse, est en assez bon chemin. Ainsi, me voilà tout à l’heure provincial ; bientôt je vivrai de mes rentes. Vivre de mes rentes ! quelle sottise !

Air : Il me faudra quitter l’empire.

J’irais, au printemps de ma vie,
Abjurant toute ambition,
Éteindre ici le feu de mon génie
Dans une lâche inaction !...
Non ; Fortune, ô toi qui me tentes,
Prête-moi toujours ton appui.
Un sot peut vivre de ses rentes,
L’homme d’esprit vit de celles d’autrui.

Et pour cela, je reste aubergiste. Pourvu maintenant que mon usurier ne vienne pas tout gâter en me découvrant... Oh ! je suis assez malheureux pour cela... Ah ! ça, me voilà seul, examinons ce portefeuille que j’ai trouvé ce matin sur le port.

Il s’assied près de la table à gauche, et tire le portefeuille de sa poche.

Oui vraiment, c’est à un Anglais.

Lisant un papier.

Milord Dunder... c’est probablement celui qui sortait tout à l’heure si précipitamment.

 

 

Scène ΙΧ

 

VINCENT, FRONTIN

 

Frontin est assis sur le devant, près de la table à gauche, Vincent sort de la chambre à droite.

VINCENT tenant la porte entr’ouverte, et parlant à la cantonade.

À deux pour cent... par heure, c’est entendu ; Monsieur, je vais vous envoyer cela.

Il ferme la porte.

Mon séjour au Havre me sera fructueux... c’est une jolie ville !... voilà une excellente affaire !... Je voudrais être sûr de toutes mes créances comme de celle-là.

FRONTIN, à part, sans voir Vincent examine les papiers qui sont dans le portefeuille.

Je voudrais trouver quelque chose qui m’indiquât où je pourrai le rencontrer, j’irais lui porter...

VINCENT, apercevant Frontin.

Eh ! mais... je ne me trompe pas... oui... c’est ce fripon de Frontin !... Ah ! pour le coup, il ne m’échappera pas.

FRONTIN, sans voir Vincent.

Ah ! voilà un bordereau !...

VINCENT, à part.

Que signifie ce portefeuille ?

FRONTIN, lisant le bordereau.

2000 guinées à recevoir chez MM. d’Herbin et compagnie, au Havre...

VINCENT, à part.

Diable ! bonne maison !

FRONTIN.

Mille livres sterlings chez M. Cherépice, négociant.

VINCENT, à part.

C’est connu, excellent !

FRONTIN.

Huit cents louis à tirer sur M. Serrefort, banquier.

VINCENT, avec joie et plus haut.

Argent comptant !...

FRONTIN, se retournant.

Ciel ! Vincent, mon maudit créancier !... Ah ! malheureuse étoile !

VINCENT, à part.

Air du vaudeville de la Visite à Bedlam.

Je le tiens donc, ce Frontin,
Et je le trouve solvable,
La rencontre est admirable,
Et j’en rends grâce au destin.

FRONTIN, à part.

Le vieux juif de l’œil me suit,
Impossible que je sorte.

VINCENT, à part.

Le ciel ici m’a conduit.

FRONTIN, à part.

Va, que le diable t’emporte !

Ensemble.

C’en est fait, pauvre Frontin,
Puisque le sort implacable
De tout son courroux t’accable,
Subis gaiment ton destin.

VINCENT, à part.

Je le tiens donc, etc.

VINCENT, à part.

Le portefeuille est bien garni, soyons honnête.

Haut.

Serviteur à M. Frontin ; charmé de le rencontrer dans cette ville. Veut-il bien me permettre de lui présenter mes respects, de lui offrir mes services ? Il connaît mon attache ment pour lui.

FRONTIN, à part.

Que signifie ce langage ?

VINCENT.

Si vous avez besoin de moi, parlez ; tout mon bien est à votre service.

FRONTIN, à part.

Le bourreau se moque de moi.

VINCENT.

Vous considériez tout à l’heure votre portefeuille ; seriez-vous embarrassé pour escompter quelque billet ? Je n’en chargerai à un taux fort raisonnable.

FRONTIN, à part.

Il a vu le portefeuille, il voudrait déjà l’exploiter... Mais... ma foi, c’est ça !... Au moins le portefeuille m’aura servi à quelque chose... Madame Gervais n’est pas là...

VINCENT met ses lunettes, et s’avance vers Frontin.

Voulez-vous me montrer les billets que vous ?...

FRONTIN a jusque-là tourné le dos à Vincent ; dans ce moment il enfonce son chapeau sur ses yeux, boutonne son habit qui doit être très serré, se lève et s’avance vers Vincent, en affectant les airs d’un Anglais et baragouinant.

Vous, monsier, faisiez le escompte ?...

VINCENT, stupéfait, ôte ses lunettes, recule et regarde.

Hein ?

FRONTIN.

Je avais besoin pas du tout.

VINCENT, à part.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Haut.

Monsieur Frontin, je suis Vincent ; et lorsque je vous ai obligé...

FRONTIN, l’interrompant.

Jamais milord Dunder avait obligation avec vous.

VINCENT, à part.

Milord Dunder !... où en veut-il venir ?... Prétendrait-il, à la faveur de son baragouin ?... Oh ! je suis aussi fin que lui !

Haut.

Monsieur Frontin, laissez votre baragouin et parlons raison. Vous me devez mille écus, j’ai une contrainte par corps ; il faut aller en prison, ou me payer.

FRONTIN, à part.

Payons d’audace.

Haut. 

Je devais rien.

VINCENT, avec colère.

Ah ! vous ne devez rien ! eh bien, nous verrons !... Je ne quitte pas la ville, que vous ne soyez coffre.

Air : Oui, les champs, les forêts (du Petit Dragon.)

Vous êtes un fripon
Mais j’en aurai raison.
En prison
Je vous ferai conduire.

 

 

Scène X

 

VINCENT, LE BARON, FRONTIN

 

Suite de l’air.

LE BARON.

Quel bruit hors de saison !
Messieurs, baissez le ton ;
Doit-on
Troubler ainsi la maison !

FRONTIN.

Quoi, de fripon
Vous osez traiter up milord !

LE BARON.

Un milord !

VINCENT.

Eh ! laissez-le donc dire.

LE BARON.

Mon cher, vous avez tort.

VINCENT.

Il n’est milord,
Ma foi,
J’en réponds, pas plus que vous et moi.

FRONTIN.

Oui, Dunder est mon
Nom.

LE BARON.

Hein ! que dites-vous donc ?

FRONTIN.

Et j’arrive à l’instant d’Angleterre.

VINCENT.

C’est un menteur subtil.

LE BARON.

Comment ! se pourrait-il ?...
Eh quoi !
C’est mon gendre que je vois !

VINCENT.

Pour croire ce fripon,
Perdez-vous la raison ?
Comment peut-on
Se laisser séduire ?

LE BARON.

Bon homme, ce transport
Devient vraiment trop fort :
Oser insulter à tort
Milord !

Ensemble.

VINCENT.

Vous êtes un fripon,
De vous j’aurai raison,
En prison
Je vous ferai conduire.
Oui, maintenant je sors ;
Mais bientôt les recors
Montreront à Milord
Si j’ai tort.

LE BARON, FRONTIN.

Sortez vite, ou sinon
Peut-être saura-t-on ?
Abaisser votre ton,
Vous réduire.
Bon homme, ce transport
Devient vraiment trop fort ;
Oser insulter à tort, Milord !

Vincent sort.

 

 

Scène XI

 

FRONTIN, LE BARON

 

FRONTIN.

Quel entêtement !

LE BARON.

Quelle insolence ! Résister au baron de la Jobinière !

FRONTIN, à part.

Le baron de la Jobinière !

LE BARON.

Embrassons-nous donc, mon cher gendre !... Vous ne pouvez vous figurer combien je suis charmé de vous voir... Je vous attendais avec impatience ; mais vous, vous êtes exact aussi... Ah ! c’est tout simple, on brûle de voir sa prétendue ; je connais ça, moi ! Car vous saurez que j’ai étudié le monde, la nature, le cœur humain... Et votre oncle, comment se porte-t-il, ce cher Nelson ? Brave homme ! c’est lui qui a fait ce mariage ; car vous, je ne vous connais sais pas seulement, d’après ses lettres... Ce soir, nous signerons le contrat.

FRONTIN.

Vous comblez certainement mes désirs les plus grands.

LE BARON.

Air : Ami, jamais le chagrin ne m’approche. (Préville et Taconnet.)

En vous unissant à ma fille,
C’est un présent que je vous fais :
Elle a seize ans, la pudeur brille
Dans chacun de ses jolis traits ;
Simple et naïve, ignorant l’art de feindre,
Sans le savoir elle séduit et plaît ;
Enfin, mon cher, pour l’achever de peindre,
On dit que c’est tout mon portrait,

Mais vous allez en juger ; je ne veux pas vous faire languir plus longtemps, je cours prévenir Eugénie de votre arrivée.

Il entre dans la chambre à droite.

 

 

Scène XII

 

FRONTIN, seul

 

Sans baragouiner.

Ouf ! me voilà hors de crise ; oui, mais je sors d’un embarras pour tomber dans un autre ; Vincent est dans cette ville !... Que faire ?... Fuir...

Il fait quelques pas et revient.

Non, faisons tête à l’orage, continuons le rôle ; je puis être utile aux amants, et en cas de mésaventure, je m’assure la protection du chevalier... On vient ; ferme, Frontin !

 

 

Scène XIII

 

FRONTIN, LE BARON, EUGÉNIE

 

LE BARON, conduisant Eugénie.

Air du Vaudeville de la Bonne Servante.

Remettez-vous ;
Pourquoi trembler, ma chère ?
Remettez-vous,
Monsieur est votre époux ;
Approchons-nous.
Dans ce jour, je l’espère,
Nous allons tous
Former des nœuds bien doux.

FRONTIN, au Baron.

Elle a rougi.

LE BARON.

Toujours une fillette
Rougit ainsi
Au seul nom d’un mari ;
Mais, sans mentir,
En secret la coquette
Le voit venir
Pourtant avec plaisir.

Ensemble.

FRONTIN.

Remettez-vous ;
Pourquoi trembler, ma chère ?
Que craignez-vous
Auprès de votre époux ?
Rapprochons-nous.
Dans ce jour, je l’espère,
Nous allons tous
Former des nœuds bien doux.

EUGÉNIE.

D’un sort bien doux
Abjurons la chimère.
Espoir trop doux,
Tu t’enfuis loin de nous !
Apaisez-vous ;
J’obéirai, mon père,
Je m’y résous,
Quel que soit mon époux !

LE BARON.

Remettez-vous, etc.

EUGÉNIE, à part.

Et Saint-Firmin qui ne vient pas !

LE BARON.

Ah ! çà, après la noce, vous ne partez pas de suite pour l’Angleterre ? Vous passerez quelque temps dans mon château ; superbe propriété que la terre de la Jobinière !... Nous chasserons... Et puis vous me parlerez de l’Angleterre, des monuments, des arts, des personnages illustres.

Air : Je suis né natif de Ferrare.

De Londres, cette ville immense,
On vante la magnificence ;
Votre oncle m’en parlait souvent...

FRONTIN.

Oh ! c’est superbe, assurément ! (bis.)

LE BARON.

Vous connaissez Saint-Paul, je pense ?

FRONTIN.

Yes !

À part.

C’est quel qu’homme d’importance !

LE BARON.

Et Saint-James, sans doute aussi ?

FRONTIN.

Lui !... C’était mon meilleur ami. (bis.)

LE BARON.

Qu’est-ce que vous dites donc ? Saint-James ! c’est le palais des rois ; je connais ça peut être, moi !

FRONTIN, embarrassé.

Yes ; c’est que le plaisir... et... l’aspect de... Mademoiselle... il troublait singulièrement...

LE BARON.

Je comprends.

EUGÉNIE, regardant au fond.

Ah !

LE BARON.

Qu’as-tu donc ?

EUGÉNIE.

Ce n’est rien.

À part.

Enfin, le voici.

 

 

Scène XIV

 

FRONTIN, LE BARON, EUGÉNIE, SAINT-FIRMIN

 

LE BARON.

Eh ! c’est le chevalier de Saint-Firmin !

FRONTIN, à part.

Il va tout gâter.

EUGÉNIE, à part.

Je savais bien qu’il était fidèle.

LE BARON.

Bonjour, chevalier.

Bas à Frontin.

C’est un rival.

FRONTIN.

Ah !

LE BARON.

Il est fou de ma fille ; mais il est venu trop tard, vous aviez ma parole, et je ne connais que ça, moi !

À Saint-Firmin.

Comment, te voilà dans cette ville ?

SAINT-FIRMIN.

Vous savez, Monsieur, ce qui m’y amène.

LE BARON.

Oui, oui, plusieurs personnes m’en ont parlé ; mais il n’y aut plus penser, mon cher ami... Voilà milord Dunder, mon gendre...

SAINT-FIRMIN.

Ô ciel... Milord...

Le regardant.

Mais...

FRONTIN, courant à Saint-Firmin.

Quel heureux hasard... C’est bien lui.

LE BARON.

Tiens, ils se connaissent.

FRONTIN, bas à Saint-Firmin.

Ne dites mot, je vous sers.

Haut.

Cette brave jeune homme, il me avait sauvé la vie dans le guerre de Hanovre ; cette belle action, il restera toujours gravé dans mon cœur.

SAINT-FIRMIN, embarrassé.

Ah ! Milord... Certainement.

À part.

Je ne sais que dire.

LE BARON.

Parbleu, je suis charmé de cette rencontre.

SAINT-FIRMIN.

Et moi ravi.

À part.

Je n’y conçois rien.

EUGÉNIE, à part.

Il oublie donc que c’est son rival ! 

FRONTIN, faisant des signes à Saint-Firmin.

Monsieur le chevalier voulait-il bien faire à moi le satisfaction de signer le contrat ?

SAINT FIRMIN.

Comment donc ? avec plaisir.

À part.

Faisons ce qu’il veut.

EUGÉNIE, à part.

Ah ! par exemple, c’est trop fort.

LE BARON, à Frontin.

Vous avez sans doute les papiers nécessaires ?

FRONTIN.

Yes... Je croyais...

SAINT-FIRMIN, à part.

Le voilà pris !

FRONTIN, donnant le portefeuille.

Regardez dans cette portefeuille.

LE BARON, examinant les papiers.

Oui... Oui, voilà bien tout ce qu’il faut.

SAINT-FIRMIN, à part.

Ma foi, je m’y perds.

LE BARON.

Moi, je vais chercher les titres, les contrats... Je suis à vous dans l’instant.

Il rentre dans la chambre.

 

 

Scène XV

 

EUGÉNIE, SAINT-FIRMIN, FRONTIN

 

Saint Firmin et Frontin suivent le Baron jusqu’à la porte. Pendant tout le commencement de la scène, Frontin reste au fond.

EUGÉNIE, à part.

Certainement, M.de Saint-Firmin ne m’a jamais aimée.

SAINT-FIRMIN, revenant près d’Eugénie.

Ah ! ma chère Eugénie, nous lui devrons notre bonheur !

EUGÉNIE.

Notre bonheur ! Je vous prie, Monsieur, de ne plus me tenir de semblables discours. Voyez devant qui vous parlez.

SAINT FIRMIN.

Oh ! il sait tout.

EUGÉNIE.

Comment, il sait tout ?

SAINT-FIRMIN.

Il a vu ma douleur quand j’ai appris que l’on voulait vous enlever à ma tendresse.

EUGÉNIE, avec dépit.

Je ne me suis pas aperçue, Monsieur, qu’elle fat bien vive ; au moins, elle a été adoucie par le plaisir de trouver un ami dans celui qu’on me destine.

SAINT-FIRMIN.

Croyez que je ne verrai jamais en lui qu’un rival odieux, que je ferai tout pour l’empêcher de vous épouser !... Mais je comprends maintenant votre colère,  

Baisant la main d’Eugénie.

elle me donne une nouvelle preuve de vos sentiments pour moi.

EUGÉNIE.

Que faites-vous ? Songez...

FRONTIN.

Ne craignez rien, je fais le guet.

EUGÉNIE.

Comment, Milord !...

SAINT-FIRMIN.

N’est autre chose qu’un valet.

Air d’une contredanse.

Daignez pardonner à l’amour
Cette supercherie.
Le bonheur de toute ma vie
N’en dépend-il pas en ce jour ?

EUGÉNIE.

Quoi ! ce Monsieur, c’est bien sûr,
N’est pas mon futur ?

SAINT-FIRMIN.

Non, chère Eugénie !

EUGÉNIE.

Ô ciel !

SAINT-FIRMIN, se jetant à ses genoux.

Je vous en supplie ;
Ah ! secondez-nous
Et je suis votre époux. 

Ensemble.

FRONTIN.

Daignez pardonner à l’amour
Cette supercherie.
Tout le bonheur de votre vie
N’en dépend-il pas en ce jour !

EUGÉNIE.

Je dois pardonner à l’amour
Cette supercherie,
Puisque le bonheur de ma vie,
Hélas ! en dépend en ce jour.

SAINT-FIRMIN.

Daignez pardonner, etc.

FRONTIN.

On vient vers vous,
Retirez-vous ;
Monsieur, de grâce,
Cédez la place,
Le mari doit avoir son tour.

 

 

Scène XVI

 

EUGÉNIE, FRONTIN, LE BARON, SAINT-FIRMIN

 

Saint-Firmin s’éloigne ; Frontin a pris sa place aux genoux d’Eugénie ; le Baron est au fond, et ad mire ce tableau.

Reprise de l’air.

Ensemble.

FRONTIN, baragouinant.

Ah ! pardonnez à mon amour
Ce transport, je vous prie ;
Le félicité de ma vie
Ne datera que de ce jour.

LE BARON, à part.

Il lui parle déjà d’amour,
Mon âme en est ravie.
Par cet hymen, je le parie,
Je fais leur bonheur en ce jour.

SAINT-FIRMIN, à part.

On doit pardonner, etc.

EUGÉNIE.

Je dois pardonner, etc.

LE BARON.

Bien, mes enfants ! très bien !

FRONTIN.

Ah ! c’était vous, beau père !

LE BARON.

Ne vous dérangez pas ; je connais ça, moi !... Mais ce pauvre Saint-Firmin qui est là... C’est cruel !

À Saint-Firmin.

Mon ami, la résignation te fait le plus grand honneur dans mon esprit ; moi, qui connais le cœur humain, je sais combien il a dû t’en coûter.

À Frontin.

Ah ! çà, maintenant, nous pouvons aller chez le notaire faire dresser les articles.

FRONTIN.

Yes ! yes !

Air du Vaudeville de la Nouvelle télégraphique.

D’un lien si doux
Mon cœur est jaloux ;
D’être son époux,
Je brûle, cher beau-père !
Hâtons ce moment
Pour moi si charmant ;
Doit-on être lent
Quand le bonheur attend

LE BARON.

Ne craignez rien, mon cher, vous devez plaire
Par cet amour, ce tendre empressement.

FRONTIN.

Oui, votre fille, en ce jour, je l’espère,
Dans son époux trouvera son amant.

TOUS.

D’un lien si doux, etc.

FRONTIN.

Venez, chevalier, venez pour la signature.

Frontin et le Baron sortent.

 

 

Scène XVII

 

EUGÉNIE, SAINT-FIRMIN

 

EUGÉNIE.

Ah ! Saint-Firmin, combien je rougis de tromper ainsi mon père !

SAINT-FIRMIN.

Je vous jure que j’ignore comment tout cela s’est arrange : mais nous n’avons rien à nous reprocher, profitons des circonstances ; puissent-elles vous conduire heureusement au port ! Je cours retrouver Frontin, et savoir comment il compte s’en tirer.

Il sort.

EUGÉNIE.

Pourquoi aussi les pères veulent-ils toujours marier leurs enfants sans les consulter ? Voilà à quoi ils s’exposent.

Elle rentre.

 

 

Scène XVIII

 

DUNDER, MADAME GERVAIS

 

MADAME GERVAIS.

Non, Milord, non ; ni moi, ni d’autres ne pouvons vous loger, si vous n’avez pas de papiers.

DUNDER.

Puisque je avais perdu mon porte-papier, god !

Riant.

Hé ! hé !

GERVAIS.

C’est un malheur ; mais vous sentez bien que, sous ce prétexte, nous serions exposés à recevoir des vagabonds, des mauvais sujets, des...

DUNDER, avec colère.

Oh ! oh ! Madame.

Riant.

Vous plaisantez, je croyais.

MADAME GERVAIS.

Je ne dis pas pour ça, Milord...

DUNDER.

Apprenez que j’étais milord Dunder, ami de M. le baron de la Jobinière, qui me avait donnez rendez-toi dans cette auberge, pour me faire son gendre.

MADAME GERVAIS.

Que ne le disiez-vous plutôt, Milord ? je n’aurais pas fait tant de difficultés, M. le Baron répondant de vous ; mais vous arrivez mal, il vient de sortir.

DUNDER.

Eh bien ! je attendais ici.

Il s’assied.

J’avais de la lassitude en grande quantité.

MADAME GERVAIS, à part.

La pauvre petite ne l’échappera pas.

DUNDER.

Oh ! oh ! la fatigue il me avait donné de l’appétit, et le appétit il me invitait à dîner.

MADAME GERVAIS.

Je ne sais pas pourquoi cet homme là ne me revient pas.

DUNDER.

Madame l’auberge, faites donner à moi, s’il plaisait à vous, le Roastbeef, le Bordeaux.

MADAME GERVAIS.

Oui, Milord, à l’instant.

À part.

Ne le perdons pas de vue.

 

 

Scène XIX

 

DUNDER, ROLLET, MADAME GERVAIS

 

Dunder est assis près de la table à droite, sur le devant du théâtre. Au moment où Madame Gervais va pour sortir, Rollet se présente et la retient.

ROLLET.

Un mot, Madame Gervais.

MADAME GERVAIS.

Que voulez-vous, M. Rollet ?

ROLLET.

N’avez-vous pas ici un homme qui se dit Anglais, qui baragouine ?

MADAME GERVAIS.

Dame, j’ai Milord Dunder.

ROLLET.

Milord Dunder ! précisément... Où est-il ?

MADAME GERVAIS.

Le voici ; mais qu’allez-vous faire ?

ROLLET.

Mon devoir.

Il s’avance vers Dunder.

Monsieur, je viens de la part de M. Vincent, banquier, pour savoir si vous voulez bien payer la somme de 3 000 francs, par vous à lui légitimement due, augmentée de celle allouée à votre serviteur, pour ses frais, déboursés, démarches, courses, et cætera, relatifs audit payement ?

DUNDER, après avoir écouté attentivement.

J’entendais pas.

GERVAIS.

Il fait la sourde oreille.

ROLLET.

Je vous demande 3 000 francs.

DUNDER, avec humeur.

Trois mille francs !...

Riant.

Oh ! oh ! ce était fortement terrible.

ROLLET.

Que vous devez à M. Vincent, banquier.

DUNDER.

Vincent !... banquier !... Cet homme est dans le liqueur.

ROLLET, à part.

C’est bien ça.

À Dunder.

On m’a prévenu, Monsieur. Parlez bon français, quieeez ce baragouin.

DUNDER, avec colère.

Bérégouine !... Bérégouine vous-même.

Regardant Rollet.

Oh ! oh ! oh ! il me faisait rire.

ROLLET.

Je ne vois pas, Monsieur, ce qu’il y a de plaisant dans ma personne ; mais vous êtes bien gai vous-même pour un Anglais, M. le Milord !

DUNDER.

Air : Un homme, pour faire un tableau.

Comme vous, chacun le savait,
L’Anglais même, au sein de l’ivresse,
Dans le gravité se levait,
Affectant toujours la sagesse ;
Mais des autres je différais,
Et dans leur aimable délire,
Je veux imiter les Français ;
Moi, je suis un Anglais pour rire !

ROLLET.

Ah ! ah ! c’est ça, un Anglais pour rire... En prison !

DUNDER.

En prison ! Goddem !

ROLLET.

Toutes vos menaces ne vous sauveront pas ; il faut me donner de l’argent ou m’assommer.

DUNDER, furieux.

Je ferais l’un bien plutôt que l’autre.

 

 

Scène XX

 

DUNDER, ROLLET, MADAME GERVAIS, LE BARON, EUGÉNIE, LES GARÇONS[1]

 

Morceau d’ensemble.

Musique de M. Doche.

LE BARON.

Toujours ici se disputera-t-on !

LES GARÇONS, EUGÉNIE.

Quel bruit ici se fait entendre ?

MADAME GERVAIS, à Dunder.

Milord, c’est M. le Baron.

DUNDER.

Il vient à propos pour défendre
Son futur gendre.
Monsieur, je suis Milord Dunder !

LE BARON.

Vous, Dunder ?

EUGÉNIE, à part.

Quoi ? Dunder !

DUNDER.

Oui, Monsieur, le fait est clair.

LE BARON.

Vraiment !

DUNDER.

J’étais votre gendre futur.

LE BARON.

Est-ce bien sûr ?

DUNDER.

C’était fort sûr !

LE BARON.

Il faut m’en donner la preuve.

DUNDER.

Hélas ! par un fâcheux destin,
J’avais perdu mes papiers ce matin.

LE BARON.

La défaite n’est pas neuve,
Vous êtes un imposteur !

EUGÉNIE, à part.

Non, ce n’est pas un imposteur.

TOUS.

Oui, c’est un imposteur !

LE BARON.

Vous croyez m’induire en erreur ;
Mais en fripon, je suis un connaisseur.

Ensemble.

TOUT LE MONDE.

Oui, c’est un imposteur !

EUGÉNIE, à part.

Je le plains de bon cœur.

LE BARON.

Ma foi, mon cher Monsieur, mon gendre a été plus heureux que vous ; car j’ai là tout ses papiers bien en règle dans ce portefeuille.

DUNDER.

Ah ! ah ! God ! c’était le mien.

TOUT LE MONDE.

Comment, le sien ?

LE BARON.

Eh ! sans doute ; Monsieur a raison, ce portefeuille et les papiers qu’il contient sont à Milord Dunder, Ainsi, ils lui appartiennent, c’est une chose toute naturelle. Ah ! ah ! ah !

 

 

Scène ΧΧΙ

 

DUNDER, ROLLET, MADAME GERVAIS, LE BARON, EUGÉNIE, VINCENT

 

VINCENT.

Rollet, je viens de rencontrer notre homme.

ROLLET.

Je le tiens...

Montrant Dunder.

Le voici.

VINCENT.

Ce n’est pas là mon coquin de Frontin.

LE BARON.

Ah ! voilà mon vieux fou de ce matin qui va recommencer et prendre mon gendre pour son créancier. Ah ! ah ! ah !

VINCENT.

M. Frontin, votre gendre ! Je vous en fais mon compliment. Ah ! ah ! ah !

 

 

Scène XXII

 

MADAME GERVAIS, DUNDER, LE BARON, EUGÉNIE, SAINT-FIRMIN, FRONTIN, ROLLET, VINCENT, LE NOTAIRE

 

FRONTIN, du fond.

Venez vitement, M. le Notaire, que je signais mon bonheur.

LE BARON.

Voilà mon gendre !

VINCENT.

C’est lui, Rollet.

FRONTIN.

Vincent ici ! tout est perdu !

Il va pour se sauver.

ROLLET, le retenant.

Un moment !

MADAME GERVAIS.

Vous êtes tous dans l’erreur, Messieurs ; ce n’est ni Dunder, ni Frontin ; c’est M. Duchemin.

VINCENT.

Air : On m’avait vanté la guinguette (de Bancelin.)

Vous vous trompez, je vous assure ;
C’est bien Frontin certainement ;
Hélas ! autant que sa figure,
Que ne connais-je son argent !

FRONTIN.

J’avoue ici mon stratagème,
Pour vous accorder tous, enfin :
Duchemin, votre gendre même
Ne sont que le pauvre Frontin.

Ensemble.

VINCENT, ROLLET, DUNDER.

Oui, voilà tout le stratagème ;
Oui, le Dunder de ce matin,
Ici vous abusait vous-même,
Et n’est qu’un maraud de Frontin !

LE BARON.

J’étais dupe d’un stratagème.
Quoi ! le Dunder de ce matin,
Ici m’abusait donc moi-même,
Et n’est qu’un maraud de Frontin !

MADAME GERVAIS.

J’étais dupe d’un stratagème.
Quoi ! ce cher Monsieur Duchemin,
Ici m’abusait donc moi-même,
Et n’est qu’un maraud de Frontin !

FRONTIN.

J’avoue ici, etc.

LE BARON.

C’est donc vous, Saint-Firmin ?...

FRONTIN.

Eh ! non, M. le Baron : c’est le hasard, la nécessité, et ce portefeuille, qui ont tout fait.

DUNDER.

Vous voyez bien qu’il était le mien.

LE BARON, le lui rendant.

Oui, Milord.

VINCENT.

M. Frontin, et mon argent ? je comptais sur le portefeuille, moi...

DUNDER.

Comptez toujours, Master.

À part.

Il avait trouvé, je devais...

Haut.

Je répondais à vous.

À Frontin.

Vous aviez payé toutes vos dettes.

Vincent et Rollet sortent[2].

FRONTIN.

Excepté celle de la reconnaissance, Milord.

LE BARON.

Combien j’ai d’excuses à vous faire ; mais ma fille réparera mes torts envers vous.

EUGÉNIE.

Quoi ! mon père !...

LE BARON.

Air du Vaudeville de Partie carrée.

À m’obéir que l’on s’empresse ;
Il faut ici dégager mon honneur.

FRONTIN, bas à Saint-Firmin.

Il est Normand et tient à sa promesse ;
C’est vraiment avoir du malheur.

DUNDER.

Mon cher Monsieur ! souffrez, ne vous déplaise,
Que je rendais ces jeunes gens heureux !

À part.

Pour commencer d’agir à la Française,
Devenons généreux.

Au Baron.

Je restituais votre parole, Monsieur.

LE BARON.

Eh bien ! ça me fait plaisir ; car ils sont faits l’un pour l’autre ; je connais çà, moi.

SAINT-FIRMIN.

Ah ! Milord, comment reconnaitre un tel sacrifice ?

DUNDER, à part.

J’étais venu pour m’amuser ; je faisais bien de pas marier moi. 

FRONTIN.

Eh bien ! Madame Gervais, vous savez qui je suis maintenant ?

MADAME GERVAIS.

Hélas ! oui, M. Frontin.

FRONTIN.

Quand vous seriez immensément riche, je ne vous aimerais pas plus, disiez-vous ce matin ?

MADAME GERVAIS.

Allons, je ne m’en dédis pas ; un valet adroit et fripon doit faire un bon aubergiste.

Vaudeville.

Air : Amis, dépouillons ces pommiers.

FRONTIN, à Madame Gervais.

Puisque tu consens en ce jour
À devenir ma femme
Sois sûre que de mon amour,
Rien n’éteindra la flamme,
Au moindre désir,
Je veux obéir,
Pour te voir satisfaite ;
Et, je le promets,
À l’hymen jamais
Je ne ferai de dette.

MADAME GERVAIS.

Tout nouvel époux parle ainsi ;
Mais bientôt se dégage.
Pour moi, je le déclare ici,
Si, devenant volage,
Tu portais ailleurs
Tes tendres ardeurs,
J’ai ma vengeance prête ;
Songe qu’à l’instant,
Moi j’en fais autant
Pour n’avoir point de dette.

LE BARON.

Du bon Roi qui sauva Paris,
Qui sut se battre et boire,
Nous n’avions plus les traits chéris
Que dans notre mémoire ;
Mais en replaçant
De ce Roi vaillant
Une image parfaite,
Enfin, envers lui,
La France aujourd’hui
Vient d’acquitter sa dette.

SAINT-FIRMIN.

Fort de nous savoir désunis,
L’on a pu voir naguère
L’étranger dans notre pays,
Venir porter la guerre.
Trop fier d’un succès,
S’il troublait jamais
Notre union parfaite,
Qu’il tremble qu’un jour
La France, à son tour,
N’aille payer sa dette.

DUNDER.

À Paris, que je vais jouir !
Mais au sein de l’ivresse,
Je calculerai mon plaisir,
Et prenant une maîtresse,
Hôtel des plus beaux,
Cuisinier, chevaux,
Je veux, c’est ma recette,
Payer jour par jour
Tout, jusqu’à l’amour,
Pour n’avoir point de dette.

EUGÉNIE, au public.

Un auteur, en vous présentant
Quelque nouvel ouvrage,
À vous plaire en vous amusant,
Imprudemment s’engage.
Aussi, bien souvent,
Un bruit discordant
En son chemin l’arrête ;
Le nôtre aujourd’hui,
Puisse-t-il ici
Avoir payé sa dette !


[1] Le Baron entre par le fond et vient et vient se placer entre Dunder et Rollet ; Eugénie sort de la chambre et se place après Rollet, à gauche ; les Garçons restent au fond et sortent à la fin du morceau.

[2] Madame Gervais conduit Rollet et Vincent jusqu’à la porte, et vient se placer à la gauche à côté de Frontin.

PDF