Le Marquis auteur (Christophe-Barthélémy FAGAN DE LUGNY)

Comédie en un acte et en vers.

Non représentée.

 

Personnages

 

ARISTE, poète

CÉCILE, femme d’Ariste

CLITON, ami d’Ariste

LE MARQUIS

BERTRAND

FLORINTE

UN COMTE

UNE COMTESSE

BÉLISE

UN VIEUX GENTILHOMME

 

La Scène est dans le Château du Marquis.

 

 

Scène première

 

ARISTE, CLITON

 

ARISTE.

Non arrivée ici me flatte assurément,

Tu viens donc prendre part au Divertissement

Qu’on prépare aujourd’hui ?

CLITON.

J’y viens sous ton auspice.

J’ai cru que tu pourrais me rendre le service

De me faire agréer du Maître de ces lieux.

ARISTE, d’un air mécontent.

De tout mon cœur.

CLITON.

Qu’as-tu ? D’où cet air sérieux

Peut-il donc provenir ?

ARISTE.

D’une juste colère.

Il est vrai qu’à présent je ne puis plus m’en taire.

De ce qu’on voit ici je suis trop indigné.

Quoique, dans ce Château, rien ne soit épargné,

Fêtes, jeux, grands repas, plaisirs, magnificence ;

Quoique ma femme et moi vivions dans l’abondance,

Malgré tous ces attraits, je t’avouerai tout net

Que je regrette, ici, très fort mon Cabinet.

CLITON.

Qui peut donc t’y blesser ? dis-le moi sans contrainte.

ARISTE.

Le plus grand ridicule, à te parler sans feinte,

Ridicule qui va toujours en augmentant.

Le Marquis... Croirait-on qu’un homme de ce rang,

(Homme qui porte un nom, et de bonne naissance)

Irait, de son état, choquer la bienséance ?

Déjà mal à la Cour, sur de justes raisons,

Oui, cet homme, qui tient à de grandes Maisons,

Prétend être Poète.

CLITON, riant.

Eh ! comment ? À ton compte

Penses-tu qu’il suffit d’être Marquis ou Comte.

Pour avoir moins d’esprit qu’un autre ?

ARISTE.

Non, parbleu.

Ils ont communément plus de vif, plus de feu,

Un tour plus élégant, plus délicat, plus tendre.

Au suprême génie ils ont droit de prétendre ;

Mais la loi générale a ses exceptions,

Et vouloir être Auteur jusques aux visions ;

Rimer ; être, en un mot, sans aucune teinture,

Un Chevalier errant de la Littérature ;

C’est, sans doute, un travers, et j’en suis bien certain.

Il n’aurait pu jamais éviter ce destin.

Molière, de son temps, le suivant à la piste,

Parmi les sots Marquis, l’aurait mis sur sa Liste.

CLITON.

Plus d’un Noble est savant ; on en voit la plupart

Dont le savoir profond...

ARISTE.

Qu’il s’instruise de l’Art,

Et son talent alors n’aura rien qui m’irrite.

Tout ce que l’on fait bien est toujours un mérite.

Au surplus, je le dis, puisqu’enfin avec toi

Je suis en train de prendre un ton de bonne fois

Il est à redouter qu’un tic de cette espèce

Trop généralement ne gagne la Noblesse.

Tu me parles d’esprit et de profond savoir !

Eh ! quoi ! n’en faut-il pas pour faire son devoir ?

Représente-toi bien tout le détail immense

Des devoirs d’un Seigneur, dont rien ne le dispense.

Veiller sur ses Vassaux, savoir l’esprit des Lois,

Connaître sa grandeur, en maintenir les droits ;

Dans le métier de Mars, qui veut des soins extrêmes,

Se rendre familiers les différents systèmes ;

S’informer avec choix des nouvelles du jour ;

À son Roi, dignement savoir faire sa cour :

Prends le plus grand esprit, la tête la plus forte,

C’est de quoi les remplir, ou le diable m’emporte.

CLITON.

Je croirais...

ARISTE.

Et d’ailleurs, outre le temps perdu,

L’air bizarre que donne un travail assidu,

Et que font contracter Apollon et les Muses...

CLITON.

S’il est mauvais Auteur, je le crois sans excuses.

ARISTE.

Mauvais ? oh !... J’en réponds. Mais dans mon noir chagrin

Il se mêle un plaisir,... une vengeance enfin.

Je parle sans orgueil, sans basse jalousie ;

C’est mon métier, à moi. Toujours sans frénésie,

Sans fureur, je l’ai fait, et non pas comme lui.

Sur deux morceaux nouveaux il prétend aujourd’hui,

Hautement, et devant une grande assemblée,

Que la prééminence, entre nous, soit réglée.

Juge, rien n’est égal au doux espoir que j’ai,

En pensant qu’à la fin il sera corrigé ;

Voyant sa femme.

Car j’ai si bien pris... Ah !

 

 

Scène II

 

CÉCILE, ARISTE, CLITON

 

CÉCILE.

Ariste, je vous prie ;

Voyez, admirez.

ARISTE.

Qu’est-ce ?

CÉCILE, lui montrant un bijou d’or.

Une galanterie

Que, dans le même instant, m’a faite le Marquis.

ARISTE.

Un présent de sa part ? Pourquoi donc l’avoir pris ?

CÉCILE.

En vain j’ai refusé ; je n’ai pu m’en défendre.

ARISTE.

Eh ! bien, Madame, il faut vous résoudre à le rendre.

CÉCILE.

Bon ! bon ! vous vous moquez.

ARISTE.

Je n’aime point cela,

Et nous n’avons jamais vécu sur ce ton-là.

CÉCILE.

Mais c’est pousser trop loin une crainte importune ;

C’est bien-là le chemin, vraiment, de la fortune.

Ne voyez-vous pas bien que...

ARISTE.

Discours superflus.

Brisons-là, s’il vous plaît. Rendez. N’en parlons plus.

À Cliton.

Je disais donc, ami, que j’ai pris des mesures

Qui, pour le corriger, me semblent être sûres.

Je viens, depuis deux jours, d’achever un morceau ;

Et, sans présomption, je crois que c’est du beau ;

Imité d’un grand Maître.

Montrant sa femme.

Elle connaît l’ouvrage.

Je n’ai rien négligé pour avoir l’avantage.

CÉCILE.

Ariste, assez souvent, me lit ce qu’il a fait.

Pour ceci, j’avouerai qu’il m’a semblé parfait.

CLITON, à Ariste.

Je connais tes talents, et n’ai point peine à croire

Que sur un tel Rival tu n’aies la victoire.

ARISTE.

Il voulut décider, hier, que chaque Auteur,

Pour l’intérêt commun, choisirait un Lecteur.

Entre nous, j’ai trouvé la voix la plus charmante,

Prononçant à miracle ; oui, sonore et touchante.

Quelque penchant qu’on eût à le vouloir flatter ;

Le vrai, qui séduit tout, saura bien l’emporter.

Et ce qu’il doit donner n’étant pas supportable,

Cette leçon, je crois, lui sera profitable.

CLITON.

Quelqu’un vient.

ARISTE.

C’est lui-même. Eloignons-nous d’ici ;

Et de tout, encor mieux, tu seras éclairci.

Vous, Cécile, à l’instant, si vous voulez me plaire

Vous rendrez le présent.

CÉCILE.

Il faut vous satisfaire.

 

 

Scène III

 

LE MARQUIS ayant un habit riche, mais mal arrangé, étant barbouillé de tabac et ayant la perruque de travers, BERTRAND, CÉCILE

 

BERTRAND, sans voir Cécile.

Non, Monsieur le Marquis, non, je n’en ferai rien.

Tel que vous me voyez, je suis homme de bien...

LE MARQUIS.

Paix. Tais-toi.

CÉCILE.

Permettez, Monsieur, que je vous rende...

LE MARQUIS.

Plaît-il ?

CÉCILE.

De ce bijou la faveur est trop grande,

Pour pouvoir l’accepter.

LE MARQUIS.

Laissez donc ; vous voyez

Que je suis en affaire.

CÉCILE.

Eh ! mais...

LE MARQUIS.

Vous plaisantez.

CÉCILE.

Mon mari ne veut pas...

LE MARQUIS.

Comment encor : De grâce,

Quand je suis occupé...

CÉCILE.

Que faut-il que je fasse ?

Ariste...

LE MARQUIS.

Ariste a tort, et chacun peut savoir

Que tout ce que je donne, on doit le recevoir.

Allez, le temps me presse, et cela nous retarde.

CÉCILE, à part.

Puisqu’il n’est pas moyen, après tout, je le garde.

 

 

Scène IV

 

LE MARQUIS, BERTRAND

 

BERTRAND.

Oui, Monsieur le Marquis, je suis homme de bien.

Je vous répète encor que je n’en ferai rien ;

Et quoique tout cela me semble une fadaise,

Ariste m’a choisi. Vous, seriez-vous bien aise,

Que, lorsqu’il s’agira de débiter vos Vers,

Votre Lecteur allât dire tout de travers ?

LE MARQUIS.

Pauvre sot ! Sais-tu bien ce que, pour récompense,

Dès demain, je lui donne ?

BERTRAND.

Eh ! mais. Combien ! je pense...

LE MARQUIS.

Cent louis.

BERTRAND,

Cent louis !

LE MARQUIS.

Tout autant.

BERTRAND.

Oh ! parbleu !

Je crois qu’il voudrait bien jouer souvent ce jeu.

Il n’y perd, ma foi, pas. Cela change la chose.

LE MARQUIS.

Crois-tu que j’ai dessein, dans ce que je propose,

De lui faire un grand tort ? Non vraiment ; non jamais.

Pour en agir ainsi, j’ai des motifs secrets.

BERTRAND.

Oh ! En ce cas, ma foi ; je ne le plains plus guère ;

Pour un peu de fumée !... Allez, laissez-moi faire.

Un rien, souvent, suffit pour donner un faux jour,

Je saurai, sûrement, trouver quelque bon tour.

Et quand ses Vers viendraient directement d’Horace,

Je vous les garantis écrasés sur la place.

LE MARQUIS.

Tu crois donc ?

BERTRAND.

Comptez-y. Reposez-vous sur moi.

Il s’en ressouviendra plus d’un jour, je le crois.

Mais parlez, s’il vous plaît. Dans quel état vous êtes !

Barbouillé de tabac, de l’encre à vos manchettes,

Vos cheveux de travers ! Quel diable d’attirail !

LE MARQUIS.

On va m’accommoder.

BERTRAND.

C’est l’effet du travail.

Votre esprit est en l’air.

LE MARQUIS.

Allons. La chose est dite,

Mon homme vient. Je veux lui parler au plus vite,

Bertrand rentre.

 

 

Scène V

 

LE MARQUIS, FLORINTE, homme simple et niais

 

LE MARQUIS.

Eh ! bien, savez-vous mieux répéter les endroits

Que j’avais remarqués ?

FLORINTE, riant.

Oh ! oui. Pour cette fois...

LE MARQUIS.

Vous êtes un benêt ; vous ne mettez point d’âme

Autant qu’il est besoin. Il faut que l’on se pâme,

S’attendrir en lisant, échauffer l’Auditeur.

Le presser, le toucher.

FLORINTE, riant.

Laissez faire, Monsieur.

LE MARQUIS.

Je pense que mes Vers vous paraissent passables.

FLORINTE...

Que dites-vous : Ils sont... Oh ! ils sont admirables...

Oui, c’est sans flatterie ; ils me semblent charmants.

LE MARQUIS.

Mais vraiment, dans le fond, vous avez du bon sens.

Pour bien lire, on doit être affecté du mérite,

De l’excès de bonté des Vers que l’on récite.

Et vous ne sauriez trop convaincre vos esprits

Que rien n’est au-dessus de tout ce que j’écris ;

Croire que m’égalant aux plus grands Personnages,

J’efface, de mon temps, tous les meilleurs ouvrages.

C’est en pensant cela que vous réussirez,

Et qu’infailliblement, en lisant, vous plairez.

Bien conduire sa voix ; prendre soin de son geste ;

Intéresser des yeux ; ainsi de tout le reste.

Et lorsque, par hasard, vous trouvez des endroits,

Qui sont moins travaillés, ou qui semblent plus froids,

Passer légèrement.

FLORINTE.

Il n’en est point, j’en jure.

Tout est rempli de feu. C’est la vérité pure.

LE MARQUIS.

Je suis fort satisfait de vous voir en bon train,

Et qu’un morceau superbe, et qui tient du divin...

 

 

Scène VI

 

ARISTE, CÉCILE, CLITON, LE MARQUIS, FLORINTE

 

LE MARQUIS, embarrassé d’être surpris par Ariste.

Je faisais répéter.

ARISTE, d’un air riant.

Rien n’est plus légitime.

Le Marquis Fait signe à Florinte de se retirer.

 

 

Scène VII

 

LE MARQUIS, ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

ARISTE.

Cliton, pour être ici témoin de notre escrime,

Si vous le trouvez bon, ose se présenter.

LE MARQUIS, saluant Cliton.

Qu’il soit le bien venu.

CLITON.

L’on ne peut résister

Au désir empressé que l’on a de connaître

Cet agréable asile, où sans cesse on voit naître

Les plus piquants plaisirs, les plus aimables jeux,

De mille amusements un assemblage heureux.

LE MARQUIS.

Dans ces amusements je mêle un peu d’étude ;

Sans trop savoir pourquoi, j’ai pris cette habitude.

CLITON.

La science des Vers est, sans doute, un talent ;

Difficile au surplus : quelquefois fatigant.

CÉCILE.

Oui. Je crois qu’au travail quand l’âme est trop livrée,

À la fin la santé peut en être altérée,

Et mon cœur est ravi, je l’avouerai, Monsieur,

Quand des plaisirs plus gais tempèrent votre ardeur.

LE MARQUIS.

Je vous suis obligé, ma charmante Cécile.

Vous avez bien raison : oui, je suis malhabile

Dans un Art que j’ai tort de vouloir exercer.

Je ferais, il est vrai, bien mieux d’y renoncer.

Mais quoi ! que voulez-vous ? Le penchant nous entraîne.

Pour se faire huer, on se met à la gêne ;

C’est un mal. Dès longtemps, n’allant point à la Cour,

Cette quinte m’a pris ; c’est, je crois, pour toujours.

ARISTE, riant.

Eh ! Monsieur le Marquis, laissez-là l’ironie.

Nous savons que penser de cette modestie.

LE MARQUIS, riant.

Je pourrai, par hasard, être justifié.

ARISTE, riant.

L’un de nous, aujourd’hui, doit être humilié.

LE MARQUIS, riant.

Nous ne savons jamais au vrai ce que nous sommes.

ARISTE, riant.

On a de mauvais Vers par de fort galants hommes.

LE MARQUIS, riant.

Et les gens du métier s’abusent quelquefois.

ARISTE, riant.

Oh ! la chose est possible, et cela, je le crois.

Ils rient tous deux ensemble.

LE MARQUIS.

Mais notre monde vient. J’entends du bruit, je pense.

À un Domestique qui vient pour l’avertir.

J’y vais,

À Ariste.

Voici, mon cher, le moment qui s’avance,

Il rentre.

 

 

Scène VIII

 

ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

ARISTE.

Mais quelle confiance, et quel aveuglement !

Oh ! parbleu ! vous serez piqué sensiblement ;

Oui, Monsieur le Marquis. Il est inconcevable,

Que quelqu’un qui, d’ailleurs, semblerait raisonnable,

Laissant tout autre soin, de ce travers maudit,

Aille, sans en démordre, infecter son esprit !

CÉCILE, à Ariste.

Votre unique désir étant qu’il se corrige,

Au moins, il ne faudra rien dire qui l’afflige.

CLITON, à Ariste.

Non. Après sa défaite, il faut, tout doucement,

Le faire revenir de son entêtement.

ARISTE.

Moi ! s’il vous plaît, je veux, et parce que je l’aime,

Qu’il sente tout l’excès de sa sottise extrême.

Je me réjouirai de le voir confondu,

Qu’il paraisse troublé, furieux, éperdu,

Et, pour le ramener, et qu’il quitte la plume,

Qu’on le voie à longs traits boire cette amertume.

CLITON.

J’approuve tes raisons.

CÉCILE.

Songeons à nous placer.

ARISTE, voyant venir Bertrand.

Vous voyez mon Lecteur et l’on va commencer.

 

 

Scène IX

 

BERTRAND, tenant un Cahier à la main, LE MARQUIS, habillé plus proprement, LE COMTE, LA COMTESSE, UN VIEUX GENTILHOMME, BÉLISE, ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

Tout le monde s’assied.

BERTRAND, après s’être assis et tenant un Cahier à la main.

L’HYMNE DU SIÈCLE.

On se regarde, comme n’étant pas content du Titre. )

Il lit bien la première, la seconde et la troisième Strophe.

Ô France ! ô climat fortuné !
Séjour chéri de la Nature,
Que de ta gloire, toujours pure,
Le cours ne soit jamais borné.
Émule de Rome et d’Athènes,
À tes Rivaux donne des chaînes.
Sois-en et l’exemple, et l’effroi.
L’astre qui répand la lumière.
Ne peut, dans sa vaste carrière
Rien voir de comparable à toi.

Sur tes bords les profondes Mers,
Les superbes Monts t’environnent ;
Gages éclatants qui te donnent
Le droit de régir l’Univers.
Si quelques endroits sans défense
Semblent nous masquer ta puissance,
Tu prends des forces dans ton flanc ;
Il est des cœurs inébranlables ;
Remparts plus sûrs, plus indomptables
Que les Alpes et l’Océan.

Bertrand fait un bâillement et se frotte le front comme un homme qui n’est pas content ; et l’Assemblé se parle bas.

ARISTE, à part.

Que veut dire ceci ?

LE COMTE, au vieux Gentilhomme.

Je ne sais ; mais l’étoffe

Me paraît assez mince.

LE VIEUX GENTILHOMME, parlant du nez.

Oui, pour un Philosophe.

BERTRAND, lisant.

Après de glorieux travaux,
Que tout respire l’allégresse.
Que la respectable Vieillesse
Se conserve en un plein repos.
Ainsi que dans les champs fertiles,
À côté des moissons utiles,
Les Dieux ont fait naître les fleurs,
Que nos Guerriers couverts de gloire,
Et désarmés par la victoire
Du plaisir goûtent des douceurs.

Il fait encore un bâillement.

ARISTE, à part.

Qu’a-t-il donc à bâiller.

BÉLISE, au vieux Gentilhomme.

Hélas ! Quel froid extrême ?

LE VIEUX GENTILHOMME, montrant Bertrand.

Regardez ; le Lecteur n’y peut tenir lui-même.

BERTRAND, après s’être remué sur sa chaise, prenant un air de mauvaise humeur lisant comme un Écolier.

Allons aux pieds des Immortels,
Couronnés, parés de guirlandes ;
Faisons, dans nos justes offrandes,
Fumer l’encens sur leurs Autels.
Que les doux pressens de Pomone,
Le fruit précieux de l’Automne,
Se joignent aux dons de Cérès.
Que les vents les plus salutaires,
Que les eaux fécondes et claires
Viennent enrichir nos guérets...

ARISTE, se levant.

Je suis trahi. Je veux,... quelle façon maussade... !

Se rasseyant.

Mais on m’accusera de faire une incartade.

BERTRAND, changeant de ton, et en prenant un encore plus mauvais.

Mais quoi ! nos vœux sont exaucés.
Un Dieu favorable m’inspire.
Ces temps fameux que l’on désire,
Par ma voix vont être annoncés.

Il se mouche ridiculement.

Échauffé d’une sainte ivresse
Je vais, dans l’ardeur qui me presse,
Former de sublimes accords.
Non ; la Muse de Mytilène,
Ni le Favori de Mécène,
N’ont point égalé mes transports.

ARISTE, se levant.

C’en est trop à la fin...

LE MARQUIS, à Bertrand.

Lisez mieux.

À Ariste.

Eh ! silence.

BERTRAND, en riant à part.

Oui. Le coup est porté.

ARISTE, se rasseyant.

Prenons donc patience...

BERTRAND, lisant bien et posément.

Qui frappe mes yeux ? c’est la Paix.
Cet objet de notre espérance,
Sur un char lumineux s’avance.
À qui devons-nous ces bienfaits ?
Du haut de la voûte éthérée,
La douceur dont elle est parée,
Répand la joie au fond des cœurs ;
Et cette brillante Immortelle,
Paraît encor cent fois plus belle,
Quand elle est le vœu des Vainqueurs.

L’Assemblée tourne la tête.

ARISTE, à part.

Je ne puis concevoir...

LA COMTESSE.

La strophe est singulière

LE VIEUX GENTILHOMME, se levant et regardant sur le Cahier de Bertrand.

Combien en reste-t-il ?

BERTRAND.

Je suis à la dernière...

De l’auguste Fille des Dieux,
Quels biens ne doit-on pas attendre !
Déjà partout se font entendre
Les chants les plus mélodieux.
Ô France ! ô ma chère Patrie !
Combien mon âme est attendrie
En voyant croître ta splendeur !
Un génie heureux et fidèle,
Toujours te couvrant de son aile,
Immortalise ton bonheur.

On se lève.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Si l’on veut mon avis...

LE MARQUIS, riant.

Il n’est pas temps encore,

Il faut voir mon morceau.

LE COMTE.

Sur ce que l’on ignore

Que dire ?

BÉLISE.

Assurément.

LA COMTESSE.

Cela n’est pas douteux.

LE MARQUIS, riant.

Il faut, pour prononcer, que l’on ait lu les deux.

Bertrand fait une profonde révérence à Ariste.

ARISTE.

Le bourreau !

Bertrand rentre.

 

 

Scène X

 

LE MARQUIS, LE COMTE, LA COMTESSE, BÉLISE, LE VIEUX GENTILHOMME, ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

LE MARQUIS, riant.

Mais passons dans la Salle voisine

Pour la collation que je vous y destine.

Et mon Lecteur, ici, vous ayant mis au fait,

Vous pourrez rendre alors un jugement complet

LE VIEUX GENTILHOMME.

C’est bien dit.

 

 

Scène XI

 

ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

ARISTE.

Dites-moi, vit-on rien dans le monde

D’égal à mon affront, à ma douleur profonde !

Un traître, un scélérat, sur lequel je comptais,

Qui, dix fois, m’assassine, et qui lit mal exprès.

D’ailleurs quelle Assemblée !

CÉCILE.

Oui. L’on a pu mal lire ;

Mais...

ARISTE.

Comment ?

CÉCILE.

J’aurais cru...

ARISTE, très étonné.

Que veut-elle donc dire ?

CÉCILE.

Lorsque vous travaillez, souvent vous vous pressez.

Le style est élevé, mais pas encore assez.

ARISTE.

Mais voyez, je vous prie, est-elle raisonnable ?

Cette réflexion me paraît admirable !

À Cliton.

Te serais-tu douté de sa critique ?

CLITON.

Euh !... moi...

ARISTE.

Que dites-vous, Cliton ?

CLITON.

Oh ! rien.

ARISTE.

Comment ?...

À Cécile.

Et toi ?

Ariste reste immobile.

CÉCILE.

Pour moi je crois que, quand vous m’avez consultée,

Mon approbation fut trop précipitée.

CLITON.

La Pièce est respectable et n’est point sans beauté ;

Mais un ami ne peut farder la vérité.

CÉCILE.

Voulant vous rendre ici la victoire certaine,

Il fallait plus de temps, et prendre plus de peine.

CLITON.

Rien n’est mieux entendu que tout ce que tu fais,

Mais on risque souvent des morceaux imparfaits.

ARISTE.

Qui prendrai-je à témoin ! Ciel !... dans ma juste envie

De le désabuser, c’est moi qu’on mortifie !

Vous êtes contre moi, quand il me semblait doux

De me pouvoir, du moins, consoler avec vous !

À Cliton.

Mais y pensez-vous bien ? Toi, parle en conscience :

Car, dans l’homme d’esprit, je vois de l’indécence

À se laisser ainsi prévenir.

CLITON.

Mais, enfin :

Les Odes... Un Poème imité du Latin...

ARISTE.

Qu’est-ce ?

CLITON.

Et sentant...

ARISTE.

Plaît-il ?

CLITON.

Tant soit peu le Collège,

ARISTE.

Holà. N’achève pas. As-tu le privilège,

Pour être mon ami, de m’offenser ainsi ?

CLITON.

Moi ! je ne sais comment m’exprimer dans ceci ;

Car, sur un tel article, aisément on se fâche.

Tu veux que ton Écrit soit sans la moindre tache ;

On a beau lire mal, quand l’ouvrage est parfait,

Il ne manque jamais de faire un grand effet.

ARISTE.

Peut-on mieux s’aveugler ? Si bien qu’à votre compte,

Dans cet événement, j’aurai toute la honte ?

Et Monsieur le Marquis sur moi l’emportera ?

CLITON.

Non pas. Je n’en crois rien.

ARISTE.

Sans doute, il me vaincra,

Lui qui ne sut jamais faire deux Vers de suite,

Qui n’observe, en rimant, ni raison, ni conduite,

Faute de s’appliquer...

CLITON.

Non. Je crois en honneur

Que tu seras toujours, plus ou moins, le vainqueur.

CÉCILE.

L’Assemblée, après tout, ne s’est point révoltée :

L’autre pièce peut être encore moins goûtée.

ARISTE.

Voyez-vous bien ? Malgré toute prévention,

Tout l’art dont il se sert, toute précaution,

Oui. Je défie, ici, quelque chose qu’il fasse,

Que les plus grands flatteurs, que personne ait l’audace

De trouver, dans ses Vers, du passable, du beau ;

Ni qu’on puisse approuver son indigne morceau.

CLITON.

Moi : je suis prévenu qu’il est très misérable ;

Et le doute, entre vous, non, n’est pas proposable.

CÉCILE.

Notre penchant pour vous, Ariste, est très certain.

Nous pourrons bien aussi lui montrer du dédain.

CLITON.

S’il choque à certain point, pour moi je m’y prépare.

Ma foi, sans nul égard, tout haut je me déclare.

ARISTE.

Ce qui blesse mon cœur, l’écueil dont je frémi,

Est que dans son travers il ne soit affermi.

Mais son succès est donc, par bonheur, impossible.

Ils paraissent... Ma foi la chose est trop risible.

 

 

Scène XII

 

FLORINTE, habillé magnifiquement, tenant un Cahier à la main, LE MARQUIS, LE COMTE, LA COMTESSE, BÉLISE, LE VIEUX GENTILHOMME, ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

On s’assied.

Le fond du Salon s’ouvre, et l’on voit une décoration agréable ; un concert de flûtes se fait entendre.

FLORINTE, étant assis et tenant son Cahier.

LES PORCHERONS, CONTE BURLESQUE.

La Compagnie se regarde d’un air de satisfaction.

Un jour j’allai aux Porcherons
Pour y voir Mademoiselle Manon ;
Et comme c’était un jour de Fête,
Cela n’avait rien qui m’inquiète,
Parce que sa mère était allée
Promener d’un autre côté.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Ah ! ah ! l’idée est gaie.

LE COMTE.

Oui, sans doute.

BÉLISE.

Oui, vraiment.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Cela rit à l’esprit dès le commencement.

FLORINTE, lisant.

J’implore le Dieu de la Tendresse.
Ce petit enfant qui nous blesse
Me fait un souris gracieux,
Et descendit du haut des Cieux.

Le vieux Gentilhomme paraît frappé d’admiration.

Il me donne, avec courtoisie,
Une rose fraîchement cueillie.
Je me l’attache sur le front,
Me moquant du qu’en dira-t-on.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Plaisant ! Joli, ma foi ! Vien-çà que je t’embrasse.

LE COMTE.

Point d’éloges bruyants : que chacun reste en place.

LA COMTESSE.

Oui. L’on doit écouter avec tranquillité.

BÉLISE.

Il faut toujours juger sans partialité.

FLORINTE, se pâmant en lisant.

Est-ce vous, ma belle Déesse,
Auprès de qui je m’empresse ?
Quoi ! vous voilà dans ces beaux lieux !
Vous voyez mon cœur amoureux.
Hélas ! répondez-moi, Poulette ;
Approuvez mon ardeur secrète.

Soyez sensible à ma douleur.
Voulez-vous voir couler mes pleurs ?
Allons, c’en est fait de ma vie,
Et je vous la sacrifie.
Le plus fidèle des Amants
S’en va descendre au monument.
Je vous fais mes adieux, cruelle ;
Bientôt vous serez infidèle.
Oui, vous viendrez sur mon tombeau,
Couronner quelque Amant nouveau.
Car la Maîtresse la plus tendre,
Quand nous ne sommes plus, méprise notre cendre.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Oh ! beau ! beau ! beau !

LE COMTE.

Vraiment ! cela n’est pas mauvais.

BÉLISE.

Il s’en faut beaucoup.

ARISTE, à part.

Ciel !

LE COMTE, à Florinte.

Eh ! bien, Monsieur, après.

FLORINTE, lisant.

Il semble, d’abord, qu’à mes larmes
Elle voudrait rendre les armes.
Mais, suivant son usage, l’Amour
Vient me jouer un méchant tour.
Plein de colère, et de vengeance,
Il détruit toutes mes espérances.
Nous voilà tous deux ennemis :
Les soins, les peines, les soucis,
Les divisions, les querelles,
Toute l’infernale séquelle,
Près de nous semble conjurée,
Et le combat est préparé.

LE COMTE.

L’infernale séquelle est bien intéressante.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Le combat !

ARISTE.

Je gémis.

BÉLISE, au Comte.

Pour moi le tout m’enchante.

FLORINTE, lisant.

J’imagine ces fictions.
Étant aidé par Apollon.
L’Amour étant donc en colère,
Comme de loin je le vois faire,
Moi, sur mes gardes je me mets,
Le voyant aiguiser ses traits.

D’un sabre et d’une pertuisane
Je me saisis ; mon cœur s’enflamme ;
Étant armés de pied en cap,
Nous commençons le combat.

Lisant d’un ton pathétique.

Contre moi tous ses traits s’émoussent,
Il me pousse, je le repousse.
Comme deux Soldats acharnés,
On nous voit tous deux échauffés,
Mais, comme il prétend se défendre,
Je le fais tomber à mes pieds.
Aussitôt je lui fais entendre,
Que, s’il ne veut pas se rendre,
Mon bras saura bien l’immoler.
Quoique sa fureur éclate,
Moi, je n’en veux pas démordre :
L’Amour, voyant la Hallebarde,
Il demande miséricorde.

ARISTE, à part.

Est-ce assez ?

LE COMTE.

Ce combat n’est pas mal exprimé.

BÉLISE.

Le récit est très bon.

LE COMTE.

Fort bon.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Et bien rimé !

FLORINTE, lisant gracieusement.

Je finis par dire, en ces Rimes,
Que, dans la chaleur qui m’anime,
Je laisse entendre aux connaisseurs,
Que, malgré toutes ses rigueurs,
Je ne fus pas si fort à plaindre ;
Et qu’il y avait un peu de feinte
De la part de l’objet charmant
Qui me causait tous ces tourments.

Ainsi qu’après un grand orage,
On voit s’éloigner les nuages ;
De même, après quelque chagrin,
On jouit d’un plus doux destin.
Ainsi qu’on a vu des Vestales,
D’une chasteté sans égale,
Étant constante dans ses feux,
Nous jouirons tous les deux
D’un ciel serein, d’un doux zéphire.
Et, après tout, il le faut dire,
C’est assez la mode, en ce temps,
D’être fidele à son Amant.
Encor un coup, je finis ces Rimes
En débitant cette MAXIME.

Tout le monde se lève.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Oh ! ma foi, pour le coup...

LE COMTE.

Charmant jusqu’à la fin.

BÉLISE.

Il écrit à ravir.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Tu peux être certain

Que chacun hautement te donne son suffrage.

LA COMTESSE, s’adressant au Comte.

J’ai remarqué le Comte, il a goûté l’ouvrage.

BÉLISE.

Mais chacun pense ainsi.

LE COMTE.

Ce sont mes sentiments

LE MARQUIS, en petit Maître.

Supprimez, je vous prie, ici les compliments.

LE VIEUX GENTILHOMME.

Qui peut te disputer le prix ? ma foi, personne.

Adieu. Nous te laissons, et ma main te couronne.

Ils rentrent, et le Marquis donne la main aux deux Dames, au milieu desquelles il se retire.

 

 

Scène XIII

 

ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

ARISTE, se riant du Marquis, et le reconduisant des yeux.

Le voilà donc enfin Poète décidé !

Je doutais qu’on pût être à ce point possédé.

Eh ! bien, avez-vous vu jusque, où va leur délire ?

Pourquoi donc, tous les deux, n’avoir osé rien dire ?

CLITON.

Je ne suis pas content de leur décision.

ARISTE, riant.

Mais vraiment, je le crois.

CLITON.

C’est avec passion.

Se déclarer pour lui ; c’est être trop facile.

ARISTE.

On le gâte à jamais ! Et que dit donc Cécile !

CÉCILE.

Qui ? moi ? Non ! s’il vous plaît, je ne vous dirai rien.

ARISTE.

D’où vient ?

CLITON.

Elle a raison, et vous concevez bien

Que nous ayant tantôt marqué quelque colère,

Madame, en s’exprimant, craindrait de vous déplaire.

ARISTE.

Qu’entendez-vous par-là ?

CLITON.

J’entends...

ARISTE.

Expliquez-vous.

CLITON.

Qu’un mot peut vous piquer et vous mettre en courroux.

ARISTE.

Où suis-je ? justes Dieux ! Je doute si je veille.

Ironiquement.

Peut-être ce morceau vous semble une merveille ?

CLITON.

C’est trop exagérer.

CÉCILE.

Vous raillez sûrement.

ARISTE, à Cliton.

Quoi donc ! voudriez-vous excuser un moment

Des Vers faits pour choquer toute raison humaine ?

CLITON.

Que me demandez-vous ? On s’aperçoit, sans peine,

Que ce n’est pas l’Écrit d’un homme consommé.

On voit qu’il est sans règle, et qu’il est mal rimé ;

Main enfin bien des gens veulent ces badinages ;

Et la légèreté, l’agrément des images...

ARISTE.

Perfide, c’est assez. Par quels enchantements

Le vois-je se porter à de tels jugements ?

Quoi ! l’intrigue et le faux, dans le siècle où nous sommes,

Jusques aux plus sensés, séduiront tous les hommes !

Je permets l’injustice à ces honteux Midas ;

Mais celle d’un ami ne se pardonne pas.

CLITON.

Je n’ai point prétendu...

ARISTE.

Monsieur, je vous dispense

De vouloir, après coup, pallier votre offense.

CLITON.

Peut-être, de ma part, est-ce une illusion.

ARISTE.

Être à ce point séduits !

CÉCILE.

La réputation

Que vous avez...

ARISTE.

Cessez, Madame, je vous prie

Cessez, je ne vous veux pardonner de ma vie.

 

 

Scène XIV

 

LE MARQUIS, ARISTE, CÉCILE, CLITON

 

LE MARQUIS.

Le hasard, bien souvent, décide des succès.

Un vainqueur modéré ne s’en prévaut jamais.

Et, pour vous consoler, dans cette conjoncture,

Un diamant de prix...

ARISTE.

Gardez, je vous conjure...

Les plus rares présents ne me suffisent pas.

La richesse est un bien ; mais, malgré ses appas,

La vérité, Monsieur, me semble encor plus belle.

Pour tâcher, s’il se peut, de revivre avec elle,

Vous me voyez tout prêt à partir de ces lieux ;

Et nous vous présentons nos très humbles adieux,

LE MARQUIS.

Quoi ! Madame nous quitte ?

ARISTE, d’un ton de Misanthrope.

Elle est bien la maîtresse.

CÉCILE.

Ariste, y pensez-vous ? Un tel discours me blesse.

LE MARQUIS.

Mais, mais : il prend la chose avec une chaleur...

ARISTE.

Oui, je suis irrité, je l’avouerai, Monsieur.

Par sentiment pour vous, je ne puis me défendre

De hasarder deux mots qu’il vous plaira d’entendre.

La gloire doit toucher ; mais il faut la choisir :

L’on doit, sur sa naissance, en régler le désir.

Pour faire de bons Vers (objet assez frivole)

Il faut qu’à cet objet tout entier l’on s’immole.

Ils exigent des soins, et nombre de talents.

Mais soyez préservé d’en faire d’excellents !

Du rang le plus brillant pourquoi vouloir descendre !

Je me garderais bien de louer Alexandre

Quand il saurait toucher parfaitement du Luth.

Tout est fait, ici bas, pour aller à son but.

A vous en détourner, votre éclat vous seconde.

Par des charmes puissants vous captivez le monde.

On vous loue, on vous rend un hommage empressé :

Alors, dans chaque état, tout ordre est renversé.

Oui, dès vos jeunes ans on a su vous instruire

Que l’adulation est faite pour vous nuire ;

Mais, ce n’est point assez de craindre les flatteurs,

Craignez encor les gens séduits par vos grandeurs.

Il rentre.

LE MARQUIS, riant et donnant la main à Cécile jusques au fond du Théâtre.

Excusons son transport. Par mes bienfaits, Madame,

J’aurai soin d’apaiser le courroux qui l’enflamme.

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