Le Forgeron (Thomas SAUVAGE - André de CARRION-NIZAS)
Drame en cinq actes, mêlé de chant.
Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 22 juin 1824.
Personnages
MULLER, greffier du Bourgmestre
FRÉDÉRICK, son fils
HANDEL, négociant
SCHIMDT, forgeron
MARIE, sa fille
WOLF, premier garçon de Schmidt
CARL, valet de Muller
MADAME FRITZ, maîtresse d’auberge
UN NOTAIRE
UN HUISSIER
RECORS
GARÇONS DE FORGE
GARÇONS D’AUBERGE
VALETS de Muller
HABITANTS de la ville
La scène est à Hambourg.
ACTE I
Le Théâtre représente une place publique ; à droite de l’acteur, une auberge ; à gauche, la forge de Schmidt ; devant l’auberge, une table de pierre, un banc.
Scène première
MULLER, WOLF
MULLER.
Ainsi, madame Fritz, c’est convenu : le dîner sera chez moi, à quatre heures !... Quand on n’a pas attendu, on est moins difficile, l’appétit est moins excité et la consommation moins grande. (
Apercevant Wolf.
À toi, maintenant ; puis que te voilà, cela m’évitera la peine d’entrer chez ce forgeron. Va l’informer de ma part, que s’il ne me paie pas ce qu’il me doit dans le plus bref délai, je serai forcé de faire saisir ses meubles, sa maison et sa forge... c’est une dure extrémité pour moi ; mais il faudra m’y résigner.
WOLF.
Saisir la forge du pauvre Schmidt ! M. Muller, c’est le réduire à la misère, le priver de toute ressource !
MULLER.
Air : Vaudeville de Partie et Revanche.
Je gémis de cette poursuite
Plus que tu ne crois, mon enfant.
WOLF, à part.
J’enrag’ !... l’usurier ! l’hypocrite !
MULLER.
Je plains Schmidt bien sincèrement ; (bis.)
Oui, vraiment son malheur m’afflige.
WOLF, avec humeur.
Je l’ crois ; car chacun attest’rait
Qu’à tous ceux que monsieur oblige
Il prend un très fort intérêt. (bis.)
À part.
Vingt-cinq pour cent !
MULLER.
C’est vrai !... mais je dois me faire violence ; je suis créancier, la dette est en bonne et due forme, et j’ai besoin de rentrer dans tous mes fonds.
WOLF.
Oui, vos fonds ! vous les lui avez laissés tant que vous les avez crus en sûreté.
MULLER.
Sans doute.
WOLF.
Et maintenant que la faillite d’un de ses amis ruine l’établissement de Schmidt, vous les lui retirez.
MULLER.
Comme de raison.
WOLF.
Ma foi, M. Muller, permettez-moi de vous le dire, pour un homme riche comme vous, ce n’est pas bien.
MULLER.
Un homme riche ! ils n’ont que ça à vous dire... Je le sais bien, que je suis riche... c’est précisément parce que je suis riche que j’ai plus besoin d’argent qu’un autre... Tu me regardes ?... eh ! certainement ; si j’étais pauvre, je marierais mon fils Frédérick sans bourse délier ; il prendrait la première fille qui lui donnerait dans l’œil, et je le laisserais faire... Mais malheureusement, je suis riche, comme tu dis, et j’ai dû, en bon père, lui trouver un établissement sortable, le forcer, pour son bonheur, à épouser la fille de M. Mindau, premier conseiller de cette ville, qui nous honore infiniment en consentant à s’allier à nous... De là des dépenses, des frais extraordinaires, une dot à fournir... enfin, je me ruine ; voilà ce que c’est que d’être riche... Tu vois bien que je ne peux pas faire autrement que de saisir le forgeron... D’ailleurs, qu’il travaille, il aura bientôt réparé ses pertes.
WOLF.
Il n’en a pas la force, accablé de chagrins comme il l’est.
MULLER.
Propos de paresseux !
Air : Un homme pour faire un tableau.
Le bien ne vient pas en dormant,
Quoiqu’en dise le vieil adage,
De l’homme actif et diligent
Les richesses sont le partage.
En subissant son châtiment
La paresse a tort de se plaindre,
Car elle va si l’entement
Que la misère doit l’atteindre. (bis.)
WOLF.
Tenez, M. le greffier, votre dureté me fait tant de mal, que si M. le bourgmestre n’était pas absent de la ville... il est bon, lui !
MULLER.
Faible, plutôt : il écoute toutes vos doléances.
WOLF.
C’est votre supérieur, et je suis bien sûr qu’il ne souffrirait pas...
MULLER.
Ah ! tu me menaces... eh bien ! fais attention à ceci.
Il tire sa montre.
Si, dans une heure, je n’ai pas mon argent, saisie réelle, exécution du mobilier et vente à l’enchère. Adieu.
WOLF.
M. Muller, de grâce !
MULLER, avec beaucoup de hauteur.
Non, non, dans une heure.
WOLF.
Air : Vaudeville de Polichinelle sans le savoir.
Allons, monsieur, un peu de patience,
Du pauvre Schmidt ne perdez pas l’état ;
Vous d’vez de la bonté, de l’indulgence,
Vous r’présentez ici not’ magistrat !
MULLER.
Cessez, mon cher, ces plaintes indiscrètes,
Et de rigueur ne m’accusez pas, moi ;
La loi prescrit qu’on acquitte ses dettes,
Et je dois faire exécuter la loi.
Ensemble.
J’ai bien assez montré de patience ;
Je suis, d’ailleurs, contraint par mon état ;
Envers les lois, respect, obéissance,
C’est le premier devoir d’un magistrat.
WOLF.
Allons, monsieur, etc.
Muller sort.
Scène II
WOLF, seule
Mais voyez quelle dureté ! n’dirait-on pas que c’est queuq’ zun de ben huppé, ce monsieur le greffier ! Cependant, si l’on en croit les bruits, c’n’est que le fils d’un paysan, d’un meunier, c’n’est pas qu’il y ait du mal à ça. Moi aussi, j’suis fils d’un paysan et j’n’en suis pas plus fier ; mais voilà comme ils sont tous, ces parvenus.
Air de Marianne.
Sur tous ces messieurs la richesse
Produit l’ mêm’ effet qu’ sur nous l’ vin,
Ça leur cause une espèc’ d’ivresse
Oui leur ôt’ la mémoir’ soudain ;
Et bienfaiteurs, Et protecteurs,
Bientôt n’ont plus de place dans leurs
Cœurs ;
Anciens, amis
Parents chéris,
Des parvenus pas seul’ment r’connus ;
Heureux si dans c’ changement extrême,
Qu’amène cette soif de l’or,
Queuqu’ jour on n’ finit pas encor
Par s’oublier soi-même !
Allons dire à not’ maître cette mauvaise nouvelle l’ pauv’ cher homme, il n’avait pas besoin de ce surcroît de chagrin.
Il entre chez Schmidt.
Scène III
HANDEL, MADAME FRITZ, GARÇONS portant des corbeilles
MADAME FRITZ, aux garçons.
Air : Vaudeville de Nicaise.
Point de retard, je vous en prie,
Allons, songez qu’on vous attend ;
Et que de notre hôtellerie
Monsieur le greffier soit content ;
Que tout
Soit à son goût :
D’être gastronome il se pique ;
Une telle pratique
Doit mettre en renom
La maison.
Ensemble.
Point de retard, etc.
LES GARÇONS.
En tout vous serez obéie
Madam’, nous partons à l’instant ;
Allez, de votre hôtellerie
Monsieur Muller sera content.
Les garçons sortent.
Scène IV
HANDEL, MADAME FRITZ
MADAME FRITZ, revenant à Handel.
C’est que, voyez vous, M. le greffier donne aujourd’hui un repas magnifique, et c’est nous qui sommes chargés de le fournir.
HANDEL.
Et le greffier doit avoir la préférence sur un pauvre marchand dont le vaisseau a fait hier naufrage en entrant dans le port.
MADAME FRITZ.
Je ne dis pas cela, Monsieur, je sais quels sont mes devoirs envers les voyageurs ; mais je dois mettre tous mes soins à bien exécuter les ordres de M. le greffier ; c’est un repas de fiançailles qui bientôt sera suivi d’un repas de noces.
HANDEL.
Oui, c’est l’usage, la signature du contrat après un excellent dîner... deux familles qui se livrent mutuellement leurs enfants, boivent ensemble le vin du marché.
MADAME FRITZ.
C’est un mariage qui fait du bruit ! le fils du greffier avec la fille de M. Mindau, premier conseiller de cette ville...
HANDEL.
Diable ! le greffier est donc noble, ou tout au moins d’une bien ancienne bourgeoisie ; car, autant qu’il m’en souvient, la famille Mindau est d’une fierté !...
MADAME FRITZ.
Monsieur, monsieur, ces choses-là ne me regardent pas ; tout ce que je sais, c’est que M. le Greffier est fort riche et paie fort bien ses fournisseurs... Mais qu’y a-t-il pour votre service ? est-ce votre déjeuner que vous désirez ?... Je vais moi-même vous servir une petite collation et du meilleur vin.
HANDEL.
Un pot de bière et quelques fruits me suffiront.
MADAME FRITZ.
Vous serez servi dans l’instant.
Madame Fritz rentre dans la maison, revient presque aussitôt et pose sur la table, la bière et les fruits.
HANDEL, à part.
Cette femme m’indiquera peut-être ce que je cherche.
Haut.
Dites-moi, madame ; connaissez-vous, dans cette ville, un brave homme nommé Schmidt ?
MADAME FRITZ.
Un brave homme du nom de Schmidt ? ce ne peut être que mon voisin le forgeron.
HANDEL.
Oui, il était forgeron lorsque je le connus.
MADAME FRITZ.
Il a quitté son faubourg pour venir s’établir en face de cette auberge ; ses affaires ont d’abord prospéré, mais elles vont mal depuis quelques jours.
HANDEL.
Ce que vous m’annoncez là m’afflige.
MADAME FRITZ.
Ajoutez à cela des chagrins domestiques... Tout le monde le plaint, car tout le monde l’aime : c’est le meilleur père de famille et le cœur le plus franc de tout Hambourg... le connaissez-vous beaucoup ?
HANDEL.
Je ne l’ai vu qu’une fois, il y a trente ans.
Air : J’en guette un petit de mon âge.
Sans que mon âme en soit émue,
Je ne puis encore aujourd’hui
Me rappeler cette entrevue,
Où Schmidt m’accorda son appui ;
Ma main pressait sa main chérie,
Il me bénit en me quittant...
Je ne l’avais vu qu’un instant,
J’étais son ami pour la vie ! (bis.)
MADAME FRITZ.
Voilà une singulière façon de faire connaissance !
HANDEL.
Encore ce verre de bière !... que je boive à la santé de Schmidt avant d’aller le trouver.
MADAME FRITZ.
Et moi, je retourne à mes affaires.
Revenant.
Ah ! Monsieur...
Air : du Vaudeville de Nicaise.
Sur ce que j’ vous ai conté,
Avec Schmidt gardez l’ silence :
Quand on le plaint, on l’offense,
Car rien n’égal’ sa fierté. (bis.)
HANDEL, à part.
La pitié doit l’offenser,
Je conçois qu’il la rejette ;
Mais je viens payer ma dette :
Pourra-t-il me repousser ?
Ensemble.
Sur tout ce qu’on m’a conté,
Je garderai le silence ;
Oui, je plains son indigence,
Et respecte sa fierté. (bis.)
MADAME FRITZ.
Sur ce que j’ vous ai conté, etc.
Elle rentre dans l’auberge.
Scène V
HANDEL, MARIE
MARIE, au fond du théâtre.
Comment oser reparaître devant mon père ! Non, jamais ! Malheureuse Marie !
Elle descend lentement la scène vers la maison de son père ; Handel, qui se dirige aussi vers la maison de Schmidt, rencontre Marie, et s’arrête.
HANDEL.
Qu’avez-vous, mon enfant ?
MARIE, pleurant.
Hélas ! hélas !
HANDEL.
Vos traits sont altérés... vous pleurez.
MARIE.
Laissez-moi, Monsieur, laissez-moi.
HANDEL.
Air : Vaudeville de Michel et Christine.
Pourquoi vouloir qu’on vous délaisse ?
Daignez souffrir qu’un étranger
À votre douleur s’intéresse.
Parlez, qui peut vous affliger ?
Oui, sur l’honneur, ici je vous le jure,
Je serai votre protecteur.
MARIE, vivement.
Ne parlez pas de serments et d’honneur
Vous me tromperiez, j’en suis sûre.
Ensemble.
Laissez-moi, (bis.)
Monsieur, je vous en supplie,
Laissez-moi, (bis.)
Doit-on s’intéresser à moi ?
HANDEL.
Avec moi
Plus d’effroi,
Ma chère enfant, je vous en pris,
Dites-moi (bis.)
D’où naît le trouble où je vous vois.
HANDEL.
Quand les âges sont égaux, le cœur peut nous donner le change sur le sentiment qui nous rapproche, mais c’est au nom de l’humanité seule que je vous prie d’accepter mon appui... Peut-être la cause de votre affliction est légère ?... Dans la jeunesse, le moindre souffle de l’adversité fait couler nos pleurs... j’ai connu plus que vous les peines de la vie... je saurai compatir à vos chagrins.
MARIE.
Ô mon Dieu ! comment vous dire...
HANDEL.
Pauvre enfant ! je vais vous épargner un pénible récit et le résumer en un seul mot : ce mot c’est... l’amour.
MARIE.
Oui, monsieur, l’amour a commencé ; mais bien des événements ont suivi.
HANDEL.
Auriez-vous à vous plaindre de celui que votre cœur s’était choisi ?
MARIE.
Non, je n’ai pas à m’en plaindre, et cela serait, que je ne voudrais pas le croire ; j’aime mieux me persuader que tous les torts appartiennent à sa famille. Fils du greffier de celte ville, il est beaucoup au-dessus de moi par la fortune ; j’aurais dû y penser avant qu’il prît un tel empire sur mon cœur.
HANDEL.
C’est lui qui aurait dû y songer, s’il avait été généreux.
MARIE.
Oh ! ne l’accusez pas ; son âme est noble et belle ; il croyait sans doute pouvoir résister à sa famille, lorsqu’il me fit quitter il y a trois jours la demeure paternelle pour me rendre à sa maison de campagne, un hymen secret devait nous unir... il était absent lorsque j’arrivai, deux jours s’écoulèrent dans l’attente et dans les larmes, je demandais en vain la cause de ce fatal retard : tout se taisait autour de moi, enfin, le hasard fit tomber entre mes mains une lettre qui lui était adressée par son père, et qui me révéla toute l’étendue de mon infortune : il se marie, monsieur, ses parents l’ont exigé.
HANDEL.
Comment, il a pu consentir !
MARIE.
Il craignait d’encourir la colère de son père, et je le sens, c’est le plus grand des malheurs... Que faire maintenant ? que devenir ? Je veux me présenter dans quelque atelier, y, demander de l’ouvrage ; je sais travailler, monsieur, hélas ! c’est le seul parti qui me reste !
Air : Vaudeville de : Nous irons à Paris.
Puis-je revenir chez mon père ?
Puis-je reparaître à ses yeux ?
Braver sa terrible colère ?...
Non, jamais ; fuyons de ces lieux.
Ah ! pour toujours évitons sa présence,
Pour son repos, pour son bonheur ;
Il supportera mon absence...
Pourrait-il voir mon déshonneur ! (bis.)
HANDEL.
Vous avez tort, il faut revoir votre père, vous n’êtes pas encore coupable, vous le deviendriez si vous le priviez de l’appui de ses vieux jours.
MARIE.
Son courroux n’est pas seul ce qui m’afflige.
Pleurant.
Ma fuite, son motif peut-être, sont déjà connus ; l’estime da monde est à jamais perdue pour moi !
HANDEL, après un instant de réflexion.
Quel est le nom du greffier ?
MARIE.
Muller.
HANDEL, très surpris.
Muller ! Muller... il est riche, m’avez-vous dit ?
MARIE.
Hélas ! oui, sa richesse fait sa fierté et mon malheur.
HANDEL.
Cet obstacle n’est peut-être pas insurmontable. Je verrai monsieur Muller, je verrai la famille Mindau.
MARIE.
Vous les connaissez ?
HANDEL.
Je crois les avoir vus dans ma jeunesse... oui, j’irai trouver Muller et j’espère...
MARIE.
Ah ! je vous en prie, tâchez de ne pas l’irriter. Si vous rendiez son fils malheureux à cause de moi, je ne me le pardonnerais jamais.
HANDEL.
Fiez-vous à ma prudence.
Il appelle.
Madame l’hôtesse !
Scène VI
HANDEL, MARIE, MADAME FRITZ
MADAME FRITZ.
Qu’y a-t-il, monsieur ?
HANDEL.
Prenez-soin de mademoiselle, conduisez-la dans votre appartement, et attendez que...
MADAME FRITZ, l’interrompant.
Je ne me trompe pas ! c’est mademoiselle Marie, fille du voisin Schmidt !
HANDEL.
La fille de Schmidt !
MADAME FRITZ.
Oui monsieur, du brave homme dont nous parlions tout a-l’heure.
À Marie.
Vous êtes donc enfin de retour ! par quelle aventure ?
HANDEL.
Vous le saurez ; ne dites à personne que mademoiselle est sous votre garde et amenez-la chez son père dès que je vous le ferai dire.
MADAME FRITZ.
Il suffit, monsieur,
À part.
voilà un événement bien singulier, d’où cet étranger connaît-il Marie ?
Haut.
Venez, mademoiselle, vous paraissez abattue, souffrante, appuyez vous sur moi.
Air : Berce, berce, douce espérance.
MADAME FRITZ.
Aux soins que votre sort réclame
Je veux veiller avec ardeur.
MARIE.
Tant de bonté touche mon âme,
Dois-je croire encore au bonheur ?
HANDEL.
Destin prospère, ah ! je te remercie !
Oui, chère enfant, je veillerai sur toi ;
À part.
Je pourrai faire aujourd’hui pour Marie
Ce que, jadis, son père a fait pour moi.
Ensemble.
MADAME FRITZ et HANDEL.
Aux soins que votre sort réclame
Je veux veiller avec ardeur
À l’espérance ouvrez votre âme,
Pour vous renaîtra le bonheur.
MARIE.
Aux soins qu’ici mon sort réclame
Il va veiller avec ardeur :
Tant de bonté touche mon âme...
Dois-je croire encore au bonheur ?
Scène VII
MULLER, UN HUISSIER, RECORS
MULLER, montrant la maison de Schmidt.
C’est ici, messieurs, c’est ici monsieur l’huissier ; l’heure est écoulée, je tiens ma promesse ; il faut toujours remplir ses engagements avec exactitude, envers ses débiteurs comme envers ses créanciers. Exécutez la sentence que vous portez... Entrez, entrez.
Air : Les revenants.
Allez remplir,
Messieurs, votre ministère,
Allez saisir
La maison
Du forgeron.
LES RECORS.
Il faut remplir
Ici notre ministère,
Il faut saisir (bis.)
La maison
Du forgeron.
Ils entrent.
Scène VIII
MULLER, seul
Suite de l’air.
Ici j’attends,
Car, dans leur humeur grossière,
Ces artisans,
Peu forts sur le droit des gens,
Méconnaissant
Mon rang
Et mon caractère,
À mes dépens...
On entend des cris dans la maison.
Vivent les hommes prudents ?
Scène IX
L’HUISSIER et LES RECORS sortent de la forge pour suivis par WOLF et LES GARÇONS, MULLER se tient à l’écart
Les Recors reprennent leur chœur.
LES GARÇONS.
Suite de l’air.
Sortez, sortez,
Redoutez
Notre colère,
Ou respectez (bis.)
La maison
Du forgeron.
Les voies de fait vont commencer ; Schmidt paraît.
Scène X
LES MÊMES, SCHMIDT
SCHMIDT.
Qu’est ceci ? que signifient ces cris et cette querelle ? Pour quoi insulter mes garçons ? qui êtes-vous, messieurs ?
L’HUISSIER.
Monsieur !...
SCHMIDT.
Morbleu ! ce sont de braves gens ! le premier qui s’avance...
WOLF.
C’est ça ! not’ maître !
MULLER, s’avançant.
Monsieur Schmidt...
SCHMIDT, surpris.
Monsieur Muller !
MULLER.
Je vous avais fait prévenir que si je ne recevais pas mon argent... j’enverrais mon huissier.
SCHMIDT.
Je suis votre débiteur, c’est vrai. Wolf, je suis mé content de vous.
WOLF.
Comment, not’ maître, vous voulez que nous restions les bras croisés lorsqu’on vient vous ruiner ? Non, vraiment, et...
SCHMIDT.
Cessez, je vous l’ordonne. M. Muller est mon créancier ; c’est ma faute et non la sienne ; je ne puis le payer, tant pis pour moi... pourquoi n’userait-il pas des moyens de poursuite que les lois lui donnent ?
À l’huissier.
Vous êtes porteur d’un ordre, sans doute ?
L’huissier montre son exploit.
Cet exploit est en règle, il faut que je me soumette.
Air : Pour obtenir celle qu’il aime.
À Wolf et aux garçons.
La loi, dans cette circonstance,
À monsieur prête son appui,
Elle étend sa toute puissance
Sur nous aussi bien que sur lui.
Résignons-nous... lorsqu’elle m’est contraire,
À ses rigueurs prétendre me soustraire,
Ce serait perdre pour jamais
Le droit d’invoquer ses bienfaits. ! (bis.)
Finale.
Fragment du Calife.
Ensemble.
MULLER et LES GENS DE JUSTICE.
Pour nous cet accueil est nouveau ;
Oui, vraiment, le trait est fort beau :
Voilà qui passe notre espoir...
Quelle surprise est la nôtre !
WOLF et LES GARÇONS DE FORGE.
I’ d’vait nous les laisser plutôt !
Nous les traiterions comme il faut.
Oui, vraiment, ça fait mal à voir :
Ah ! quel dépit est le nôtre !
SCHMIDT.
Ce succès passe leur espoir.
Aux gens de justice.
Je ne fais que mon devoir ;
Messieurs, faites aussi le vôtre :
Entrez, faites votre devoir.
Aux garçons.
Ensemble.
Allons, enfants, obéissons.
LES GARÇONS, faisant le geste de rosser les recors.
Ah ! j’enrage !... Si nous l’osions !...
LES GENS DE JUSTICE.
Entrons, entrons, verbalisons...
Les recors passent d’un air triomphant devant les garçons de forge humiliés ; Schmidt les suit ; Muller sort par le fond du théâtre.
ACTE II
Le théâtre représente l’arrière-boutique de Schmidt, plusieurs issues.
Scène première
WOLF, SCHMIDT
WOLF.
Mais aussi, not’ maître, on n’ sait comment s’y prendre aujourd’hui ; vous traitez les huissiers avec politesse, et moi, votre premier garçon, avec une brusquerie... que diable ! écoutez la raison.
SCHMIDT.
Non ! la raison m’avait dit : Aime ton enfant, secours ton ami... l’ami s’en est allé d’un côté emportant mon argent ; ma fille d’un autre, me privant du bonheur... l’un a tué mon commerce, ma fille a brisé... non... elle ne pourra jamais dire qu’elle ait brisé mon cœur ; si je meurs de désespoir, elle ne saura pas que c’est à cause d’elle.
WOLF.
Mais au moins...
SCHMIDT.
Et la raison ne m’a-t--elle pas aussi conseillé de te prendre dans ma boutique quand tu te trouvas orphelin ? Abandonné de tout le monde, tu périssais sans moi ; je suis étonné que tu ne m’aies pas quitté aussi...
WOLF.
Maître, c’est la première dureté... Voilà vingt-deux ans que je suis chez vous, je puis dire que j’ai toujours eu soin de vos marchandises, de votre atelier.
SCHMIDT.
Les huissiers t’éviteront désormais cette peine, ils ranges tout là-bas...
WOLF.
Regardez-moi bien en face, monsieur Schmidt.
SCHMIDT.
Vas-tu être insolent parce que je suis ruiné ?
WOLF.
Venons au fait, s’il vous plaît Vous passiez dans toute la ville, et à six lieues à la ronde, pour un homme aussi bon que modéré.
SCHMIDT, l’interrompant.
Modéré ou violent, je fus honnête ; je commençai avec peu ; j’accrus ce peu par le travail ; je n’ai jamais mendié une pratique ; je n’ai jamais fait payer le crédit que me demandait un malheureux ; j’ai toujours été fidèle à mes engagements. Si j’ai fait faillite, c’est par la faute d’un ami, non par la mienne ; que chacun, en portant la main sur le cœur, en dise autant, lorsqu’il demande à un créancier de signer son bilan.
WOLF, sanglotant.
Air de Céline.
Je puis l’ certifier à la ronde,
Moi qui t’nais vos livres d’puis l’instant
Où c’ qu’abandonné d’ tout le monde...
SCHMIDT.
Quoi ! tu pens’ encor ?...
WOLF.
Oui, vraiment.
Pour me rapp’ler vos bienfaits, ma misère,
Épargnez-vous d’aussi cruels discours.
SCHMIDT.
Je t’ai dit ça dans la colère. (bis.)
WOLF.
D’sang-froid je me l’ dis tous les jours. (bis)
Je ne me vante pas, mais je crois avoir été fidèle. Il est un peu dur de dire à un pauvre orphelin, après l’avoir nourri de votre pain, que vous êtes étonné qu’il ne soit pas parti lorsque vous êtes malheureux.
SCHMIDT, affecté.
Wolf, je vous demande pardon,
WOLF, lui prenant la main.
N’ajoutez pas un mot, mon cher.
SCHMIDT.
Je...
WOLF.
Rien de plus, mon bon maître ! je le sais, j’aurais dû ne rien dire ; votre fille vous cause tant de chagrin !
SCHMIDT.
Oui, beaucoup... plus que tout le reste. Cruelle enfant ! et ne savoir ni où elle est, ni ce qui peut avoir causé sa fuite ! Wolf, informe-toi... avec prudence... cherche dans toute la maison... le moindre indice peut nous mettre sur sa trace.
WOLF.
Oui, maître, j’interrogerai, je chercherai... mais, vous, du courage. Allons, soyez homme... venez faire face aux huissiers qui bouleversent la maison. C’est que quand ces gens-là passent quelque part, c’est comme le feu ! ils ne laissent rien.
SCHMIDT.
Je ne puis, mon cher Wolf, je ne puis ; je m’en rapporte à toi. Va.
Scène II
SCHMIDT, seul
Absente depuis trois jours ! après une telle faute, osera-t-elle se présenter devant moi ? Non, c’en est fait, Marie, je ne te verrai plus !
Air : Ce que j’éprouve en vous voyant.
Elle partageait mes travaux,
Elle soutenait mon courage,
Et, par les grâces de son âge,
Elle savait charmer mes maux : (bis.)
Je veux l’oublier, la maudire,
À ses remords l’abandonner ;
Le devoir peut me l’ordonner,
Mais c’ cœur, que l’ingrate déchire,
Ne sait qu’aimer et pardonner
Le bourgmestre pourrait guider mes recherches, mais il est absent et monsieur Muller aura-t-il pitié de mon infortune, lui qui me traite avec tant de rigueur ! allons plutôt trouver son fils ; ce jeune Frédérick paraissait s’intéresser à nous ; chaque fois qu’il venait, il la regardait, admirait, comme tout le monde, sa grâce et sa candeur... Oui, j’irai le trouver, il connais sait Marie, il doit compatir à ma peine.
Scène III
SCHMIDT, FRÉDÉRICK
FRÉDÉRICK, à part.
Qu’est devenue Marie ? est-elle chez son père ! connaît-il notre amour ? sachons ce qu’il faut craindre ou espérer.
SCHMIDT.
Vous ici, monsieur Frédérick ! j’allais vous chercher.
FRÉDÉRICK.
Moi ! monsieur Schmidt ?
À part.
Saurait-il ?...
SCHMIDT.
Vous m’avez toujours paru bon, honnête.
FRÉDÉRICK.
Monsieur...
SCHMIDT.
Et ces qualités-là sont si rares à présent, que j’avais résolu de m’adresser à vous dans mon infortune.
FRÉDÉRICK.
Combien je suis heureux que vous n’ayez jugé digne de cette marque d’estime !
SCHMIDT.
Oui, c’en est une... croyez bien que je ne confierais pas à tout le monde ce fatal secret.
FRÉDÉRICK.
Je viens d’apprendre l’embarras où vous vous trouvez, et j’accours vous offrir mes services.
SCHMIDT.
Je les accepte.
FRÉDÉRICK.
La somme que vous devez est forte sans doute !
SCHMIDT, avec indifférence.
Oui.
FRÉDÉRICK.
Puisez dans ma bourse, et si elle ne vous suffit pas, j’ai des amis.
SCHMIDT, froidement.
Je vous remercie, monsieur Frédérick, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
FRÉDÉRICK.
Eh ! quoi ? la trahison de l’homme chez lequel vous aviez placé vos fonds, ne vous met-elle pas dans l’impossibilité de remplir vos engagements envers mon père et vos autres créanciers ?
SCHMIDT.
J’en conviens, mais à présent je n’ai plus de chagrin de ma banqueroute.
FRÉDÉRICK.
Que voulez-vous dire ?
SCHMIDT, sanglotant.
Le vieux forgeron n’a plus besoin d’argent, puisqu’il n’a plus de fille ! elle m’a abandonné, et depuis, tous les malheurs m’arrivent à la fois.
Air : de Paris et le village de Romagnési.
En me privant de mon plus cher appui,
Marie était loin de s’attendre
Au coup affreux qui m’accable aujourd’hui :
Plût au ciel qu’elle pût l’apprendre !
Oui, j’en suis sûr, avec ardeur
Elle rejoindrait son vieux père ;
Après avoir embelli mon bonheur,
Elle adoucirait ma misère ! (bis.)
FRÉDÉRICK.
Comment ! Marie...
SCHMIDT.
Partie, depuis trois jours !
FRÉDÉRICK, à part.
Elle n’est pas ici... malheureuse, où est-elle ?
SCHMIDT.
J’avais bien jugé votre cœur, vous partagez ma peine. J’allais vous prier de m’aider dans mes recherches, Fils du premier magistrat de cette ville, il vous sera facile de vous procurer des renseignements.
FRÉDÉRICK.
C’est à moi que vous vous adressez !
SCHMIDT.
Sans la dureté connue de votre père, j’aurais déjà été le trouver.
FRÉDÉRICK.
Ah ! monsieur, si vous saviez...
SCHMIDT.
Refuseriez-vous de m’être utile ?
FRÉDÉRICK.
Non, je cours à l’instant...
Scène IV
WOLF, SCHMIDT, FRÉDÉRICK
WOLF, accourant.
La voici ! la voici !
SCHMIDT.
Ma fille !
FRÉDÉRICK.
Marie !!
WOLF.
Non, mais son adresse, ou à-peu-près. J’ait tant fureté, tant cherché dans tous les coins et recoins de sa chambre, que j’ai enfin trouvé ce chiffon de papier, qui n’est rien moins qu’une lettre de...
Il s’arrête étonné à la vue de Frédérick.
FRÉDÉRICK, à part.
Ma lettre !
WOLF, à part.
Tiens ! monsieur Frédérick est ici !
SCHMIDT.
Donne.
WOLF.
Je sais pas trop si je dois devant monsieur...
SCHMIDT.
Il connaît mon infortune, il veut la soulager.
WOLF.
Ah ! s’il le veut, il le peut mieux que personne, à coup sûr.
SCHMIDT.
Il me l’a promis, et cette lettre pourra diriger nos démarches.
Il lit.
FRÉDÉRICK.
Que devenir !
SCHMIDT.
Qu’ai-je lu !! l’homme en qui je plaçais mon dernier espoir, est son ravisseur !
WOLF, à part.
Il ne le savait donc pas ?...
SCHMIDT.
Trio.
Air : La voix de la patrie. (de Wallace.)
La douleur, la colère
M’agitent tour à tour ;
Ah ! tout me désespère,
Tout m’accable en un jour !
Ensemble (Frédérick et Wolf).
FRÉDÉRICK.
Sa douleur, sa colère,
Marie et mon amour,
Ah ! tout me désespère,
Tout m’accable en un jour !
WOLF.
Hélas ! ô pauvre père !
Ô malheureux amour !
Ah ! tout le désespère,
Tout l’accable en un jour !
SCHMIDT.
Ce billet, qu’on vient de surprendre,
L’invite à sortir de chez moi ;
La nuit, ton valet doit l’attendre
Et la conduire auprès de toi.
FRÉDÉRICK.
Ah ! monsieur, je vous en conjure...
SCHMIDT.
Espérais-tu, vil séducteur,
De ton or payer mon injure ?
Rends-moi, cruel, et Marie et l’honneur !
FRÉDÉRICK.
Un mot encore !
Mon cœur l’adore,
Ici j’implore
Votre pitié.
WOLF et SCHMIDT.
En vain encore (bis)
Ta voix { l‘ implore,
{ m’
Point de pitié !
Ensemble.
FRÉDÉRICK.
Dans ma souffrance,
Plus d’espérance,
Plus de pitié !
SCHMIDT et WOLF.
Fuis { ma présence,
{ sa
Crains { ma vengeance,
{ sa
Point de pitié !
SCHMIDT, ramenant Frédérick sur le devant de la scène.
Conduis-moi vers ma fille.
FRÉDÉRICK.
J’ignore
Quel lieu nous cache ses pas.
SCHMIDT.
Tu veux me tromper encore !
FRÉDÉRICK.
Grâce ! ne m’accablez pas !
Ensemble.
Un mot encore, etc.
SCHIMDT et WOLF.
En vain encore, etc.
Scène V
SCHMIDT, WOLF
WOLF.
Ah bien ! par exemple, c’est être un peu hardi, de se présenter... Ce n’est pas l’embarras, je ne l’aurais jamais cru capable d’une aussi vilaine action.
SCHMIDT.
Wolf, je veux sortir... donne-moi mon chapeau.
WOLF.
Où allez-vous donc, not’ maître ?
SCHMIDT.
Chez M. Muller, porter ma plainte.
WOLF.
Contre M. Frédéric ?
SCHMIDT.
Contre le ravisseur de ma fille.
WOLF.
M. Muller est son père. Mon pauvre maître, je crains bien...
SCHMIDT.
Adieu, Wolf.
WOLF.
Eh ! ne partez donc pas si vite ! voilà un étranger qui veut sans doute vous parler.
Scène VI
WOLF, HANDEL, SCHMIDT
HANDEL, à Wolf.
M. Schmidt ?
WOLF.
Le voilà.
SCHMIDT.
Que voulez-vous ?
HANDEL.
Vous entretenir un instant d’affaires qui vous intéressent.
SCHMIDT.
Pardon, mais maintenant il m’est impossible...
HANDEL.
Restez.
WOLF.
Il est sans gêne, ce monsieur ! Mais, monsieur, si mon maître...
HANDEL.
Vous, mon cher, veuillez passer chez Mme Fritz, dites lui de se rendre ici.
WOLF, étonné.
Ah !
HANDEL, lui prenant la main.
Vous m’obligerez beaucoup, mon ami.
WOLF.
Avec plaisir, monsieur.
HANDEL.
Allez.
WOLF.
Oui, monsieur.
À part.
Il a l’air d’un brave homme !
Il sort.
Scène VII
HANDEL. HANDEL, SCHMIDT
SCHMIDT.
Qui êtes-vous ?
HANDEL.
Un ami.
SCHMIDT.
J’en suis fâché, je viens d’être ruiné pour un ami, je n’en veux plus... ni d’ingrate ! Je ne me rappelle pas votre visage.
HANDEL.
N’avez-vous pas conservé le moindre souvenir ?
SCHMIDT, toujours fort troublé.
Non, je vous jure. Si vous avez quelque chose à me dire, parlez vite, j’ai des affaires là-bas... avec ma fille... avec les gens qui sont dans la boutique, veux-je dire ; ils sont impatiens, et ma fille...
HANDEL.
Vous êtes agité. Les recors au travers desquels je viens de passer, m’ont appris votre malheur ; mais ne désespérez pas encore.
Il s’assied.
SCHMIDT.
Je suis au moment de faire banqueroute, mais je n’ai rien soustrait. On trouvera tout ce que je possède. Parlez.
Il s’assied aussi.
HANDEL.
Il y a trente ans que je quittai ce pays.
SCHMIDT.
C’est à-peu-près à cette époque que je m’établis.
HANDEL.
Un enfant de quinze ans se présenta devant vous, il vous dit qu’en entrant dans cette ville, il avait entendu vos voisins parler de la bonté de Schmidt le forgeron, pour tous les malheureux.
SCHMIDT.
Il me dit là un mensonge.
HANDEL.
Non, pas cette fois.
SCHMIDT.
Oui, oui, je me rappelle cet enfant.
HANDEL.
Il avait perdu ses parents, disait-il. Sans argent, sans pain, il voulait gagner le port le plus prochain, s’offrir à un capitaine qui le conduisît dans quelque colonie où le travail lui procurât de quoi vivre.
SCHMIDT.
Je m’en souviens.
HANDEL.
Vous vous souvenez aussi qu’à peine eut-il achevé de conter son histoire, vous lui mites dix ducats dans la main, ajoutant qu’ils ne pouvaient être mieux employés qu’à secourir un orphelin. Il partit, vous laissant la promesse que si la fortune lui souriait, vous auriez des nouvelles de Handel.
SCHMIDT, se levant.
Ah ! le pauvre enfant ! que je voudrais savoir ce qu’il est devenu.
HANDEL se levant aussi.
Je suis Handel.
SCHMIDT.
Eh ! quoi ! vous seriez...
HANDEL.
Oui, mon cher Schmidt. Je vous trompais quand je vous dis que j’avais perdu mes parents ; ce fut un tour d’écolier ; je m’étais mis en tête d’être marin, et j’avais fui la maison paternelle.
SCHMIDT.
Ah ! si je l’avais su !
HANDEL.
J’exprimai à mon père mon repentir par des lettres, mais je n’eus pas de réponse, et il mourut, je le crains, sans me pardonner.
SCHMIDT.
Air de Fielding.
Qu’entends-je ? quoi ! dans sa colère,
En mourant, il a persisté !
Ah ! c’est se montrer trop sévère,
Et Schmidt ne l’eut pas imité.
Oui, sa conduite est condamnable
Il aurait dû vous pardonner ;
Mais son fils, encor plus coupable,
N’aurait pas dû l’abandonner. (bis.)
HANDEL.
Après avoir long-temps erré, j’eus enfin le bonheur d’amasser de grands biens dans la factorerie de Calcutta.
SCHMIDT.
Et vous venez de débarquer à Hambourg ?
HANDEL.
Avec cent ducats dans ma bourse. Le reste est au fond de la mer ; et Handel, après trente ans, vient vous payer sa dette, presqu’aussi pauvre que lorsqu’il vous quitta.
SCHMIDT.
Je ne prendrai pas un florin de vos cent ducats.
HANDEL.
Ce n’est pas ce que je vous demande : je désire que vous preniez ce qui est à vous.
SCHMIDT.
À moi ?
HANDEL.
Oui, j’ai sauvé encore ce portefeuille ; voyez : votre nom est écrit dessus.
SCHMIDT, lisant.
« À Schmidt. » C’est juste... et qu’est-ce qu’il contient ?
HANDEL.
La récolte de votre charité. Je commençai il y a trente ans avec vos dix ducats ; je mis à part les dix premiers que je gagnai, comme étant à vous ; ils se sont élevés à dix mille. Prenez, cela ne pouvait arriver plus à propos.
Air : Des plaisirs permis à la terre. (d’Aristipe.)
Chargé du courroux de son père,
Sans vous, jadis, un pauvre enfant
Allait, d’une longue misère,
Payer la faute d’un moment. (bis.)
Mais vos bienfaits à son destin funeste
Ont mis un terme, et maintenant son cœur
Vient goûter le plaisir céleste
De secourir son bienfaiteur. (bis.)
Il lui donne le portefeuille.
SCHMIDT presse la main de Handel et rend le portefeuille.
Non, gardez, gardez.
HANDEL.
Pourquoi refuser ?
SCHMIDT.
Je vais vous le dire. L’autre jour, je prêtai à un ami, le bénéfice de tout mon commerce pour le tirer d’embarras : il est parti.
HANDEL
L’infâme !...
SCHMIDT.
Vous le traitez d’infâme, et que serais-je, moi, si je vous privais de tout ce qui vous reste ?
HANDEL.
Cet argent est le vôtre. D’ailleurs, je suis jeune encore ;
Avec intention.
peut-être aussi, ai-je des espérances.
SCHMIDT.
Je ne prendrai pas ce portefeuille, je n’en suis pas moins reconnaissant, mais... je ne le prendrai pas.
HANDEL.
Vous avez des devoirs à remplir, vous avez une fille.
SCHMIDT, brusquement.
Je n’ai plus de fille.
Air : du Vaudeville de Julien.
Comme l’espoir de mes vieux jours,
La providenc’ m’ l’avait donnée ;
J’croyais voir prolonger le cours
De cette existenc’ fortunée.
HANDEL.
Ah ! vous étiez trop confiant ;
Car le bonheur, aux yeux du sage,
Est semblable à l’éclair brillant
Que l’on ne voit luire un instant
Que pour annoncer un orage. (bis.)
HANDEL.
Combien devez-vous ?
SCHMIDT.
Cinquante mille florins...c’est tout ce que je possède... Je recommencerai... mais depuis que j’ai perdu Marie, je n’ai plus de courage.
HANDEL.
Écoutez une proposition, mon vieil ami, permettez que j’arrange vos affaires avec les huissiers. J’aurai, s’il le faut, un intérêt dans vos bénéfices à venir. Faites cela, et je vous promets de vous rendre votre fille.
SCHMIDT.
Quoi ! me ramener mon enfant ! savez-vous où elle est ?
HANDEL.
Voulez-vous recevoir l’argent ?
SCHMIDT.
Oui, à ces conditions. Mais où est Marie ?
HANDEL.
Patience ! je ne dois pas vous le dire encore ; mais, j’en fais le serment, dans peu je vous l’amènerai.
SCHMIDT.
Quoi ! ici, dans la maison de son père ! et vous ne me trompez pas ?
HANDEL.
Fiez-vous à ma parole.
Scène VIII
HANDEL, SCHMIDT, WOLF, MADAME FRITZ, MARIE
WOLF, en dehors.
Not’ maître ! not’ maître ! réjouissez-vous !
SCHMIDT.
Quel est ce bruit ? serait-ce ?...
HANDEL.
Du courage, mon ami !
MARIE.
Mon père !
Elle tombe dans les bras de Schmidt.
SCHMIDT.
Ma fille ! ma chère Marie !
Air : Finale du 2e acte de Léonide.
SCHMIDT.
Doux instant, je l’ai revue !
Plus de regrets, de douleur !
Ah ! déjà mon âme émue
S’ouvre à l’espoir du bonheur !
MARIE.
Ah ! pardon, pardon, mon père !
SCHMIDT.
Chère enfant, rassure-toi ;
Tu reviens, et la colère
Est déjà bien loin de moi.
Ensemble.
Doux instant, etc.
MARIE.
Doux instant ! il m’a reçue ! etc.
MADAME FRITZ, HANDEL et WOLF.
Doux instant ! il l’a revue ! etc.
SCHMIDT, l’embrassant.
Ma chère enfant ! (bis.)
MARIE.
Ah ! quel bonheur ! (bis.)
TOUS.
Ah ! pour { moi quel bonheur !
{ lui
Sur un geste de Handel, Mme Fritz et Wolf se retirent.
Scène IX
HANDEL, SCHMIDT, MARIE
MARIE.
Ne me regardez pas avec cet air de bonté, mon père... je ne mérite pas...
SCHMIDT.
Comment avez-vous pu me quitter, Marie ?
MARIE.
Mon père !
SCHMIDT.
Je veux oublier tout, ma fille ; mais le véritable, le seul coupable, je saurai l’atteindre.
HANDEL.
Le connaîtriez-vous ?
SCHMIDT.
N’a-t-il pas eu l’audace de se présenter devant moi ?
MARIE.
Frédérick !
SCHMIDT.
Un monstre viendra déshonorer ma famille ! J’irai dans son hôtel, et morbleu !...
Scène X
HANDEL, SCHMIDT, MARIE, WOLF, L’HUISSIER, LES RECORS
WOLF, à l’huissier.
Ah ! pour cette fois, on vous recevra avec plus de plaisir que tantôt.
SCHMIDT.
Qu’est-ce encore !
WOLF.
Ces messieurs, qui vous apportent leur quittance.
L’huissier la remet.
SCHMIDT, prend la main de Handel.
Tout est payé !
HANDEL.
Vous savez nos conditions. Je vous ai rendu votre fille.
SCHMIDT.
Il semble que vous soyez envoyé par le ciel pour consoler le pauvre forgeron. Allons, ma fille !
MARIE.
Où, mon père ?
SCHMIDT.
Chez M. Muller.
MARIE, effrayée.
Grand Dieu !
HANDEL, bas à Wolf.
Porte cette lettre au conseiller Mindau. J’attends la réponse chez le greffier.
WOLF, à part.
Bon !... il y aura du tapage à l’hôtel, je saurai ce qui se à passera.
Finale.
Air de la Gazza ladra.
MARIE.
Ah ! mon père, daignez m’entendre,
Calmez ce visage irrité !
À part.
Hélas ! je ne puis me défendre
De craindre sa témérité.
Ensemble.
SCHMIDT.
Partons, partons, sans plus attendre,
Ne crains pas ma témérité ;
Va, je saurai lui faire entendre
La plainte d’un père irrité !
MARIE.
Ah ! mon père, daignez m’entendre,
Calmez ce visage irrité !
À part.
Hélas ! je ne puis me défendre
De craindre sa témérité !
HANDEL, à Schmidt.
À l’hôtel vous allez vous rendre :
Pourquoi ce visage irrité ?
Montrez plutôt pour, vous défendre
Du calme et de la dignité.
LES RECORS.
Allons, partons, sans plus attendre,
Nos mémoires sort acquittés ;
Nous n’avons plus rien à prétendre,
Recevez nos civilités.
LES GARÇONS et WOLF.
Partez, partez, sans plus attendre,
Votre compte est bien acquitté ;
Vous n’avez plus rien à prétendre,
Grâce à sa générosité !
Les garçons renvoient les recors ; Schmidt sort avec Marie, Handel et Wolf se disposent à les suivre ; la toile tombe.
ACTE III
Le théâtre représente un salon dans l’hôtel de M. Muller. Au fond, un vestibule qui laisse apercevoir un jardin : des portes à droite et à gauche conduisant à l’appartement de Muller et à celui de Frédérick ; une table couverte d’un tapis, des fauteuils, des cartons rangés sur des tablettes.
Scène première
CARL, VALETS occupés à décorer le salon
CHŒUR.
Air : Ah ! quelle gêne !
Point de paresse,
Qu’avec adresse,
Avec zèle chacun s’empresse,
Et que la fête
Que l’on apprête
À not’ maître fasse honneur. (ter.)
CARL, donnant des ordres aux valets.
Peters, ici vous placerez des fleurs ;
Ce soir, c’est là que nous mettons les femmes,
Et la fraîcheur et l’éclat de ces dames
Feront pâlir leurs brillantes couleurs.
CHŒUR.
Point de paresse, etc.
Les valets sortent.
Scène II
HANDEL, CARL
Handel paraît au fond ; un valet lui fait signe de s’adresser à Carl.
HANDEL.
Monsieur le Greffier ?
CARL, s’avançant vers Handel.
Mon maître ne tardera point à rentrer, Monsieur. C’est dans une heure que M. le Greffier donne ses audiences si vous voulez l’attendre...
HANDEL.
M. Frédérick Muller n’est pas ici non plus ?
CARL.
Il est dans son appartement.
HANDEL
Allez l’avertir.
CARL.
Votre nom, Monsieur ?
HANDEL.
Qu’il vienne ; son intérêt l’exige.
CARL, à part.
Qu’il vienne ! quel ton ! quel air d’autorité ! Prévenons M. Frédérick de cette bizarre visite.
HANDEL, rappelant Carl.
Dites-moi, Monsieur Muller donne donc une fête aujourd’hui ?
CARL.
Sans doute, bal, concert, souper, pour que chacun s’amuse selon son goût.
Air : Lise épouse.
Danse pour les demoiselles,
Leurs amants y sont près d’elles ;
Souper pour les grands parents,
Bien importuns, bien gourmands :
Lorsqu’à la fille on en conte,
Au concert dort la maman
Et chacun trouve son compte
Dans les fêtes d’à présent. (bis.)
HANDEL.
Même air.
Ce n’est pas là l’ordinaire ;
On a vu même au contraire,
De ces concerts tant suivis,
Par une fugue finis ;
Le créancier qu’on affronte,
Dit alors en enrageant :
On ne trouve pas son compte
Dans les fêtes d’à présent. (bis.)
CARL, à part.
Voilà un singulier personnage, avec ses réflexions.
HANDEL.
Et quel est le motif de cette brillante réunion ?
CARL.
Monsieur marie son fils ; c’est ce soir qu’on signe le contrat.
HANDEL.
Dès ce soir ?
À part.
Ah ! monsieur Frédérick, vous étiez indigne d’être aimé de la pauvre Marie !
Carl sort.
Scène III
HANDEL, seul, promenant ses regards sur l’appartement
Quel luxe ! quelle magnificence ! Quand je quittai Hambourg, cet hôtel avait d’autres maîtres, moins riches que le propriétaire actuel ; et c’est aujourd’hui M. Muller, petit fils d’un meunier, devenu greffier... Que de dossiers, de paperasses ! Le cabinet d’un faiseur d’affaires est an vaste tombeau, où viennent s’engloutir les fortunes ; et lors qu’elles ont pris fin, il élève un carton à leur mémoire... chacun porte une épitaphe
Lisant.
« Succession d’Ernest Muller. » Ah ! celle-ci me semble prématurée ; mais voici sans doute M. Frédérick.
Scène IV
HANDEL, FRÉDÉRICK amené par Carl qui se retire aussitôt
HANDEL.
Je vous demande pardon, monsieur, de me présenter en costume aussi modeste au milieu des apprêts d’une noce ; mais un pauvre naufragé...
FRÉDÉRICK.
Vous avez fait naufrage ? votre malheur vous sert de recommandation, monsieur. Sans doute vous venez solliciter des secours ; dispensez-vous de descendre aux prières, vous me voyez à vos ordres ; dites à l’instant-ce que vous désirez que je fasse.
HANDEL.
Je ne vous demande pas des services, je viens pour vous en rendre.
FRÉDÉRICK, étonné.
À moi ! monsieur. De quelle nature ? expliquez-vous...
HANDEL.
J’ai quitté tantôt la maison d’un pauvre artisan de votre connaissance, à peu de distance de cet hôtel ou vous êtes... j’y ai vu le comble de l’infortune, le désespoir, le déshonneur.
FRÉDÉRICK, interdit.
Monsieur...
HANDEL.
J’ai vu la malheureuse Marie.
FRÉDÉRICK.
Marie ! Oh ! ciel ! elle est de retour ? c’est elle qui vous envoie ?
HANDEL.
Non, monsieur ; elle dédaigne de vous implorer et de se plaindre, mais son père dont vous avez détruit le bonheur, le repos dont vous avez livré la vieillesse à l’opprobre, jamais il ne vous pardonnera.
FRÉDÉRICK.
Air : Depuis longtemps j’aimais Adèle.
Arrêtez, je vous en conjure !...
Est-ce bien moi que l’on peint sous ces traits ?
Ces reproches me font injure,
Je ne les méritai jamais !
À ce que mon père me demande,
Rien ne me fera consentir ;
En vair sa puissance commande,
Lorsque mon cœur me défend d’obéir. (bis.)
Jusqu’ici, monsieur, je n’ai point, il est vrai, osé avouer mon amour à mon père, mais j’étais du moins résolu à ne pas contracter an autre hymen, à conserver l’estime du monde et la mienne.
HANDEL.
Bien, monsieur, j’avais besoin de vous entendre parler ainsi, j’avais besoin de vous trouver vertueux. Maintenant, je puis, je dois agir. Ce langage vous étonne, j’ai le droit de le tenir. Faites que je voie monsieur Muller, dès qu’il sera de retour. Le sort de votre famille, je veux bien vous le dire, dépend de l’entretien que j’aurai avec lui.
FRÉDÉRICK, à part.
Les discours de cet homme me troublent malgré moi.
HANDEL, à part, et regardant vers le fond du théâtre.
Le forgeron ! il est donc enfin parvenu à terminer ses querelles avec tous les valets et à pénétrer jusqu’ici. Laissons-le seul, sans mettre aucun obstacle à ses desseins.
À Frédérick.
Venez, Monsieur.
Il l’emmène.
Scène V
SCHMIDT, MARIE, CARL
Air : Fragment de Picaros.
CARL.
C’est mon devoir,
Monsieur, daignez m’entendre
Il faut attendre
Qu’on veuille recevoir.
SCHMIDT.
Je veux le voir
Et je suis las d’attendre ;
Il doit m’entendre,
C’est aussi son devoir.
N’est-il pas temps qu’on m’introduise ?
Mais, j’y songe, mes vêtements
Ne sont que ceux des artisans :
Il est juste qu’on m’éconduise.
Ensemble.
Je veux le voir, etc.
CARL.
C’est mon devoir, etc.
MARIE.
C’est son devoir,
Daignez, daignez l’entendre ;
Il faut attendre
Qu’on veuille recevoir.
CARL.
Je vous le répète, vous ne pouvez voir mon maître en ce moment.
SCHMIDT.
Pas de ces réponses, je viens pour me faire rendre justice.
MARIE.
Je vous en supplie, calmez-vous.
SCHMIDT.
Taisez-vous, ma fille.
Prêt à se fâcher contre Carl qui ricane.
Est-ce ma tournure ou ce que je dis qui le fait rire ?
Lui donnant une pièce de monnaie.
Tiens, va dire au greffier que je veux lui parler... que j’attends.
CARL.
J’y vais, monsieur.
Il salue et sort.
Scène VI
SCHMIDT, MARIE
SCHMIDT.
Qu’avez-vous, Marie, pourquoi êtes-vous si tremblante ?
MARIE.
Je ne peux m’en défendre, je voudrais vous persuader de quitter cette maison.
SCHMIDT.
Je resterai jusqu’à ce qu’elle s’écroule.
MARIE.
Ah ! laissez-moi du moins dans cette salle, vous ne me ferez point aller avec vous.
SCHMIDT.
Ne pas vous amener avec moi ! j’irai, je vous présenterai à ses yeux, je le ferai rougir pour son fils... [ ] point d’ailleurs, que vous restiez dans une antichambre comme quelqu’un qui supplie.
MARIE.
Vous ne m’auriez pas refusée autrefois, mais, hélas ! j’ai perdu votre amitié.
SCHMIDT, l’embrassant.
Cruelle enfant ! Tu sais bien que tout est oublié !
Scène VII
SCHMIDT, MARIE, CARL
CARL.
Entrez dans la pièce voisine ; il y a aussi quelqu’un qui attend, mais je vous ferai passer le premier...
SCHMIDT.
Je ne crois pas que ce procédé soit juste.
CARL, à part.
L’autre ne m’a rien donné.
SCHMIDT, à Marie, en montrant le fond du théâtre.
Puisque vous le voulez, Marie, allez m’attendre dans cette salle.
Il sort avec Carl et passe brusquement le premier.
Scène VIII
MARIE, seule
Pourquoi venir ici ? quel accueil nous y attend ? Des refus, des humiliations. Il vaut mieux nous résigner à nos maux, dévorer nos chagrins, fuir loin de cette ville, et, s’il est possible, oublier Frédérick.
Air du Billet de loterie.
Il me jurait une flamme éternelle :
À ses discours je crus sans m’alarmer ;
Il m’abandonne, il devient infidèle,
Je n’aime plus, je ne veux plus aimer.
2ème couplet.
Oui, sur mon cœur l’amour n’a plus d’empire,
Je hais l’ingrat qui m’avait su charmer ;
Que dis-je, hélas !... mon cour bat, je soupire,
Je l’aime encor... je veux toujours l’aimer !
Scène IX
MARIE, FRÉDÉRICK
FRÉDÉRICK, à part.
Mon père recevra la visite de cet étranger, quel qu’en soit l’événement.
Apercevant Marie.
Marie !
MARIE, surprise.
Frédérick !
FRÉDÉRICK.
Quoi ! vous ici !
MARIE, avec vivacité.
C’est bien involontairement que je vous importune.
FRÉDÉRICK.
Chère Marie, je vous retrouve !
MARIE.
Je voulais me taire, m’éloigner et cacher à tous les yeux ma douleur et mon amour...
FRÉDÉRICK.
Auriez-vous pu douter du mien, Marie ?
MARIE, soupirant.
Hélas !
FRÉDÉRICK.
On vous a dit qu’un autre hymen...
MARIE, l’interrompant.
Et si je l’ignorais, ces apprêts ne m’en instruiraient-ils pas ? oui, j’ai su que vous alliez vous marier. Ah ! Frédérick, qu’il est cruel de voir ainsi toutes ses espérances trompées ! alors, j’ai dû quitter l’asile que vous m’aviez donné, retourner près d’un père dont mon absence faisait le désespoir !
FRÉDÉRICK.
Vous avez cru à mon inconstance !
MARIE.
Je ne le voulais pas, mais il a bien fait.
FRÉDÉRICK.
Vous m’accusez !
MARIE.
Je n’ai rien dit, je crois, qui puisse vous chagriner.
FRÉDÉRICK.
Rien, chère Marie, ton âme angélique craindrait de laisser échapper un murmure ; mais je veux réparer les maux que je t’ai causés malgré moi.
Duo.
Air : De l’orage. (de Steibelt.)
Ah ! bannis la tristesse,
Je jure de t’aimer sans cesse ;
Qui, crois-en ma promesse,
Frédérick sera ton époux.
MARIE.
Hélas ! je n’ose pas encore
Concevoir un espoir si doux ;
J’obtiendrais l’ami que j’adore !
Le bonheur renaîtrait pour nous !
Ensemble.
Allons, plus de tristesse
Tu jures de m’aimer sans cesse ;
Oui, j’en crois ta promesse,
Frédérick sera mon époux.
FRÉDÉRICK.
Ah ! bannis, etc.
MARIE.
Vers ces lieux ton père s’avance,
Loin de ses regards je dois fuir.
FRÉDÉRICK.
Je saurai braver sa puissance,
Rien ne peut plus nous désunir.
Ensemble.
Ah ! bannis, etc.
MARIE.
Allons plus de tristesse, etc.
FRÉDÉRICK.
Un étranger qui te connait, qui t’aime, Marie, a promis de joindre ses efforts aux nôtres.
MARIE.
Mon protecteur ! ah ! courons implorer son appui.
Ils sortent.
Scène X
MULLER, CARL, qui va sortir, SCHMIDT, à une petite distance
MULLER, à Schmidt.
Je suis à vous dans l’instant
Appelant Carl.
Carl, je suis content des apprêts de la fête ; c’est très bien, nous brillerons à bon marché. Réunir l’éclat et l’économie, c’est le problème administratif le plus difficile. Toutes mes invitations ont été remises ?
CARL.
Oui, monsieur.
MULLER.
À merveille, ainsi j’aurai ce qu’il y a de plus distingué dans la ville, les conseillers, l’assesseur, le landmann, le notaire et le recteur : cette brillante soirée imposera silence à tous ces bruits de naissance abjecte, d’avarice sordide, que l’on répandait sur mon compte, et qui ont failli à faire manquer notre alliance avec la famille Mindau... Eh ! Carl ! dites à mon secrétaire d’écrire à ce faquin de Werner, que s’il ne répare point sa faute dans les vingt-quatre heures, il sera livré aux tribunaux et traité selon toute la rigueur des lois. Telle est la décision de M. le bourgmestre, elle est sévère, mais le crime est des plus graves Pourquoi cet homme a-t il séduit la fille de son voisin ? Pourquoi ne l’épouse-t-il pas ?
SCHMIDT, avec exclamation.
Eh ! oui, voilà un apprêt qui honore monsieur le bourgmestre, et dont tout le pays vous saura gré.
MULLER, se retournant vers lui.
Vous croyez, brave homme ? j’en suis charmé pour lui.
Carl sort.
Scène XI
MULLER, SCHMIDT
MULLER.
Approchez maintenant, je devine quel sujet vous amène. Je suis désolé, vraiment, de ce qui s’est passé ce matin, mais que voulez-vous, une fois que les procureurs, les huissiers, se sont emparés d’une affaire, il faut qu’elle ait son cours. Le cœur saigne sans doute, d’employer de telles rigueurs envers un honnête homme comme vous, mais malgré soi... Vous venez vous plaindre de ces poursuites ?
SCHMIDT.
Non, monsieur.
MULLER.
M’apportez-vous mon argent ?
SCHMIDT.
Pas davantage, votre huissier l’a reçu et voici la quittance.
Il la lui montre.
MULLER.
Ah ! monsieur Schmidt, si j’avais su !
À part.
Je me suis trop pressé.
SCHMIDT.
Je viens pour une affaire plus grave, plus douloureuse pour moi ; mais j’espère, d’après le langage que vous teniez tout à l’heure, que vous me ferez rendre justice.
MULLER.
Sans doute ; rendre justice ! c’est la moindre des choses. De quoi s’agit-il ?
Il s’assied.
SCHMIDT.
De la séduction de ma fille.
MULLER.
Encore une ! ah çà, la ville devient d’une immoralité inconcevable !
SCHMIDT.
Cela m’a fait du bien, de vous entendre dire que le devoir des magistrats est de punir de telles actions.
MULLER.
Certainement, mon ami ; ne voulez-vous pas prendre un siège ?
SCHMIDT.
Je vous remercie, monsieur, je connais la place qui me convient ; je ne suis pas ici, d’ailleurs, pour vous détailler posément et longuement mes griefs, mais pour obtenir une prompte justice et m’en retourner plus heureux que je ne suis venu.
MULLER.
Quel est l’offenseur ?
SCHMIDT.
Il habite cette maison, monsieur.
MULLER, indigné.
Quelqu’un de ma maison se permettre !... oh ! bien alors, je vais trancher net et vous satisfaire en deux mots : qu’il épouse votre fille.
SCHMIDT.
Il va en épouser une autre.
MULLER.
Il ne l’épousera pas, il épousera votre fille, ou si non... faire un pareil tort à monsieur Schmidt ! à un homme estimable, qui paye exactement ses dettes ! porter le trouble et la désolation dans sa famille !... Dites-moi, mon ami, a-t il quelque bien ?
SCHMIDT.
Oui, monsieur, et si vous n’y mettez obstacle, il deviendra bien plus riche par la suite.
MULLER.
Est-ce, du reste, un garçon honnête ?
SCHMIDT, en colère.
Honnête !... Je croyais vous avoir appris sa conduite.
MULLER.
J’entends, j’entends, ne vous fâchez pas, mon cher.
À part.
Cet homme est d’une vivacité !
SCHMIDT.
L’offense vous est connue, l’offenseur est en votre puissance, qu’attendez-vous encore ?
MULLER.
Que vous me disiez quel est le coupable. La séduction est un crime odieux, et un magistrat ne doit point faire de distinction entre les personnes. Mais ne mettons de passion à rien, et suivons les formalités. Voyons, de qui vous plaignez-vous, car encore faut-il que je sache son nom ?
Il prend une plume.
SCHMIDT.
Son nom ? Frédérick Muller.
MULLER, se levant.
Mon fils !
Il laisse tomber la plume.
SCHMIDT.
Air du ballet de la Fortune.
En vous j’espère,
Vous êtes un père
Et votre cœur
Sent ma douleur ;
Que ma détresse
Vous intéresse,
À ma vieillesse
Rendez l’honneur.
MULLER.
Est-il possible !
Eh quoi ! mon fils (bis.)
S’est compromis !
SCHMIDT.
Juge inflexible
Ce crime horrible,
C’est votre fils
Qui l’a commis.
Ensemble.
En vous j’espère, etc.
MULLER.
Dans cette affaire,
Ô ciel ! que faire !
Votre douleur
Touche mon cœur :
En vain il presse :
Pour sa détresse
Point de faiblesse...
Sauvons l’honneur !
MULLER, avec embarras.
On m’avait bien dit qu’on voyait souvent Frédérick chez vous, qu’il paraissait épris de votre fille.
SCHMIDT.
Quoi ! vous avez eu des soupçons, et vous ne me les avez pas communiqués !...
MULLER.
Ceci est une affaire malheureuse, monsieur Schmidt, il faut nous entendre, et...
Air : Un page aimait.
Par quelque léger sacrifice,
Entre nous il faut l’assoupir.
SCHMIDT.
Moi, je serais votre complice !
Peut-on le penser sans rougir ?
Et quand tous deux, d’intelligence,
Nous ferions tair’ la publique clameur,
Comment imposer silence
À la voix de notre cœur ?
Monsieur, je n’ai point murmuré quand vous avez réclamé l’argent que je vous devais ; trouvez bon à votre tour que je réclame l’honneur de mon enfant ; la justice est toujours la justice ; je suis, vous l’avez dit, un homme estimable, la séduction est un crime odieux et l’on ne doit point faire de distinction entre les personnes.
MULLER.
Mon fils s’oublier à ce point !
SCHMIDT.
En un mot, veut-il épouser Marie ?
MULLER.
Mon fils, épouser la fille d’un forgeron !
SCHMIDT.
Il a enlevé la fille d’un forgeron.
MULLER.
Monsieur Schmidt ! je crois qu’il se permet...
SCHMIDT.
Observez, je vous prie, monsieur le greffier, que je suis père et que je fais mon devoir.
MULLER.
Prétendriez-vous m’insulter chez moi ?
Il sonne.
Scène XII
MULLER, FRÉDÉRICK, HANDEL, SCHMIDT
FRÉDÉRICK, accourant.
Mon père, de grâce...
HANDEL, retenant Schmidt.
Arrêtez.
SCHMIDT.
Eh ! vous voilà ! chance de plus pour la justice !
MULLER, à Frédérick.
C’est vous, monsieur ! Voyez comme je suis outragé à cause de vous...
HANDEL, à Schmidt.
Ne laissez pas la colère gâter votre bon droit.
SCHMIDT.
Morbleu ! je me suis contenu jusqu’ici.
HANDEL.
N’ayons-nous pas des lois qui punissent les coupables ?
MULLER, à son fils.
Quel est encore ce monsieur dont vous m’attirez la visite ?
FRÉDÉRICK.
Un étranger, mon père, et...
MULLER.
Un ami, à ce que je vois, de ce misérable ?
FRÉDÉRICK.
Mon père !
HANDEL, à Schmidt.
Laissez-moi parler.
SCHMIDT.
À la bonne heure ; aussi bien, votre tête vaut mieux que la mienne.
MULLER, à Handel.
Quel droit avez-vous, monsieur, de vous mêler de mes affaires domestiques ?
HANDEL.
Malgré mon zèle à défendre un père de famille offensé, sachez que dès mon enfance je m’intéressai aux Muller.
MULLER.
Dès votre enfance, monsieur ?
À part.
Ah ! diable !
HANDEL.
La Westphalie est ma patrie ainsi que la vôtre ; je naquis sur vos premiers domaines.
MULLER.
Vraiment !
À part.
Que le ciel le confonde ! il aura entendu parler de mon grand père le meunier.
Scène XIII
MULLER, FRÉDÉRICK, HANDEL, SCHMIDT, CARL
CARL, à Muller.
Le notaire et les personnes que vous avez invitées pour la signature du contrat, arrivent à l’instant.
FRÉDÉRICK, à Muller.
Signer mon contrat ! et avec qui donc, monsieur ? je vous déclare...
MULLER.
Silence ! songez à l’honneur que nous fait la famille Mindau.
Aux autres.
Messieurs, une nombreuse société me réclame ; vous le voyez, je ne puis plus longtemps m’occuper...
HANDEL remonte la scène et dit d’une voix élevée.
Pourquoi ? faites entrer le notaire, nous en aurons besoin ; faites entrer les personnes invitées, nous ne craignons pas la publicité.
Scène XIV
MULLER, FRÉDÉRICK, HANDEL, SCHMIDT, CARL, LE NOTAIRE, LES INVITÉS
CHŒUR.
Air : Vaudeville de la veuve du Malabar.
Célébrons cette fête,
Bientôt un heureux hymen,
Qu’ici l’amour apprête,
Doit embellir leur destin.
MULLER, bas à Handel.
Sur l’état de mon grand-père,
Gardez le silence, monsieur.
HANDEL.
Par son travail, sa probité sévère,
Il prépara voire bonheur ;
Et loin d’en rougir, de le taire,
Vous devez vous en faire honneur.
MULLER.
Peste soit du sermonneur !
CHŒUR.
Célébrons cette fête, etc.
Les personnes invitées se placent sur les côtés et au fond du salon ; le notaire s’assied à la table ; Schmidt, Handel, Frédérick et Muller sont sur le devant.
Scène XV
MULLER, FRÉDÉRICK, HANDEL, SCHMIDT, CARL, LE NOTAIRE, LES INVITÉS, WOLF, VALETS
WOLF, aux valets.
Je vous dis que j’entrerai ; puisque mon maître est ici, je puis bien y être aussi, j’espère... d’ailleurs, j’apporte une lettre à monsieur Handel ;
Il la remet à Handel.
Pardon, si je vous dérange, monsieur ; mais c’est la réponse.
HANDEL.
Merci, mon ami.
WOLF, aux valets.
Maintenant, je vais sortir...
HANDEL.
Non, reste ; un brave garçon, comme toi, n’est déplacé nulle part, pas même chez un greffier, et je veux que ta signes au contrat.
WOLF.
Quoi ! vous en êtes déjà là ?
MULLER.
Voilà qui est un peu fort ! vous prétendez donc décidément, que mon fils épouse la fille d’un forgeron, lorsque la fille du premier conseiller...
HANDEL, à mi-voix.
Et vous croyez peut-être, vous, que la fille du premier conseiller épousera le petit fils d’un meunier ?
MULLER.
Monsieur !
HANDEL.
Détrompez-vous, lisez cette lettre.
MULLER.
L’écriture de M. Mindau !
Après avoir lu.
Grand Dieu ! le mariage est rompu.
HANDEL.
Vous voilà dégagé de vos promesses, monsieur ; rien ne s’oppose plus...
MULLER.
Non, je ne m’allierai jamais...
HANDEL.
Si la morale est impuissante, que l’intérêt vous détermine, je vous en avertis : vous refusez de nous écouter parce que vous êtes riche, mais vous ne l’avez pas toujours été et vous pouvez cesser de l’être.
MULLER.
Finissons, messieurs ! plutôt que de me rendre, je sacrifierais tous mes biens.
HANDEL, avec force.
Vous n’êtes pas digne de les garder ! et malheureusement vous avez excité contre vous la colère d’un frère aîné auquel ils appartiennent.
MULLER, troublé.
Que dites-vous ? j’avais jadis un frère, mais il abandonna la maison paternelle.
HANDEL.
Il est devant vous.
MULLER.
Vous, Ernest Muller !
Morceau d’ensemble.
Fragment de Leycester.
MULLER.
Qu’ai-je entendu ? quoi ! c’est mon frère !
Ah ! pour moi quel funeste jour !
Sans doute il va, par sa colère,
Signaler ici son retour.
HANDEL.
Puisque Muller hésite à faire
Leur félicité dans ce jour,
Oui, je saurai, par ma colère,
Signaler ici mon retour.
SCHMIDT et FRÉDÉRICK.
Ah ! pour moi quel destin prospère
L’a ramené dans ce séjour !
Il rend la joie au } cœur d’un père,
Il fléchira le }
Je devrai tout à son retour !
TOUS LES AUTRES PERSONNAGES.
Qu’ai-je entendu ? quoi ! c’est son frère !
Pour Muller quel funeste jour !
Sans doute il va, par sa colère,
Signaler ici son retour.
HANDEL.
Trop coupable d’une faute de jeunesse, je n’aurais pas réclamé mes droits, si je n’avais trouvé un frère oubliant à ce point. son origine et son devoir.
Courant à un cabinet.
Venez, Marie.
Scène XVI
MULLER, FRÉDÉRICK, HANDEL, SCHMIDT, CARL, LE NOTAIRE, LES INVITÉS, WOLF, VALETS, MARIE
HANDEL.
Venez !
Air : du Vaudeville de la Servante Justifiée. (Porte Saint-Martin.)
Quand vous étiez dans l’indigence,
Chacun ici vous dédaignait ;
Ah ! recevez la récompense
Des vertus qu’on méconnaissait :
Votre sort, qui les importune,
Va changer, je l’ai résolu :
Vous avez toute leur fortune.
MARIE.
Frédérick n’a donc rien perdu ? (bis.)
SCHMIDT, à Handel.
Écoutez donc, monsieur, pouvons-nous accepter ainsi ?...
HANDEL.
Souvenez-vous que ce matin, je suis devenu votre associé, que nous avons mis tous nos fonds en commun. Maintenant, comment dissoudre la société ?
SCHMIDT, attendri.
Eh bien ! arrangez ce compte comme vous voudrez.
FRÉDÉRICK.
Chère Marie ! tu le sais,
À Handel.
Et vous aussi, monsieur, vous le savez, j’avais juré d’unir à jamais nos destinées.
HANDEL.
Eh bien ! Muller, faut-il écrire ces deux noms ?
MULLER, très troublé, cherchant à cacher son dépit et son embarras.
Eh ! mon Dieu ! dans la position où vous me mettez... encore tout ému du retour inespéré d’un frère chéri... que je connaissais à peine... qui a les droits les plus sacrés sur l’héritage... sur mon cœur, veux-je dire... que puis-je vous refuser ?
HANDEL, souriant.
Bien, mon frère ! aimons-nous maintenant.
SCHMIDT, à Frédérick en lui tendant la main.
Vous êtes pardonné, jeune homme, mais celui-là ne serait pas digne de l’être, qui ne réparerait pas ses torts envers un père de famille outragé.
CHŒUR.
Célébrons, etc.
SCHMIDT, au public.
Air : Je n’ai pas vu ces bosquets de lauriers. (d’Athènes à Paris.)
Obéissant à la voix de l’honneur,
Je réclamais une prompte justice ;
Mais mon bon droit soutenait mon ardeur,
Et je comptais sur un arrêt propice.
Loin d’avoir un espoir égal,
Et devant vous perdant ma confiance,
Je crains, en ce moment fatal,
La justice du tribunal,
Et n’implore que sa clémence. (bis.)
CHŒUR.
Célébrons, etc.