Le Camp des bourgeoises (DUMANOIR)
Comédie en un acte, mêlée de couplets.
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Gymnase-Dramatique, le 1er décembre 1855.
Personnages
LAJONCHÈRE
MADAME LAJONCHÈRE (ADRIENNE)
FERNANDE, nièce de Lajonchère
CHRISTIAN, son prétendu
Un salon, chez Lajonchère.
Porte principale à gauche, au premier plan. Cheminée à droite, en face de cette porte. Fenêtre au fond et au milieu. Aux angles, deux portes celle du côté gauche communiquant au cabinet de Lajonchère ; l’autre à l’appartement d’Adrienne. Guéridon au milieu du salon. À gauche du guéridon, un fauteuil, et près de ce fauteuil une table à ouvrage. Une chaise derrière le guéridon. Une causeuse-duchesse près de la cheminée, au premier plan. Chaises et fauteuils.
Scène première
FERNANDE, puis LAJONCHÈRE
FERNANDE, assise à gauche du guéridon, tenant un ouvrage de broderie et réfléchissant.
Avant-hier, une lettre d’excuses... Hier, personne... Il faut espérer qu’aujourd’hui...
LAJONCHÈRE, sortant de son cabinet et allant à la porte d’entrée, qu’il entr’ouvre.
Joseph !... Vous tiendrez mon américaine prête pour rois heures précises.
FERNANDE.
Ah ! trois heures, c’est juste... mon petit oncle va sortir, comme tous les jours...
LAJONCHÈRE, s’ajustant devant la glace.
Oui, ton petit oncle va sortir...
FERNANDE.
Dans son américaine...
Riant.
C’est drôle !
LAJONCHÈRE.
Qu’est-ce que tu trouves de drôle dans une américaine ?... Voyons ?
FERNANDE.
C’est que... il n’y a pas deux ans... quand vous étiez encore notaire... vous n’aviez qu’un coup bien simple, bien...
LAJONCHÈRE, achevant.
Bien bonhomme... va, dis le mot.
FERNANDE.
Un vieux cheval...
LAJONCHÈRE.
Très bonhomme aussi... un Caleb de cheval... Va donc.
FERNANDE.
Et aujourd’hui, une américaine dans le dernier genre !... un beau cheval anglais... ou irlandais, je crois... avec des rubans rouges aux oreilles !...
LAJONCHÈRE, se rapprochant du guéridon.
Dame ! Je ne suis plus notaire... J’ai changé de cheval.
FERNANDE.
Dans ce temps-là, vous ne seriez pas sorti sans une cravate bien blanche, un habit...
LAJONCHÈRE.
Bien noir, c’est vrai... J’ai changé aussi d’habit.
FERNANDE.
Mais regardez-vous donc !... quelle tenue de jeune homme !... Seriez-vous du Jockey-Club, mon oncle ?
LAJONCHÈRE.
Non, mais je postule.
FERNANDE.
Enfin...
S’arrêtant.
Mais je n’ose pas dire cela.
LAJONCHÈRE, devant la glace, passant un petit peigne dans ses favoris.
Ose, ma nièce, ose... on peut tout dire, avec des circonlocutions... Va toujours.
FERNANDE.
Eh bien ! il me semble que... avant la vente de votre étude... vous aviez les cheveux plus gris.
LAJONCHÈRE.
Ah ! tu l’as remarqué ?... C’est que j’en ai fait supprimer les blancs...
FERNANDE, naïvement.
Et vous en avez fait ajouter des noirs ?...
LAJONCHÈRE.
Oh ! quelques-uns... très peu... pour remplacer les anciens retirés du service.
FERNANDE.
Il ne vous manque plus, mon petit oncle, que d’aller vous promener aux Champs-Élysées, dans votre américaine, avec tous ces beaux équipages qui passent tous les jours dans notre rue... Eh ! tenez !...
Elle s’est approchée de la fenêtre.
Ah ! la jolie calèche !...
LAJONCHÈRE.
Voyons.
FERNANDE.
Une jeune dame seule...
LAJONCHÈRE, à part.
Oh !
FERNANDE.
Quel magnifique mantelet de dentelles !
LAJONCHÈRE.
Oui... c’est du point d’Alençon.
FERNANDE, se retournant.
Plaît-il ?... Vous connaissez le point d’Alençon, mon oncle ?
LAJONCHÈRE.
De réputation... j’en ai beaucoup entendu parler.
FERNANDE, s’éloignant de la fenêtre.
Et vous le distinguez d’ici, du deuxième étage ?
LAJONCHÈRE.
Je suis presbyte.
FERNANDE.
Vous ?... mais vous étiez myope autrefois !
LAJONCHÈRE.
Oui, oui, toujours quand j’étais notaire... parce que, des lunettes, ça fait bien, pour lire un contrat... ça complète un officier ministériel... Mais j’ai changé ça aussi... j’ai passé presbyte.
Air de Lantara.
Puisque j’ai changé de voiture,
De cheval, et, ce qui vaut mieux,
Puisque j’ai changé de tournure,
D’habit, et même de cheveux...
FERNANDE.
Soit, je comprends ces changements heureux.
Mais, voir de loin, vous, myope naguère !...
LAJONCHÈRE.
C’est cependant facile à concevoir :
Gaiement.
Lorsque chez moi je change tout, ma chère,
Je dois changer ma manière de voir.
FERNANDE.
Et, tous ces changements-là, c’est pour plaire à ma tante ?
LAJONCHÈRE.
Justement... pour plaire à Adrienne.
FERNANDE.
Ah ! c’est bien, cela... D’abord, ma tante est si jolie !...
LAJONCHÈRE.
Eh ! eh !... elle a la trentaine, Adrienne.
FERNANDE.
Vous avez bien la cinquantaine, vous, mon oncle.
LAJONCHÈRE.
La quarante-cinquaine, s’il vous plaît... Ne me grève pas d’un lustre.
FERNANDE.
Et puis, c’est d’un bon exemple pour les jeunes gens qui se marient...
Soupirant.
Surtout pour quelqu’un... qui en a besoin, de bons exemples !
LAJONCHÈRE.
Qui donc ?... Ce n’est pas de Christian que tu veux parler ?
FERNANDE.
Si fait, précisément... Tenez, mon oncle, je n’en ai peut-être pas l’air, mais j’ai bien du chagrin au fond... Il ne m’aime plus, n’est-ce pas ?
LAJONCHÈRE.
Comment ! il ne t’aime plus ?... Mais vos publications sont faites, le contrat est dressé par mon successeur, votre mariage est... imminent... Quelle diable d’idée as-tu là ?
FERNANDE.
Voyons, mon oncle, quand vous étiez sur le point d’épouser ma tante, ne veniez-vous pas tous les jours, tous les jours, lui faire visite ?
LAJONCHÈRE.
Tous les jours, régulièrement, les dimanches compris... Les prétendus travaillent le dimanche, comme les facteurs.
FERNANDE.
Eh bien ! monsieur Christian, lui, ne travaille même pas dans la semaine... Il n’est pas venu avant-hier.
LAJONCHÈRE.
Il nous a écrit qu’il avait un dîner de garçons... le dernier... son dîner d’abdication...
FERNANDE.
Mais, hier, il n’a pas même écrit.
LAJONCHÈRE.
Il viendra aujourd’hui, tantôt.
FERNANDE.
Ce n’est pas tout... Lui, autrefois si modeste, si réservé, il a pris depuis peu un petit air avantageux !...
LAJONCHÈRE.
Ah ! c’est un air qui court... il aura attrapé ça sur le boulevard des Italiens... Mais ça se dissipera en ménage...
Lui prenant le bras.
Quand nous vivrons ensemble, ici, tous les quatre.
FERNANDE.
Oh ! que ce sera gentil !... Les quatre places de votre calèche... les quatre places d’une loge... Car, une fois mariée, j’irai au spectacle... partout...
Vivement.
Ah ! je n’ai pas vu ma tante hier au soir... S’est-elle bien amusée au Gymnase ?
LAJONCHÈRE.
Amusée ?... Elle est rentrée furieuse !... et, sans madame Defrène qui l’accompagnait, elle serait partie après le premier acte.
FERNANDE.
Bah !... Et pourquoi donc ?
LAJONCHÈRE, étourdiment.
Eh ! mon Dieu ! toujours sa toquade.
FERNANDE, étonnée.
Sa ?...
LAJONCHÈRE.
C’est un mot qui se dit à mon cercle... c’est un néologisme distingué, que nous traduirons, si tu veux, par idée fixe.
FERNANDE.
Laquelle ?
LAJONCHÈRE.
L’idée fixe de toutes les dames de notre société, depuis la femme de l’avoué de première instance, qui porte un peu de diamants, jusqu’à celle de l’agent de change, qui en porte beaucoup... L’idée qui les irrite... les agace... les exaspère... chaque fois qu’elles reviennent, soit du spectacle, soit des Champs-Élysées, soit des courses de Longchamps.
FERNANDE.
Je n’y suis pas du tout.
LAJONCHÈRE.
C’est-à-dire, chaque fois qu’elles ont rencontré...
FERNANDE.
Quoi ?
LAJONCHÈRE, à part.
On peut tout dire, avec des circonlocutions...
Reprenant.
Chaque fois qu’elles ont rencontré... tiens ! une calèche comme celle que tu viens de voir passer... une de ces calèches toutes neuves, comme une pièce d’or qui sort de la monnaie, avec un cocher minutieusement cravaté, deux chevaux couronnés de pompons... et, à demi couchée sur le reps des coussins, une jeune et jolie femme, seule... toujours toute seule... tenant un bouquet de vingt-cinq francs, et dont la robe de soie déborde audacieusement de la voiture, exposant aux outrages du macadam ses volants à cinq étages... Eh bien, voilà ce qui leur prend sur les nerfs... voilà la toquade d’Adrienne.
FERNANDE.
Je ne comprends pas beaucoup... mais je comprends moins encore pourquoi ma tante est sortie mécontente de la représentation d’hier...
Scène II
FERNANDE, LAJONCHÈRE, ADRIENNE, sortant de son appartement et tenant un petit journal
ADRIENNE.
Ah ! pourquoi ?...
LAJONCHÈRE.
Tiens ! elle va te répondre elle même.
FERNANDE.
Bonjour, ma tante.
ADRIENNE.
Bonjour, Fernande... Ah ! tu demandes pourquoi ?... Parce qu’il est inouï qu’on ne puisse aller dans un théâtre sans tomber sur une pièce qui vous représente ces demoiselles, qu’ils appellent des dames aux camélias, des filles de marbre, des femmes du demi-monde... est-ce que je sais ?
LAJONCHÈRE, à part.
Bon ! voilà Adrienne sur son grand cheval de bataille, je demande à m’asseoir.
Il s’assied à gauche du guéridon.
ADRIENNE.
Qu’est-ce que vous dites là ?... Est-ce moi seulement qui me plains ?... Je parle au nom de toutes les femmes... qui pensent, qui disent tout bas ce que, moi, j’ose dire tout haut.
LAJONCHÈRE.
C’est cela... le camp des bourgeoises.
ADRIENNE.
Non, monsieur, le camp des femmes honnêtes, qui sont indignées de l’importance qu’ont prise ces...
S’animant.
Mais, pour qu’on en fasse des héroïnes en cinq actes, il n’y a donc plus que ces créatures au monde ?... il n’y a donc plus qu’elles qui soient jeunes, jolies, séduisantes ?... Dites-le.
LAJONCHÈRE.
Je proteste.
ADRIENNE.
Aussi, j’étais furieuse... et, sans cette petite madame Defrène, qui est affamée de spectacle...
FERNANDE.
Vous seriez partie ?
ADRIENNE.
D’autant plus que j’étais dans une baignoire, où nous étouffions...tandis qu’une foule de ces charmantes personnes se prélassaient aux avant-scènes... Car elles accaparent les meilleures places, et toutes les lorgnettes sont braquées sur elles... Tous ces petits messieurs de l’orchestre sont comme cela, tenez...
Elle fait le signe de lorgner à droite et à gauche.
C’est pitoyable !
LAJONCHÈRE.
Ah ! ah ! ah ! ah !
ADRIENNE.
Vous riez ?
LAJONCHÈRE.
Non... je gémis.
Il se lève.
ADRIENNE.
Air de l’Écu de six francs.
Ainsi chaque soir nous ramène
L’original et le portrait :
Quand Marco paraît sur la scène,
Marco dans sa loge paraît,
Et c’est la même, trait pour trait
Vos peintres de mœurs... trop fidèles,
Ont pour eux des bravos tout prêts,
Quant ils exposent leurs portraits
Devant un jury de modèles.
Mais j’espère me dédommager ce soir.
FERNANDE.
Ah ! une pièce nouvelle ?
ADRIENNE, lisant.
« PYRAME ET THISBÉ. » Ce titre-là, au moins, offre quelque chance... il faut espérer qu’il ne sera pas question là-dedans de mesdemoiselles Marguerite Gautier et compagnie... J’ai écrit ce matin à Christian, pour le prier de me louer une avant-scène.
FERNANDE, vivement.
Et il vous apportera le billet ?
ADRIENNE.
Je l’attends.
FERNANDE, prenant sa corbeille à ouvrage.
Oh ! alors, je me retire... Je lui en veux trop, je lui garde rancune...
LAJONCHÈRE.
Mais, puisqu’il revient te voir...
FERNANDE.
Par hasard... par-dessus le marché... en apportant un coupon... Non, non, non !... il faut qu’il demande grâce pour ces deux jours d’absence, et je lui ferai attendre longtemps son pardon.
LAJONCHÈRE, la suivant.
Allons donc !... Fernande !...
FERNANDE, sortant à droite.
Très longtemps !
Scène III
LAJONCHÈRE, ADRIENNE
ADRIENNE.
Et elle a raison... Est-ce qu’on peut être tranquille maintenant ?... est-ce qu’on peut être sûr de personne... depuis l’invasion de ces péronnelles ?...
LAJONCHÈRE.
Allons donc !... Christian !... un si charmant garçon !...
ADRIENNE, à demi-voix.
Mais on dit qu’elles aiment aussi les charmants garçons...
LAJONCHÈRE, à part.
Elle sait tout, Adrienne.
ADRIENNE, achevant.
Pour se consoler des autres, apparemment... Eh ! tenez... hier, à cette maudite représentation... j’entendais, de ma place, causer les locataires de la loge voisine... baignoire n° 17... C’était une de ces dames, à qui probablement il fallait le mystère de la loge grillée, et un de vos charmants garçons, je suppose... car elle lui offrait une bague...
LAJONCHÈRE.
Une bague ?... tiens, tiens !...
ADRIENNE.
Et, comme il hésitait à l’accepter... « Bah ! lui dit-elle en riant aux éclats, vous craignez de la montrer à votre sœur ou à votre maman ?... » Quel style !... « Prenez donc, et vous leur direz qu’elle vous vient d’une tante de province, qui vous l’a envoyée avec un panier d’abricots... Vous devez avoir une » tante quelque part... dans un trou de l’Auvergne ou du Jura... » Et voilà comme elle pervertissait ce petit malheureux !...
LAJONCHÈRE, gravement.
L’espoir de sa famille !... c’est affreux !
ADRIENNE.
Vous riez encore ?...
LAJONCHÈRE.
Non, je gémis toujours.
CHRISTIAN, au dehors.
Madame est là ?...
ADRIENNE.
Ah ! enfin ! c’est Christian !...
Scène IV
LAJONCHÈRE, ADRIENNE, CHRISTIAN
CHRISTIAN.
Lui-même, chère madame... qui s’est empressé d’exécuter vos ordres.
ADRIENNE, gaiement.
Vous avez ma loge ?
CHRISTIAN.
La voici.
Il lui présente un coupon de loge.
Monsieur Lajonchère...
LAJONCHÈRE, lui prenant la main.
Ce bon Christian ! quelle complaisance !...
CHRISTIAN.
Mademoiselle Fernande ?...
LAJONCHÈRE, bas.
Chut !... On est fâché contre vous... mais j’arrangerai l’affaire.
ADRIENNE, qui a ouvert le coupon.
Hein !... qu’est-ce que vous m’apportez là ?
CHRISTIAN.
Ce que j’ai pu trouver de mieux... une loge du rez-de-chaussée, tout en face.
ADRIENNE.
Mais je voulais une avant-scène !
CHRISTIAN.
Il n’y en avait plus... J’ai tenu à m’en assurer, à consulter la feuille de location... j’ai vu qu’en effet toutes les loges d’avant-scène étaient louées par...
Il s’arrête.
ADRIENNE.
Par ?... Oh ! allez, je m’y attends.
CHRISTIAN, riant.
C’est que... ce sont des noms...
ADRIENNE.
Que je vois venir... Allez.
CHRISTIAN.
Eh bien ! par mesdemoiselles Olympe Taupier, Elvire Moucheron et... Casse-noisette.
ADRIENNE, s’exclamant.
Qu’est-ce que je vous disais ?... Tout pour ces dames, tout !... Les meilleures loges, les plus beaux chevaux, les plus riches équipages !
LAJONCHÈRE, bas, en riant, à Christian.
Allons nous asseoir, elle ne fait que de commencer.
Il va s’asseoir à gauche.
ADRIENNE, continuant.
J’entre chez mon tapissier... je vois un délicieux meuble qui ne fait envie... « – Il est vendu, madame. – Ah !... à qui ?... – À mademoiselle Moucheron... ou Casse-noisette... » Cela ne manque jamais... Avant-hier, je remarquais chez ma modiste un bonnet de soirée, qui était une merveille. « Il est vendu, madame. – Ne me dites pas à qui ! me suis-je écriée... je sais, je sais !... » Et je me suis sauvée.
CHRISTIAN, à part.
Elle est magnifique dans ce rôle-là !
ADRIENNE.
Tenez ! je viens de voir passer une de ces dames en calèche découverte...
LAJONCHÈRE, à part, se levant et remontant vers la fenêtre.
Hum ! hum !
ADRIENNE, allant s’asseoir sur le fauteuil près du guéridon.
Une toilette scandaleuse !... Elle étalait sur les coussins une robe qui avait bien vingt mètres de circonférence !... des robes de leur invention.
CHRISTIAN, à part.
Ce qui fait que les femmes du monde n’en portent pas d’autres.
LAJONCHÈRE, s’appuyant sur le fauteuil d’Adrienne.
Va Adrienne va.
ADRIENNE.
À côté d’elle, un cachemire !... ah !...
LAJONCHÈRE.
Pas plus beau que le tien, allons... que les vôtres, à vous toutes.
ADRIENNE.
Oui, les nôtres, que nous gardons cinq ans... cachemires honnêtes et légitimés, ceux-là... mais toujours les mêmes... tandis que, dans ce monde-là, on en change toutes les semaines.
Vivement.
Je vous dis que cette créature avait sur elle une valeur de sept mille francs, sans parler des bijoux... J’ai fait le compte.
LAJONCHÈRE, avec ménagement.
Mais qu’est-ce que cela te fait, à toi ?
CHRISTIAN.
Au fait, madame...
LAJONCHÈRE.
Tu n’es pas jalouse ?
ADRIENNE, se levant.
Comment ! jalouse ?... par exemple !... Mais tout cela est. à nous, cela nous appartient, cela vient de chez nous... nous sommes volées, dévalisées !... Car, enfin, qui est-ce qui paye ces parures, ces coupés ?... nos fils, nos frères, nos maris... Vous, peut-être, Christian...
CHRISTIAN.
Ah ! madame !...
ADRIENNE.
Vous, monsieur Lajonchère...
LAJONCHÈRE.
Oh !
ADRIENNE, se radoucissant.
Vous, c’est une manière de parler... Je n’irai pas soupçonner un ancien notaire, un homme vertueux et chaste...
LAJONCHÈRE, grommelant.
Chaste, chaste...
ADRIENNE.
Vous êtes chaste... Mais il y en a d’autres qui se laissent prendre à ces peintures...
Riant aux éclats.
Car elles sont toutes peintes comme des enseignes !... ah ! ah ! ah !
LAJONCHÈRE.
Ah ! ah ! ah !
ADRIENNE, cessant tout à coup de rire.
Et c’est nous qui payons la dorure !
Air : de Turenne.
Tous ces présents, dont elles sont parées,
C’est notre bien, notre propriété...
Et dam ! pour nous ce sont là des denrées
De première nécessité...
Avec force.
Il est temps que l’autorité
Des cachemires adultères
Défende l’exportation,
En les rangeant dans la condition
Des substances alimentaires !
LAJONCHÈRE, riant.
Mais, chère amie, cela a toujours été ainsi...
CHRISTIAN, riant aussi.
Certainement, madame... même dans l’antiquité...
LAJONCHÈRE.
Oui, chez les Grecs... il y avait mesdemoiselles Laïs...
CHRISTIAN.
Phryné...
LAJONCHÈRE.
Aspasie... la petite Aspasie.
ADRIENNE.
Mais c’étaient des païens, ces gens-là !...
LAJONCHÈRE.
C’est juste... Ils avaient les mauvais exemples de Jupiter, qui se comportait mal dans son ménage... Mais, chez nous, sous Louis XV !...
ADRIENNE.
Mais vous n’êtes pas sous Louis XV, monsieur Lajonchère !... vous n’avez pas de poudre dans les cheveux, et une épée en verrou !
CHRISTIAN.
Ah ! c’est vrai, monsieur Lajonchère, vous n’avez pas cela.
LAJONCHÈRE.
Est-ce que vous allez vous mettre du part d’Adrienne, à présent ?
CHRISTIAN.
Eh ! mais...
LAJONCHÈRE.
Alors, je ne me charge plus de vous réconcilier avec Fernande.
CHRISTIAN.
Oh ! monsieur Lajonchère !...
ADRIENNE.
Au fait, ils sont brouillés.
Elle va s’asseoir sur la causeuse-duchesse, près de la cheminée.
LAJONCHÈRE.
Rien, rien... parce qu’il n’est pas venu pendant deux jours... mais le voilà, ce garçon, et je me fais fort d’opérer le rapprochement... Attendez.
CHRISTAN, lui tendant la main.
À la bonne heure !
LAJONCHÈRE, bas à sa femme.
Je n’ai jamais manqué à mes devoirs, moi, avant mon mariage !...
Prêt à sortir et revenant.
Ni après, diable ! ni après !...
ADRIENNE, sévèrement.
Monsieur Lajonchère !...
LAJONCHÈRE.
Je vais chercher Fernande.
Il sort par la porte à droite. Christian l’accompagne jusqu’à la porte, après avoir posé son chapeau sur la table à ouvrage.
Scène V
ADRIENNE, CHRISTIAN
CHRISTIAN, gaiement.
Ce bon monsieur Lajonchère !... excellent modèle pour les nouveaux maris !
ADRIENNE, secouant la tête.
Hum ! hum !
CHRISTIAN, à part.
Oh ! quelle bonne occasion d’éclaircir mes doutes sur mon coquin d’oncle futur !... Vite, avant qu’il revienne...
Il s’assied à droite du guéridon.
ADRIENNE, jouant avec un écrin.
Hum !... un modèle...
CHRISTIAN.
Oui, madame, oui... le modèle des époux... bon, fidèle, attentif...
ADRIENNE.
Ah ! ah ! ah !... Qu’est-ce qui vous prend donc ?... vous parlez comme un article nécrologique !
CHRISTIAN, continuant.
Empressé, généreux... Eh ! tenez, j’insiste sur ce dernier mot, qui me paraît renfermer un devoir, une prescription du mariage... Comment payer tous les trésors que nous prodigue une femme jeune, jolie, si ce n’est par ces mille petits présents dont nous parons notre idole ?... Le bracelet est le prix du bras qu’il entoure ; le cachemire, des épaules qu’il couvre et protégé... Ah ! dame ! on paye comme on peut... Pour ma part, je ne suivrai jamais d’autres principes que ceux-là, et d’autre exemple que celui de votre mari.
ADRIENNE.
Mon mari ?... généreux ?
CHRISTIAN.
Est-ce qu’il ne l’est pas ?
ADRIENNE.
Oh ! mon Dieu, comme tous les autres... dans les premiers temps... pour commencer... mais on finit bientôt par trouver l’idole suffisamment parée.
CHRISTIAN.
Oh ! madame !...
À part, en se levant.
Nous y voilà !
Haut, en s’approchant d’elle.
Il n’y a pourtant pas bien longtemps encore...
ADRIENNE.
Quoi ?
CHRISTIAN.
Le dernier cadeau qu’il vous a fait...
ADRIENNE.
Lequel ?
CHRISTIAN.
N’était-ce pas un mantelet ?... quelque chose comme cela ?... il y a deux ou trois jours...
ADRIENNE.
Il y a deux ou trois jours ?
CHRISTIAN.
Enfin, des dentelles, je crois ?
ADRIENNE, riant et se levant.
Ah ! grand dieu !... D’abord, c’étaient des volants de dentelles noires... et puis, il y a bien six mois !...
CHRISTIAN, à part.
Ah ! scélérat de Lajonchère !...
Haut.
C’est cela... il y a six mois, des volants, c’est ce que je voulais dire...
À part.
Ah ! le vieux Jupiter !... il a une Danaé !
LAJONCHÈRE, en dehors.
Mais viens donc !
CHRISTIAN.
Le voici !... Ne lui parlez pas de cela, ménagez sa modestie !...
Scène VI
ADRIENNE, CHRISTIAN, LAJONCHÈRE, FERNANDE
LAJONCHÈRE, amenant Fernande.
Mais, quand je te dis qu’il est désolé !... qu’il en pleure !...
Bas à Christian.
Pleurez un peu !
CHRISTIAN, allant à Fernande.
Pardonnez-moi, mademoiselle Fernande... Comment refuser l’invitation de quelques bons amis, qui, au moment de mon mariage, m’offrent un diner d’adieux ?...
LAJONCHÈRE, étourdiment.
Oui, un diner de condoléance...
À part.
Ah ! diable ! qu’est-ce que je dis donc ?...
Haut.
C’était impossible... Et, là dessus, voilà que sa tête se monte... elle s’imagine même que vous avez un air...
Le regardant.
Mais non, vous avez l’air d’un grand garçon qui va se marier, voilà tout.
ADRIENNE, allant à Fernande.
Allons, Fernande, qu’est-ce que cela signifie de se bouder ainsi, avant le mariage ?...
À part.
Elle escompte l’avenir, cette petite.
Haut.
Voyons, donnez-vous la main.
CHRISTIAN.
Oh ! de tout mon cœur !...
Il serre la main de Fernande.
FERNANDE, jetant un cri.
Aie !... vous m’avez fait mal !
LAJONCHÈRE.
Lui ?
FERNANDE, retenant la main de Christian.
Qu’est-ce que vous avez donc au doigt ?... une bague,
LAJONCHÈRE et ADRIENNE, vivement.
Une...
FERNANDE, émue.
Je ne vous connaissais pas cette bague...
CHRISTIAN, s’efforçant de rire.
Eh bien... faites connaissance... Elle est jolie, n’est-ce pas ?
FERNANDE.
Qui vous l’a donnée ?...
Christian feint de n’avoir pas entendu.
Qui vous l’a donnée ?
CHRISTIAN.
C’est ma tante.
ADRIENNE, vivement.
Hein ?
LAJONCHÈRE.
Plaît-il ?
CHRISTIAN.
C’est ma tante de Pontarlier qui me l’a envoyée... avec un panier d’abricots.
ADRIENNE, à part.
Plus de doute !
LAJONCHÈRE, à part.
Ah ! le malheureux !
FERNANDE, les regardant, inquiète.
Mais... qu’est-ce donc ?... qu’avez-vous, ma tante ?
CHRISTIAN, à part, étonné.
Au fait, qu’est-ce qu’ils ont donc tous deux ?
ADRIENNE.
Laisse-nous, Fernande...
FERNANDE.
Comment ?...
ADRIENNE.
Rien qu’un instant... j’irai te rejoindre... t’expliquer...
FERNANDE, à part.
Ah ! mon Dieu !... mon Dieu !
Bas.
Vous voyez bien se passe quelque chose !...
ADRIENNE, bas, en l’emmenant.
Mais non, c’est pour causer de la corbeille...
LAJONCHÈRE, à part.
La corbeille d’abricots.
ADRIENNE.
Va, va.
CHRISTIAN, à part, pendant qu’Adrienne fait sortir Fernande.
Qu’est-ce qu’ils ont donc ?... Impossible qu’ils sachent...
Scène VII
LAJONCHÈRE, ADRIENNE, CHRISTIAN
ADRIENNE, après avoir échangé un regard avec Lajonchère, allant à Christian, et d’un ton bref.
Monsieur Christian !... cette bague ne vient pas de Pontarlier !
LAJONCHÈRE.
Non !
CHRISTIAN.
Pardon, madame... avec un panier de...
ADRIENNE.
Cette bague sort d’une baignoire !... N° 17 !
CHRISTIAN, à part.
Aïe !
LAJONCHÈRE.
Ah ! ah !
CHRISTIAN, à part.
Comment peut-elle savoir ?...
ADRIENNE, se contenant.
Je n’ajouterai pas un mot de plus... Vous sentez, monsieur, qu’il ne sied pas à une femme de mon âge d’aborder un pareil sujet... Je délègue à monsieur Lajonchère le soin de vous parler...
S’animant peu à peu.
Mais il est inouï qu’un jeune homme, que je croyais doué de sentiments élevés, abdique toute dignité, toute pudeur, et s’oublie au point de !...
Se contenant.
Je n’aborde pas ce sujet... C’est à monsieur Lajonchère qu’il appartient de qualifier votre conduite...
S’oubliant.
Qui est indigne, infâme, abominable !...
LAJONCHÈRE, bas.
Calme-toi, Adrienne... Je me charge de parler à monsieur, et de la bonne façon.
ADRIENNE.
Vous avez raison... Je sors... Je croirais me dégrader, que de m’occuper plus longtemps d’une femme qu’il ne me convient pas de juger...
Avec éclat.
C’est une drôlesse !...
S’arrêtant tout à coup.
Trouvez bon, monsieur, que je n’aborde pas ce sujet.
Elle sort à gauche.
Scène VIII
LAJONCHÈRE, CHRISTIAN
CHRISTIAN.
Ouf !... Enfin, elle est partie !...
Il s’assied sur la causeuse et s’essuie le front.
LAJONCHÈRE, s’approchant, d’un ton digne et froid.
Mais je ne suis pas parti, moi, monsieur !...
CHRISTIAN, sans l’écouter.
Où, comment, par qui a-t-elle pu apprendre ?...
LAJONCHÈRE, continuant.
Mais je ne crains pas d’aborder ce sujet, moi, monsieur !...
CHRISTIAN.
Maudite bague !...
LAJONCHÈRE.
Il ne m’écoute pas !...
Lui frappant sur l’épaule.
Je vous dis, monsieur, que je ne crains pas d’aborder...
CHRISTIAN.
Ah ! j’avoue que je ne savais plus quelle contenance garder devant votre femme...
Il se lève.
Mais enfin elle nous a quittés, il n’y a plus que vous, je respire.
LAJONCHÈRE.
Comment ! il n’y a plus que moi ?... Comment ! vous respirez ?... Permettez, monsieur...
CHRISTIAN.
Il s’agit maintenant de nous entendre, pour arranger cette malheureuse affaire...
LAJONCHÈRE.
Nous entendre ?...
CHRISTIAN.
Car j’aime Fernande, voyez-vous !... je l’aime sincèrement mille fois plus que l’autre... et, si mon mariage manquait, je me brûlerais la cervelle !... Mais, Dieu merci, vous êtes là pour me tirer d’embarras... Ça vous regarde, trouvez vite un moyen.
LAJONCHÈRE, stupéfait.
Plaît-il ?
CHRISTIAN.
N’importe lequel, ça m’est indifférent, pourvu que vous me tiriez de là.
LAJONCHÈRE.
Mais il est superbe !... Quand je m’apprête à vous accabler des plus sévères reproches !...
CHRISTIAN, souriant.
Vous ?...
LAJONCHÈRE, bondissant.
Il rit !... Je crois, le diable m’emporte, qu’il a ri !...
CHRISTIAN, le regardant.
Ah ! ah ! ah !
LAJONCHÈRE.
Encore !...
CHRISTIAN.
Donnons-nous la main, mon pauvre monsieur Lajonchère.
LAJONCHÈRE.
Monsieur !... je vous somme de m’expliquer...
CHRISTIAN.
Eh ! mon Dieu ! l’explication sera courte et facile.
Il prend le bras de Lajonchère, que celui-ci retire aussitôt.
Celle qui m’a donné cette bague... le n° 17... ma maîtresse enfin... adore les chiffons...
LAJONCHÈRE.
Mais je ne vous demande pas...
CHRISTIAN.
Attendez !... Passant avec moi en voiture devant un riche magasin de dentelles, elle avait remarqué un vêtement d’une exquise élégance...
LAJONCHÈRE.
Mais cela n’a pas le moindre rapport...
CHRISTIAN.
Attendez donc !... Dès qu’elle fut rentrée, je retournai à magasin, décidé à en rapporter ce joli mantelet... Car j’ai oublié de vous dire que c’était un mantelet en point d’Alençon...
LAJONCHÈRE, inquiet.
Hein ?...
CHRISTIAN.
On me répond qu’il n’est plus à vendre... qu’il a été acheté...
Accentuant les mots.
par monsieur Lajonchère, ancien notaire, qui l’enverra prendre dans la soirée.
LAJONCHÈRE, saisissant un prétexte.
Permettez !... j’ai ma femme...
CHRISTIAN, continuant, sans l’écouter.
Or, je viens de m’assurer, ici, à l’instant, que ledit mantelet n’est pas arrivé aux épaules de madame Lajonchère... D’où je conclus...
LAJONCHÈRE, effrayé.
Chut !
CHRISTIAN.
D’où je conclus...
LAJONCHÈRE.
Taisez-vous donc, malheureux !
CHRISTIAN.
Voilà l’explication... La trouvez-vous suffisante ?...
LAJONCHÈRE.
Trop !... beaucoup trop !...
À part.
Perdu !... trahi par un mantelet !... et je l’ai payé quinze cents francs !...
Il demeure consterné.
CHRISTIAN.
Ah ! mon Dieu ! quelle figure !...
Lui tendant la main.
Voyons, monsieur Lajonchère...
LAJONCHÈRE, à part, en le regardant de côté.
Au fait... il en est aussi... il est criminel comme moi... et le crime rend compatissant.
CHRISTIAN.
Eh bien ?
LAJONCHÈRE, baissant la voix et lui prenant les mains.
Eh bien ! qui !... là !
CHRISTIAN, le repoussant, d’un ton sévère.
Ah ! malheureux !... un ancien notaire !... et une femme jeune, jolie, élégante !... Vous n’aimez donc pas...
LAJONCHÈRE.
Adrienne ?... Si fait, morbleu !... Mais, que voulez-vous, mon pauvre Christian ?... l’exemple m’a entraîné... C’est à la mode, c’est très bien porté... et, ma foi, j’en porte, comme les autres...
Prenant à son tour un ton sévère.
Mais, vous !... au moment d’épouser Fernande !... et vous osez dire que vous l’aimez !
CHRISTIAN.
Certainement... et c’est à cause de cela... tous mes amis vous le diront... Il faut que jeunesse se passe, c’est un tribut à payer... et je me hâte de solder mes contributions... pour être plus tard tout à ma femme, sans regret, sans arrière-pensée... C’est ce que nous appelons un régime préservatif.
LAJONCHÈRE.
Voilà, voilà un régime que j’ai négligé de suivre !... Je n’ai pas eu de jeunesse orageuse, moi... ce qui est cause que j’ai une maturité orageuse.
Gaiement et lui prenant le bras.
Je crible mon contrat de coups de canif !... il en est lardé, mon bon !
Christian poussé, en riant, Lajonchère, qui tombe assis sur la causeuse.
CHRISTIAN, riant aussi et s’asseyant près de lui.
Air : Qu’il est flatteur d’épouser celle.
Diable ! modérez cette rage !
Si vous continuez, vaurien,
De votre acte de mariage
Bientôt il ne restera rien !
LAJONCHÈRE, gaiement.
Bah ! Les contrats, quand on y flanque
Ou le canif ou le couteau,
C’est comme les billets de banque,
C’est bon jusqu’au dernier morceau.
CHRISTIAN, confidentiellement.
Et... elle est jolie ?...
LAJONCHÈRE, hors de lui.
Ravissante !... et d’une gaieté !... elle rit toujours... La vôtre ?
CHRISTIAN.
Oh ! c’est différent... rêveuse et mélancolique... un saule pleureur.
LAJONCHÈRE.
Bah ?
CHRISTIAN, avec feu.
Ah ! Lajonchère !... c’est une élégie !... un poème !... une rêverie de Rosellen !
LAJONCHÈRE.
La mienne n’est qu’une chanson...
Il donne en riant des coups de poing à Christian.
Nous sommes donc deux profonds scélérats, mon brave Christian !
CHRISTIAN.
Hélas !
LAJONCHÈRE, vivement.
Oh ! une bonne idée !... Si nous... Tiens ! pourquoi pas ?
CHRISTIAN.
Je parie que vous avez la même pensée que moi ?
LAJONCHÈRE.
Si nous faisions ensemble...
CHRISTIAN.
Un bon petit dîner !...
LAJONCHÈRE.
C’est-cela !... en cabinet particulier !... à huis clos !...
Riant.
Huissier, faites retirer le public !
CHRISTIAN.
Bravo !... Quand ?...
LAJONCHÈRE.
Après demain !
CHRISTIAN.
Non, demain !
LAJONCHÈRE.
Non, aujourd’hui !
CHRISTIAN.
Touchez là !
Ils se lèvent.
LAJONCHÈRE.
Je dirai à ma femme que je dîne à mon cercle...
Gravement.
Ah ! mon petit Christian, quand vous serez marié, pas de cercle, mon ami !... ça rend le crime trop facile... C’est le cercle qui m’a perdu !... c’est le cercle qui nous perd tous !... Ah çà ! nous disons aujourd’hui, à six heures, n’est-ce pas ?... Nous irons vous prendre chez...
CHRISTIAN.
Ou, plutôt, c’est nous qui irons...
LAJONCHÈRE.
Comme vous voudrez... rue de...
CHRISTIAN.
Silence !... quelqu’un !
Il court vers la porte à gauche.
Votre femme !
LAJONCHÈRE, à part.
Oh ! l’adresse !
Il s’approche rapidement du guéridon, et écrit à la hâte quelques mots sur une petite feuille de papier, qu’il plie ; puis, il va prendre le chapeau de Christian, et y jette le papier. Adrienne est entrée, l’air froid, le regard pénétrant. Elle passe près de Christian, qui s’incline, et marche vers Lajonchère.
Scène IX
LAJONCHÈRE, CHRISTIAN, ADRIENNE
ADRIENNE, à demi-voix.
Eh bien ?
LAJONCHÈRE, avec aplomb, et remettant le chapeau de Christian sur la table à ouvrage.
Eh bien ! c’est fait... Je viens de lui parler de la bonne façon.
ADRIENNE.
Ah ?
LAJONCHÈRE.
Si, après tout ce que je lui ai dit, il retourne jamais chez cette demoiselle... ah ! ma foi ! c’est à y renoncer.
ADRIENNE.
C’est bien.
Elle le regarde fixement. Lajonchère cherche de plus en plus à se donner de l’assurance.
CHRISTIAN, à part.
Diable ! je n’ai pas eu le temps de lui donner l’adresse de la petite !... Ah !...
Il écrit rapidement au crayon sur son carnet, dont il arrache un feuillet.
LAJONCHÈRE, bas à sa femme.
Tu sais que, pour ces choses-là, on peut s’en rapporter à moi.
ADRIENNE, bas.
Oui, oui... Renvoyez-le.
Elle s’éloigne un peu vers la gauche.
CHRISTIAN, qui s’est approché par derrière de Lajonchère, glissant le papier dans la poche de son paletot.
À vous !
LAJONCHÈRE, bas.
Qu’est-ce que c’est ?
CHRISTIAN.
Son adresse !
LAJONCHÈRE.
Tiens !... j’ai mis l’autre dans votre chapeau !
CHRISTIAN.
Bien !
Il va prendre son chapeau.
ADRIENNE, bas à Lajonchère.
Il s’en va ?
CHRISTIAN, saluant Adrienne.
J’ose espérer, madame, qu’après m’avoir accablé de justes reproches... monsieur Lajonchère voudra bien prendre ma défense et solliciter ma grâce.
Il sort par la porte principale, en faisant des signes à Lajonchère.
Scène X
LAJONCHÈRE, ADRIENNE
ADRIENNE, après avoir fermé la parte, allant droit à son mari, qu’elle regarde fixement, pendant qu’il peigne ses favoris. D’un ton bref.
Ah çà ! monsieur... êtes-vous décidément devenu aveugle et obtus ?...
LAJONCHÈRE, surpris.
Obtus ?
ADRIENNE.
Vous n’avez pas vu l’éclair qui brillait dans mes yeux ?...vous n’avez pas deviné l’orage qui grondait sous mes paroles ?
LAJONCHÈRE, inquiet.
Adrienne !...
ADRIENNE, avec mépris.
Il ne vous est pas venu un instant à la pensée que cette porte communique à votre cabinet... qu’après avoir donné quelques ordres, je pouvais y entrer, dans ce cabinet !... et de là !...
LAJONCHÈRE, épouvanté.
Tout entendre peut-être !...
ADRIENNE.
Tout !
LAJONCHÈRE, à part.
Voilà le bouquet !
ADRIENNE, avec force.
À genoux, monsieur, à genoux !
LAJONCHÈRE.
Écoute, Adrienne !...
ADRIENNNE.
Taisez-vous !... À dater de ce jour, vous n’êtes plus mon mari, vous êtes mon esclave !... Vous ne ferez plus un pas hors de cette maison sans moi !
LAJONCHÉRE.
Ah ! mais !...
ADRIENNE.
Votre cercle, votre américaine, je supprime tout !
LAJONCHÈRE.
Ah ! mais !...
ADRIENNE.
Et enfin, cette adresse, que vous avez mise dans le chapeau de votre complice !...
Mouvement de Lajonchère.
Je la veux !
LAJONCHÈRE.
Ah ! c’est trop fort !
ADRIENNE, près du guéridon.
Je l’exige !... Écrivez ! là, à l’instant !... le nom de cette femme !... Écrivez !
LAJONCHÈRE, prenant son chapeau et l’enfonçant sur sa tête.
Eh madame ! bien ! non,
ADRIENNE.
Plaît-il ?
LAJONCHÈRE, avec énergie.
Puisque vous savez tout, je ne vous cacherai rien !... J’aurai le courage de mes débordements !... je serai cynique !
ADRIENNE.
Vous vous révoltez !... une émeute !...
LAJONCHÈRE, solennellement.
Non, madame, c’est une révolution !... Je brise le joug que vous avez posé sur ma tête !...
ADRIENNE.
Qu’est-ce que j’ai posé sur votre tête ?
LAJONCHÈRE.
Le joug, que je brise !... Je vais, de ce pas, diner avec Christian... et nous serons quatre !... quatre, vous l’avez entendu !... quatre !
Air des Amazones.
Des préjugés d’un notaire en ménage
Je suis, madame, à jamais détrompé !
La liberté succède à l’esclavage !
ADRIENNE, avec dédain.
Mais, voyez donc ce cheval échappé !
LAJONCHÈRE, vivement.
Bravo ! très bien ! du mot je suis frappé.
Avec feu.
Un cheval, soit, que son ardeur entraîne,
Qui, las du frein qu’il a longtemps souffert,
Rompt ses harnais, son licol et sa chaîne,
Prend le galop et va se mettre au vert...
Je romps enfin mon licol et ma chaîne,
Au restaurant je vais me mettre au vert !
ADRIENNE.
Vous me faites pitié !
LAJONCHÈRE.
Madame !...
ADRIENNE.
Oh ! que c’est beau !... un pauvre petit moment de courage une bouffée de résolution !... après quoi, vous viendrez humblement, lâchement, me demander grâce à deux genoux !
LAJONCHÈRE.
Jamais !
ADRIENNE.
Vous y viendrez !... Mais vous le payerez cher, votre pardon !
LAJONCHÈRE, ricanant, en mettant se gants.
Ah ! bah ?... quel prix ?
ADRIENNE.
Vous croyez peut-être qu’il vous suffira de me rapporter votre cœur ?... un cœur de notaire retiré, allons donc !... Oh ! vous le payerez plus cher que cela, votre pardon !...
LAJONCHÈRE.
Le prix !... on demande le prix !
ADRIENNE.
Ah ! messieurs, vous faites des folies pour ces créatures ?... Eh ! bien ! vous en ferez pour vos femmes !... voilà comme j’entends la vengeance !... Je veux vous ruiner, vous mettre hors d’état de continuer vos générosités... en ville !...
Avec rage.
Je veux trois cachemires à mes pieds !... deux chevaux alezans à mes pieds !... un bracelet de dix mille francs à mes pieds !...
LAJONCHÈRE, riant.
À votre bras, chère amie, à votre bras.
ADRIENNE.
Vous osez rire !... Eh bien, vous verrez !... vous verrez !
Elle sort furieuse.
Scène XI
LAJONCHÈRE, seul
Tant pis !...j’ai brûlé mes vaisseaux !... je les ai coulés !... Je suis content de moi...
S’essuyant le front.
Mais, après un coup d’État comme celui-là, on a besoin de s’étourdir, de se griser... Je veux me griser ce soir !... Où diable Christian a-t-il fourré l’adresse de sa petite ?... Ah ! dans cette poche...
Criant.
Joseph ! mon américaine !...
Allant à la porte par laquelle est sortie Adrienne, et criant plus fort.
Joseph ! mon américaine... Vous me conduirez chez mademoiselle...Voyons l’adresse...
Lisant.
« Mademoiselle...
Poussant un cri et tombant sur une chaise auprès du guéridon.
Ah !
La porte de gauche s’ouvre, et Christian paraît, tenant à la main un papier.
Scène XII
LAJONCHÈRE, CHRISTIAN
Christian marche vers Lajonchère, qui se lève aussitôt, s’avance à sa rencontre, et ils se présentent mutuellement les papiers qu’ils tiennent, en croisant leurs bras.
CHRISTIAN, lisant d’une voix sourde.
« Mademoiselle...
LAJONCHÈRE, continuant.
« Georgina...rue...
CHRISTIAN.
« Geoffroy-Marie... numéro... »
LAJONCHÈRE.
« 24 !... »
Ils froissent les deux adresses.
CHRISTIAN, ôtant de son chapeau un mantelet, qu’il déploie.
Connaissez-vous cela, monsieur ?
LAJONCHÈRE.
Quinze cents francs... parfaitement...
Il fourre le mantelet dans son chapeau, qu’il remet sur sa tête.
Où l’avez-vous trouvé ?
CHRISTIAN.
À qui l’aviez-vous donné ?
LAJONCHÈRE.
À Georgina !
CHRISTIAN.
Chez Georgina !...
Ils se croisent les bras et se tournent l’un vers l’autre.
Ainsi, monsieur, cette folle qui riait toujours...
LAJONCHÈRE.
Ainsi, monsieur, votre poème, votre élégie, votre saule pleureur... c’était...
CHRISTIAN, furieux.
Ah çà ! c’est donc un caméléon que cette Georgina ?
LAJONCHÈRE, de même.
C’est donc un kaléidoscope que cette femme là ?
CHRISTIAN.
C’est... c’est...
LAJONCHÈRE.
C’est une femme de la troisième catégorie !
CHRISTIAN.
Mais quand donc, monsieur, quand donc alliez vous chez elle ?
LAJONCHÈRE.
Tous les jours, de trois à cinq... Et vous ?
CHRISTIAN.
Tous les soirs, de huit à...
LAJONCHÈRE.
N’achevez pas !... Vous me rendrez raison !...
CHRISTIAN.
C’est moi qui suis en droit de vous demander...
LAJONCHÈRE.
Air de Jadis et aujourd’hui.
Au fait... avant que l’on ne rompe,
Quelle est donc la dupe entre nous ?
Est-ce vous que pour moi l’on trompe ?
Est-ce moi qu’on trahit pour vous ?
CHRISTIAN.
C’est moi, j’en suis sûr, c’est moi-même.
LAJONCHÈRE.
C’est moi, le fait n’est pas douteux !
CHRISTIAN, vivement.
À moins qu’au profit d’un troisième,
Elle ne trompe tous les deux !...
ENSEMBLE.
Elle nous trompe tous les deux !
LAJONCHÈRE.
C’est probable !
CHRISTIAN.
C’est certain !
LAJONCHÈRE, avec amertume.
Une femme que j’ai comblée de... d’actions au porteur !... à qui j’allais donner aujourd’hui même...
Poussant tout à coup une exclamation.
Ah ! malheureux ! quel souvenir !... Mon chapeau !
Il se précipite, en cherchant partout.
CHRISTIAN.
Quoi donc ?
LAJONCHÈRE.
Pourvu que j’arrive à temps pour tout arrêter à sa porte !
CHRISTIAN.
Mais quoi ?
LAJONCHÈRE, allant à lui.
Des cadeaux de toutes sortes, pour une somme folle, qu’on doit lui porter aujourd’hui même, à l’occasion de sa fête !...
CHRISTIAN.
Comment ! sa fête ?... je la lui ai souhaitée le mois dernier !
LAJONCHÈRE.
Et je la lui souhaite ce mois-ci !... Elle en a plusieurs !
CHRISTIAN.
Air de Madame Favart.
Ses noms sont Georgina Pauline !
LAJONCHÈRE.
Oui, pour vous, quand c’est votre jour !
Mais c’est Georgina Marceline,
Pour moi !
CHRISTIAN.
Quand c’est à votre tour !
LAJONCHÈRE, exaspéré.
Non-seulement elle s’avise
De dépouiller un notaire, un rentier...
La malheureuse dévalise
Jusqu’aux saints du calendrier !
Mon chapeau ! mon chapeau !
Il s’aperçoit qu’il l’a sur la tête, ct sort furieux par la gauche.
Scène XIII
CHRISTIAN, puis ADRIENNE
CHRISTIAN.
Et c’est pour une pareille femme que j’ai pu trahir, outrager la plus pure, la plus angélique des...
ADRIENNE, entrant et allant à Christian.
Monsieur Christian !... vous êtes perdu !...
CHRISTIAN.
Que dites-vous ?
ADRIENNE.
Je suis toujours indignée de votre conduite... mais je ne pouvais me résoudre à voir rompre votre mariage pour une faute due sans doute à l’entraînement, au mauvais exemple...
CHRISTIAN.
Oui, madame, oui, c’est cela !
ADRIENNE.
Je me disais : Il rompra cette liaison...
CHRISTIAN.
Elle est rompue, madame !... Je suis de ceux à qui il suffit d’une déception, et pour qui un seul jour vaut quelquefois des années d’expérience... Vous ne me comprenez pas, ça ne fait rien... Mais, de grâce ! achevez !... Fernande ?...
ADRIENNE.
Je m’efforçais donc de la calmer, de lui cacher votre trahison... Nous étions à la fenêtre de sa chambre... quand une calèche s’est arrêtée devant notre porte ; une dame, enveloppée d’un cachemire, et le voile baissé, a fait venir le concierge, et, lui présentant une petite canne, lui dit d’un ton irrité : « Remettez ceci à monsieur... » J’ai cru entendre votre nom... Fernande de même... et, tombant sur une chaise, la pauvre petite s’est mise à sangloter.
CHRISTIAN.
Ah ! mon Dieu !... je cours...
ADRIENNE.
Mais non !... attendez !... « Et dites-lui, a continué cette dame, que c’est de la part de mademoiselle Georgina. »
CHRISTIAN.
Georgina !... Plus bas, je vous en prie !
ADRIENNE.
Ah !
À part.
C’était bien la sienne...
Haut.
Il est clair qu’elle a rapporté cette canne ici, et non chez vous, pour tâcher de rompre votre mariage.
CHRISTIAN.
C’est indigne !
ADRIENNE.
Vous étiez perdu... il fallait vous sauver... Je me suis dévouée...
CHRISTIAN.
Ah ! madame !
ADRIENNE.
J’ai sacrifié mon mari !
CHRISTIAN.
Comment ?
ADRIENNE.
C’est toujours eux qu’on sacrifie... J’ai avoué à Fernande le crime de monsieur Lajonchère...
CHRISTIAN.
Vous saviez donc ?...
ADRIENNE.
J’étais là... J’ai soutenu qu’elle avait mal entendu le nom, que cette calèche était pour mon mari, et que la canne était la sienne...
CHRISTIAN, vivement.
Mais vous aviez raison, madame !... je vous jure...
ADRIENNE, vivement, et en baissant la voix.
Chut !... Fernande !... Soutenez-moi !... Tâchez de mentir !...
Scène XIV
CHRISTIAN, ADRIENNE, FERNANDE
FERNANDE, présentant une petite canne à Christian.
Monsieur Christian... cette canne est-elle à vous ?
CHRISTIAN, prenant la canne.
Non, mademoiselle.
ADRIENNE, à part.
Bravo !
CHRISTIAN.
Cette canne ne m’a jamais appartenu.
ADRIENNE, à part.
Quel aplomb il a !
FERNANDE, très émue.
Monsieur Christian... Je vous en prie... je vous en supplie... pas un mot de mensonge !... dites-moi la vérité !
CHRISTIAN, avec élan.
Vous ne voulez pas de mensonge ?... vous demandez toute la vérité ?... Eh bien ! la voici dans un seul mot : Fernande, je vous aime !...
ADRIENNE, à part.
Est-il adroit, ce monstre-là !
FERNANDE.
Je vous crois... oui... et cependant... Tenez, Christian, tenez jurez-moi, sur votre honneur, que cette canne...
Scène XV
CHRISTIAN, ADRIENNE, FERNANDE, LAJONCHÈRE
LAJONCHÈRE, s’avançant, chargé de cartons et de paquets.
C’est la mienne !... merci... Je croyais l’avoir perdue...
Il la prend.
ADRIENNE, très étonnée.
La vôtre !
FERNANDE, jetant un cri de joie.
Ah !
ADRIENNE.
La vôtre !... Mais elle vient d’être rapportée par...
Bas à Christian.
Alors, ce n’était donc pas...
CHRISTIAN.
Si fait...
ADRIENNE.
Comment se fait-il que ce soit maintenant...
CHRISTIAN.
Hélas !... Georgina cumulait.
ADRIENNE, devinant tout à coup, et partant d’un éclat de rire.
Ah ! ah ! ah ! ah !... Je suis vengée !... je suis heureuse !... ah ! ah ! ah ! ah !
LAJONCHÈRE, interdit.
Qu’est-ce qu’il lui prend donc ?
CHRISTIAN, bas, le poussant.
Le moment et bon, profitez-en !
LAJONCHÈRE, se jette à genoux et dépose ses paquets aux pieds d’Adrienne.
Grâce ! Adrienne !... Tiens ! je te demande pardon à genoux !
ADRIENNE, riant toujours.
Votre pardon ?...
LAJONCHÈRE, vivement.
Oh ! j’en sais le tarif... et je m’y conforme... Tu as demandé un beau cachemire ?... j’ai ça sur moi...
Il lui présente un carton.
CHRISTIAN, à part.
Cachemire égaré qui revient au bercail !
ADRIENNE, riant toujours.
Ce n’est pas tout !... J’ai dit : un bracelet...
LAJONCHÈRE, achevant.
Un bracelet très cher... J’ai ça sur moi.
Il lui présente un écrin.
ADRIENNE.
Ce n’est pas tout !... J’ai dit : deux chevaux alezans...
LAJONCHÈRE.
Ah !... je n’ai pas ça sur moi.
ADRIENNE.
Je fais crédit.
LAJONCHÈRE.
Et tu pardonnes ?
ADRIENNE, gravement.
Je vous condamne à dix ans de surveillance !
À part.
Je crois que dans dix ans je pourrai le lâcher...
Avec joie.
Ainsi, c’est cette femme !... c’est elle !... qui s’est chargée de ma vengeance !...
LAJONCHÈRE, virement.
Il est donc complètement inutile de t’en occuper... la besogne est faite... et bien faite...
Bas à Christian.
J’ai trouvé le troisième chez elle !
CHŒUR.
Air de Montaubry.
L’esclavage
Du ménage
Est un grand épouvantail :
On l’évite,
Mais bien vite
La brebis rentre au bercail.