Le Bras d’Ernest (Eugène LABICHE - Hippolyte LE ROUX)

Comédie-vaudeville en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal, le 26 janvier 1857.

 

Personnages

 

ERNEST

LÉON

ARTHUR

BIRABEN

IRMA

POCHETTE

UN GARÇON DE CAFÉ

 

La scène est à Paris, chez Léon.

 

Chambre de garçon, confortablement meublée ; une porte au fond ; quatre portes latérales ; cheminée et glace entre les deux portes, à gauche ; un bureau avec cartons et dossiers d’avocat en face à droite ; devant la cheminée une table servie.

 

 

Scène première

 

LÉON, POCHETTE, puis UN GARÇON DE CAFÉ

 

Pochette et Léon entrent par la droite du spectateur, au premier plan.

POCHETTE.

Allons, voilà qui est convenu... Adieu, Léon.

LÉON.

Adieu, Pochette !

POCHETTE, remontant.

N’oubliez pas mes lettres.

LÉON, la suivant.

Non, elles seront chez vous dans une heure... Mais ! que craignez-vous donc ?

POCHETTE.

C’est que mon mari est si jaloux !

LÉON, riant.

Ah ! M. Pochette !... le distillateur !... Allons, soyez heureuse, et ayez beaucoup de...

Il l’embrasse au front.

POCHETTE, riant, de même.

Ne dites donc pas de bêtises !...

Elle sort, et Léon referme.

LÉON, seul.

Ouf ! m’en voilà débarrassé !... Pochette ici !... Conçoit-on ce retour imprévu ?... Depuis six mois que nous nous étions quittés !...

Au garçon qui entre par le premier plan de gauche avec un plat qu’il met sur la table.

Eh bien ! Baptiste, ce déjeuner... avançons-nous ?...

LE GARÇON.

Oui, monsieur Léon... j’ai mis trois couverts.

LÉON.

Très bien !...

À lui-même en remontant vers la table.

Irma, Ernest et moi... deux couverts pour l’amour... et un pour l’estime !... C’est Ernest qui joue le rôle de l’estime... un rôle bête !

LE GARÇON, à part.

Je vais chercher le champagne.

Il sort au premier plan de droite.

LÉON, seul, continuant.

Quant à Irma, c’est ma... comment dirai-je ?... c’est ma marchande de gants !... Je lui offre à déjeuner tous les dimanches... parce que ses gants sont bien cousus... On ne saurait trop encourager... cette exception !

Regardant la table.

Aujourd’hui ce sera splendide ! des truffes ! du champagne !... Il est vrai que c’est pour la clôture... Pauvre Irma ! je lui ôte ma clientèle, je suis en train de me marier... par correspondance... Mon beau-père, M. Biraben, est un citoyen de Bayonne... je n’ai pas encore l’honneur de le connaître... mais il doit être féroce sur l’article des mœurs, car...

Appuyant.

il ne m’a écrit qu’une lettre très courte. « Monsieur, je ne veux pas sacrifier ma fille !... Franchement, avez-vous des maîtresses ? » Je lui ai répondu : « Moi ! des maîtresses ! Ah ! fi ! » Il a gobé ça, et ça marche ! Au reste, il peut prendre ses renseignements, j’ai pris mes mesures... grâce à Ernest...

Riant.

Ce brave Ernest !...

 

 

Scène II

 

LÉON, IRMA

 

IRMA, entrant par le fond, et à la cantonade de droite.

Ah ! bien, en voilà un pas gêné !...

LÉON.

Irma, à qui en as-tu ?...

IRMA.

C’est un monsieur en paletot blanc... très laid... qui me suit depuis la rue Vivienne... Il est bien tombé avec moi, s’il veut faire du chemin !...

Air : Adieu, je vous fuis, bois charmant.

Dès que me suit un barbichon,
Au nez en l’air, à l’œil qui brille,
Je le promène au Panthéon,
Du Panthéon à la Bastille...

LÉON.

C’est une course d’omnibus...

IRMA.

Mais avec cette différence
Qu’on la fait à pied, et de plus,
Qu’on n’ trouv’ pas de correspondance...
Mon cœur n’est pas comm’ l’omnibus,
Et n’ donn’ pas de correspondance.

LÉON.

Se serait-il porté à des voies de fait ?

IRMA.

Oh ! non !... il s’est contenté de me dire tout le long du chemin :

Marchant par imitation.

« Charmante ! charmante ! charmante ! »

LÉON.

Alors, c’est un platonique...

IRMA.

Toujours le même air !... J’avais envie de lui offrir un sou !...

Flairant autour d’elle.

Ah ! sapristi !

LÉON.

Quoi donc ?...

IRMA.

Ça embaume la truffe !

Elle se retourne et remonte à la table.

LÉON.

Mazette ! tu as du nez ! Si jamais j’ai une propriété dans le Périgord, je l’exploiterai... son nez !

IRMA, regardant la table servie.

Ordinairement c’est de la charcuterie... il y a donc une solennité aujourd’hui ?

LÉON, embarrassé.

Oh ! une petite solennité.

IRMA.

Laquelle ?

LÉON.

Je te dirai ça plus tard... au dessert.

IRMA, redescendant.

Ah çà ! je suis venue de bonne heure, parce que j’ai une course à faire pour le magasin... et comme le paletot blanc m’attend sans doute à la porte, tu vas me donner ton bras !

Elle veut le prendre.

LÉON, vivement.

Ah ! non, non !

À part.

Et Biraben !

Comme à lui-même.

Moi ! pas sortir avec les demoiselles.

IRMA.

Pourquoi ?

LÉON.

Parce que...

IRMA, insistant.

Encore ?...

LÉON, soudainement.

Parce que j’ai un coup d’air !

IRMA.

La semaine dernière, c’était une fluxion.

LÉON, gonflant sa joue.

Énorme !

IRMA.

On ne la voyait pas !

LÉON.

Elle était interne ! ce sont les plus douloureuses !

IRMA, avec un dépit croissant.

Dis tout de suite que tu ne veux pas sortir avec moi !

LÉON.

Oh ! tu ne le penses pas.

IRMA, traversant.

C’est toujours la même chanson ! Depuis six mois que je te connais, tu ne m’as pas offert ton bras une seule fois !... ça ne peut pas durer comme ça ! Quand on aime une marchande de gants, on la promène !

LÉON.

Mais de quoi te plains-tu ?... tu as le bras d’Ernest ! Ernest va venir... attends le bras d’Ernest.

IRMA.

Toujours le bras d’Ernest ! j’en ai assez à la fin ! voilà encore un joli monsieur !

LÉON.

Comment ! est-ce qu’il aurait manqué aux égards ?

IRMA.

Oh ! non ! mais il est ennuyeux comme la soupe grasse !

LÉON.

Cette opinion sur un ami...

IRMA.

Il est toujours à critiquer ma toilette.

Par imitation.

« Oh ! ma chère, votre chapeau n’est pas assez en arrière... votre châle tombe trop... votre robe ne bouffe pas assez... » Ah ! ah ! ah !

LÉON.

C’est de l’attention !

IRMA.

Et pour moi, pas un mot, pas un compliment... Vois-tu, ton Ernest, ce n’est pas un homme... c’est un promeneur... une machine à faire prendre l’air aux robes, voilà ce que c’est !

 

 

Scène III

 

LÉON, IRMA, ERNEST

 

LÉON, voyant paraître Ernest.

Chut ! le voici !

ERNEST.

Bonjour, mes petits perdreaux ! Est-ce que je suis en retard ?

LÉON.

Tu arrives à merveille... Irma a une course à faire.

ERNEST.

Une course ?

Levant le bras machinalement.

Voilà !

IRMA, à part, le montrant.

Voilà ! il est à ressort, cet homme-là !

Haut.

Voyons !... dépêchons-nous !

ERNEST.

Un instant !

Examinant la toilette d’Irma.

Oh ! Oh ! ma chère, votre chapeau n’est pas assez en arrière...

IRMA, impatientée.

Là !...

ERNEST.

Votre robe ne bouffe pas assez...

IRMA, remontant en lui tournant le dos.

Parbleu ! je l’attendais !

ERNEST, la retenant.

Qu’est-ce que c’est que ça ?... Un caraco ! Je ne sors pas avec un caraco !

IRMA.

Ah ! par exemple !

ERNEST.

Irma, vous me faites de la peine... vous vous négligez... nous nous tenions mieux que ça, autrefois.

IRMA.

Ne faut-il pas mettre des diamants pour aller faire une course ?

ERNEST.

Je ne vous demande pas de diamants... quoiqu’une jolie broche et deux ou trois bracelets... ça ne gâte rien !

LÉON.

Ah ! mais, un instant !

À part.

Comme il y va !

ERNEST.

Permets... je sors Mademoiselle... mais il faut que la toilette de Mademoiselle me fasse honneur ! Sans cela, quel plaisir veux-tu que j’éprouve à lui offrir mon bras ?

IRMA.

Eh bien ! il est poli !... Je vous remercie bien !

ERNEST.

Je ne crois pas être malhonnête... mais c’est aujourd’hui dimanche... il y a du monde dans les rues, et il me semble que je ne suis pas trop exigeant en vous priant d’aller mettre un châle !

IRMA.

Un châle !

ERNEST.

Je suis bien en habit, moi !

IRMA.

Eh ! je me moque bien de votre habit !

LÉON.

Voyons !... ne vous fâchez pas !

À Irma.

Je t’ai justement acheté un cachemire hier !

IRMA.

Un cachemire !... Ah ! que tu es gentil !...

Elle l’embrasse.

ERNEST.

À la bonne heure !

LÉON.

Il est là... dans mon cabinet...

IRMA, remontant.

Je vais le chercher... Il n’y a qu’une chose qui m’ennuie...

Montrant Ernest.

C’est de l’étrenner avec ce monsieur !

Elle sort en se moquant de lui, par le troisième plan de droite. Léon la suit.

ERNEST.

Allez ! allez ! on ne vous demande pas ça !

 

 

Scène IV

 

LÉON, ERNEST

 

ERNEST.

Malhonnête... et pas bien mise ! ça ne peut pas durer comme ça...

LÉON, redescendant.

Quoi donc ?

ERNEST.

Tu me fais promener des caracos... des robes à quarante sous le mètre !... Je suis fâché de te le dire, mon cher, mais tu me galvaudes... tu me galvaudes !

LÉON.

Comment ?

ERNEST.

Rappelle-toi nos petites conventions... il y a trois ans... c’était un matin... tu m’as dit : Mon cher Ernest, j’ai un service à te demander... je suis avocat... j’ai des ménagements à garder... voudrais-tu avoir l’obligeance d’offrir ton bras le dimanche à Rosine... Elle s’appelait Rosine dans ce temps-là !... moi, je vous suivrai à quinze pas... C’était cocasse !

LÉON.

Cette brave Rosine, c’était une bonne fille !

ERNEST.

Oui... tu lui avais donné une petite robe groseille qui m’a fait bien de l’honneur ! Moi, je t’ai répondu : J’accepte avec plaisir... mais à une condition.

Appuyant.

Il faut que ces dames soient bien mises... je ne veux pas promener de tartans ! jamais de tartans ! mort aux tartans !

LÉON.

Mais il me semble qu’un caraco...

ERNEST.

Le caraco est le premier degré du tartan !

LÉON.

Mais, qu’est-ce que ça te fait ? Si je les aime comme ça !

Il remonte.

ERNEST.

Tu les aimes !... mais tu ne les promènes pas... D’ailleurs, tu ne les as pas toujours aimées comme ça ? Rappelle-toi Pochette... la petite Pochette qui a succédé à Rosine.

LÉON, vivement.

Parbleu, si je me la rappelle !... elle sort d’ici !... elle est revenue !...

ERNEST.

Ah ! bah ?...

LÉON.

Et elle est mariée !...

ERNEST.

Ah ! bah ?...

LÉON.

À un distillateur !

ERNEST.

Ah ! bah ! bah !... Et bien ! ça ne m’étonne pas de sa part... À la bonne heure, en voilà une qui se mettait crânement !... seize bracelets ! huit broches et quatorze bagues !... et nous nous mettions tout sur le dos !... vlan ! et on disait : Ce satané Ernest ! mais il se ruine !... et ça ne me coûtait rien ! Tandis que maintenant on dit : Ah ! ce pauvre Ernest ! il est panne !... C’est très désagréable !

LÉON.

Je comprends !

ERNEST.

Tant mieux !

Confidentiellement.

Dis donc... Entre nous... est-ce que nous allons la garder longtemps ?

LÉON.

Qui ça ?

ERNEST, montrant la droite.

Et bien ! la ci-incluse... le caraco !

LÉON.

Ça finira peut-être plus tôt que tu ne penses !

ERNEST.

Bravo ! parle ! tu sais que les ruptures, ça rentre dans mes attributions... Je promène et je romps ! Voilà Ernest !

LÉON.

Dans ce moment, je couve un grand projet !...

ERNEST.

Ah bah ! du nouveau ! Dis donc !... tâche de prendre une actrice...

LÉON.

Plaît-il ?

ERNEST.

Ah ! j’aimerais tant à promener une actrice !... Je n’ai jamais promené d’actrices !

Air du Docteur Isambart.

J’ donn’rais l’ bras à mam’zell’ Rachel !
Ah ! ah ! ah !
Une autr’ fois à Mari’ Cabel !
Oh ! oh ! oh !
Surtout à Mad’leine Brohan...
Zimbadaboum, badaboum, patapan !
Et je s’rais fier comme Artaban !
Pan ! pan ! pan ! pan !

Il lui saute au cou.

LÉON.

Écoute-moi donc...

ERNEST, même air.

Je promèn’rai la Rosati.

LÉON.

Je vais peut-être... me marier !...

ERNEST.

Tiens ! moi aussi ! c’est-à-dire, on m’a refusé... pour la cinquième fois... Je ne sais pas ce que j’ai fait aux pères de famille ; ils me refusent tous !... sans me donner de raisons !... Alors, voyant que Paris ne me comprenait pas... je viens de m’adresser à la province... et voici ce qu’elle m’a répondu ce matin :

Tirant une lettre qu’il lit.

« Monsieur, je ne veux pas sacrifier ma fille... »

LÉON, étonné.

Hein ?

ERNEST, continuant.

« Non ! mille fois non !!! » Signé, Biraben.

LÉON.

Biraben !

ERNEST.

De Bayonne... tu connais ?

LÉON, vivement.

Du tout !

ERNEST.

Moi non plus !

À lui-même.

Ce doit être une huître... en chocolat !

LÉON, à part.

Mon futur beau-père !...Nous sommes rivaux !

 

 

Scène V

 

LÉON, ERNEST, IRMA, puis LE GARÇON DE CAFÉ

 

IRMA, rentrant.

Me voilà prête ! Ton châle est superbe.

ERNEST.

Voyons un peu ? Avancez, tournez.

Il la fait pirouetter.

IRMA.

Dites donc ! est-ce que vous croyez parler à un cheval ?

ERNEST, à Léon.

Sapristi !... ce n’est qu’un trois-quarts !... Nous descendons ! nous descendons !

Haut à Irma.

Au moins drapez-le !... vous portez ça comme un sac.

Il lui arrange son châle.

IRMA, à part.

Oh ! il finira par attraper une gifle !

ERNEST.

Voyons la chaussure... Qu’est-ce que c’est que ça ? des socques ! Je ne sors pas avec des socques !!!

IRMA.

Mais il fait de la crotte !

ERNEST.

Oh ! ça m’est égal ! je ne promène pas des socques !

IRMA, les ôtant, en avant de la porte du premier plan de gauche, avec impatience.

Eh bien ! c’est bon, je vais les retirer...

Levant ensuite son pied gauche qu’il prend dans sa main.

Tenez ! là ! êtes-vous content ?...

ERNEST, regardant la chaussure d’Irma et s’adressant à Léon, de loin.

Il nous faudra bientôt une paire de brodequins... Hé ! là-bas !

IRMA.

De quoi vous mêlez-vous ? allons ! votre bras !

ERNEST, offrant son bras droit.

Voilà !

IRMA, le faisant passer devant elle.

Le gauche !

ERNEST, lui donnant le bras gauche.

Ah ! oui !

À part.

Le droit, c’était Pochette... ça m’embrouille !

Ensemble.

Air : Friandise ! (Montaubry.)

ERNEST.

Je la mène,
La promène,
Rempli de soins complaisants.
Allons, vite,
Tout de suite
Et ne perdons pas de temps !

IRMA.

Il me mène,
Me promène
Sans aucuns soins complaisants ;
Allons, vite,
Tout de suite
Et ne perdons pas de temps.

LÉON.

Va, promène ;
Pour ta peine,
Vois deux cœurs reconnaissants...
Allez vite,
Tout de suite
Et ne perdez pas de temps.

Ernest et Irma sont ainsi remontés jusqu’à la porte.

LE GARÇON, entrant et à Léon.

Monsieur !

LÉON.

Quoi ?

LE GARÇON.

C’est un monsieur qui est là... voilà sa carte !

LÉON.

Un monsieur ?

ERNEST, à Irma, en la tatillonnant.

Tâchez de vous tenir droite !...

IRMA.

Vous m’ennuyez !

LÉON, regardant la carte.

Ah ! mon Dieu !

ERNEST et IRMA, revenant.

Quoi ?

LÉON.

Rien !

À part.

Biraben ! mon beau-père !...

Haut.

Tenez, passez, par là... vite !... l’autre escalier !

Il leur indique la porte de gauche, premier plan et les y pousse.

Reprise de l’ensemble.

Ernest et Irma sortent en se disputant à gauche, et Léon referme vivement la porte.

 

 

Scène VI

 

LÉON, LE GARÇON

 

BIRABEN, en dehors.

Voyons donc !... je drogue, moi !...

LÉON.

Vite ! Baptiste ! enlevons la table !...

LE GARÇON, l’aidant, à reculons.

Voilà !... voilà !...

LÉON, en la sortant avec lui par le premier plan à droite.

Un homme si féroce sur l’article des mœurs !

Puis il referme vivement sur le garçon sans bouger.

 

 

Scène VII

 

LÉON, BIRABEN

 

LÉON, à part.

Il était temps !

BIRABEN, avec accent méridional.

Eh bien ! mon gendre ! Vous ne m’attendiez pas ?

LÉON.

Non ! je vous avoue...

BIRABEN.

Je suis arrivé cette nuit de Bayonne... et je me suis dit... mais, qu’est-ce que vous faites donc collé sur cette porte ?

LÉON.

Rien... je vous offre une chaise.

Il la lui offre.

BIRABEN.

Merci !... Je me suis dit : C’est aujourd’hui dimanche... parbleu ! je veux voir si mon gendre est chez lui... à travailler !

LÉON.

J’allais m’y mettre !

BIRABEN.

Je ne vous cache pas que j’ai pris mes renseignements sur vous.

LÉON.

Ah !

BIRABEN.

Ils sont excellents ! travailleur !... secrétaire de la conférence des avocats... et pas de maîtresses !

LÉON.

Oh ! jamais !

Il rit sous cape.

BIRABEN.

Ni soupers !... ni dîners !... ni...

À part, flairant.

Ça sent la truffe !

Haut.

Ce n’est pas comme l’autre ! le galopin !

LÉON.

Qui ça ?

BIRABEN.

Un monsieur qui me demande ma fille... J’écris pour me renseigner, et j’apprends que ce turlupin se dandine sur les trottoirs de Paris avec des femmes à son bras ! Monsieur fait le paon ! Monsieur fait la roue au soleil devant Tortoni ! Polichinelle, va !

LÉON, riant à part.

Polisson d’Ernest !

BIRABEN.

Ma fille est une fleur,

Il prononce flur et ainsi de suite.

monsieur, et je cherche une autre fleur pour l’appareiller !

LÉON.

J’ose croire que vous trouverez en moi toutes les qualités...

BIRABEN.

D’abord, monsieur, je vous garantis ma fille, moi !

LÉON.

Je l’espère bien !

BIRABEN.

Elle est née à Bayonne... mais, pour l’innocence, on pourrait la croire d’Orléans... vous comprenez ?...

LÉON.

Parfaitement.

BIRABEN, à part, flairant.

C’est étonnant comme ça sent la truffe !

Haut.

Voulez-vous me permettre de déposer ma canne ?

LÉON, prenant son chapeau et sa canne, qu’il dépose au fond.

Donnez... donnez !...

À part.

Il a une bonne touche, le beau-père.

BIRABEN, à part.

C’est incroyable comme ça sent la truffe !...

Il entrouvre la porte à droite, au premier plan, et la referme vivement.

Une table servie !... Bigre !...

LÉON.

Quoi ?

BIRABEN.

Rien !

À part, avec méfiance.

Ah ! ah ! il paraît qu’on va fricoter !

Il passe à gauche.

LÉON, à part.

Il ne s’en ira donc pas ?...

Haut.

Eh bien ! beau-père ! êtes-vous pour longtemps à Paris ?

BIRABEN.

Pour quelques jours seulement... Je parie que je vous ai dérangé ! Vous alliez travailler ?

LÉON.

Ma foi ! je ne vous le cache pas... Une affaire très importante... très épineuse... que je dois plaider la semaine prochaine...

Il prend et feuillette avec affectation un dossier sur la table à droite.

BIRABEN, trouvant les socques d’Irma, à part.

Des socques de femme ! Diable ! diable ! diable !

LÉON, revenant vivement à lui avec son dossier.

Mais, si vous voulez... j’ai ma soirée, nous dînerons ensemble ?

BIRABEN.

Pardon !... vous habitez avec madame votre mère ?

LÉON.

Non.

BIRABEN.

Mademoiselle votre sœur, peut-être ?

LÉON.

Je n’en ai pas.

Il remonte étonné et reporte le dossier sur la table.

BIRABEN, à part avec force.

Alors, c’est une maîtresse ! Socques et truffes !... Il y a de la femme ici !

LÉON, revenant de même.

Voulez-vous que j’aille vous prendre à six heures ?

BIRABEN.

Désolé, mon cher ; j’ai rendez-vous au chemin de fer.

LÉON, remontant vivement et lui donnant son chapeau.

Au chemin de fer ?... Où allez-vous donc ?...

BIRABEN.

Mais... à Versailles... voir jouer les eaux !

LÉON, à part.

Quelle chance !

BIRABEN, à part.

Oh ! je le pincerai ! On n’est pas bête à Bayonne !

Haut.

Je ne vous propose pas de m’accompagner.

LÉON.

Je le voudrais, mais...

BIRABEN, remontant.

Oui, je sais que vous avez à travailler ! À demain.

LÉON, le suivant.

À demain !

Air : Vite, mon gendre, en carrosse (du Chapeau de paille).

BIRABEN.

Vite ! au travail, bon courage !
Pas de façons, pas d’embarras,
Vous déranger d’ votre ouvrage
Non, non, non, je ne le veux pas !

LÉON.

Allons ! partez, bon voyage ;
Surtout bien du plaisir là-bas...
Moi, je vais me mettre à l’ouvrage,
Et je ne le quitterai pas.

Biraben sort par le fond et Léon ferme.

 

 

Scène VIII

 

LÉON, puis LE GARÇON

 

LÉON, seul.

Ouf ! comme c’est heureux que les eaux jouent à Versailles ! Baptiste ! Baptiste !

LE GARÇON, dans la coulisse.

Monsieur ?

LÉON.

Vite ! la table ! et les autres qui vont revenir !

Il rapporte la table au milieu de la scène, aidé par le garçon, qui tourne sur lui-même. On frappe à la porte du fond.

Justement, les voilà ! Entrez !

 

 

Scène IX

 

LÉON, BIRABEN

 

BIRABEN, paraissant.

C’est encore moi !... J’ai oublié ma canne !...

LÉON, à part.

Sapristi !

BIRABEN, à part, en descendant à gauche.

On n’est pas bête à Bayonne.

D’un air goguenard, lui montrant la table.

Ah !... vous alliez travailler ?...

Le garçon sort par le fond et laisse la porte ouverte.

LÉON, embarrassé.

J’allais déjeuner, d’abord... un repas frugal.

BIRABEN, à part.

Du champagne ! Il y a de la femme ici.

LÉON.

À quelle heure part votre chemin de fer ?

BIRABEN.

Oh ! j’ai le temps !... dans une demi-heure...

LÉON, à part.

Mazette !

BIRABEN.

Je viens de me rappeler que j’avais une lettre à écrire.

LÉON, à part.

Et Irma qui va faire son entrée !

BIRABEN.

Puis-je vous demander, sans indiscrétion, du papier, une plume...

Il remonte.

LÉON, vivement, lui indiquant une porte.

Entrez là... dans mon cabinet.

BIRABEN.

Merci.

À part, avant d’entrer.

Je visiterai toutes les chambres.

Il entre à droite, troisième plan.

 

 

Scène X

 

LÉON, ERNEST, IRMA

 

LÉON, remonté derrière lui.

Heureusement qu’il va partir !

ERNEST, entrant, donnant le bras à Irma. Ils se disputent au fond.

Mais allez donc !... vous vous faites traîner.

IRMA.

Pourquoi marchez-vous si vite ?

LÉON, les faisant taire et passant entre eux, au fond, derrière la table.

Chut ! taisez-vous donc.

ERNEST.

Quoi ?

LÉON, cherchant, et à voix basse.

Un événement !... Oui, mon... père vient d’arriver !

ERNEST.

À Paris ?

IRMA.

Ah bah !

LÉON.

Il est là ! dans ce cabinet... Allez-vous-en !

ERNEST.

Sapristi !... je crève de faim !... tu ne pourrais pas lui donner une course ?

LÉON.

Ah bien oui ! il n’y a pas à plaisanter avec M. Biraben !

Il redescend de deux pas, et comme en perdant la tête.

ERNEST, vivement, en le suivant, ainsi qu’Irma.

Biraben ! mon beau-père !

LÉON, se remettant et les faisant remonter graduellement.

Non, non ! c’est ta diable de lettre !... j’ai ce nom dans la tête !... Je te parle de mon père... un homme féroce !... ancien capitaine de cavalerie !...

IRMA.

Ah ! mon Dieu !

ERNEST.

Eh ! bien, et notre déjeuner ?

LÉON.

Nous le ferons... plus tard... Mon père... va partir dans cinq minutes... promenez-vous cinq minutes.

ERNEST.

Oh ! cinq minutes !

BIRABEN, en dehors.

Là... voilà qui est fait !...

LÉON.

Chut !

Reprise de la sortie, scène V, à voix basse.

ERNEST.

Je la mène, etc.

IRMA.

Il me mène, etc.

LÉON.

Va, promène, etc.

Ernest et Irma sortent à reculons ; la porte reste ouverte.

 

 

Scène XI

 

LÉON, BIRABEN

 

BIRABEN, entrant avec un papier qu’il met dans son portefeuille.

Là !... voilà ma lettre !...

LÉON, tirant sa montre.

Je ne vous renvoie pas... mais vous n’avez plus que dix minutes...

BIRABEN.

Ah ! oui ! le chemin de fer ! Voyons... Est-ce que c’est vraiment remarquable, les eaux de Versailles ?

LÉON.

Oh ! je vous en réponds !... C’est féerique ! c’est magique ! c’est... vous n’avez plus que huit minutes !

BIRABEN.

Ah ! c’est si beau que ça !...

LÉON.

De toute beauté !...

BIRABEN.

Eh ! bien, alors, j’irai...

Mouvement de joie de Léon.

J’irai dimanche prochain.

LÉON.

Hein ?

BIRABEN.

Aujourd’hui... je veux vous faire une surprise !

LÉON.

Quoi ?

BIRABEN.

Je vais déjeuner avec vous ! sans façon !

LÉON, à part.

Sapristi !

BIRABEN.

Ça ne vous contrarie pas ?

LÉON.

Comment donc ! j’allais vous inviter !

Il remonte avec inquiétude vers le fond.

BIRABEN, à part.

Je lui mange ses truffes... et au dessert s’il ne m’explique pas les socques, je lui refuse ma fille ! Voilà comme nous sommes à Bayonne !

LÉON, à part, prenant une chaise au fond.

Si je pouvais faire prévenir Irma !

BIRABEN, regardant la table.

Tiens ! trois couverts !

LÉON, à part.

Bigre !

BIRABEN.

Vous attendiez quelqu’un ?

LÉON.

Pas précisément !... C’est-à-dire si ! vous ! vous !

Il place la chaise pour lui au milieu de la table, et s’efface.

BIRABEN, à part.

Il barbote !

Haut en prenant le milieu de la table et indiquant le couvert de gauche.

Et le troisième ?

LÉON.

Le troisième ?... c’était... c’était pour...

ARTHUR, entrant à droite, comme à la piste de quelqu’un, et sans les voir.

Où est donc passée la petite ?

BIRABEN.

C’était pour ?

 

 

Scène XII

 

LÉON, BIRABEN, ARTHUR, vêtu d’un paletot blanc

 

LÉON, l’apercevant et tout à coup.

Pour Monsieur !

BIRABEN.

Ah !

LÉON, faisant entrer Arthur.

Un ami !

ARTHUR, stupéfait.

Hein ? moi !

LÉON, à Arthur en le faisant descendre.

Arriver aussi tard !... c’est mal !

ARTHUR.

Mais...

LÉON, bas à Arthur.

Dites comme moi.

Haut à Biraben.

Je vous présente mon ami...

Il semble chercher.

ARTHUR, bas, de même, de plus en plus surpris.

Arthur... mais...

LÉON, à Biraben, en élevant la voix.

Mon ami Arthur !... un avocat !... la gloire du barreau !

ARTHUR, à part.

Je suis distillateur.

BIRABEN, saluant.

Monsieur...

ARTHUR, de même.

Monsieur...

LÉON, à Arthur avec aplomb en lui tapant sur l’épaule.

Et tu vas bien ?

ARTHUR, étonné, à part, en lui serrant la main que Léon lui tend.

Tu ?...

Haut.

Mais... pas mal ! et toi ?

LÉON, à part, en remontant prendre une chaise au fond.

Il y va ! très bien !

ARTHUR, à part.

Je me suis trompé, filons !

Il remonte pour sortir ; mais Léon le ramène et place la chaise pour lui à droite de la table.

BIRABEN.

Allons, messieurs ! à table !

LÉON.

Allons, Arthur, à table !

Il va prendre une autre chaise au fond à gauche et redescend.

ARTHUR, à part.

À déjeuner maintenant !

CHŒUR, en s’asseyant.

Air de Montenfriche.

Allons à table,
Le verre en main...
Et puis, au diable
Le lendemain !

ARTHUR, à part.

Où diable suis-je ici ?...

BIRABEN.

Je ne vous cache pas que j’ai bon appétit... Et vous ?

ARTHUR.

Moi aussi ! justement je n’ai pas déjeuné !

BIRABEN.

Parbleu ! puisqu’on vous attendait !

ARTHUR, étonné.

Comment ! on m’attendait ! qui ça ?

LÉON.

Hum ! hum !

Il lance un coup de pied sous la table pour prévenir Arthur, c’est Biraben qui le reçoit.

BIRABEN.

Aïe !

Il rend le coup de pied à Arthur.

ARTHUR.

Aïe !

Il rend le coup de pied à Léon.

LÉON.

Aïe !...

TOUS TROIS, se confondant en excuses.

Pardon ! pardon !

BIRABEN, à Arthur.

Vous m’avez l’air d’aimer les truffes ?

ARTHUR.

Énormément ! Les truffes et le beau sexe... voilà mon faible !

BIRABEN, sévèrement.

Qu’entendez-vous par le beau sexe ?

ARTHUR.

Eh bien ! les petites mères !...

LÉON, à part, avec effroi.

Il va lui conter des gaillardises !

BIRABEN, à Léon.

Je vous en redemanderai.

ARTHUR.

Moi aussi !

LÉON, à part, après les avoir servis.

Il ne restera plus rien pour les autres !

ARTHUR, continuant.

Figurez-vous que ce matin... j’en ai suivi une petite, depuis la rue Vivienne...

LÉON, à part.

Le paletot blanc !

ARTHUR.

J’avais bien cru la voir entrer ici.

BIRABEN, appuyant.

Ici ?

LÉON.

Hum ! hum !

Il lance à Arthur un coup de pied, c’est Biraben qui le reçoit.

BIRABEN.

Aïe !

Il rend le coup de pied à Arthur.

ARTHUR.

Aïe !

Il rend le coup de pied à Léon.

LÉON.

Aïe !

TOUS TROIS, jeu répété.

Pardon !... pardon !

ARTHUR, continuant.

Imaginez-vous une tournure charmante !... charmante !... et un pied !... avec des socques, par exemple !

BIRABEN, vivement.

Des socques ?

 

 

Scène XIII

 

LÉON, ARTHUR, BIRABEN, ERNEST, IRMA

 

ERNEST, entrant avec Irma au bras et descendant à gauche.

Nous voici ! je crève de faim !

LÉON, bondissant, à part, se relevant.

Saperlotte !

ERNEST, à part.

Hein ! Le capitaine !...

IRMA, à part.

Le capitaine !...

ARTHUR, à part.

Tiens ! c’est la petite !

BIRABEN, à part.

Une femme ! c’est louche !

Bas à Léon.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

LÉON, troublé, les présentant en élevant la voix.

Des amis... Monsieur et madame Ernest !... avocats !... la gloire du barreau !...

Biraben et Léon se sont levés pour la présentation et on se salue. Vivement et bas pendant le mouvement.

Filez !

ERNEST, remontant avec Irma.

Tu as tes affaires... nous reviendrons...

BIRABEN, les arrêtant et les ramenant.

Par exemple !... mettre en fuite une dame, je me le reprocherais toute la vie... donnez-vous la peine de vous asseoir !...

Il avance une chaise pour Irma à côté d’une autre placée entre la cheminée et la porte du premier plan à gauche.

LÉON, à part.

Bon ! voilà qu’il les installe !

ARTHUR, bas à Irma en lui envoyant des baisers.

Charmante ! charmante !

IRMA, rejoignant à gauche, à part, en même temps que Biraben reprend sa place et Léon la sienne.

Hein ! comment se trouve-t-il là, cet imbécile ?

Biraben et Arthur se sont remis à table, et Ernest et Irma s’asseyent à l’extrême gauche comme des personnes en visite.

LÉON, d’un air d’intelligence, à Ernest et Irma.

Excusez-moi de vous recevoir si mal...

BIRABEN.

Peut-on vous offrir ?

ERNEST, se relevant vivement avec Irma.

Avec plaisir !

LÉON, vivement, bas, en les faisant rasseoir.

Refusez !...

IRMA, vivement, à Biraben.

Merci, nous sortons de table !

ERNEST, à part.

Est-elle bête de dire ça !

BIRABEN, mangeant.

Ces truffes sont excellentes !

ERNEST, à part, avec inquiétude.

Sapristi ! il n’en restera plus !

BIRABEN, à Irma.

Madame est une jeune mariée ?

IRMA.

Moi ?

LÉON, vivement.

Oui, oui !... précisément !

Il leur fait des signes, à part, puis remange.

ERNEST.

Depuis six semaines, capitaine.

BIRABEN, étonné.

Capitaine ?

LÉON, vivement.

Et cinq jours !

IRMA.

Et nous faisons nos visites de noces...

À Ernest.

N’est-ce pas, mon bichon ?

ERNEST.

Oui, ma bichette !

LÉON, à Irma, après un silence, et en recommençant les signes.

Et comment se porte madame votre sœur ?

IRMA, étonnée.

Ma sœur ?

ERNEST, vivement en la tapant du coude.

Très bien !... Non, c’est-à-dire... toujours bien faible !... toujours bien faible !

Ils rient sous cape.

LÉON, à Biraben.

Ah ! voilà ce que c’est que de ne pas écouter les conseils... elle a voulu nourrir !

ERNEST.

Précisément !... je lui ai dit : Clarisse, tu veux nourrir, tu as tort de nourrir !...

BIRABEN.

Ah ! ben oui... mais les femmes...

Ici, un très longtemps, pendant lequel Biraben, Léon et Arthur mangent en silence, avec bruit de fourchettes et couteaux sur les assiettes. Ernest et Irma s’impatientent graduellement, en regardant au plafond, et autres jeux de scène comiques.

ERNEST, bas à Irma.

Ah çà ! je n’aime pas à déjeuner comme ça !

IRMA, de même.

Si nous nous la brisions ?

ERNEST.

Oui, brisons-nous-la !

Ils vont pour se lever, et se rasseyent aux premières paroles de Biraben.

BIRABEN.

Eh bien ! madame... et les bals, les fêtes, les spectacles !... comment les gouvernez-vous à Paris ?

ERNEST, minaudant.

Oh ! quant à nous, nous en usons modérément... très modérément... Une nouvelle mariée... vous concevez... dame !...

BIRABEN, souriant, avec un ton de réserve.

Ah ! madame... est-ce que ?...

ERNEST.

Nous l’espérons !... nous l’espérons !

IRMA, à part, et riant en lui donnant une tape dans le dos.

Qu’est-ce qu’il chante ?

ERNEST, à part.

Je roule le père... mais ça me creuse, sapristi !...

Il fait un mouvement d’impatience et lance avec sa canne ou son pied le socque d’Irma jusqu’au milieu du théâtre.

IRMA, courant vivement après son socque et le ramassant.

Ah !... prenez donc garde ! vous allez casser mon socque !

BIRABEN.

Hein ?

LÉON, à part, en se levant et s’écartant.

Maladroite !

BIRABEN, se levant et descendant vivement près d’elle.

Comment, madame, les socques que voici sont à vous ?

IRMA.

Oui, capitaine.

BIRABEN, étonné.

Capitaine !

ERNEST, vivement.

Nous les avons oubliés hier !

LÉON.

Voilà !... c’est bien simple !...

BIRABEN, à part.

Et moi qui me figurais...un pareil soupçon !... Est-on bête à Bayonne !

Irma est remontée porter son socque près du bureau à droite.

ARTHUR, à Irma, bas.

Charmante !

Il l’embrasse.

IRMA, poussant un cri, et redescendant vivement par derrière la table.

Aïe !...

TOUS.

Quoi donc ?

IRMA.

C’est ce monsieur qui m’embrasse !

ERNEST, riant.

Ah bien ! elle est bonne, celle-là !

BIRABEN, stupéfait.

Hein ! il trouve qu’elle est bonne !

Il ramène Arthur par le bras.

LÉON, bas à Ernest.

Mais fâche-toi donc !... tu es le mari !...

ERNEST, à part.

Ah ! oui !... tiens !

Haut à Arthur.

Monsieur, vous êtes un drôle !

BIRABEN.

Et un polisson !

IRMA.

Un polisson !...

ARTHUR, des deux côtés.

Monsieur !...

LÉON, bas à Ernest.

Donne-lui un soufflet !

ERNEST, de même, vivement.

Ah ! non, il me le rendrait !

LÉON.

Va donc !...

Il le lance sur Arthur en le faisant passer devant Irma et Biraben.

ERNEST, saisissant Arthur au collet et le bousculant avec un grincement féroce.

Je veux me rouler dans votre sang !

TOUS, avec une terreur comique.

Ah !

IRMA, effrayée.

Ils vont se massacrer !... Ah !...

Elle pousse un grand cri et tombe évanouie dans les bras de Biraben, qui la soulève et l’emporte dans ses bras.

BIRABEN.

Elle se trouve mal !

LÉON, indiquant la droite.

Là !... dans mon cabinet !... des sels !... du vinaigre !...

ENSEMBLE.

Air.

Autre accident et nouvelle aventure
Pour compliquer l’embarras général !
Il ne manquait, dans cette conjoncture,
Que de la voir aussi se trouver mal !

Léon est remonté pour ouvrir la porte du troisième plan à droite, et sort le premier.

BIRABEN, à Ernest, près de la porte, avec Irma dans les bras.

Je reviens ! ne bronchez pas ! je suis votre témoin ! On est solide à Bayonne !

Léon et Biraben sortent à droite, Arthur les a suivis jusqu’à la porte.

 

 

Scène XIV

 

ERNEST, ARTHUR

 

ERNEST, à part, effrayé.

Mon témoin !...

ARTHUR, même jeu, en redescendant.

Son témoin !...

ERNEST, à part.

Il faut que je me batte, à présent !

ARTHUR, de même.

Où me suis-je fourré ?... Un homme marié !...

Il chantonne un commencement d’air ; Ernest achève la phrase ; puis un silence, pendant lequel ils s’observent.

ARTHUR, toussant.

Hum ! hum !...

ERNEST, toussant.

Hum ! hum !...

ARTHUR, avec douceur.

Monsieur...

ERNEST, avec aplomb.

Monsieur...

ARTHUR, s’avançant.

Croyez que je regrette... j’ai peut-être été un peu... vif, avec madame votre épouse...

ERNEST, à part, vivement.

Il a peur !

Haut.

Vous comprenez, monsieur, qu’un baiser...

ARTHUR, vivement, d’un ton câlin.

Sur le front ! sur le front !

ERNEST.

Ah !... c’était... Bien sûr ?...

ARTHUR.

Je vous le jure !

ERNEST, enflant sa voix.

Je sais bien que c’est une circonstance atténuante... mais le monde est là... avec ses préjugés... il lui faut du sang !...

ARTHUR, très doucereux.

Oh ! du sang !... ou des excuses !

ERNEST.

Des excuses ! ce serait trop commode !... On embrasserait une femme, et on en serait quitte pour dire à son mari : « Pardon, monsieur, c’est sur le front... ça ne compte pas. » Non, monsieur, non !

ARTHUR, résigné.

Allons ! puisqu’il n’y a pas moyen... je suis à vos ordres.

Il se retourne pour remonter.

ERNEST, le retenant par le bras en le faisant retourner.

Mais, restez donc là !... vous remuez toujours.

ARTHUR.

Comment ?

ERNEST.

Causons... causons...

ARTHUR, à part.

Tiens !...

ERNEST.

Vous savez tirer l’épée ?

ARTHUR.

Pas du tout... je suis distillateur.

ERNEST, à part.

Très bien !...

Haut.

Moi, je touche Grisier... et son neveu... à la fois !

ARTHUR.

À la fois ?... Mâtin !...

ERNEST.

Supposez que nous sommes sur le terrain...

Mouvement d’Arthur, qui recule à droite.

Mais restez donc !... ça ne tue personne.

Il se met en garde.

Je vous perce le bras... une ! deux !...

Il se fend sur Arthur et lui touche le bras.

ARTHUR, poussant un cri.

Aïe !

ERNEST, d’un ton dégagé.

Parfait !... vous voilà blessé.

ARTHUR, se rapprochant.

Eh bien ! après ?

ERNEST, regardant autour de lui en baissant la voix et l’attirant à lui.

Après ?... attendez... Vous allez mettre votre bras en écharpe pendant un mois...

Comme à lui-même.

Et, pendant un mois, on se dit : « Tiens, tiens, tiens !... Mais, ce petit Ernest... il paraît qu’il donne de grands coups d’épée ! »

À Arthur.

Je n’en demande pas davantage.

À part.

C’est comme pour les femmes.

ARTHUR.

Comment ?

ERNEST.

Allez mettre votre bras en écharpe.

ARTHUR.

Sans nous battre ?

ERNEST.

Je n’en vois pas la nécessité.

ARTHUR, gaiement.

Oh !... mais j’aime bien mieux ça...

ERNEST.

N’est-ce pas ?

ARTHUR.

Monsieur... enchanté...

Ils se donnent une poignée de main en riant bruyamment.

ERNEST, de même.

Comment donc, monsieur, mais c’est moi... Chut.

Le faisant entrer à gauche, troisième plan.

Tenez ! entrez là... vous trouverez des cravates... des mouchoirs... dans l’armoire à glace... c’est à Léon !

ARTHUR.

Mille fois trop bon !... j’aime bien mieux ça !

Il disparaît.

 

 

Scène XV

 

ERNEST, puis POCHETTE

 

ERNEST, seul, et redescendant d’un air gaillard.

Ah ! c’est mon premier duel... je crois qu’il me fera de l’honneur !... Si je déjeunais ?... Après un duel, c’est reçu !

S’approchant de la table.

Sapristi ! ils n’ont laissé que des pilons !

Il s’assied, en prend un et mord dedans.

POCHETTE, paraissant au fond, et à la cantonade.

Merci !... je connais.

ERNEST.

Pochette !

POCHETTE, descendant.

Ernest !... mon ex-bras !... Léon est-il chez lui ?

ERNEST.

Oui... c’est-à-dire... il est en affaire.

Il emporte et rentre la table à droite.

POCHETTE, inquiète, à elle-même.

Je l’attendrai !... Je n’y comprends rien !... il devait me renvoyer mes lettres, mais j’aime mieux les prendre moi-même... Pendant mon absence, mon mari n’aurait qu’à les recevoir !...

ERNEST, revenant et l’examinant.

Ah ! à la bonne heure ! voilà une jolie robe... bien coupée !... et un petit mantelet coquet !... on aurait du plaisir à promener ça !... Seulement, elle monte un peu trop !...

La lui arrangeant en tournant autour d’elle.

Voulez-vous permettre, Pochette ?...

POCHETTE, à part.

Toujours le même. Quel drôle de petit bonhomme !

ERNEST.

Si vous saviez... on me fait remorquer des caracos !... Tiens ! vous avez toujours vos quatorze bagues !

POCHETTE.

J’en ai vingt-deux maintenant... sans compter mon alliance !

ERNEST.

Vingt-deux !... Pochette, monsieur votre mari est commerçant... il doit être très occupé... et, s’il vous plaisait de retomber dans mon bras...

Il le tend avec empressement.

POCHETTE.

Tiens ! tiens ! tiens ! monsieur Ernest !...

ERNEST.

Ah ! vous croyez ?... Oh ! non !... ce n’est pas pour ça !... ce n’est pas mon genre !

POCHETTE, avec coquetterie.

Cependant, si on voulait s’en donner la peine...

ERNEST.

Pochette, finissez !... je n’aime pas ces manières-là !

 

 

Scène XVI

 

ERNEST, POCHETTE, LÉON, puis BIRABEN, puis IRMA

 

LÉON, entrant à la cantonade.

Allons, très bien !... ça va mieux !

POCHETTE, le voyant entrer et remontant.

Ah ! le voilà !...

LÉON, avec explosion.

Ciel !... Pochette !...

POCHETTE.

Eh bien ! monsieur ! et mes lettres ?...

LÉON, voulant reconduire.

Oui... plus tard ! demain. Je n’ai pas encore eu le temps !

POCHETTE.

Hein ?

BIRABEN, dans la coulisse.

C’est bien, madame !... ne vous impatientez pas !

LÉON.

Lui !

ERNEST, remontant et venant à Léon.

Le capitaine !

LÉON, vivement à Pochette en poussant Ernest.

Prends le bras d’Ernest !

ERNEST.

Voilà !

Le mouvement s’exécute rapidement, et tous trois restent en position.

BIRABEN, entrant et descendant, à Ernest.

Madame votre épouse va mieux...

Apercevant Pochette.

Une autre femme ! Comment, monsieur, pendant que la vôtre se trouve mal ?...

LÉON, vivement, avec signe d’intelligence.

C’est... c’est sa sœur !...

ERNEST.

Oui, c’est ma sœur...

POCHETTE.

Quoi ?

LÉON, jeu continué.

Clarisse !...

ERNEST, appuyant.

Celle qui a voulu nourrir !

BIRABEN, à Pochette.

Ah ! pardon ! madame, comment se porte le petit ?

POCHETTE, comme à elle-même.

Quel petit ?

ERNEST, vivement.

Très bien ! très bien !... Il a la coqueluche !...

BIRABEN.

Ah ! le pauvre enfant !

Il gagne à droite.

IRMA, sortant de la chambre.

Me voilà tout à fait remise.

Léon remonte à elle très troublé.

BIRABEN, à Irma.

Vous ne vous attendiez pas à trouver ici madame votre belle-sœur ?

IRMA, passant d’un air étonné devant Léon, en regardant Pochette.

Ma belle-sœur !...

LÉON, ahuri, bas et vivement à Irma.

Silence !... Prends le bras d’Ernest !

BIRABEN.

Hein !...

Léon vient vivement à lui et lui explique en remontant.

ERNEST, à part, donnant le bras aux deux femmes.

Deux femmes !... je dois avoir l’air d’un Turc !... Ben-Ernest-Pacha !

IRMA, bas et jalouse, à Ernest.

Quelle est cette femme ?

POCHETTE, de même.

À qui donnez-vous le bras ?

TOUTES DEUX.

Parlez !

Elles le pincent.

ERNEST.

Aïe !... aïe !...

BIRABEN, redescendant vivement avec Léon.

Quoi ?

ERNEST.

Rien !

BIRABEN.

C’est drôle !... elles n’ont pas l’air de se connaître ?...

ERNEST.

Comment ! elles ne se connaissent pas ?... Tenez... regardez donc comme elles s’embrassent !...

Il les embrasse l’une après l’autre, en finissant par Pochette qui tourne devant lui en se défendant.

 

 

Scène XVII

 

ERNEST, POCHETTE, LÉON, BIRABEN, IRMA, ARTHUR, le bras en écharpe

 

ARTHUR.

Là !... c’est arrangé !...

Apercevant Ernest qui embrasse Pochette et poussant un grand cri.

Oh !...

POCHETTE, le reconnaissant.

Ah !

ARTHUR.

Ma femme !

POCHETTE.

Mon mari !

ERNEST et LÉON, à part.

Patatras !

ARTHUR.

Il embrasse ma femme !

BIRABEN, à Arthur.

Puisque c’est votre beau-frère !

ARTHUR.

Lui !... je ne le connais pas !...

Il jette au loin la cravate de son bras, puis sautant à la gorge d’Ernest.

Ah ! gueux !... ah ! gredin ! je veux me rouler dans ton sang !

ERNEST.

Aïe !...

POCHETTE, s’évanouissant.

Ils vont se massacrer ! Ah !

Elle pousse un grand cri et tombe dans les bras de Biraben.

BIRABEN.

Elle se trouve mal !... aussi !

ARTHUR, courant à Pochette.

Comment ! ma femme qui se trouve mal !...

La prenant des bras de Biraben et la soulevant.

Là !... dans ce cabinet !... des sels !... du vinaigre !...

ENSEMBLE précédent, reprise.

Même Air.

Autre accident et nouvelle aventure,
Pour compliquer l’embarras général !
Il ne manquait, dans cette conjoncture,
Que de la voir aussi se trouver mal !

ARTHUR, à Ernest, près de la porte, et sa femme dans ses bras.

Nous nous reverrons, monsieur !

Il emporte Pochette à gauche troisième plan ; Irma et Léon les y ont précédés.

 

 

Scène XVIII

 

BIRABEN, ERNEST, puis LÉON

 

ERNEST.

Ah mais ! j’en ai assez ! ça m’ennuie.

BIRABEN, qui a boutonné son habit en redescendant.

À nous deux, monsieur !

ERNEST.

Encore !

BIRABEN, secouant Ernest.

Ah ! vous vous êtes fichu de moi ?... Cette sœur de contrebande, c’était pour me faire aller !... et l’autre ! l’autre ! au moins, est-ce votre femme ?

Léon rentre et écoute.

ERNEST, se dégageant, avec explosion.

Eh bien ! non, là !... je n’ai pas de sœur ! je n’ai pas de femme ! je ne suis pas marié !

BIRABEN, se croisant les bras avec indignation.

Pas marié !

LÉON, même jeu, à Ernest, avec la même indignation jouée.

Pas marié !... vous osez introduire chez moi une femme qui n’est pas la vôtre ?

BIRABEN, serrant la main de Léon.

Très bien !

LÉON.

Vous osez souiller mon foyer domestique !

BIRABEN, jeu répété.

Très bien !...

ERNEST, à part.

Qu’est-ce qu’il a donc, celui-là ?...

LÉON.

Sortez, monsieur, sortez !

Il va prendre le chapeau d’Ernest à droite.

ERNEST, à part.

Il me flanque à la porte !... j’aime mieux ça !

BIRABEN.

Quand l’estime s’en va, l’amitié ne saurait lui survivre.

LÉON, donnant à Ernest son chapeau.

Tels sont les sentiments que nous avons toujours professés, M. Biraben et moi.

ERNEST, qui était remonté, s’arrêtant soudainement.

Biraben !

LÉON, à part, avec explosion.

Ah ! sapristi !

ERNEST, redescendant.

Ah ! vous êtes M. Biraben ?

BIRABEN.

De Bayonne... généralité de Pau !

ERNEST, tirant vivement une lettre de sa poche.

Alors, je demande l’explication de cet autographe.

Lisant.

« Je ne veux pas sacrifier ma fille !... non, mille fois non ! » Pourquoi ?

BIRABEN.

Ah ! c’est vous ?... vous êtes le galopin ?

ERNEST.

Plaît-il ?

BIRABEN.

Monsieur, ma fille est une fleur, je veux l’appareiller... et je ne la donnerai pas à un freluquet qui se dandine sur les trottoirs avec des demoiselles au bras !

ERNEST.

Ah ! c’est pour cela ?

BIRABEN.

Parbleu !

ERNEST.

Ah ! mais un instant, ça change la thèse !

LÉON, le suppliant.

Ernest !

ERNEST.

Écoute donc, mon ami, chacun pour soi !... Monsieur Biraben...

BIRABEN.

De Bayonne...

ERNEST.

Généralité de Pau !... il y a une petite erreur... Voici le bras qui promène, il est vrai, le bras d’Ernest !... mais voilà le cœur qui aime... le cœur de Léon !... la bouche qui le dit !... et les murs qui l’entendent...

BIRABEN.

Qu’est-ce que j’apprends là ?

LÉON, à part, avec accablement.

Tout est perdu !

ERNEST, avec satisfaction de lui-même.

Moi, je ne suis que... un promeneur, généralité de Paris... une espèce de pavillon... neutre, sous lequel on abrite la marchandise de contrebande. Je la promène, je la transporte... mais je n’y touche jamais !... ce n’est pas mon genre !... J’entreprends le roulage pour autrui, voilà tout.

BIRABEN, à part.

Quel drôle de commerce !

ERNEST, d’un air triomphant.

Eh bien ! qu’est-ce que vous dites de ça ?

BIRABEN.

Je dis... je dis qu’il y a ici un homme d’esprit...

ERNEST, le remerciant.

Ah ! Biraben !

BIRABEN.

Et un imbécile !

ERNEST, à part.

Ce pauvre Léon !

BIRABEN.

L’imbécile est celui qui accepte les inconvénients d’une position... neutre... sans en avoir les avantages...

LÉON, à part.

Hein ?

BIRABEN.

L’homme d’esprit... celui qui se ménage tous les profits d’une situation... et en met les désagréments sur le dos d’un sot !

ERNEST, à part.

Pauvre Léon !

BIRABEN.

Or, comme je veux que ma fille épouse un homme d’esprit...

ERNEST.

Vous me la donnez ?

BIRABEN.

Non... ! je la donne à Léon !

Il lui tend la main.

LÉON, avec transport.

Ah ! monsieur Biraben !

ERNEST.

Comment ! Mais, vous vouliez une fleur ?

BIRABEN.

Oui ! mais, pas un œillet d’Inde !

 

 

Scène XIX

 

BIRABEN, ERNEST, LÉON, IRMA, puis ARTHUR et POCHETTE

 

ARTHUR, à Ernest.

Monsieur, après ce qui s’est passé, vous ne trouverez pas mauvais que je vous demande l’heure...

ERNEST.

Comment donc !

Tirant sa montre.

Il est quatre heures et demie...

ARTHUR.

Non, monsieur !... l’heure du combat !

ERNEST.

Comment ! vous y pensez encore ?

ARTHUR.

Tant que vous ne m’aurez pas expliqué la présence de ma femme ici...

Pochette et Irma entrent.

ERNEST.

Rien de plus facile !... vous suiviez mademoiselle Irma...

POCHETTE, descendant ainsi qu’Irma.

Hein ?...

ARTHUR, bas.

Chut !... taisez-vous donc !

ERNEST.

Non, non !... il faut que tout s’explique !... vous suiviez mademoiselle Irma...

Mouvement affirmatif d’Irma.

Et votre femme qui est jalouse... vous a suivi !

ARTHUR.

Ah ! bah !

POCHETTE, à Arthur.

Tu me le paieras !

ERNEST, à part.

Il me semble qu’il l’a déjà payé !

BIRABEN, à Léon.

Ah çà ! plus de cascades !... ma fille vous le rendrait ! c’est tout le portrait de sa mère !

LÉON.

Soyez tranquille, beau-père.

IRMA, étonnée.

Beau-père !...

À Léon.

Vous vous mariez, monsieur ?...

BIRABEN.

Si vous voulez bien le permettre ?...

IRMA, vivement.

Ernest, votre bras !...

ERNEST, faisant son mouvement machinal.

Voilà !...

Se ravisant.

Ah ! non ! non !... j’en ai assez !

IRMA.

Comment ?

ERNEST.

Ma chère amie, à partir d’aujourd’hui, Ernest est manchot... des deux bras !

Biraben reprend la main de Léon avec satisfaction ; Arthur a pris le bras de sa femme et se dispose à partir, Irma remonte, et Ernest tient le milieu.

ENSEMBLE.

Reprise de l’Air : Friandise.

Plus de chaîne,
Plus de gêne,
Je reprends { la clef des champs...
Il reprend     {
Dans la vie,
La folie
Et les amours n’ont qu’un temps !

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